LEÇON QUATORZIÈME.
Des valeurs singulières qui satisfont aux équations dérivées et qui ne sont pas comprises dans les équations primitives. Théorie des équations primitives singulières.
La théorie des équations dérivées, exposée dans la Leçon XII, porte naturellement à conclure que toute valeur qui peut satisfaire à une équation dérivée donnée doit être renfermée dans son équation primitive, pourvu que celle-ci ait toute la généralité dont elle est susceptible par les constantes arbitraires qui doivent y entrer. Il y a néanmoins des équations dérivées auxquelles satisfont les valeurs que j’appelle singulières, parce qu’elles ne sont pas comprises dans leurs équations primitives. Ces sortes de valeurs se sont présentées aux géomètres presque dès la naissance du Calcul différentiel ; mais, comme la théorie des constantes arbitraires n’était guère connue alors, on n’a pas d’abord regardé ces valeurs comme formant une exception aux règles générales du Calcul différentiel. Euler est le premier qui les ait envisagées sous ce point de vue et qui ait donné des règles pour les distinguer des intégrales ordinaires.
Depuis, on a reconnu qu’elles dépendent de la théorie générale des équations différentielles ou dérivées, et qu’elles servent à la compléter c’est ce que nous allons développer avec toute l’étendue qu’exige l’importance de la matière.
Considérons une équation quelconque du premier ordre, représentée par
et supposons qu’elle soit dérivée de l’équation primitive
étant la constante arbitraire.
Suivant la théorie générale, cette équation
donnera l’équation dérivée
qui se réduit à la forme
conformément à la notation que nous avons employée jusqu’ici ; et ces deux équations, étant combinées ensemble de manière que la constante disparaisse, produiront la suivante
Maintenant il est clair que le résultat de l’élimination de sera le même, quelle que soit la quantité soit constante ou variable, pourvu que les deux équations
soient les mêmes. Donc aussi la même équation
pourra résulter de l’équation
en supposant variable et fonction de pourvu que l’équation dérivée
soit également
Mais, en regardant comme une fonction de on a
ainsi la condition dont il s’agit aura lieu si le terme
disparaît ; d’où il suit que la valeur de
tirée de l’équation primitive
satisfera également à l’équation du premier ordre
en prenant pour une fonction de déterminée par l’équation
Cette équation donne ou
L’équation donne égal à une constante quelconque ; c’est le cas de l’équation primitive ordinaire, dans lequel est la constante arbitraire.
Mais l’autre équation
dans laquelle est une fonction de et donnera, par la résolution, la valeur de en et et, cette valeur étant substituée dans l’équation primitive
on aura une nouvelle équation en et sans constante arbitraire, qui conduira également à la même équation dérivée, et qui sera nécessairement différente de l’équation primitive ordinaire, puisque dans celle-ci la quantité est une constante arbitraire, et que dans l’autre elle devient une fonction de et
Donc, en général, si l’on élimine des deux équations
on aura l’équation qui renfermera les valeurs singulières de qui peuvent satisfaire à l’équation dérivée
dont
est l’équation primitive ordinaire.
Nous appellerons cette équation équation primitive singulière, pour la distinguer de l’équation primitive ordinaire, que nous appellerons aussi équation primitive complète.
Il faut seulement remarquer que, comme l’essence de cette équation consiste en ce que la valeur de est une fonction variable, si l’équation
par laquelle on doit déterminer donnait pour une quantité constante, ou bien une telle fonction de et qui devînt égale à une constante en vertu de l’équation
dans laquelle on doit substituer cette valeur de ou qui, dans cette substitution, donnât le même résultat qu’on aurait par une valeur constante de alors cette équation cesserait d’être une équation primitive singulière, et ne serait plus qu’un cas particulier de l’équation primitive ordinaire.
Nous avons trouvé (Leçon XII) que l’équation du premier ordre
a pour équation primitive
où est la constante arbitraire. Faisant donc
et prenant les fonctions dérivées de tous les termes relativement à seul, on aura
donc l’équation
valeur qui, étant substituée dans l’équation primitive, donne
équation qui satisfait également à l’équation du premier ordre.
En effet, cette équation donne
ces valeurs substituées dans l’équation
la rendent identique.
Comme on sait, par la théorie des équations, que l’équation dérivée
relative à contient la condition qui rend égales deux des racines de l’équation
ordonnée par rapport à il s’ensuit que la valeur singulière de dans cette équation, a la propriété de donner à l’équation en une racine double.
On voit, en effet, que l’équation
acquiert une racine double, en faisant
Si l’équation primitive était
étant la constante arbitraire, l’équation dérivée relative à serait
d’où l’on tire
valeur qui, étant substituée dans la proposée, donne
et, par conséquent,
pour l’équation primitive singulière.
Mais, de ce que cette équation rend la valeur même de nulle, il suit qu’elle ne sera qu’un cas particulier de l’équation primitive ; en effet elle résulte de celle-ci, en y faisant
On peut appliquer aux équations des ordres supérieurs au premier la théorie que nous venons de donner sur les équations dérivées de cet ordre.
En effet, si
est l’équation primitive de l’équation de l’ordre
étant la constante arbitraire, celle-ci doit résulter de l’élimination de entre l’équation primitive et son équation dérivée ; et il est évident que le résultat de cette élimination sera le même, soit que la quantité soit constante ou variable, pourvu que les deux équations soient de la même forme.
Or l’équation primitive
est la même dans l’un et dans l’autre cas son équation dérivée est, dans le cas de constante,
et, dans le cas où
serait une fonction quelconque de
elle sera
donc les deux équations deviendront identiques si l’on détermine de manière que le terme disparaisse.
Faisant donc
on a ou
et par conséquent égal à une constante, ce qui est le cas ordinaire ; ou
ce qui donnera une valeur de en et laquelle, étant substituée dans l’équation primitive
donnera une équation du même ordre, qui satisfera également à l’équation
elle pourra donc être regardée aussi comme une équation primitive singulière sans constante arbitraire.
L’équation du second ordre
a pour équation primitive du premier ordre
comme on peut s’en assurer en éliminant au moyen de son équation dérivée
Si l’on prend l’équation dérivée relativement à on a
d’où l’on tire
valeur qui, étant substituée dans la même équation, donne celle-ci
Cette valeur de satisfait aussi à l’équation proposée ; màis c’est une valeur singulière, puisqu’elle n’est pas contenue dans l’équation primitive.
Si l’on cherche l’équation primitive de l’équation du premier ordre
il est facile de trouver celle-ci
où est la nouvelle constante arbitraire.
Si maintenant on élimine de ces deux équations, on aura la suivante
qui sera par conséquent l’autre équation primitive du premier ordre de la proposée.
On peut donc aussi chercher une équation primitive singulière d’après cette équation-ci, en prenant son équation dérivée relativement à et l’on trouvera
d’où l’on tire
Substituant cette valeur dans l’équation précédente, elle devient
Cette équation donne ces deux-ci
La première ne satisfait pas à la proposée, car elle donne c’est la même que nous avons trouvée ci-dessus.
et, de là,
La seconde donne
c’est la même que nous avons trouvée ci-dessus.
Ainsi les deux équations primitives du premier ordre ne donnent que la même équation singulière.
Il serait cependant naturel de penser que des équations primitives différentes devraient donner aussi différentes valeurs singulières ; mais nous allons démontrer, a priori, que l’on a toujours la même équation primitive singulière, de quelque équation primitive qu’on la déduise ; ce qu’on ne savait pas jusqu’ici.
Considérons une équation du second ordre ; représentée en général par
et dont l’équation primitive entre et soit
et étant les deux constantes arbitraires.
Par la théorie générale, on aura ses deux équations primitives du premier ordre, en éliminant ou par le moyen de cette même équation et de sa première équation dérivée
et étant ici regardées comme constantes.
Comme la fonction dérivée renferme, outre les constantes et la fonction désignons-la par
Ainsi on aura les deux constantes primitives du premier ordre, en substituant alternativement, dans la même équation
la valeur de en et la valeur de en et tirées de la même équation
Ensuite on aura les équations primitives singulières, en éliminant de la première par le moyen de son équation dérivée, prise relativement à et en éliminant de la seconde par le moyen de son équation dérivée, prise relativement à
Considérons d’abord, dans l’équation
la quantité comme une fonction de déterminée par l’équation
son équation dérivée, prise relativement à sera
en supposant que soit la fonction dérivée de prise relativement à or, comme est une fonction de déterminée par l’équation,
on aura la valeur de en prenant la dérivée de cette équation par rapport à opération qui donne
Si maintenant on élimine de ces deux équations, on a
Cette équation, étant combinée avec les deux
donnera, par l’élimination de
et
l’équation singulière résultant de l’équation dérivée relative à
En regardant de même comme fonction de dans l’équation
on aura également l’équation dérivée relative à
et la valeur de dépendra alors de l’équation dérivée relativement à
de sorte que, par l’élimination de on aura pareillement
Ainsi l’équation primitive singulière, déduite de l’équation dérivée relative à sera encore le résultat de l’élimination de et par le moyen de l’équation précédente et des équations
Donc ce résultat sera le même dans les deux cas, puisque les équations sont les mêmes.
Il suit de là qu’on peut trouver directement l’équation primitive singulière d’une équation du second ordre, au moyen de son équation primitive complète, sans connaître en particulier les deux équations primitives du premier ordre ; car, soit
cette équation, où et sont les deux constantes arbitraires ; il n’y aura qu’à éliminer et au moyen des quatre équations
en supposant
On peut appliquer le même raisonnement aux équations des ordres supérieurs, et en tirer des conclusions semblables. Ainsi, si
est supposée l’équation primitive entre et et les trois constantes arbitraires d’une équation dérivée du troisième ordre, les trois équations primitives du second ordre donneront une même équation primitive singulière de ce même ordre, qui ne sera que le résultat de l’élimination de et de au moyen de ces six équations
en supposant
et ainsi de suite.
Ainsi l’équation du second ordre
ayant, comme on l’a vu ci-dessus, pour équation primitive entre et l’équation
où et sont les constantes arbitraires, on aura tout de suite l’équation primitive singulière du premier ordre, en combinant cette équation avec son équation dérivée ordinaire, et avec les deux dérivées de celles-ci, prises par rapport à et en regardant comme fonction de et de manière que les quantités et disparaissent.
Pour donner plus de généralité à cet exemple, en conservant la constante dans l’équation dérivée, je donnerai d’abord à l’équation primitive la forme
et j’aurai pour sa dérivée
Prenant maintenant les dérivées de l’une et de l’autre relativement à il viendra
étant supposé fonction de
En éliminant d’abord on a
les deux premières donnent ensuite, en éliminant
substituant la valeur de il vient
comme plus haut.
Soit encore l’équation du second ordre
dont l’équation primitive en et est
Si l’on élimine tour à tour et de cette équation, au moyen de son équation dérivée
on a ces deux-ci
En prenant l’équation dérivée de la première relativement à on trouve
d’où résulte
valeur qui, étant substituée dans la même équation, donne
De même l’équation dérivée de la seconde, relativement à sera
d’où l’on tire
et la substitution de cette valeur donnera
ces deux équations reviennent au même, car elles se réduisent l’une et l’autre à celle-ci
qui est, par conséquent, l’équation primitive singulière de la proposée du second ordre.
On aura le même résultat en éliminant immédiatement et au moyen de l’équation primitive
de sa première dérivée
et de leurs deux dérivées par rapport à
Ces deux-ei donnent, en éliminant
En combinant celle-ci avec la seconde, on trouve
et, ces valeurs étant substituées dans la première, il vient
comme ci-dessus.
Si de l’équation primitive
on tire la valeur de en fonction de
et qu’on la désigne par
il est clair qu’en substituant cette fonction à la place de dans la
même équation, elle deviendra nécessairement identique par conséquent ses équations dérivées, relatives à
en particulier, auront lieu aussi.
On aura donc
où j’ai conservé, sous le signe la lettre à la place de sa valeur
De là on déduira
Donc, puisque la quantité devient nulle dans le cas de l’équation primitive singulière, il s’ensuit que, dans ce même cas, les valeurs de
deviendront chacune infinie.
Ce caractère fournit aussi un moyen général de trouver l’équation primitive singulière ; et ce moyen est surtout utile, lorsque l’équation primitive est sous la forme
laquelle paraît échapper à la règle générale établie ci-dessus, car on aurait ici
et, de là,
d’où l’on ne pourrait rien conclure relativement à l’équation primitive singulière.
Il faut néanmoins observer que, quoiqu’il soit vrai que l’équation primitive singulière rend les fonctions
infinies, on n’en doit pas conclure que toute équation qui rendra ces quantités infinies sera une équation primitive singulière ; il faudra, de plus, que cette équation ne rende pas la fonction
égale à une constante, car on n’aurait alors qu’un cas particulier de l’équation primitive générale.
Par exemple, si
on aura
l’une et l’autre de ces quantités deviennent infinies, en faisant pourvu que
Mais cette équation
rend la valeur de égale à zéro ou à l’infini, suivant que est positif ou négatif ; donc elle ne peut pas être une équation primitive singulière.
Prenons l’équation du premier exemple
elle donne
donc
et, de là,
où l’on voit que ces deux fonctions deviennent infinies par l’équation primitive singulière
Nous avons trouvé plus haut cette équation du premier ordre
pour l’équation primitive singulière de l’équation du second ordre
en dégageant la fonction on a
et, divisant par on obtient
équation dont les deux membres sont des fonctions dérivées exactes.
En prenant leurs fonctions primitives, et ajoutant la constante arbitraire on aura l’équation primitive
comme il est facile de s’en assurer en prenant les fonctions dérivées de ses deux membres.
Cette équation est, comme l’on voit, bien différente de l’équations primitive complète
mais elle satisfait également à l’équation proposée du second ordre, parce qu’elle satisfait, en général, à l’équation du premier ordre, qui satisfait à celle du second ordre, comme primitive singulière.
Mais cette équation du premier ordre peut avoir elle-même une primitive singulière qu’il est bon de chercher.
Comme la constante est débarrassée des variables et on a immédiatement
de sorte que, en désignant cette fonction par et prenant les fonctions dérivées relatives à ou on aura sur-le-champ
donc, supposant cette quantité infinie, on aura l’équation
pour l’équation primitive singulière de l’équation du premier ordre, qui est déjà elle-même une primitive singulière de la proposée du second ordre.
Elle satisfait, en effet, comme on peut s’en assurer, à l’équation du premier ordre ; mais elle ne satisfait plus à celle du second ordre.
On aurait pu aussi déduire immédiatement cette même équation singulière de l’équation primitive entre et
en déterminant et par ses deux équations dérivées relatives à et
On aura ainsi
d’où l’on tire
substituant ces valeurs dans l’équation précédente, elle deviendrait
Il n’est pas difficile, en effet, de démontrer, par la théorie générale des équations primitives singulières, que ces sortes d’équations primitives singulières doubles résultent de l’équation primitive
en éliminant les deux constantes et par les deux équations particulières
Et par là il est aisé de voir la raison pourquoi elles ne satisfont pas, en général, à l’équation du second ordre, dont
est l’équation primitive complète avec les deux constantes arbitraires et
Car soit
cette équation du second ordre ; elle résulte, comme nous l’avons vu, de l’élimination de et regardées comme constantes, au moyen des trois équations
Mais, lorsqu’on regarde et comme des fonctions de et l’équation dérivée de
n’est plus simplement
mais elle devient
laquelle se réduit cependant à
en déterminant
et
par les deux conditions
qui sont celles de l’équation primitive singulière double.
Comme la fonction dérivée étant développée, renferme les variables et les deux constantes et désignons-la par il est clair que la troisième équation
où et sont regardées comme constantes, sera représentée par
mais, dans le cas où ces quantités sont variables, elle deviendra
qui ne se réduit plus à
parce que les deux fonctions et ne sont pas nulles.
Ainsi il est impossible que l’équation
dans laquelle et sont des fonctions de et déterminées par les conditions
satisfasse généralement à l’équation du second ordre qui résulte de la même équation par l’élimination des quantités et au moyen de ses deux dérivées, première et seconde, prises en regardant et comme constantes.
On peut étendre cette théorie aux équations primitives des équations des ordres supérieurs.
Ainsi, si l’on a l’équation primitive
où
sont trois constantes arbitraires, et qu’on détermine ces trois quantités par les trois conditions
on aura une équation primitive singulière triple, qui sera, par conséquent, la primitive singulière d’une équation du premier ordre, qui sera elle-même la primitive singulière d’une autre du second ordre, laquelle sera enfin la primitive singulière de l’équation du troisième ordre, dont la même équation
sera la primitive ordinaire complète avec les trois constantes arbitraires mais cette équation primitive singulière triple ne satisfera ni à l’équation du troisième ordre, ni même à sa primitive singulière du second ordre.
Nous avons démontré plus haut que les fonctions ont des valeurs infinies dans le cas de l’équation primitive singulière de la dérivée, dont
est la primitive ordinaire, avec la constante arbitraire
On peut conclure de là, tout de suite, que tout multiplicateur qui rendra une équation de l’ordre quelconque telle que
une dérivée exacte d’une équation de l’ordre inférieur deviendra nécessairement infini en vertu de l’équation primitive singulière de la même équation.
Car soit ce multiplicateur on aura donc, par l’hypothèse,
et l’équation primitive sera
Or,
Donc
par conséquent la quantité deviendra infinie par la substitution de la valeur de donnée par l’équation primitive singulière.
Cette conclusion suit aussi directement de la forme même des multiplicateurs, que nous avons donnée dans la Leçon XIII. En effet, si l’équation est du premier ordre, comme
elle n’aura qu’une équation primitive, telle que
et tous les multiplicateurs de cette équation sont nécessairement renfermés dans la formule étant une fonction quelconque de en supposant qu’on substitue pour sa valeur tirée de la même équation
donc, puisque l’équation primitive singulière rend la fonction nulle, tous les multiplicateurs deviendront aussi infinis.
Si l’équation dérivée est du second ordre, comme
elle peut avoir deux équations primitives différentes, chacune du premier ordre, telles que
et la formule générale des multiplicateurs sera
étant une fonction quelconque de
et
c’est-à-dire de leurs valeurs déterminées par les équations précédentes.
Or l’équation primitive singulière rend nulle chacune des deux fonctions dérivées donc tous les multiplicateurs deviendront infinis dans le cas de cette équation, et ainsi de suite.
Par exemple, l’équation
qui est la même que celle qu’on a considérée ci-dessus, pour l’un de ses multiplicateurs, la quantité
En supposant ce multiplicateur infini, on a
pour son équation primitive singulière ; ce qui s’accorde avec ce qu’on a déjà trouvé.
On a donc ainsi un nouveau moyen de trouver les équations primitives singulières par les multiplicateurs.
Mais, quoiqu’il soit prouvé que tout multiplicateur doit devenir infini par l’équation primitive singulière, on ne peut pas dire, réciproquement, que toute équation qui rendra un multiplicateur infini sera une équation singulière. En effet, la formule générale des multiplicateurs étant pour le premier ordre il est évident que sa valeur peut devenir infinie sans que l’on ait
car pour cela il suffit que l’une ou l’autre des fonctions reçoive une valeur infinie.
Au reste, on peut se convaincre aussi, par ce raisonnement fort simple, que l’équation primitive singulière doit rendre infini tout multiplicateur d’une équation d’un ordre quelconque de la forme
Car, étant un multiplicateurde cette équation, on aura
et l’équation deviendra
dont la primitive sera
étant une constante arbitraire.
Maintenant l’équation primitive singulière doit satisfaire à la proposée
et ne doit pas être comprise dans sa primitive complète
Donc la valeur de tirée de la primitive singulière, étant substituée dans la fonction ne doit pas la rendre égale à une constante ; par conséquent elle ne devra pas rendre nulle sa dérivée
Donc cette valeur doit rendre nulle la quantité
et ne doit pas rendre nulle la quantité
ce qui ne peut avoir lieu qu’autant qu’elle rendra la quantité infinie.
C’est à peu près de cette manière que Laplace a démontré le premier cette proposition importante, que d’autres géomètres avaient entrevue, mais dont on n’avait pas encore donné une démonstration rigoureuse. Voir son Mémoire sur les Solutions particulières, parmi ceux de l’Académie des Sciences de 1772.