Leçons sur le calcul des fonctions/Leçon 15

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LEÇON QUINZIÈME.

Comment l’équation primitive singulière résulte de l’équation dérivée.

Par les principes que nous venons d’établir, on peut trouver l’équation primitive singulière de toute équation dérivée dont on connaît déjà l’équation primitive de l’ordre immédiatement inférieur, ou dont on est en état de trouver cette équation à l’aide d’un multiplicateur.

Nous allons voir maintenant comment on peut déduire l’équation primitive singulière de l’équation dérivée seule.

Pour cela, il faut examiner ce que l’équation dérivée devient dans le cas de l’équation primitive singulière.

Reprenons le principe fondamental des équations primitives singulières.

Si

est l’équation primitive d’une équation du premier ordre, celle-ci sera le résultat de l’élimination de la constante au moyen de son équation dérivée

relative à et et l’équation primitive singulière sera le résultat de l’élimination de la même quantité au moyen de l’équation dérivée

relative à

Supposons que l’on tire de l’équation

la valeur de en fonction de que je représenterai par et qu’on substitue cette fonction au lieu de dans l’équation primitive

on aura une équation en qui sera la dérivée de la proposée.

Ainsi, en désignant simplement par la fonction on aura

pour l’équation dérivée.

Prenons maintenant la dérivée de celle-ci, et, comme est une fonction des variables on aura cette équation

où l’expression est la même chose que le premier membre de l’équation ci-dessus

si ce n’est qu’à la place de il y a sa valeur tirée de cette même équation ; d’où il suit que l’expression dont il s’agit sera identiquement nulle, puisqu’elle est censée être le résultat de la substitution de la valeur de qui la rend nulle.

La dérivée de l’équation du premier ordre

se réduira donc simplement à celle-ci

laquelle se décompose, comme l’on voit, en ces deux-ci,

La première

est une équation du second ordre qui donne la valeur de en et

Cette équation a pour équation primitive égal à une constante arbitraire ; ainsi

sont deux équations primitives du premier ordre de la même équation du second ordre

donc, par la théorie exposée dans la Leçon XII, éliminant de ces deux équations, on aura l’équation primitive de

dans laquelle sera la constante arbitraire ; mais, comme n’est contenue que dans la fonction le résultat de cette élimination sera le même que celui de l’élimination de par conséquent ce résultat sera

ce qui redonne la même équation primitive d’où l’on était parti.

Considérons maintenant l’autre équation

celle-ci satisfait aussi, comme l’on voit, à la même équation du second ordre ; mais, comme elle ne contient que les fonctions et elle peut être regardée comme une équation primitive du premier ordre de la même équation, mais sans constante arbitraire. Ainsi, en éliminant par le moyen de celle-ci et de l’équation du premier ordre

on aura une nouvelle équation primitive de cette même équation, qui sera nécessairement différente de l’équation primitive

Or, comme la quantité n’est contenue que dans la fonction le résultat de l’élimination de des deux équations

sera le même que celui de l’élimination de comme nous l’avons

déjà observé plus haut ; et ce résultat sera évidemment le même que celui de l’élimination de la quantité des deux équations

Donc, par ce qu’on a démontré dans la Leçon précédente, ce résultat donnera l’équation primitive singulière de l’équation dérivée dont

est l’équation primitive ordinaire, étant la constante arbitraire.

D’où l’on doit conclure que l’équation

donnera, par l’élimination de la même équation primitive singulière de la proposée du premier ordre

qu’on eût trouvée d’après son équation primitive

suivant les principes et la méthode exposés dans la Leçon précédente.

On voit par là qu’il est toujours possible de mettre l’équation dérivée sous une forme telle que sa dérivée donne elle-même immédiatement l’équation primitive singulière, s’il y en a une ; et c’est une observation qui n’avait point encore été faite jusqu’ici.

Reprenons l’équation du premier exemple de la Leçon précédente

en la regardant comme une équation primitive dont est la constante arbitraire ; pour avoir l’équation dérivée qui ait la propriété dont il s’agit, il faudra y substituer pour sa valeur tirée de la dérivée

Ainsi l’équation dérivée dont il s’agit sera

En prenant la dérivée de celle-ci, on a

équation qui se réduit à

comme nous l’avons déjà ohservé dans la Leçon XII.

En la mettant sous la forme

on voit qu’elle revient à

en supposant

et prenant pour la valeur de tirée de l’équation prime

Le facteur du premier ordre donne l’équation

valeur qui, étant substituée dans l’équation du premier ordre, la réduit à

équation primitive singulière, comme nous l’avons déjà trouvée ; car l’équation dérivée, que nous considérons ici, est la même que l’équation

que nous avons considérée dans le premier exemple de la Leçon précédente mais, sous cette forme, elle n’aurait pas son équation prime décomposable en deux facteurs.

Le facteur du second ordre étant fait égal à zéro, donnera

On aurait aussi facilement par ce facteur l’équation primitive ; car, étant la fonction dérivée exacte de il donnera tout de suite l’équation primitive du premier ordre

multipliant par et prenant de nouveau les fonctions primitives, il vient

et étant des constantes arbitraires ; mais la proposée n’étant que du premier ordre ne peut avoir qu’une constante arbitraire ; il faut donc qu’il y ait une relation entre ces deux arbitraires ; pour la trouver il faut substituer dans la proposée les valeurs de et tirées des équations primitives que nous venons de trouver. Ces valeurs sont et et l’on aura

de sorte que l’équation primitive sera

comme ci-dessus.

Il n’est pas même nécessaire de passer à une seconde équation primitive car ayant trouvé il n’y a qu’à substituer tout de suite la valeur de dans la proposée du premier ordre, et l’on aura aussi

Considérons les équations du second ordre. Soit

l’équation primitive du premier ordre d’une équation dérivée du second.

En éliminant au moyen de l’équation

on aura l’équation du second ordre ; et, en l’éliminant au moyen de l’équation

on aura l’équation primitive singulière.

Soit ou simplement la valeur de en fonction de tirée de l’équation

en substituant cette valeur dans l’équation primitive, on aura une équation dérivée de la forme

et, si l’on prend l’équation dérivée de celle-ci, il est visible que la partie relative à la variation de sera identiquement nulle, puisque la quantité qui y est regardée comme constante, est supposée déterminée par l’équation même

Il ne restera donc que l’équation

qui se décompose en

L’équation

sera du troisième ordre, et donnera la valeur de Son équation primitive sera évidemment

en prenant pour une constante quelconque. Éliminant qui est

contenu dans au moyen de l’équation dérivée

on aura le même résultat que par l’élimination de c’est-à-dire,

équation primitive.

L’autre équation

donnera aussi, par l’élimination de le même résultat que par l’élimination de et, par conséquent, le même résultat que par l’élimination de au moyen des équations

qui sont les mêmes en y changeant en

Donc ce résultat sera l’équation primitive singulière de l’équation du second ordre dont

est l’équation primitive du premier ordre.

L’équation du second ordre

que nous avons considérée dans les Leçons précédentes, a pour dérivée

qu’on peut mettre sous cette forme

Le facteur n’étant que du même ordre que la proposée, donnera, par l’élimination de une équation primitive singulière de celle-ci ; car, en faisant on a

valeur qui, étant substituée dans la proposée, donne

comme nous l’avons trouvé dans la Leçon précédente.

L’autre facteur donnera l’équation du troisième ordre

qui, étant divisée par a pour primitive du second ordre

étant une constante arbitraire ; celle-ci donne

substituant cette valeur dans la proposée, on a

équation primitive, comme on l’a vu dans la Leçon citée.

Le même procédé s’applique aux équations d’un ordre quelconque ; et l’on en peut conclure, en général, que toute équation dérivée est susceptible d’une forme telle que sa dérivée ait deux facteurs, dont l’un réponde à l’équation primitive ordinaire, et dont l’autre donne immédiatement l’équation primitive singulière, s’il y en a une ; ce qui jette un nouveau jour sur la nature des équations primitives singulières car il est évident que les deux facteurs de l’équation dérivée, étant indépendants l’un de l’autre, doivent satisfaire chacun en particulier à cette équation, et par conséquent aussi à son équation primitive proposée.

En même temps on voit que le facteur qui donne l’équation primitive singulière, et qui est du même ordre que la proposée, ne pourra pas satisfaire aux équations des ordres supérieurs, puisqu’il ne satisfait pas à celle qui résulte de l’autre facteur, et qui contient seule les fonctions dérivées d’un ordre plus élevé que la proposée.

Je considère maintenant que, comme toute équation dérivée du premier ordre, telle que

ne peut être que le résultat de l’élimination de la constante arbitraire au moyen de l’équation primitive

et de sa dérivée

ainsi que nous l’avons vu dans la Leçon XII, et que l’équation

est déjà le résultat de cette élimination par ce que nous avons démontré plus haut ; il suit, de la théorie connue de l’élimination, que, si les deux équations

ne sont pas identiques, elles ne peuvent différer que par un facteur qui affectera l’une des deux, et qui ne pourra être qu’une fonction de et

Supposons donc que soit un pareil facteur, en sorte qu’on ait l’équation identique

On aura donc, en prenant les fonctions dérivées,

mais nous avons déjà vu que la dérivée de se réduit à donc, substituant pour et mettant à la place de sa valeur on aura

c’est la forme générale de la dérivée de la fonction qui est le premier membre de l’équation proposée.

On voit par là qu’étant proposée l’équation du premier ordre

on pourra satisfaire à sa dérivée

indépendamment de la valeur de par le moyen de l’équation du même ordre

combinée avec la proposée ; de sorte que ces deux équations pourront être regardées également comme des équations primitives du premier ordre de la même équation dérivée

du second ordre. Par conséquent il n’y aura qu’à éliminer entre elles pour avoir une équation primitive de la proposée, laquelle ne sera qu’une primitive singulière, comme nous l’avons démontré ci-dessus.

Maintenant, si dans la fonction dérivée on sépare la partie affectée de elle devient suivant la notation que nous avons adoptée. Ainsi la dérivée de l’équation proposée

sera

et il est visible qu’on ne peut satisfaire à cette équation indépendamment de la valeur de qu’en égalant séparément à zéro les deux fonctions et il est facile de voir, en effet, par la comparaison de l’expression précédente de avec la forme générale trouvée ci-dessus, que les deux équations

emportent ces deux-cis

et réciproquement.

On aura donc l’équation primitive singulière de la proposée

en faisant, dans sa dérivée

les deux équations séparées

et éliminant la fonction au moyen de la proposée.

Si les deux résultats donnent la même équation entre et ce sera l’équation primitive singulière ; sinon ce sera une marque que la proposée n’admet pas d’équation primitive de cette espèce.

Lorsque les deux fonction et ont un facteur commun, ce facteur égalé à zéro remplit les deux conditions, et donne l’équation primitive singulière par l’élimination de au moyen de la proposée c’est le cas où celle-ci est de la forme

comme nous l’avons vu au commencement de cette Leçon. Il y a, au reste, une forme plus générale que celle-ci, où la dérivée est toujours décomposable en deux facteurs dont l’un donne l’équation primitive singulière ; nous en parlerons plus bas.

L’équation du premier ordre

qui est la même que nous avons considérée au commencement de cette Leçon, mais multipliée par a pour dérivée

On voit ici que les deux fonctions et n’ont aucun facteur commun cependant, si on les fait chacune séparément égale à zéro, elles donnent ces deux valeurs de savoir,

et qui étant substituées dans la proposée, donnent ces deux-ci

lesquelles se réduisent à la même, savoir,

Ainsi cette équation est la primitive singulière de la proposée, comme nous l’avions déjà trouvé.

Je remarque maintenant que l’équation du premier ordre

ayant pour dérivée

donne en général

Mais nous venons de voir que, dans le cas de l’équation primitive singulière, on a séparément

donc on aura, dans ce cas,

ce qui donne cette règle générale et fort simple pour trouver l’équation primitive singulière de toute équation du premier ordre lorsqu’il y en a une.

Cherchez, en prenant les fonctions dérivées, la valeur de la fonction seconde et supposez-la égale à zéro divisé par zéro, vous aurez deux équations en et qui, étant combinées avec la proposée, donneront, par l’élimination de deux autres équations en et Si elles ont un facteur commun, ce sera l’équation primitive singulière de la proposée.

On peut appliquer ce procédé à l’exemple que nous avons traité ci-dessus.

Soit encore l’équation du premier ordre

sa dérivée sera

d’où l’on tire

Faisant cette expression on aura les deux équations

d’où il faudra éliminer par le moyen de la proposée. La seconde donne

cette valeur, substituée d’abord dans la première, donne celle-ci

et, substituée dans la proposée, elle donne

ces deux équations se réduisent, comme l’on voit, l’une et l’autre à celle-ci

qui sera, par conséquent, l’équation primitive singulière de la proposée.

On peut s’en assurer, en effet, par l’équation primitive qui est

ou est la constante arbitraire. Sa dérivée relative à sera

laquelle donne

et l’équation primitive devient, par la substitution de cette valeur,

la même que nous venons de trouver.

Il est facile de voir, par l’expression générale de que non seulement cette expression devient en vertu de l’équation primitive singulière, mais que les expressions des fonctions suivantes deviendront aussi en les réduisant d’abord en simples fonctions de tirées de l’équation proposée, et substituant ensuite la valeur de en donnée par l’équation primitive singulière.

On peut regarder cette propriété de l’équation primitive singulière comme son vrai caractère distinctif ; et l’on peut se convaincre d’ailleurs que son existence dépend, en effet, de ce que les valeurs des fonctions des ordres supérieurs à la proposée demeurent indéterminées.

Car, si ces valeurs ne devenaient pas indéterminées dans le cas de l’équation primitive singulière, on pourrait, dans ce cas même, employer la formule générale donnée dans la Leçon XII

dans laquelle sont les valeurs qui répondent à et la quantité qui est la constante arbitraire, recevrait alors une valeur particulière dépendante de cette équation ; de sorte que la valeur de en au lieu d’être une valeur singulière, ne serait plus, contre l’hypothèse, qu’un cas particulier de la valeur générale.

Il arrive donc ici ce qui a lieu dans les formules générales, lorsqu’il y a des cas qu’elles ne peuvent pas représenter elles donnent alors zéro divisé par zéro ; c’est, pour ainsi dire, le moyen que l’analyse emploie pour échapper aux contradictions ; les racines imaginaires n’indiquent pas, à proprement parler, une contradiction, mais une impossibilité.

Cette théorie s’applique également aux équations des ordres supérieurs au premier, et fournit des conclusions semblables.

En représentant par

l’équation primitive du premier ordre d’une équation du second ordre, nous avons vu que celle-ci peut se réduire à

et que sa dérivée sera alors

Or, quelle que puisse être la forme sous laquelle une équation proposée du second ordre pourra se présenter, comme, en dernière analyse, elle doit toujours être le résultat de la même élimination qui donne l’équation

il s’ensuit qu’elle ne pourra être que celle-ci multipliée par une fonction quelconque du même ordre ou d’un ordre inférieur.

Ainsi, si l’équation proposée est

on aura nécessairement

étant une fonction de

De là, en prenant les fonctions dérivées, et mettant pour on aura, comme plus haut, l’équation

D’où il est aisé de conclure que l’on pourra satisfaire à la dérivée

de la proposée, indépendamment de la valeur de la fonction tierce au moyen des deux équations du second ordre

dont la seconde est la proposée ; et qu’on aura l’équation primitive singulière de celle-ci, en éliminant des mêmes équations. Or, la dérivée de la proposée étant de la forme

on n’y peut satisfaire, indépendamment de la valeur de que par les deux équations séparées

Il faudra donc éliminer de chacune de ces deux équations, au moyen de la proposée

et, si les deux résultats donnent une même équation, ce sera l’équation primitive singulière de la proposée.

On voit, en même temps, que puisqu’on a, en général,

les deux équations dont il s’agit rendent la valeur de égale à de sorte que l’on peut regarder la condition de comme celle qui détermine l’équation primitive singulière de la proposée du second ordre.

En appliquant les mêmes principes aux équations d’un ordre quelconque ième, on en conclura que, pour trouver son équation primitive singulière, si elle en a une, il faudra tirer de sa dérivée la valeur de la fonction de l’ordre suivant, et la faire en égalant séparément le numérateur et le dénominateur à zéro, et éliminer ensuite de ces deux équations la fonction au moyen de la proposée.

Si ces deux éliminations donnent un même résultat, ce sera l’équation cherchée.

Nous avons vu plus haut que l’équation du second ordre

a pour dérivée une équation résoluble en facteurs dont l’un, qui n’est que du second ordre, donne sur-le-champ l’équation primitive singulière par l’élimination de Mais, si la même équation était proposée sous la forme

sa dérivée

ne présenterait plus de facteur.

Or elle donne

Égalant à zéro séparément le numérateur et le dénominateur, on a ces deux équations

La première donne ce qui, étant substitué dans la proposée, donne

La deuxième donne

dont la substitution dans la proposée donne

Ainsi cette équation est la primitive singulière de la proposée, comme nous l’avons déjà trouvé.

Considérons encore l’équation du second ordre

Prenons les fonctions dérivées pour avoir la valeur de on trouvera

c’est-à-dire,

d’où l’on voit que deviendra en égalant à zéro le facteur par lequel il est multiplié.

On aura ainsi cette seule condition

d’où l’on tire

Cette valeur, étant substituée dans la proposée, donnera l’équation singulière

laquelle se réduit tout de suite à celle-ci

L’équation du troisième ordre

que nous venons de trouver pour la dérivée de la proposée du second ordre, donne naturellement

d’où l’on tire successivement, par les fonctions primitives,

et

étant des constantes arbitraires, relativement à l’équation

mais, comme la proposée n’est que du second ordre, elle aura une constante arbitraire de moins ; et, en y substituant les valeurs précédentes de elle devient

ce qui donne de manière que l’équation primitive en et devient

comme on l’a vu plus haut.

Ainsi, dans ce cas, les deux facteurs de la dérivée de l’équation proposée donnent directement, l’un, l’équation primitive singulière du premier ordre ; l’autre, l’équation primitive en et comme nous l’avons déjà vu ci-dessus dans un autre exemple.

Nous avons vu, au commencement de cette Leçon, que l’équation dérivée d’une équation primitive

peut être représentée par

est mis pour cette fonction étant la valeur de tirée

de l’équation prime

et nous avons vu en même temps que l’équation primitive singulière rend la fonction nulle.

Supposons, ce qui est toujours possible, que l’équation dérivée proposée soit réduite à la forme

donc, si, dans l’équation

on substitue à la place de sa valeur elle deviendra nécessairement identique ; par conséquent ses deux équations dérivées, relatives l’une à et l’autre à auront Ueu chacune en particulier.

On aura donc ainsi, puisque la quantité n’est contenue que dans la fonction, ces deux équations, dans lesquelles dénotent, comme à l’ordinaire, les fonctions dérivées de prises relativement à et

d’où l’on tire

Or l’équation primitive singulière rend

donc elle rendra infinies les deux fonctions et

Ce qui fournit un caractère fort simple pour reconnaître si une valeur qui satisfait, sans constante arbitraire, à une équation dérivée donnée, est une valeur singulière ou simplement un cas particulier de la valeur générale.

Cette propriété peut servir aussi à trouver les valeurs singulières dont une équation dérivée est susceptible ; car, si l’équation qui rend et infinies satisfait en même temps à la proposée

elle en sera l’équation primitive singulière.

L’équation

qu’on a déjà considérée plus haut, donne

d’où l’on tire

Ces deux quantités deviennent infinies par la supposition de

ainsi que par celle de

la première donne

valeur qui ne peut satisfaire à la proposée qu’en faisant

la seconde donne

équation qui satisfait à la proposée, et qui en est, par conséquent, l’éduation primitive singulière, comme on l’a déjà vu plus haut.

Appliquons la même théorie aux équations du second ordre ; on a vu qu’elles peuvent être représentées par

en supposant que

soit l’équation primitive du premier ordre, et que ou soit la valeur de tirée de l’équation prime

On a vu, en même temps, que l’équation primitive singulière est donnée alors par l’équation

Supposons maintenant que l’équation proposée soit réduite à la forme

Donc, si dans l’équation

on substitue pour sa valeur on aura une équation identique dont, par conséquent, la dérivée aura lieu par rapport à chacune des variables en particulier.

Ainsi, comme la fonction n’est contenue que dans la fonction on aura ces trois équations :

d’où l’on tire

L’équation primitive singulière étant donnée par l’équation

il s’ensuit qu’elle rendra infinies les trois fonctions dérivées

En général, on pourra prouver de la même manière que, si l’on a une équation de l’ordre ième, réduite à la forme

son équation primitive singulière rendra infinies les fonctions dérivées jusqu’à la suivante inclusivement,

Pour confirmer, a posteriori, ce que nous venons de démontrer, considérons une équation du premier ordre, telle que

à laquelle satisfasse une valeur singulière de que nous désignerons par fonction de

On aura donc, par l’hypothèse,

et, pour que la valeur ne soit pas comprise parmi les valeurs de données par l’équation primitive, il faudra qu’en supposant, en général,

étant une nouvelle variable, la valeur de tirée de l’équation primitive ordinaire, ne puisse jamais être nulle.

Substituons donc au lieu de dans l’équation proposée ; on aura

Développons la fonction suivant les puissances de on aura généralement, en rapportant les fonctions dérivées à la seule variable

donc, faisant cette substitution, on aura, à cause de

l’équation

qui sert à déterminer en

Or, si la quantité pouvait devenir nulle, elle pourrait aussi être très petite.

Supposons-la d’abord très petite, et cherchons-en la valeur par approximation.

Pour cela, on négligera d’abord, vis-à-vis du terme qui contient les suivants qui contiennent comme étant beaucoup plus petits, et l’on aura, pour la première approximation, l’équation

laquelle, étant divisée par a pour équation primitive

en prenant pour la fonction primitive de prise par rapport à la variable dont est une fonction donnée, et pour une constante arbitraire de là on tire

en faisant

Ayant ainsi la première valeur approchée de on la substitueras dans les termes négligés, et l’on pourra trouver une seconde valeur plus approchée, et ainsi de suite.

De cette manière, la valeur de contiendra la constante arbitraire et elle deviendra nulle en faisant par conséquent, ne sera pas une valeur singulière, contre l’hypothèse.

On doit conclure de là que, pour que soit une valeur singulière non comprise dans la valeur générale, il faut que le développement de contienne d’autres puissances de que les puissances entières et positives.

Supposons donc que ce développement donne, en général,

étant des nombres quelconques qui vont en augmentant, et des fonctions de on aura l’équation en

On aura donc aussi, pour la première approximation,

équation qui, étant divisée par a pour équation primitive

en prenant pour la fonction primitive de et pour la constante arbitraire.

Or, pour que soit une valeur singulière de il faut que la valeur qui y répond, ne puisse pas être contenue dans cette équation, en donnant à une valeur quelconque constante.

Il faut donc que l’exposant de soit un nombre positif ; car, s’il était négatif, deviendrait infini lorsque et répondrait à la supposition de infini.

S’il était nul, on aurait le cas que nous venons d’examiner, où et où répond aussi à infini.

Au contraire, lorsque est positif, donne aussi

et l’équation devient alors

laquelle ne peut pas subsister, parce que la valeur de ne serait plus constante.

Donc, pour que puisse être une valeur singulière de il faut que le développement de contienne une puissance dans laquelle

En considérant la fonction son développement, lorsqu’on y met à la place de est, en général, donc, suivant la théorie que nous avons exposée dans la Leçon huitième, pour que ce développementdonne, dans le cas de une puissance de moindre que la première, il faudra que, dans ce cas, la valeur de c’est-à-dire de devienne infinie.

Or l’équation proposée donne

et, prenant les fonctions dérivées,

donc

Par conséquent on aura, lorsque

comme nous l’avons trouvé par la nature même des équations dérivées.

Dans l’exemple ci-dessus, où

la valeur singulière de est ainsi

et substituant à la place de la fonction dont il s’agit devient

laquelle, étant développée suivant les puissances de donne

où l’on voit que le second terme du développement contient la puissance dont l’exposant est moindre que l’unité.

D’ailleurs, nous avons déjà vu que les valeurs de et deviennent infinies lorsque

L’analyse par laquelle nous venons de prouver que le développement de doit contenir une puissance de moindre que la première, lorsqu’on donne à une valeur singulière, est due à Euler, qui a donné ainsi le premier critère général pour reconnaître si une valeur, qui satisfait à une équation différentielle, est ou non une valeur singulière non comprise dans l’intégrale. (Voyez le premier Volume de son Calcul intégral, Problème 72.)

Il restait à déduire de là la règle que, dans ce cas, la valeur, de devient nécessairement infinie ; c’est ce que Laplace a fait depuis, dans le Mémoire déjà cité sur les solutions particulières des équations différentielles, imprimé dans le Recueil de l’Académie des Sciences, pour l’année 1772.


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