Le Ballet de la raillerie/Ballet, deuxième partie

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VII. Entrée.

Des Filles de Cour, & des Filles de Village.
Filles de Cour. Le Marquis de Villeroy, Les Sieurs de Lorge, & Bonart.
Filles de Village. Monſieur Joyeux, les Sieurs Lerambert, & Vagnar.
Le Marquis de Villeroy, repreſentant une Fille de Cour.


LOn n’a pû juſqu’icy me ſoupçonner d’amour ;
Et nulle tache encor n’empeſche que j’eſclate ;
Mais ſçachant que l’honneur des Dames de la Cour
Eſt une chose delicate,
Rien n’eſt ſi difficile au point où je me voy
Que mon ſcrupule n’entreprenne,
Pour oſter tout ſujet de médire de moy,
Juſqu'à me retrancher l’Eſcuyer qui me meine.




VIII. Entrée.

De Gens qui ſe contrefont les uns les autres, & de trois Echos de differente Harmonie.
Contrefaiſeurs. Meſſieurs Bontemps, S. Maury, Baptiſte, Bruneau, Geoffroy, les Sieurs Des-Airs le Cadet, du Mouſtier, le Conte & Lambert.
Echos.
Violons. Les Sieurs la Quaiſſe, & le Marchand.
Fluſtes. Les Sieurs Pieche, & Deſcouſteaux.
Voix. Meſſieurs Hebert, & le Gros, qui chantent les paroles ſuivantes.



VOs beaux yeux embraſent mon cœur,
Mais l’excez de voſtre rigueur
Alentit peu à peu
L’ardeur de mon feu :
Ô Dieux ! ſi vous eſtiez un peu traittable
Vous verriez, Objet adorable,
Qu’Amour n’euſt jamais un amant
Plus ferme & plus conſtant.


Sarabande.



Enfin je vous revoy, charmante Cour,
Lieux tant aimez où naquit l’Amour
Que j’ay pour Climeine :
Mais je voy depuis mon retour
Que cette inhumaine,
Comme le premier jour,
Eſt inſenſible à ma peine.

Pour le Sieur Baptiſte, repreſentant un Contrefaiſeur.


CHacun de nous a du merite en ſoy,
Et ce ſont des Talens differens que les noſtres,
Les autres quand je veux ſont contrefaits par moy :
Mais je ne me voy point contrefait pas les autres.




IX. Entrée.

De la Force ſuivie par des Soldats, & de la Raiſon ſuivie par des Notaires.
La Force. Monſieur Cocquet.
Quatre Soldats. Meſſieurs Tartas, & Barbot, Les Sieurs la Fonds, & le Noble.
La Raiſon. Le Sieur Beauchamp.
Quatre Notaires. Monſieur Cabou, les Sieurs Don, Raynal, & Des-broſſes.
Pour les Soldats, & les Notaires.


Ces differens emplois ont pareils caracteres,
Soit en nous faiſant peur, ſoit en nous obligeant
Les Soldats, & les Notaires
Nous font trouver de l’argent.




X. Entrée.

Des Amants, & des Maiſtreſſes.
Amants. Les Marquis de Mirepoix, & de Raſſan, Meſſ. Moliere, & Des-Airs l’aiſné.
Maiſtreſſes. Madame Guichart, Madame de Buridan, Mademoiſelle Molier la fille, & Madem. de la Faveur.

Pour les Amans, & les Maiſtreſſes.


Tel ſoupire pour une telle,
Et tant qu’il ſoupire pour elle
Sans ceſſe l’ingrate le fuit,
L’a-t’il quitée, elle le ſuit :
Telle va plus avant qu’elle n’euſt oſé croire,
Tel ſe penſant captif trouve la clef des champs :
Enfin voicy la grande Foire
Où ſe trompent tous les Marchands.

Pour le Marquis de Mirepois, repreſentant un Amant.


Je ſçay bien preſentement
Ce que c’eſt que d’eſtre Amant,
Je n’y pouvois rien comprendre ;
Mais j’y ſuis fort conſommé,
Il ne me faut plus qu’aprendre
Ce que c’eſt que d’eſtre Aymé.

Pour le Marquis de Raſſan, repreſentant un Amant.


Une charge d’Amant eſt fort conſiderable,
Et je le comprens mieux que jamais je ne fis ;
Mais qui l’exerce eſt miſerable
S’il n’en ſçait tirer les profis.




XI. Entrée.

Des Adroits & Mal-Adroits.
Adroits. Monſieur Coquet, & le Sieur Beauchamp.
Mal-Adroits. Monſieur Cabou, & le Sieur Dolivet.



Ce pauvre Mal-adroit qui ne plaiſt à perſonne,
Pourroit bien rencontrer ſon heure en quelques lieux ;
Comme ſouvent l’Amour a d’aſſez mauvais yeux,
Peut-eſtre n’a-t’il pas toûjours l’oreille bonne.




XII. et Derniere Entrée

Des diverſes Nations.
Deux Gentilhommes François, deux Italiens, deux Turcs, deux Indiens, & une Eſpagnolle.
LE ROY, repreſentant un Gentilhomme François, & Monſieur Langlois.
Deux Italiens. Meſſieurs Baptiſte, & Des-Airs l’aiſné.
Deux Turcs. Meſſieurs Verpré, & Bruneau.
Deux Indiens. Meſſieurs Bontemps, & le Vacher.
L’Eſpagnolle. Mademoiſelle Verpré, danſant avec Caſtagnettes, accompagnée de huict Guittarres.
LE ROY, repreſentant un Gentilhomme François.


Je croy, ſans vanité, qu’en quelque part que j’aille
Je pourrois m’égaler aux gens les mieux appris,
Je n’ay pas l’air mauvais, & voy que dans ma taille
Je ne ſuis pas des plus mal pris.

Avecque du credit j’ay des biens en Province,
Mes affaires d’ailleurs ſont en aſſez bon point ;
Qu’on parle devant moy d’une nobleſſe mince,
Cela ne me regarde point.

Quand un voiſin m’offence, ou m’a fait quelque injure,
Je me bas contre luy s’il eſt de mon eſtoc :
Puis je cherche la Paix, & voudrois je vous jure
Que les armes fuſſent au croc.

Tous ces Tiltres enflez ne ſont pas ce que j’ayme,
La vanité me choque, & c’eſt ſi peu mon grief,
Qu’on me nomme ſouvent par mon nom de Bapteſme.
Encor que j’aye plus d’un Fief.

Je me veux marier, moy-meſme & mon Village
Tous deux avons beſoin que ce ſoit au pluſtoſt,
Et pour entretenir un honneſte ménage
Perſonne n’a mieux ce qu’il faut.

Habits, meubles, chevaux, un équipage leſte,
Ne ſe trouveront point ailleurs comme chez moy :
Jeune, Galand, adroit, vigoureux, quant au reſte
Gentilhomme comme le Roy.