Le Bon Vieux Temps

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Rayons et reflets, Texte établi par Chevalier de ChatelainRolandi (p. 150-151).

Le vieux temps ! le vieux temps ! le gai ! le bon vieux Temps !
           Alors que j’étais jeune et libre,
Quand de Pasque entendais les carillons charmants,
Qui de mon cœur ému venaient toucher la fibre.
Mon frais rameau de Pasque à mes côtés placé,
Ma croix en mains, mon cœur en repos, pas glacé,
           L’espérance d’un jour prospère,
           Et du beau soleil sur la terre !
           Le vieux temps ! ô le bon vieux temps !


Ce n’est pas que le sort m’ait fait des tours sanglants.
           Ni parce que pâle est ma joue,
que quand je pense a toi vallon de mon printemps
Je pousse des soupirs quelquefois je l’avoue !
J’ai, ne l’ignore pas, de sagesse un grand fond,
Bien plus que quand alors j’y flanais vagabond,
           Mais c’est qu’aussi dans ma sagesse
           Il est un levain de tristesse !
           Le vieux temps ! ô le bon vieux temps !

J’ai vécu pour avoir de bien joyeux moments,
           Et pour avoir ma part de peines,
Pour voir que l’amitié, que ses transports charmants
Sont parfois trop sucrés ; — que les amours sont vaines ;
Triste, de la gaité pour singer les ébats,
Pour me lasser d’errer en de lointains climats,
           Pour aimer mon île natale,
           Et penser que rien ne l’égale :
           Le viens temps ! ô le bon vieux temps !

Et certes le pays n’offre de changements,
           Les gais oiseaux chantent de même,
Les fleurs ouvrent toujours leurs calices charmants,
Le soleil éblouit la colline qu’il aime :
L’arbre qui m’ombrageait il y a bien longtemps
Il m’ombrage toujours comme au premier printemps ;
           Mais de l’enfance mon poème
           N’est plus ; et ne suis plus le même !
           Le vieux temps ! ô le bon vieux temps !

Oh ! bon vieux temps reviens ! oh ! reviens bon vieux temps !
           Si plein de soleil, de jeunesse,
Et que j’entende encor ces cardions charmants
Qui de Pasque à mon cœur annonçait la liesse,
Mais en vain verserais tous les pleurs de mes yeux.
En vain je pousserais des soupirs jusqu’au cieux.
           Il ne reviendra plus je pense
           Le bien aimé de mon enfance,
           Le vieux temps ! ô le bon vieux temps !