Le Bonheur conjugal (Pert)/7

La bibliothèque libre.
Librairie universelle (p. 143--).

CE QUE DOIT ÊTRE LA FEMME
DANS LE MARIAGE

Sous quelle figure, camarade, égale, compagne, maîtresse, matrone, humble servante, mondaine, la femme doit-elle s’ériger en son ménage ?…

Il semblerait que cette question intéresse surtout les hommes et devrait être réservée pour une seconde partie du Bonheur conjugal, le livre de l’homme », mais on se convaincra vite qu’elle doit être traitée ici également, au point de vue des chances de bonheur plus ou moins grandes qu’acquiert la femme, suivant la silhouette qu’elle adopte, volontairement ou inconsciemment.

Disons tout de suite que nous envisageons le mariage légal, social et mondain tel qu’il est actuellement, sans vouloir en aucune façon préconiser ou même prévoir tel ou tel bouleversement dans les mœurs de la société et les conditions d’organisation de la famille. Bouleversement qui, bien que bouillonnant sourdement sous la vieille machine sociale nous paraît encore fort loin de se faire sentir de façon radicale.

Le mariage libre sera-t-il la forme de l’union future ?… Quelle sanction, quel contrôle la société gardera-t-elle vis-à-vis des relations sexuelles ?… Quelles lois régiront dans l’avenir la paternité, la maternité ?… Autant de problèmes que, rigoureusement, nous écartons de ces pages destinées à être utilisées aujourd’hui, par des âmes actuelles, dans les conjonctures précises de notre époque.

Le mariage moderne est, le plus souvent, il faut bien le dire, un état dont l’homme et la femme croient ne pouvoir se passer et qu’ils recherchent, sans pourtant le désirer pour lui-même ; dans lequel l’égoïsme de tous deux essaie de tirer le plus de bonheur particulier possible.

Les formules qui lient l’homme et la femme n’expriment que des idées théoriques que, rarement, la pratique suit, et les conditions réelles du mariage sont moins d’accord avec les lois générales qu’avec les conditions particulières de chaque ménage — conditions qui naissent et s’établissent suivant le caractère respectif des époux.

De la volonté, de la perspicacité, des capacités de la femme, de sa souplesse adroite et persévérante dépend presque toujours l’allure du ménage.

Et les conditions si diverses des unions proviennent de ce que l’âme féminine est changeante à l’infini, se diversifie en mille types, au lieu que l’homme, en ses grandes lignes, est de par son éducation, coulé en un modèle unique, simplement différencié par des détails secondaires.

L’homme, quel qu’il soit, quoi qu’il déclare et affiche, a le mépris complet de l’intelligence et des facultés mentales de la femme.

Sa conviction est inébranlable de sa supériorité indiscutable, ainsi que sa persuasion que, né d’elle, il ne tient pourtant rien d’elles ; que le sang, les muscles, les cellules qui le formèrent l’hébergèrent en royal parasite sans lui rien communiquer, comme si le fait de la différence des sexes mettait en la chair de la mère et du fils une barrière insurmontable.

L’homme — du moins l’homme de nos races que l’antique légende hébraïque domine au travers des siècles — est persuadé que la femme, par nature et par destination, ne peut être que le reflet de sa personnalité, que la meilleure épouse est celle qui se montre la plus malléable, la plus susceptible d’être façonnée selon le désir et la volonté de son mari.

Son orgueil naïf se révéla dès qu’il put formuler sa pensée, tracer sa conception nébuleuse de la création. Dieu fit l’homme, nous dit la Genèse ; puis tira de la substance même de celui-ci l’être éternellement incomplet, dépendant, que doit demeurer la femme.

Cette certitude de supériorité de sa part, d’infériorité de la part de la femme, celle-ci doit se rappeler qu’elle existe toujours en l’homme, apparente ou dissimulée, qu’elle est semblable, égale chez tous, qu’elle les domine, qu’elle dirige et motive leurs mobiles, leurs pensées, leurs actions.

Il est des hommes qui se disent « féministes », qui, sincèrement, préconisent l’égalité des sexes dans les droits et les devoirs sociaux, mais il est bien rare — pour ne pas dire qu’il n’y a nul exemple — que ces mêmes hommes accordent leurs principes et leurs existences ; qu’ils reconnaissent à leur femme les droits qu’ils réclament pour la femme.

La plupart de ceux qui se jugent les plus avancés, les plus ardents champions de la femme, lui reconnaissent des facultés égales en valeur, mais non pareilles à celles de l’homme, lui découvrent une foule de qualités afin que celles-ci excluent les autres qui, pour eux, sont l’apanage de l’homme, uniquement.

L’homme, qu’il exerce ou non sa souveraineté dans le ménage, se croit néanmoins toujours le maître, par droit naturel et légal ; c’est ce que la femme ne saurait perdre de vue pour avoir la clef de la conduite qu’elle doit tenir, soit pour complaire à son mari, soit pour le conquérir ou le vaincre.