Le Bouddhisme Japonais/10

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Paris, Maisonneuve et Ch. Leclerc (p. 109-124).

CHAPITRE DIXIÈME
NITHI-REN-SHÛ. SECTE DE NITHI-REN

I. Histoire de la secte.
ORIGINE ET FONDATION DE LA SECTE

L’enseignement de Çâkyamuni présente souvent une antithèse entre le Hînayâna et le Mahâyâna ; entre la doctrine provisoire et la doctrine définitive ; entre l’exotérique et l’ésotérique ; entre l’antérieur et le terrestre, etc. ; mais il n’a d’autre but que de conduire les êtres vivants à l’état supérieur du Nirvâṇa par le moyen de l’enseignement graduel. C’est pourquoi Çâkyamuni prêcha le Saddharma-puṇḍarîka (Sûtra du Lotus de la bonne Loi ; Hô-ké-kyô) dans la dernière période de sa vie. Dans ce sûtra, il compare tous les sûtras prêchés dans les trois périodes : le passé, le présent, et l’avenir ; et il désigne le Saddharma-puṇḍarîka comme le premier de tous. Il naquit, dit-il, en ce monde, pour enseigner ce sûtra seul. Ce classement est fait par lui d’après la prédication de tous les Bouddhas qui ont été, sont, et seront dans le passé, le présent, et l’avenir.

Comme la prédication de Çâkyamuni suivit ce classement, tous les maîtres bouddhiques dans les périodes postérieures suivent cet ordre à travers les Trois Périodes de la Loi : la Période de la Loi Juste, celle de la Loi Image et celle du Dernier Jour de la Loi. Pendant les deux mille années des deux premières Périodes, tous les grands maîtres propagèrent la Loi, soit le Hînayâna et le Mahâyâna, soit la doctrine provisoire et la doctrine définitive d’après la volonté testamentaire de Çâkyamuni. Nous sommes aujourd’hui, dans la Période du Dernier Jour de la Loi ; c’est maintenant que la doctrine définitive du Saddharma-pundarîka doit être propagée. En 1252, alors que toutes les autres sectes étaient déjà établies, Nithi-ren, le fondateur de cette secte, commença à propager la doctrine du Saddharma-puṇḍarîka : « Je suis, dit-il, la règle de la prédication de Çâkyamuni et j’expose la doctrine établie par lui-même. » Cette excellente doctrine qui assure tant d’avantages aux hommes de la période présente, ne fut jamais connue durant les deux mille vingt ans qui suivirent l’entrée de Çâkyamuni dans le Nirvâṇa. Nithi-ren fut peut-être une incarnation du Bodhisattva Viçishtacaritra (Jô-guyô) ; (littéralement conduite éminente), qui a été le premier disciple converti (Hon-ké) par Çâkyamuni, et qui reçut l’instruction spéciale de ce dernier, dans le chapitre sur la Force Transcendentale du Tathâgata au milieu de l’Assemblée du Ciel tenue sur le mont Gṛidhrakûṭa. Ce Bodhisattva naquit au Japon sous le nom de Nithi-ren ; il profita d’une époque favorable pour propager la doctrine que lui avait transmise Çâkyamuni. Nithi-ren établit pour la première fois cette secte au Japon, espérant pouvoir propager la doctrine dans tout l’univers durant les dix mille années prochaines du Dernier Jour de la Loi.

La secte s’appelle Saddharma-puṇḍarîka (Hokké-shû) selon le titre du Sûtra principal, ou Nithi-ren-shû, d’après le nom de fondateur. Quoique cette secte reconnaisse comme Sûtra principal le même que la secte Ten-daï la nature de la doctrine est tout à fait différente de celle du Ten-daï ; aussi l’appelle-t-on le Saddharma-puṇḍarîka de Nithi-ren.

Voici les Sûtras principaux et les commentaires de cette secte :

1o Le Saddharma-puṇḍarika-sûtra (Myô-hô-ren-guékyô) traduit par Kumârajîva, sous la dynastie de Shin de la famille du  : 384-417).

2o L’Amitârtha-sûtra (Mou-ryô-guy-kyô) traduit par Dharmajâtayaças, sous la dynastie de Séï du Nord (479-502).

3o Le Samantabhadra-dhyâna-sûtra (Kwan-fou-genkyô) traduit par Dharmamitra, sous la dynastie de (420-479).

Le deuxième Sûtra est appelé l’Introduction, et le troisième la Conclusion du Sûtra principal.

4o Le Commentaire sur le Saddharma-puṇḍarîka- sûtra (Thû-hôkké-kyô) en dix livres, composé par Nithi-ren.

5° La Décision orale (Kou-ketsou ; en deux livres contenant la prédication de Nithi-ren recueillie par son disciple principal Nithi-kô.


LIGNE DE TRANSMISSION DE LA LOI

Dans la secte Saddharma-pundarîka de Nithi-ren, il y a deux lignes de transmission de la Loi : l’intérieure et l’extérieure. La transmission extérieure est la ligne des maîtres des trois pays : aux Indes, en Chine et au Japon, qui exposèrent la doctrine du Saddharma-pundarîka.

Voici les noms de ces maîtres :

Câkyamuni Bouddha 
Indes.
Baishajyarâja (Yakou-ô) Bodhisattva 
Ten-Daï Daï-shi 3311Chine.
Den-Guyô Daï-shi 
Japon.
Nithi-ren Daï-bo-satsou 

La transmission intérieure est la ligne de ceux qui comprennent bien la vérité de la Doctrine définitive (Hon-mon) contenue dans le Stûpa de Prabhûtaratna, d’après les chapitres sur le Prédicateur (Hoshi-hon), c’est-à-dire le dixième chapitre, et le Pouvoir Transcendental du Tathâgata (Jin-dzu-hon), c’est-à-dire le vingtième chapitre du texte sanscrit et le vingt-unième de la traduction chinoise, à savoir :

Çâkyamuni Bouddha.
Viçishta-caritra Bodhisattva.
Nithi-ren Daï-bo-satsou.

Quoique la forme extérieure de la doctrine de cette secte se rattache à la forme de la secte Ten-dai, le principe fondamental repose absolument sur le Sûtra principal ; par conséquent la transmission intérieure est considérée comme le principe de cette secte.

II. Doctrine de la secte.
ESQUISSE DU SADDHARMA-PUṆḌARIKA-SÛTRA

L’idée fondamentale de ce Sûtra, c’est de développer et de résoudre le système qui est caractérisé par le terme antithétique Gon-jitsou-hon-jakou, c’est-à-dire le provisoire et le définitif, s’appliquant à la doctrine ; l’antérieur et le terrestre, s’appliquant à l’état de Bouddha. La doctrine provisoire est celle de tous les sûtras prêchés par le Bouddha pendant les quarante premières années de sa carrière, avant qu’il enseignât le Saddharmapuṇḍarika-sûtra qui seul contient la doctrine définitive. L’antérieur (Hon-mon) veut dire la connaissance antérieure (Hon-kakou), qu’avait le Bouddha de toute éternité avant et pendant les innombrables Kalpas qui ont précédé sa venue en ce monde. Le terrestre (Schakou) ou l’état terrestre du Bouddha, c’est la connaissance acquise (Shi-kakou) du Bouddha vivant en ce monde. Çâkyamuni parut ici-bas pour montrer d’abord les différentes formes de la doctrine, puis enfin les ramener toutes à la seule vérité du point final.

Nous parlerons d’abord de la manière de développer et de resserrer la doctrine provisoire et la doctrine définitive (Gon-jitsou-kaï-é). Venu en ce monde pour instruire les êtres vivants, Çâkyamuni le fit selon leurs intelligences qui sont rangées en trois classes. La plus basse classe est appelée Çrâvakas ; la classe moyenne, Pratyekabuddhas ; et la plus haute, Bodhisattvas. Aux Çrâvakas, le Bouddha enseigna qu’il leur faut se séparer de la transmigration, en extirpant toutes les passions pour arriver à l’état d’Arhat ; ceux qui sont capables de devenir Pratyekabuddhas, il leur demanda de parvenir à cet état ; quant aux Bodhisattvas, il leur proclame d’atteindre le grand vœu de sauver tous les êtres vivants pour devenir Bouddhas, comme Çâkyamuni lui-même, après l’accomplissement de leurs œuvres merveilleuses. Ces trois classes sont appelées Tri-yâna (trois véhicules) ; les deux premières sont le Hînayâna et l’autre, le Mahâyâna. Ceux qui parviennent à l’état d’Arhat ou de Pratyekabuddha par le Hînayâna ne deviennent pas Bouddhas du Mahâyâna, une personne ne pouvant suivre à la fois deux chemins ; le Bouddha leur enseigne de pratiquer à leur choix un des Trois Véhicules. Telle est la doctrine du moyen provisoire.

Le Bouddha prêcha ces sûtras en observant ainsi les distinctions des Trois Véhicules pendant les quarante premières années ; dans le Saddharma-puṇḍarika, il déclare que ses prédications antérieures sont des moyens, et qu’il n’y a qu’un Véhicule unique (Eka-yâna) et non trois.

De plus, il dit : « Les Çrâvakas et les Pratyekabuddhas sont aussi du Mahâyâna et par conséquent tous peuvent devenir Bouddhas. De même les Icchantis (hommes infidèles) et les femmes peuvent atteindre tous à l’état de Bouddha. Tous les êtres vivants possèdent la nature des Bouddha ; il y a raison de croire que tous peuvent, sans aucune exception, obtenir la connaissance parfaite. C’est ma merveilleuse doctrine qui ne doit pas être mise en doute. Cependant la doctrine provisoire des moyens, a été prêchée afin d’amener les hommes au vrai chemin du Saddharma-puṇḍarika. Par conséquent la doctrine provisoire elle-même est définitive par la même raison. La doctrine provisoire est comme la fleur du lotus, et la doctrine définitive en est comme le fruit. La fleur est véritablement le moyen pour le fruit ; le moyen et le but sont nécessairement inséparables. Le moyen ne peut exister sans le but ; le but ne peut paraître sans le moyen ; ils sont presque unité, quoique deux en nombre. Tel est le Lotus de la bonne Loi ».

Lorsque le Bouddha prononça ces paroles, ceux qui pratiquaient les Trois Véhicules comprirent tout d’un coup la vérité du Véhicule unique par les mérites de leurs pratiques antérieures, acquis en suivant la doctrine provisoire. Devadatta et la fille du Nâga montèrent immédiatement sur le trône de Bouddha.

Telle est la forme enseignée au point de vue de l’état terrestre du Bouddha où la doctrine provisoire est considérée comme un moyen pour montrer la doctrine définitive et où les trois Véhicules sont ramenés à un seul.

En second lieu, la manière de développer et de resserrer l’état antérieur et terrestre de Bouddha (Hon-jakou-kaï-é) est expliquée comme suit :

L’état de Bouddha auquel Çâkyamuni atteint en ce monde à travers les huit degrés de sa vie (Ha-sô-jô-dô) s’appelle le premier accomplissement de l’illumination parfaite (Shi-jô-shô-gakou). C’est ce qu’on appelle le Bouddha terrestre (Shakou-boutsou). Çâkyamuni lui-même, une fois éclairé par la Bodhi, conçoit qu’il a été le Bouddha dès les temps antérieurs, le maître du Dharmadhâtu depuis d’incalculables Kalpas. Tous les Bouddhas des dix points des trois temps : le passé, le présent, et l’avenir n’en font qu’un. Dans l’enseignement provisoire des quarante premières années, Çâkyamuni proclame qu’il devient pour la première fois Bouddha en ce monde, comme il semble l’être. Mais quand il prêcha le Saddharma-puṇḍarîka, il manifesta son état réel de l’ « illumination antérieure » par laquelle il est le Bouddha éternel et le maître de tout l’univers. L’illumination antérieure ne peut se manifester sans l’illumination terrestre, comme nous nous rappelons les fleurs et la lune d’hier en voyant celles d’aujourd’hui ; ce n’est pas tout ; nous pouvons connaître les Bouddhas des dix points en voyant un seul Bouddha, et reconnaître que nous sommes déjà nous-mêmes des Bouddhas en apprenant à connaître l’état des autres Bouddhas. Tous les Bouddhas de l’état terrestre sont comme les images réfléchies par mille flots et le Bouddha de l’état antérieur est pareil à la vraie lune au ciel. L’état terrestre est éclairé inversement par l’état antérieur. Quoiqu’ils soient différents l’un de l’autre, leur vérité n’est qu’une et même. Tel est ce qu’on appelle le Lotus de la Bonne Loi.

Quand Bouddha prêcha cette doctrine, ceux qui se présentèrent dans l’ « Assemblée du grand ciel » sur le mont Gṛidhrakûta atteignirent tous à l’état de Bouddha.

Telle est la forme enseignée au point de vue de l’état antérieur du Bouddha où l’état terrestre est considéré comme identique à l’état antérieur, et la connaissance antérieure se manifeste.

En un mot, le système d’enseignement relatif à l’état terrestre est de résumer tous les discours de Çâkyamuni et de montrer son intention originelle de se manifester en ce monde, c’est-à-dire son désir de faire entrer tous les hommes et toutes les femmes, quels qu’ils soient, méchants et bons, intelligents ou faibles d’esprit, dans le chemin du Bouddhisme. Son but aussi fut d’exposer la sagesse du Véhicule Unique de Bouddha qui est juste et égal, après avoir fondu les distinctions des enseignements antérieurs. Quant au système relatif à l’état antérieur (Hon-mon), le voici : il montre la source première de tous les êtres vivants, et l’état réel d’illumination des Bouddhas qui ont paru, paraissent, et paraîtront dans les trois temps (passé, présent, et avenir) ; il fait voir aussi que tous les Dharmas sont bons et que tous les êtres vivants ont la nature du Bouddha.

Le Bhagavat ne transmit pas cette Bonne Loi de la doctrine définitive aux Bodhisattvas ordinaires, tels que Manjuçrî, Bhaishajyarâja (Yakou-ô) etc. Comment la transmit-il à ses disciples inférieurs ? Il la transmit au Bodhisattva Viçishtaçâritra (Jû-guyô) et aux autres personnes qui ont la même dignité, dans la grande cérémonie. Le lieu qu’il leur indiqua pour la propager est ce monde Sahâ (ou Jambudvîpa), et le temps fixé s’appelle la Période du Dernier Jour de la Loi. C’est ce qu’on appelle la Transmission spéciale de la Doctrine définitive du Saddharma-Puṇḍarika.

trois grandes lois ésotériques

Le point important de la doctrine de la secte de Nithi-ren est la grande loi ésotérique qui renferme toutes les règles du Bouddhisme. Dans le chapitre sur la Durée de la Vie du Tathâgata (Ju-ryô-hon) dans le Saddharmapuṇḍarika, Bouddha proclame la permanence des trois corps du Bouddha à savoir :

1o Le Dharma-kâya (corps spirituel)

2o Le Sambhoga-kâya (corps de béatitude)

3o Le Nirmâṇa-kâya (corps de transformation)

Cette doctrine est l’essence de Sûtra et l’objet de l’incarnation de Çâkyamuni en ce monde ; c’est de là que procède la substance des « trois grandes lois ésotériques ». Dans le Sûtra se trouve ce terme « le pouvoir surnaturel du Mystère de Tathâgata » (Nyô-raï-hi-mitsou-dzu-shi-riki) ; de là vient le nom des trois grandes lois ésotériques.

Quelles sont ces trois grandes lois ? Ce sont le Honzon, le Dai-mokou et le Kai-dan qui tous appartiennent à l’état antérieur, c’est-à-dire « l’Objet du culte », le « Titre du Sûtra » et l’ « Estrade pour s’instruire des préceptes moraux » lesquels appartiennent tous au système relatif à l’état antérieur. Le titre du Sûtra que forment les cinq mots chinois Myô-hù-ren-gué-kyô (Saddharmapuṇḍarika-sûtra) contient la substance de ces trois lois. Nous rappelons à notre esprit l’Objet du culte, nous récitons de vive voix le Titre du Sûtra, et nous surveillons notre corps comme étant l’Estrade des préceptes moraux.

1o L’Objet da culte de l’état antérieur est le grand Maṇḍala des dix mondes[1] lequel est le corps du Bouddha en qui les fidèles de la secte mettent leur foi. Ce Maṇḍala représente le Bouddha antérieur de Kalpas très reculés. Les cinq[2] éléments du Dharma-dhâtu des dix points constituent le corps spirituel du Bouddha ; les cinq[3] Skandhas (agrégats) de ce même Dharma-dhâtu forment la nature du corps de béatitude de ce Bouddha. Les six organes de tous les êtres vivants des dix points sont la forme du corps de transformation de ce Bouddha. Les trois actions du corps, de la parole et de la pensée, et les quatre positions principales, à savoir : marcher, demeurer, s’asseoir et se coucher, communes à tous les êtres vivants, sont les actions de ce Bouddha. La sagesse et la vertu de tous les hommes sages et saints de toute région et l’illumination de tous les Bouddhas sont le pouvoir naturel de ce Bouddha. Tous les pays des dix points sont sa demeure. Il est délivré de la naissance et de la mort depuis d’incalculables Kalpas. Tel est le Bouddha éternel. Le Bouddha s’appelle Çâkyamuni, qui possède véritablement la dignité de Bouddha depuis des Kalpas très reculés, ou le Bouddha antérieur des trois corps qui n’agit point.

Les dix mondes dans lesquels sont compris le monde de Bouddha et celui des enfers sont les transformations de ce Bouddha. Pour représenter la forme de ce Bouddha antérieur, on écrit au centre de l’Objet du culte, les cinq mots chinois Myô-hô-ren-gué-kyô autour desquels on groupe la représentation des dix mondes pour montrer la nature de ce Bouddha.

Çâkyamuni dit, dans le chapitre sur la Durée de la Vie du Tathâgata, qu’il était réellement ce Bouddha antérieur. Non seulement Çâkyamuni l’est, mais nous le sommes, nous aussi. Il faut donc comprendre que le Dharma-dhâtu des dix points est tout entier la substance de notre corps et que tous les êtres vivants des trois mondes sont nos enfants, c’est-à-dire sont produits par nous et que en dehors de notre pensée il n’y a rien, et que notre corps est l’origine de tous les Dharmas ; par conséquent tous les Dharmas sont l’image de notre pensée, et l’objet du culte des dix mondes est la forme de notre corps et la peinture de notre pensée. Tel est le procédé de la méditation sur l’Objet du Culte.

2o Les cinq mots Myô-hô-ren-gué-kyô forment le Titre du Sûtra ; aussi les désigne-t-on sous le nom de Dai-mokou (titre). À ces cinq mots, on ajoute ces deux mots : Na-mou (Namas) « adoration ». Nous répétons Na-mou-myô-hô-ren-gué-kyô (Namah-saddharma-puṇḍarîkâya-sûtrâya) « adoration au Sûtra du Lotus de la Bonne Loi ». C’est par là que nous nous plions à la bonne loi du cœur avec le cœur de la Bonne Loi. Ces cinq mots contiennent l’essence du Sûtra entier et de plus, un enseignement complet de toute la vie de Bouddha ; le principe de tous les Dharmas ; la réalité sans commencement, et l’importance mystérieuse de l’état antérieur de Bouddha et de la vertu de son illumination. Ce sens est tout à fait en dehors de la portée de toute interprétation : on l’appelle donc l’inexpliquable et l’inconcevable. Il n’est même pas compris par les Bouddhas terrestres ni les plus hauts Bodhisattvas. Il suffit d’y croire, car tout le monde n’est pas apte à le comprendre. Tel est le titre de la doctrine relative à l’état antérieur.

3o. Le Kaï-dan (estrade pour recevoir le Çîla) de la doctrine relative à l’état antérieur est ainsi défini : observer le Çîla est la plus importante de toutes les divisions de la doctrine de Bouddha, c’est-à-dire soit Hînayâna, soit Mahâyâna, soit doctrine définitive, soit doctrine provisoire. Il y a, dans la doctrine relative à l’état antérieur, le premier Çîla vrai qui est observé constamment par Bouddha. Le Kaï-dan est le Bodhi-manda (trône de l’illumination) où s’accomplit la cérémonie pour recevoir l’instruction de Çîla. La substance de ce Çîla est le titre des cinq mots Myô-hô-ren-gué-kyô. Celui qui croit à ce titre et l’observe, c’est donc celui qui observe l’excellent Çîla de la doctrine relative à l’état antérieur. La place où les fidèles l’observent est la Terre-Pure de la Lumière calme (Ja-kô-jô-do) c’est-à-dire le Kaï-dan.

En un mot, nous devons nous rappeler que notre propre corps est le Bouddha antérieur (Hon-zon), notre pensée, la bonne loi (Daï-mokou) et notre demeure, la Terre-Pure de la Lumière calme (Kaï-dan), et de plus que nous devons demeurer dans le Dharma-dhâtu (état spirituel) de notre pensée.

Quoique les règles pratiques du Bouddhisme diffèrent dans chaque secte, les trois Instructions : moralité supérieure (Kaï), pensée supérieure (), et savoir supérieur (E) sont partout comptées pour les plus importantes. Par la moralité supérieure on préserve son corps des mauvaises actions ; par la pensée supérieure on en préserve son esprit ; par le savoir supérieur on sort de la confusion pour parvenir à la connaissance parfaite. Il n’y a aucune secte bouddhique qui n’observe ces trois instructions comme le principe de sa pratique, quoique chacune d’elles ait ses principes propres. Il en est de même de cette secte.

Les trois grandes lois ésotériques y représentent les Trois Instructions. Le Kaï-dan est naturellement la moralité supérieure. Le plier à l’Objet du culte de tout cœur et méditer sur la Bonne Loi sont la pensée supérieure. La répétition du Titre du Sûtra qui contient la sagesse de tous les Bouddhas est le savoir supérieur.

L’observance rigoureuse de ces trois lois ésotériques mène à l’accomplissement des trois Instructions et à d’incalculables Samâdhis (méditations) et aux Pâramitâs (perfections pratiques). Et même les hommes inintelligents peuvent monter sur le trône de la connaissance parfaite dans la vie présente.

Quelle profondeur d’idées et quels précieux avantages dans cette doctrine !


  1. Voir le chapitre iv. P. 73.
  2. La terre, l’eau, le feu, le vent et l’éther.
  3. La forme, la sensation, l’idée, le concept, et la connaissance.