Le Bouddhisme au Tibet/Chapitre 15

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Traduction par Léon de Milloué.
Texte établi par Musée Guimet, Impr. Pitrat Ainé (p. 174-228).

CHAPITRE XV


culte des divinités et cérémonies religieuses

Service quotidien. — Offrandes, — Instruments de musique. — Cylindres à prières. — Représentation des drames religieux. — Jours sacrés et fêtes. — Fêtes mensuelles et annuelles. — Cérémonie Touisol. — Cérémonie Nyoungne. — Rites pour obtenir des facultés surnaturelles. — Singulière cérémonie pour assurer l’assistance des dieux. — 1. Rite Doubjed. — 2. Holocauste. — 3. Invocations à Loungta. — 4. Le talisman Changpo. — 5. La figure magique Phourbou. — 6. Cérémonie Thougdam Kan saï. — 7. Invocation de Nagpo Chenpo en tournant la flèche. — S. Cérémonie Yangoug. — 9. Cérémonies accomplies en cas de maladies — 10. Rites funéraires.

SERVICE QUOTIDIEN

Le service ordinaire quotidien institué en l’honneur du Bouddha consiste en la récitation d’hymnes et de prières sur un mode qui tient le milieu entre lire et chanter. Le service est accompagné de musique instrumentale ; on offre des oblations et on brûle des parfums. Ce service est célébré par les Lamas trois fois par jour, au lever du soleil, à midi, au coucher du soleil ; chaque fois il dure une demi-heure. Les laïques peuvent y assister, mais sans prendre une part active aux cérémonies ; les assistants doivent se prosterner trois fois en touchant le sol de leur front, quand les Lamas leur donnent la bénédiction. À certains jours on donne plus de temps au service religieux ; les prières et cérémonies se rapportent alors à la fête du jour ; assez souvent des processions publiques précèdent les solennités qui se passent dans les temples, et même, en quelques rares occasions, des drames religieux les terminent.

OFFRANDES

Le sang n’en fait jamais partie ; elles se composent principalement de farine, beurre clarifié et bois de tarmin (Ombou en tibétain). À quelques dieux particuliers on offre des fleurs et, quand on ne peut en trouver, des grains que l’on jette en l’air de façon qu’ils retombent sur les images de ces dieux. On offre aux Bouddhas et Bôdhisattvas des cônes de pâte, Zhalsaï, littéralement « mets, nourriture », de même forme que les Tsatsas (voyez page 124), mais avec cette différence qu’ils ne contiennent ni reliques ni autres objets sacrés ; on expose aussi devant ces dieux des plumes de paon dans un vase à col étroit.

INSTRUMENTS DE MUSIQUE

De tous les instruments que les Tibétains emploient pour leurs services, tels que tambours, trompettes, flageolets et cymbales, les trompettes sont certainement les plus remarquables en ce qu’elles sont faites d’ossements humains. Les os de fémur font les plus belles trompettes ; elles ont un son très pénétrant. Au sommet de l’os est fixée une embouchure de cuivre, l’autre bout est orné de fils de cuivre et d’anneaux de cuir, et l’instrument (dont la fabrication ne demande qu’une dépense insignifiante) est prêt à servir. Outre cette sorte de trompette, il y en a d’autres plus grandes en cuivre de six ou sept pieds de long, qui ne se fabriquent qu’à Lhássa et sont très sonores. Les flageolets sont en bois et ordinairement doubles ; chaque tube est percé de sept trous en dessus et d’un autre plus grand en dessous pour le pouce.

Les tambours sont hémisphériques, unis par leur côté convexe ; on écrit souvent sur la peau des sentences sacrées. On bat le tambour d’une très curieuse façon. Deux petites balles de cuir sont attachées à une corde de quelque longueur fixée aux tambours à leur point de jonction ; on prend les tambours à la main et on les agite de façon à donner un mouvement d’oscillation aux deux boules, qui sont ainsi mises en contact avec les tambours et font grand bruit. Les grands tambourins fixés à un pieu d’environ 3 pieds de haut, se battent avec une canne de bambou qui, vu son élasticité, frappe la peau à coups précipités, mais pas très fortement. Les cymbales ressemblent beaucoup à celles dont on se sert en Europe ; on les garde dans des boîtes faites de branches de tilleul tressées.

La musique des Tibétains est lente et a des sons pénétrants ; elle est bien supérieure à celle des Hindous de l’Inde. On ne peut pas prétendre qu’il y ait plus de mélodie dans la musique tibétaine, et cependant les instruments produisent une certaine combinaison harmonieuse et une succession rythmique de sons.

CYLINDRES À PRIÈRES

Le cylindre à prière, en tibétain khorten, aussi mani et mani chhoskhor[1], est un instrument particulier aux bouddhistes et qui caractérise très bien leurs notions religieuses. L’usage de cet instrument a dû probablement se répandre par suite des exhortations à la fréquente lecture des livres et des sentences sacrés, dans le but d’arriver à connaître les dogmes de la doctrine bouddhique. Avec le temps la simple lecture ou la copie des livres et écrits sacrés a fini par être considérée comme une oeuvre méritoire, et un des moyens les plus efficaces de se purifier du péché et de se délivrer de la métempsychose.

Peu de personnes cependant savaient lire, et ceux-là étaient empêchés par leurs occupations de le faire fréquemment ; c’est pourquoi, Je pense, les Lamas ont songé à un expédient qui permît à l’ignorant ou à l’homme occupe d’obtenir les avantages attachés à l’observation de ces pratiques. Ils enseignèrent donc que la simple action de tourner un manuscrit roulé en remplaçait efficacement la lecture.

Les boîtes cylindriques où sont enfermées les prières à tourner, sont ordinairement en métal ; mais on trouve souvent des enveloppes de bois, de cuir ou même de coton commun. Elles ont de 3 à 5 pouces de hauteur et 2 ou 3 de diamètre. Un manche de bois traverse le cylindre et forme son axe. Autour de cet axe sont enroulées de longues bandes de papier ou d’étoffe avec des sentences sacrées imprimées ; ces rouleaux sont recouverts d’un morceau d’étoffe de coton sans impression. Pour faciliter la rotation du cylindre, une petite pierre ou un morceau de métal y est fixé par un cordon, de sorte qu’un léger mouvement de la main suffit pour maintenir un mouvement de rotation sûr et régulier.

Outre ces cylindres à prières de dimensions ordinaires, il y en a de très grands fixés en permanence près des monastères. Un homme les tient continuellement en mouvement, ou bien quelquefois ils sont mus par l’eau, comme les moulins, et tournent jour et nuit. Nombre d’autres plus petits sont placés à l’entrée des couvents, le long des murs et sont tournés par les passants ou par ceux qui entrent dans le temple. Ils sont généralement si près les uns des autres qu’un passant peut facilement les faire tous tourner l’un après l’autre, sans interruption en les effleurant de la main. Le nombre des cylindres à prières élevés dans un seul monastère est réellement étonnant ; ainsi l’inscription relative à la fondation du monastère de Himis à Ladak (voyez page 119) établit que 300,000 cylindres à prières ont été placés le long des murs du monastère. Bien que ce soit une exagération à la manière orientale, la quantité actuelle en est réellement très considérable.

On considère que chaque révolution du cylindre équivaut à la lecture de toutes les sentences et traités sacrés qui y sont renfermés, pourvu que le mouvement imprimé au cylindre soit lent et de droite à gauche ; l’effet dépend de la stricte observation de ces règles. Le mouvement doit être lent, parce que ceux qui tournent les cylindres doivent le faire avec un esprit plein de foi, de calme et de méditation. Le mouvement doit se faire de droite à gauche, afin de suivre l’écriture qui court de gauche à droite. Quelques grands cylindres à prières sont construits de façon que le tintement d’une cloche marque chaque révolution.

En général la prière inscrite est simplement, Om mani padme houm, répétée aussi souvent que l’espace le permet. Les papiers roulés dans les grands cylindres sont cependant d’ordinaire couverts de préceptes des livres sacrés[2].

Les Lamas ont des livres particuliers qui dénombrent les avantages résultant de la révolution de ces cylindres ; je citerai spécialement le Khorloï-phan yon, « l’avantage de la roue », qui traite aussi des prières et des livres qu’on doit y placer, et de la manière de tourner ces cylindres.

Les cylindres à prières furent presque les premiers objets que les missionnaires firent connaître en Europe.

En ce qui concerne les drames religieux et le rituel à observer dans certaines cérémonies que je vais décrire maintenant, j’ai été réduit en grande partie aux matériaux et aux renseignements obtenus des naturels que j’ai vus. Je me permets de parler de cette circonstance pour prier le lecteur de la prendre en considération si mes interprétations ne sont pas aussi complètes que semble l’exiger l’importance que les Tibétains attachent à ces questions.

REPRÉSENTATIONS DE DRAMES RELIGIEUX

À certains jours de l’année les Lamas représentent des drames religieux, qu’on appelle Tambin shi[3], « la félicité de l’instruction ». Mon frère Hermann, pendant son séjour au monastère d’Himis, eut la bonne fortune d’assister à la représentation d’un de ces drames donnée expressément pour lui ; en voici la description :

Les dramatis personæ sont des Dragsheds (divinités qui défendent l’homme contre les mauvais esprits, voyez page 70), des démons et des hommes. Les acteurs de chaque groupe se distinguent facilement par le masque (tib. Phrag) qu’ils portent, et beaucoup moins par leurs habits, qui sont des robes étonnamment uniformes et sans signes distinctifs. Les Dragsheds et les démons portent sur leur habit de prêtres de grandes robes de soie de couleurs riches et voyantes ; quelques Dragsheds ont en outre des cuirasses et des armes. Même ceux qui représentent les hommes sont pourvus d’un uniforme particulier quand les moyens du monastère le permettent.

Les masques du premier groupe, les Dragsheds, sont très grands et d’aspect terrible ; le derrière de la tête est couvert d’une pièce triangulaire de coton ou de soie ; par devant aussi une pièce semblable attachée au menton pend sur la poitrine. Le second groupe, les démons, a des masques bruns ou de couleur sombre, de dimensions un peu plus grandes qu’il ne serait convenable, et leurs vêtements sont bien rembourrés, de sorte qu’ils sentent peu les coups qui pleuvent sur eux. Les acteurs de ce groupe et du suivant sont des néophytes ou des laïques. Le troisième groupe, finalement, représente les hommes en habits ordinaires et avec des masques de dimensions et de couleurs leurs naturelles ; ils portent sous leurs robes de pesants bâtons, dont parfois, au cours du drame, ils menacent les esprits malfaisants.

Le drame est précédé d’hymnes et de prières et d’une musique bruyante. Les acteurs sont ainsi groupés sur la scène : les Dragsheds occupent le centre, les hommes sont à leur droite, les démons à gauche. À courts intervalles les hommes et les démons exécutent des danses lentes sans se mêler. Enfin un démon et un homme s’avancent. Alors l’esprit du mal essaye, par un discours bien tourné, de pousser l’homme à pécher en violant quelque précepte de morale ou de religion ; d’autres démons s’approchent et aident leur camarade dans son discours. L’homme, d’abord ferme dans sa résistance à toutes leurs séductions, devient de plus en plus faible ; il est sur le point de succomber aux tentations de ses séducteurs quand surviennent d’autres hommes qui s’efforcent de le dissuader d’écouter les mauvaises suggestions. Il est vivement pressé par les deux partis et ce n’est qu’après de longues hésitations qu’il se rend aux exhortations de ses frères. Les hommes rendent grâces aux Dragsheds, à l’assistance desquels ils attribuent leur victoire (bien que les Dragsheds n’aient pris aucune part à l’action) et les supplient de punir les méchants esprits. Les Dragsheds ne sont que trop disposés à le faire : leur chef, qui se distingue des autres par un masque jaune de grandeur extrême, que les Lamas nomment Gonyan Serpo ou « la tête jaune empruntée », s’avance entouré d’une douzaine d’acolytes représentant les Dragsheds les plus puissants. Parmi ceux-ci se voyaient, à la représentation d’Himis, Lhamo (voyez page 71), avec un masque brun et de grandes queues de crins de yak, Tsangpa (c’est-à-dire Brahma, voyez page 72), revêtu d’une cuirasse. Plusieurs acteurs portaient des masques rouges à trois yeux ; on les appelait Lhachen « les dieux puissants » ; un autre groupe, avec des masques verts et de hauts bonnets coniques en étoffe de coton blanc sur lesquels trois yeux étaient dessinés, représentait « les fils des dieux[4] », Lhatoug.

Les autres Dragsheds accourent aussi de l’arrière-plan, lancent des flèches sur les démons, tirent des coups de mousquets, leur jettent des pierres et des javelots ; tandis que, en même temps, les hommes les accablent avec entrain de coups des butons cachés jusqu’à ce moment-là. Les démons s’enfuient,

mais les Dragsheds les poursuivent et les poussent dans des maisons, dans des trous, etc., où ils sont à l’abri de plus longues molestations. Le drame est fini. Tous les acteurs, Dragsheds, hommes et démons, reviennent et chantent des hymnes en l’honneur des Dragsheds victorieux.

Pendant la représentation, qui dure de une à deux heures, il arrive quelquefois des méprises risibles à cause des masques qui, dans certaines positions, privent les acteurs de l’usage de leurs yeux ; ainsi il arrive qu’un Dragshed en frappe un autre, ou qu’il tombe — lui un si puissant dieu ! — tout de son long par terre, où il est rossé par les démons jusqu’à ce qu’il soit de nouveau sur pied.

Ces drames nous rappellent les Mystères et les Moralités du moyen âge[5] ; mais la musique bruyante, les décharges de mousqueterie et la mêlée finale produisent un effet qui s’accorde moins encore que les intermèdes comiques et burlesques des Mystères et des Moralités avec un acte religieux. Ces intermèdes étaient destinés à amuser l’auditoire et à détendre les esprits dans les intervalles entre les parties plus sérieuses de la pièce, qui devaient exciter les sentiments de dévotion et éveiller le sens moral.

L’analogie est frappante entre les sujets des drames religieux représentés à Arrakan et ceux du Tibet. Je prends la description suivante dans le « Eastern Monachism » de Hardy[6] :

« Des lignes sont tracées sur le sol, dans un espace libre, et on introduit les danseurs. Ces lignes figurent les limites du territoire appartenant à divers Yakas ou Devas, et la dernière est celle des Bouddhas. Un des danseurs s’avance vers la première limite et, quand il a appris à quel Yaka elle appartient, il défie le démon en l’appelant par son nom et en proférant les paroles les plus insultantes ; il déclare ensuite qu’en dépit de tous les obstacles il franchira la limite et envahira le territoire de son infernal adversaire. Il passe alors la limite en triomphe et en fait autant pour tous les autres démons ou divinités qui ont des territoires désignés, jusqu’à ce qu’il arrive enfin à la limite des Bouddhas. Il fait encore parade de la même vaillance et défie le « prêtre à tête laineuse qui porte la coupe à aumônes de seuil en seuil, comme un mendiant vulgaire » ; mais au moment où il franchit la limite, il tombe, comme s’il était mort ; on suppose qu’il subit la peine du blasphème qu’il a osé prononcer, et tous les spectateurs applaudissent à la grandeur de « celui dont la puissance se montre si supérieure à celle de tous les autres êtres ».


JOURS SACRÉS ET FÊTES. — FÊTES MENSUELLES ET ANNUELLES

Dans quelques contrées il y a quatre fêtes mensuelles qui coïncident avec les phases de la lune ; dans d’autres on ne célèbre que trois de ces jours, ceux du premier quartier, de la pleine Lune et de la nouvelle Lune. Ces jours là on doit s’abstenir de nourriture animale et aucune bête ne doit être tuée ; ceux qui contreviennent à ces défenses sont menacés de punition sévère dans une existence future. L’abstention des occupations mondaines n’est pas observée, et comme les bouddhistes laïques de l’Himalaya et du Tibet occidental n’aiment guère à passer tout le jour en prières dans les temples, ces jours de fête ne sont pas entrés dans les habitudes de la population[7]. Mais les Lamas passent plus de temps dans les temples ; ils célèbrent la cérémonie Touisol, pour la purification des péchés, et font une confession solennelle. La confession est précédée et suivie de la lecture et de la récitation de passages des livres sacrés ; cette occupation se prolonge quelquefois des jours entiers, pendant lesquels on ne prend, en fait de nourriture et de boisson, que le strict indispensable. Ces austérités pour obtenir la rémission des péchés portent le nom de Nyoungne ou Nyoungpar nepaï choga. Tous les laïques peuvent subir les épreuves de cette sorte de confession ; mais comme des pratiques moins pénibles ont, dans leur opinion, la même efficacité[8], les Tibétains, prêtres aussi bien que laïques, ne s’y soumettent qu’un certain nombre de fois par an, au lieu, comme cela devrait être, de trois fois par mois. En général, les Lamas se contentent de lire certains livres et de célébrer la cérémonie Touisol ; les laïques se prosternent devant les images de certains dieux et récitent plus de sentences sacrées que les autres jours.


FÊTES ANNUELLES

Presque chaque mois on célèbre une fête religieuse particulière, et ces jours-là les amusements publics vont leur train ; les fêtes, tant religieuses que publiques, sont très variées aux époques suivantes, qui sont regardées comme les plus sacrées : vers le 1er février on célèbre la fête de la nouvelle année ; le quinze du quatrième mois (environ le commencement de mai) on célèbre « l’entrée de Sākyamouni dans le sein de sa mère » ; le 15 du septième mois (août), avant la moisson, on fait des processions solennelles dans les champs, accompagnées de prières et d’actions de grâce pour les bénédictions des récoltes ; le 25 du même mois revient l’anniversaire de la mort de Tsongkapa. Les fêtes de ces jours sont brillantes et variées, surtout dans les lieux où résident des prêtres incarnés ; je renvoie le lecteur pour les détails à la « description du Tibet » traduite du chinois, et à Huc, Pallas et Klaproth[9]. Mes frères n’ont assisté à aucune de ces fêtes, aussi me borné-je à citer les ouvrages qui en donnent des descriptions ; mais je donnerai les détails que mes frères se sont procurés sur les cérémonies Touisol et Nyoungne.


CÉRÉMONIE TOUISOL

Le Touisol, « prier pour l’ablution »[10], se range parmi les plus sacrés des rites bouddhiques, et se célèbre dans toutes les assemblées solennelles, pour effacer les péchés. On verse l’eau contenue dans un vase de la forme d’une théière, qu’on appelle Mangou ou Boumpa, sur le couvercle bien nettoyé de ce vase appelé Yanga, ou sur un miroir métallique particulier, Melong, qui est disposé de façon à refléter l’image de Sākyamouni placée sur l’autel. L’eau tombe dans un vase plat, appelé Dorma[11], placé sur un trépied. Les Lamas de Gnary-Khorsoum ont dit à mes frères qu’ils mettent dans cette eau un sac rempli de riz, qu’ils nomment Brakhoug, « sac de riz »[12].


CÉRÉMOMIE NYOUNGNE OU NYOUNG PAR NEPAI CHOGA

Cette cérémonie ne se célèbre dans toute sa rigueur qu’une ou deux fois par an : son nom signifie « continuer l’abstinence » ou « cérémonies de l’abstinence prolongée »[13]. Elle se prolonge pendant quatre jours ; les prières et les passages des livres lus pendant ce temps, célèbrent surtout la gloire de Padmapani en sa qualité de Jigten Gonpo « protecteur du monde » pour ses efforts à soulager l’humanité des maux de la vie[14]. Tout laïque peut participer à ces cérémonies ; il n’a qu’à se présenter au monastère dans la soirée, bien lavé et revêtu d’habillements propres, avec un rosaire, une tasse nommée Thor, et une bouteille d’eau pure pour se laver.

Le premier jour est consacré aux « exercices d’introduction », en tibétain Tagom[15], préparatoires à ceux du lendemain ; on récite des prières et on lit des passages des livres sacrés sous la direction d’un savant Gelong, désigné par le Lama Supérieur. Le second jour est consacré à Chorva, « la préparation »[16]. Au lever du soleil les dévots sont réveillés, ils se lavent et se prosternent plusieurs fois devant l’image de Padmapani. Le Supérieur Lama les adjure de ne plus violer leurs vœux, et de renouveler les promesses qu’ils ont déjà faites ; il leur commande de confesser leurs péchés et de méditer sérieusement sur les maux qui en découlent. Pendant environ une heure, il lit, avec ses assistants, des extraits de plusieurs livres, ce qui s’appelle Sabyong, « confession, amendement de la mauvaise vie ». Alors on lit jusqu’à dix heures le livre Nyoungpar ne paï choga ; à ce moment on distribue du thé (Cha-chosh et non Cha[17]). Après cela on continue jusqu’à deux heures la lecture des livres et des prières, et on sert un dîner composé de légumes et de pâtisseries ; la nourriture animale est défendue. Après ce maigre repas, les prières et les lectures continuent jusqu’à la nuit ; de temps en temps on passe du thé à la ronde. Avant que les assistants n’aillent reposer, le Supérieur Lama spécifie les divers devoirs de l’assemblée pour le lendemain, et ordonne, comme pénitence, de dormir selon la « manière du lion », Sengei nyal tab[18], c’est-à-dire de se coucher du côté droit, la jambe étendue et la tête soutenue par la main droite.

Le second jour est le plus important ; on le nomme Ngoïshi, « la substance, la réalité ». Tout le jour se passe dans une rigoureuse abstinence de nourriture et de boisson. — On ne doit pas même avaler sa salive ; chacun a devant soi un vase dont il se sert comme de crachoir. Les personnes délicates qui ne pourraient supporter longtemps cette pénible prescription, peuvent parfois se rafraîchir de quelques gouttes d’eau et prendre l’air quelques instants. Il est défendu de prononcer un mot, et si quelqu’un s’oubliait à en proférer un seul, il serait puni par l’obligation de chanter quelques hymnes à pleine voix. On doit prier en silence et se repentir des actions coupables. L’abstinence de nourriture et de boisson se prolonge jusqu’au lendemain au lever du soleil. Alors le Supérieur Lama demande si quelques fidèles sont disposés à continuer de même jusqu’au matin suivant, ce qui est tenu pour un moyen très efficace de se purifier de tous les péchés ; il est extrêmement rare que quelqu’un se sente la force de persister. Le Lama donne donc la permission de rompre le jeûne ; sur quoi les assistants se lèvent, sortent du temple et prennent un repas substantiel que la foule pieuse leur a préparé au dehors.

RITES POUR OBTENIR DES POUVOIRS SURNATURELS

La confiance dans l’influence puissante des prières et des cérémonies est si répandue dans toutes les tribus bouddhistes de la haute Asie que toute entreprise est précédée par des prières, des incantations et la célébration de certaines cérémonies pour apaiser la colère des démons. Le peuple croit aussi que, grâce à la stricte observation des devoirs inhérents à ces rites, il pourra acquérir plus tard une miraculeuse puissance magique appelée Siddhi et enfin s’affranchir de la métempsychose. Cette idée n’est pas contraire aux principes du bouddhisme, qui déclare que des pouvoirs supérieurs à ceux que la nature a départis aux hommes peuvent s’acquérir par la méditation, l’abstinence, l’observation des devoirs moraux et le repentir sincère des péchés. Cet encouragement à une vie morale, dont les conséquences sont développées dans les livres sacrés en nombreuses paraboles, est bien fait pour exercer une influence heureuse sur l’adoucissement des mœurs barbares des nations bouddhiques ; mais le bouddhisme, qui ne comprend pas le véritable but de la vertu, qui n’admet pas une divinité suprême dominant sur tout, et qui considère l’existence comme la cause de tous les maux, était incapable de produire une civilisation aussi générale que celle du christianisme[19].

Les livres qui traitent le plus systématiquement les arts magiques sont le Tantra Sabahoupariprichha et le Lamrim de Tsonkhapa, dans lesquels on trouve l’explication complète de tout ce qui touche à leur théorie ou à leur application pratique. Dans le Sabahoupariprichha[20] Vadjrapani décrit au Bôdhisattva Sabahou, sous la forme habituelle de dialogues, la manière d’accomplir diverses cérémonies et indique les prières et incantations à employer pendant leur célébration pour acquérir le Siddhi. Ce livre montre les obstacles qui se présenteront et spécifie les signes qui indiquent qu’on obtiendra bientôt Siddhi ; il définit aussi son essence et ses qualités.

On distingue huit sortes de Siddhi :

1. Pouvoir de conjurer.
2. Longévité.
3. L’eau de la vie, ou le remède (Amrita).
4. La découverte de trésors cachés.
5. L’entrée dans le souterrain d’Indra.
6. L’art de faire de l’or.
7. La transformation de la terre en or.
8. L’acquisition du joyau inappréciable.

Les Siddhis numéros 1, 3 et 5 sont les plus élevés ; le degré de perfection à atteindre dépend du rang de l’homme.

Ceux qui veulent obtenir Siddhi doivent renoncer aux vanités de la vie, observer strictement les lois morales et confesser leurs péchés ; ils doivent aussi s’adresser à un maître savant afin de ne rien omettre. Quand ils vont célébrer les rites, ils doivent être rasés, lavés et propres. Le lieu où s’accomplit la cérémonie a une influence toute particulière sur le succès. La place doit être choisie de telle sorte que l’esprit ne risque pas d’être distrait par des objets plus ou moins attrayants, ou par l’apparition possible de bêtes sauvages. Les lieux les plus favorables sont ceux où habitent des Bouddhas, Bōdhisattvas ou Sravakas. La place doit être balayée et nettoyée et on doit y jeter de la terre fraîche pour l’aplanir et la rendre plus douce. Il faut dessiner un cercle magique des cinq couleurs sacrées, afin de surmonter les obstacles, « Vinayakas », opposés par les démons ; car ces derniers font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher les efforts et les charmes des dévots de produire leur effet. Dans le cercle on élève un autel, sur lequel on dispose divers vases remplis de grains, de pain et d’eau parfumée. La cérémonie consiste à réciter des incantations et présenter des offrandes aux rois du pouvoir magique, aux génies et aux démons. Pendant qu’on récite les incantations, on doit tenir à la main un Vadjra (Dordje), dont la matière varie suivant le genre du Siddhi désiré. Les incantations doivent être répétées un nombre de fois déterminé, soit par exemple cent mille fois dans un jour ; on en fait le compte au moyen du rosaire à 108 grains. On doit les réciter lentement et distinctement, sans élever ou baisser la voix ; il ne faut y faire ni addition ni omission ; on doit donner au récit la plus profonde attention, autrement on ne pourrait atteindre le but souhaité[21]. Il faut surtout diriger ses pensées vers la divinité tutélaire (tib. Yidam) choisie pour assurer le succès des incantations, offrandes, etc. ; la manière même de placer et de tenir les doigts, Moudras[22], a son importance ; ou doit choisir les positions qui figurent les attributs du dieu invoqué. Parmi les cérémonies d’offrandes, l’holocauste, en tibétain Chinsreg ou Sregpa, en sanscrit Homa, a le plus d’importance, elle doit être accomplie avec une stricte observation des règles établies à cet effet[23].

L’approche du moment où le dévot atteindra la possession des qualités surnaturelles est indiquée par différents signes, tels que rêves agréables, diffusion de parfums délicieux, etc. Il faut alors faire des offrandes particulières aux Bouddhas, ne prendre pendant deux ou même quatre jours que la quantité de nourriture strictement indispensable et lire certains Soutras. Si cependant, malgré la stricte observation de toutes ces règles, aucun signe n’annonçait l’approche de Siddhi, ce serait une marque positive que des raisons inconnues l’auraient empêché ; la divinité protectrice révèle ces raisons dans les rêves.

Les rites et les Dharânis varient suivant la divinité dont on implore l’assistance ; chaque dieu a ses Dharânis, Moudras, cercles magiques, offrandes et attributs particuliers. D’après la croyance populaire, Avalokitesvara, Mandjousri, Vadjrapani et beaucoup d’autres personnages ont déclaré au Bouddha leur intention de défendre sa religion et d’accorder leur assistance à ceux qui l’implorent. Les Dharânis et les cérémonies qui conviennent à chacune de ces divinités et les instructions sur leur application ne sont pas toujours clairs, satisfaisants et complets ; aussi de fameux magiciens ont-ils écrit des commentaires explicatifs, qui pourtant ne s’accordent pas toujours ; de là les nombreuses méthodes « Longs » pratiquées pour la célébration des rites.


CÉRÉMONIES PARTICULIÈRES POUR S’ASSURER L’ASSISTANCE DES DIEUX

La plupart des cérémonies, pour avoir l’efficacité voulue, doivent être célébrées par un Lama ; mais, même dans celles où ce n’est pas indispensable, on demande l’assistance d’un prêtre dans les circonstances importantes, car on suppose que le rite devient plus efficace par la coopération d’un Lama. Toutefois cette assistance est très coûteuse pour les laïques, car les prêtres officiants taxent leurs services d’après les ressources des fidèles[24]. Il n’est pas nécessaire de s’adresser aux Lamas pour les libations usuelles aux génies personnels, à ceux de la maison ou de la campagne, etc., en l’honneur desquels on a coutume de renverser un peu de nourriture ou de boisson, ou de remplir les vases à offrandes placés devant leurs images avant de manger ou de boire soi-même[25]. On peut aussi élever des pavillons à prières (Derchoks et Lapchas), faire des offrandes aux lieux consacrés que l’on rencontre en voyage sans l’aide des Lamas, qui n’est pas indispensable non plus pour assurer l’efficacité des sentences mystiques de pouvoir magique, les Dharānis.

1. Rite Doudjed

Ce rite, dont le nom signifie « préparer », sous-entendu les vases, a pour but de concentrer les pensées. Ceux qui veulent s’adonner à une profonde méditation placent devant eux un vaisseau en forme de vase, appelé Namgyal boumpa, « le vase entièrement victorieux », et un vaisseau plat appelé Laï boumpa, « le vase des œuvres »[26]. Le Namgyal-boumpa figure l’abstraction de l’esprit de tous les objets environnants ; le Laï-boumpa, la perfection dans la méditation abstraite. On ne doit pas poser les vases sur la terre, mais sur une étoffe ou un papier où est dessiné un cadre octogone, appelé Dab chad, « octogone » ; on remplit les vases d’eau parfumée au safran et on entrelace autour d’eux des bandelettes aux cinq couleurs sacrées ; on y met aussi des fleurs ou de l’herbe Kousa[27]. Le dévot fixe son regard sur ces deux vases, réfléchit sur l’avantage qu’il tirera de la méditation et par là il est porté à une profonde concentration de l’esprit.

Le cadre Dabchad a neuf compartiments séparés par des ornements figurant des nuages. Dans chaque compartiment est inscrit le nom d’une Dakini ou Yôgini, en tibétain Khado, ou aussi Naljorva ; dans la case centrale une inscription indique qu’elle représente le « chef des Dakinis », que les livres sacrés appellent Sangye Khado en tibétain, Bouddha Dakini en sanscrit. Dans un Dabchad qu’Hermann s’est procuré à Sikkim, les mots du centre sont : ḍbous-byas-ṃkhro[28], et signifient « Dakini occupant (fait dans) le


Annales du Musée Guimet
T. III, PL. XXIV

DABCHAD, FIGURE MAGIQUE.

centre ; le mot ṃkhro est une abréviation de Khado, qui s’écrit ṃḳha-’gro, et qui signifie littéralement « qui promène dans l’air ». Les Dakinis sont des esprits féminins en nombre incommensurable qui témoignent une grande bonté pour les hommes. Elles sont invoquées, dans un traité traduit par Schmidt, avec des épithètes de sainteté comme par exemple Sarva Bouddha Dakini, et leur chef porte le nom de Bogda Dakini ; Bogda signifie « nature divine ». Cette Dakini suprême est aussi la compagne ou Sakti de Vadjradhara et jouit de pouvoirs aussi grands que son époux[29].
2. Holocauste

Par l’holocauste (en tibétain Chinsreg ou Sregpa[30], en sanscrit Hôma), le suppliant espère obtenir le bonheur, l’opulence et le pouvoir, se purifier de ses péchés et se garantir contre « la mort prématurée » et les maux qui s’ensuivent. Cette cérémonie consiste à faire brûler du bois de tamarin, Ombou, et du coton avec des charbons et de l’huile parfumée dans une sorte de fourneau, Thabkoung[31], fait d’argile et de briques. La forme et la couleur du fourneau dépendent du but pour lequel on l’emploie ; tantôt il est carré, tantôt semi-circulaire, ou circulaire ou triangulaire. Ces fourneaux ont environ un pied de haut et deux de large ; les côtés en sont droits et le fond formé d’une plaque d’argile cuite, qui dépasse les côtés d’environ deux pouces ; sur le bord qui dépasse sont dessinés des demi-dordjes[32] ; au centre de la plaque est gravé un signe mystique qui symbolise la terre, le feu, l’eau ou l’air, suivant la forme du fourneau.

Les offrandes doivent être brûlées par un Lama revêtu d’une grande robe de la couleur du fourneau et brochée de nombreux symboles de l’élément gravé sur la plaque de fond. Il dispose sur une table latérale, avec des prières qui commencent par le nom de l’élément, les offrandes qui doivent être consumées ; il les met dans le fourneau par petites quantités à la fois, afin que la combustion se fasse lentement. Il entretient le feu en versant de l’huile parfumée avec deux cuillères de cuivre ; avec la plus grande, nommée Gangzar[33], il puise l’huile dans un petit vase de cuivre et la verse dans la plus petite appelée « Lougzar »[34], de laquelle il laisse tomber l’huile goutte à goutte sur les offrandes.

Cette cérémonie porte quatre noms suivant le but de sa célébration :

1. Zhibai Chinsreg « sacrifice de paix », pour garder des calamités, famine, guerre, etc. ; pour diminuer ou neutraliser les effets des mauvaises influences et effacer les péchés. Le fourneau est carré ; sa partie basse est rouge, le haut est blanc. Sur le fond est marqué le signe « Lam », symbole de la terre.

Cet holocauste est ordinairement célébré après le décès d’une personne, parce que l’on suppose que les péchés du défunt sont réunis dans le fourneau par la vertu des Dharânis prononcés par le Lama officiant et par le pouvoir de Mélha ou Mélhaï gyalpo, « le seigneur des génies du feu », que l’on implore toujours dans ces occasions ; on croit que pendant la combustion des offrandes les péchés disparaissent pour jamais. Voici les termes de la prière à Mélha :

« Je t’adore et te présente les offrandes pour le défunt qui a quitté le monde et est entré dans le cercle ; pour lui qui habite dans l’assemblée des trois divinités miséricordieuses, qui sont tantôt calmes, tantôt en colère[35]. Je t’en supplie, purifie-le de ses péchés et des violations de la loi et montre-lui le droit chemin. Sarva-agne-dzala-ram-ram. »

Cette prière est reproduite planche XXV ; c’est une impression d’une gravure sur bois originale, venant du Tibet oriental[36] ; elle est placée sous


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T. III, Pl. XXV
MELHAÏ GYALPO, roi des génies du feu d’après un bois du Tibet oriental.
MELHAÏ GYALPO, roi des génies du feu d’après un bois du Tibet oriental.
MELHAÏ GYALPO
ROI DES GÉNIES DU FEU
d’après un bois du Tibet oriental.

l’image de Mélha, représente dans l’état de calme. Il est assis, les jambes croisées, sur une fleur de Lotus et tient dans ses mains jointes le Lotus bleu Outpala (nelumbium speciosum) ; sa tête est ombragée par le Doug (ombrelle), orné des rubans horizontaux Labri et des drapeaux Badang.

2. Gyaspaï Chinsreg[37], « le riche sacrifice », pour obtenir une bonne récolte, la richesse, etc. Le fourneau est hémisphérique, et de couleur jaune ; sur le fond est figuré le mot « Yam », symbole de l’air.

3. Vangi Chinsreg[38], « le sacrifice pour le pouvoir », pour obtenir influence, pouvoir et succès à la guerre. Le fourneau est rouge et circulaire ; cette forme est symbolique de la fleur de Lotus ; il porte sur son fond le symbole de l’eau, « Ram ».

4. Dragpo Chinsreg[39], « le cruel sacrifice », pour obtenir d’être protégé contre « la mort prématurée », et pour faire punir les méchants esprits qui ont occasionné ce malheur redouté. Le fourneau triangulaire est noir ; le caractère gravé sur le fond « Ram » est le symbole du feu[40].

La planche XXXII, lettre A — reproduction directe sur le papier comme s’il s’agissait d’une gravure sur bois destinée à l’impression — représente la surface d’un morceau de bois en forme de rectangle long ; quatre trous y sont creusés pour mouler le pain, la pâte, le beurre mêlé de grains et autres substances semblables qui sont ensuite offertes en remplacement de l’holocauste. Les caractères du centre sont les symboles des quatre éléments, et les trous présentent la forme des fourneaux où les offrandes sont brûlées. À côté de ces figures et de ces symboles est représenté sur la gravure le Lama officiant qui tient à la main les deux cuillères, emblèmes de celles qui servent à cette cérémonie.

3. Invocation à Loungta
Loungta[41], « le cheval aérien, le cheval du vent », figure sur la liste des sept choses précieuses, sous le nom de Tachog, « le meilleur cheval de son espèce ». Ce cheval est renommé, dans les légendes, pour sa rapidité.

« Quand le roi de la roue d’or, le souverain des quatre éléments (en sanscrit Maha Chakravartin Raja), le monte pour traverser le monde, il part le matin et rentre le soir sans avoir ressenti aucun fatigue. » Le Norvon Phrengva rapporte qu’il traverse d’immenses espaces en un moment[42].

Le Loungta est le symbole de « l’harmonie, » car il réunit en harmonie les trois conditions de l’existence humaine, dont l’union constitue le bonheur ; il les fortifie de façon à produire une union salutaire à l’homme. Ces trois conditions d’existence et de prospérité sont : Srog, Lous et Vang.

Srog, le principe vital, « le souffle », est la base de l’existence.

Lous, « le corps », signifie le développement normal de l’organisme du corps.

Vang, « pouvoir », figure l’énergie morale qui permet à l’homme de s’abstenir des actions qui nuisent au principe vital et aux organes du corps, et produisent la maladie et la mort. Il désigne, en même temps, la faculté de détourner les dangers qui découlent de l’hostilité naturelle des éléments[43].

Loungta a encore le pouvoir d’enlever aux constellations et aux planètes hostiles à l’homme leur influence nuisible. De plus l’efficacité d’un Dharāni ou d’une sentence pour le bonheur de l’existence est plus assurée par la présence de Loungta ; de cette croyance vient la coutume d’ajouter à ces Dharānis un cheval chargé de la pierre précieuse Norbou, ou une allégorie du cheval, ou au moins une prière à Loungta.

Les planches rapportées par mes frères fournissent des spécimens de cet usage. Les Dharānis sont en sanscrit, écrits en caractères tibétains et quelquefois aussi en caractères lantsa. Le but proposé et les divinités implorées varient ; dans la plupart de ces Dharānis nous trouvons cependant la prière Om mani padme houm, et Om Vadjrapani houm, Dharānis destinés à Padmapani et à Vadjrapani.

Dans la planche XXVII le cheval est au centre et porte la précieuse pierre


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T. III, Pl. XXVI
Sentences mystiques avec la figure du cheval aérien
Sentences mystiques avec la figure du cheval aérien
SENTENCES MYSTIQUES AVEC LA FIGURE DU CHEVAL AÉRIEN.

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T. III, Pl. XXVII
Sentences mystiques, avec l’image du cheval aérien
Sentences mystiques, avec l’image du cheval aérien
SENTENCES MYSTIQUES, AVEC L’IMAGE DU CHEVAL AÉRIEN.
Les caractères de cette planche ayant été gravés en positif sur le bois original,
se trouvent ici retournés.

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T. III, Pl. XXVIII
Formules d’invocations à Loungta, le cheval aérien
Formules d’invocations à Loungta, le cheval aérien
FORMULES D’INVOCATIONS À LOUNGTA, LE CHEVAL AÉRIEN.

Norbou. Dans d’autres exemplaires il se dirige vers la gauche, tandis que l’écriture va, comme d’habitude, de gauche à droite ; dans cette planche tout est à rebours, l’artiste n’ayant pas pris la peine de retourner son œuvre. Ces irrégularités se présentent assez fréquemment, surtout dans les planches qui ne sont pas destinées à l’impression sur le papier, mais seulement à imprimer des objets de nourriture. Comme signes allégoriques substitués à la figure du cheval, nous trouvons quelquefois la forme anagrammatique de la prière Om mani padme houm en caractères lantsa, ou la lettre lantsa Om ceinte d’une gloire et flanquée des caractères Ba et Bem. D’autres invocations à Loungta n’ont pas d’ornement central.

Les prières adressées personnellement à Loungta ne se trouvent ordinairement qu’au bas de la planche ; l’invocation imprimée planche XXVII no  2 est très puissante ; elle est conçue en ces termes : « Opulence, ami de l’adresse, Loungta de souffle, de corps, de pouvoir, puissiez-vous croître et grandir comme la nouvelle lune ! » Dans les tables où est inscrite cette prière, les quatre coins de l’image sont presque toujours ornés de la figure ou du nom d’un tigre (tib. Tag), d’un lion (tib. Senge), d’un oiseau (Khyoung), et d’un dragon (Broug) ; souvent, avant l’invocation à Loungta, on trouve un Dharāni en ces termes : « Tigre, Lion, Oiseau et Dragon, puissent-ils tous coopérer à l’union complète ! Sarva-dou-dou-houm. »

La couleur de l’étoffe ou du papier sur lequel le Loungta est imprimé n’est pas sans importance sur son effet ; les règles à cet égard sont du reste très simples : si l’on n’a pas sous la main la couleur requise, on peut y suppléer par des morceaux de la couleur voulue, coupés en triangle (pour indiquer que ce sont des Phourbous) et attachés au bord inférieur du tableau. La présence d’un Lama n’est pas nécessaire pour les invocations à Loungta, pas plus que pour les cérémonies plus compliquées encore qui ont été établies pour accroître la probabilité de la réussite[44] et peut-être est-ce là une des raisons de la fréquence des invocations à Loungta.

4. Talisman Changpo

Ce talisman, dont le nom signifie « garde, protecteur », est réputé protéger les hommes contre les entreprises des démons, et donner à ceux qui le suspendent dans leurs maisons ou le portent comme amulette la force de résister aux tentations de pécher inspirées par les esprits du mal. Ce talisman est rond, comme on peut le voir planche XXIX. Au centre est un petit cercle intérieur ; dans un second cercle plus large est dessinée une étoile, et dans les huit compartiments formés à l’intérieur de cette circonférence par les angles de l’étoile sont inscrits les noms des esprits ennemis. En dehors des circonférences un homme et une femme sont représentés, les mains de l’un attachées par des chaînes aux pieds de l’autre.

Cette planche est la reproduction d’une gravure sur bois ; ce bloc avait tellement servi que sa finesse originale a tout à fait disparu, et que le bois est fendu.

5. Figure magique Phourbou
Le Phourbou, littéralement, « cheville, épingle ou clou », est dessiné en triangle sur un papier couvert de charmes ; le manche a la forme d’un demi-Dordje.
Les bouddhistes attribuent au Phourbou la propriété d’empêcher les démons de nuire, ou de les chasser s’ils ont déjà exercé leur influence pernicieuse. On croit que la simple présence du mot Phourbou empêche les démons d’entrer dans les maisons ou de nuire à ceux qui le portent en amulette ; la sentence Phour-boui-dab-vo, « je te traverse avec le clou », est répétée dans plusieurs livres qui traitent des mauvais esprits[45] ; la pointe du Phourbou dirigée vers le côté où habitent les démons les chasse ou les détruit.

Ordinairement trois Phourbous entourés de flammes sont dessinés sur le même papier ; celui-ci est fixé sur un carton ou une planche mince. En cas de


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t. III, pl. XXIX

LE TALISMAN CHANGPO, de Daba, à Gnary-Khorsoum.

maladie ou de malheur attribué aux démons, le chef de la famille ou un Lama, si l’on est assez riche pour en prendre un, accompagné par la famille et les proches, fait le tour de la maison en dirigeant la pointe du Phourbou dans toutes les directions et en proférant des incantations à pleine voix.

La gravure sur bois ci-jointe, planche XXX, représente la disposition du Phourbou. Les deux caractères tibétains au centre de la figure sont ḍGra (prononcé Da), qui signifie « ennemi, » et bGegs (prononcé Geg), qui veut dire démon. La figure humaine placée entre les deux petits Phourbous est celle de Tamdin, en sanscrit Hayagriva. Tamdin est un Dragshed qui passe pour très empressé à protéger les hommes contre les démons. Un dordje sort de sa tête ; sous son menton est inscrite la syllabe mystique Ah.

Le rectangle long qui avoisine la tête, et l’hexagone, contiennent un Dharāni répété plusieurs fois, qui menace « les démons qui habitent au-dessus de la terre. » Les Dharānis du second rectangle sont dirigés contre le Geg qui habite l’est, Shar ; celui qui habite le sud-est, Sharlho ; et le sud, Lho. Les Dharānis placés à la jonction du triangle et au commencement de la première grande ligne dans la partie triangulaire, éloignent les démons, du sud-est, Lhonab. Chaque Dharāni se termine par les mots « détruire, réduire en ruines ». Les Dharānis sont sanscrits, écrits en caractères tibétains.

Sur les manches des deux petits Phourbous est inscrite la syllabe mystique houm.

Les autres charmes inscrits dans le triangle commencent par « Ah Tamdin », manière mystique d’implorer ce dieu. Ils écartent les démons qui habitent le nord-est, Noubjoung, le nord, Jang, et les autres quartiers du monde[46] ; et il est déclaré que ceux qui portent ce Phourkha[47], « Phourbou tranchant », sont protégés contre tous malheurs provenant de ces quartiers. Tous ces Dharānis sont sanscrits ; comme beaucoup d’autres charmes, ils ne peuvent se traduire littéralement. Ils se terminent par les syllabes houm et phat ; c’est le charme duquel la reine des Dakinis dit, dans le Norvou phrengva : « En criant avec la voix de secret houm et phat, je maintiendrai dans l’ordre l’innombrable légion des Dakinis[48]. » À la fin de l’inscription on lit que ce Dharāni est dirigé principalement contre les esprits qui habitent l’air et contre la classe spécialement nommée ṛGjal-po ṛgyas-’gong-shin-dre-ṣron-dre.

Les Dharānis inscrits sur le manche à la jointure du triangle sont toujours adressés à Tamdin ; ceux qui remplissent le triangle peuvent varier, car celui qui fait faire un Phourbou peut demander des Dharānis dirigés contre tels démons qu'il suppose lui être particulièrement hostiles.

Les Phourbous les plus efficaces sont ceux dont les Dharānis sont composés par le Dalaï Lama et le Panchen Rinpoche ; ces Phourbous atteignent un prix très élevé quand ils sont authentiques.

C’est un important article de commerce pour les pèlerins mongols revenant du Tibet, qui ne manquent jamais d’affirmer que les Dharānis de leurs Phourbous sont de la composition du Dalaï Lama.

6. Cérémonies Thougdam Kantsaï[49]

Toutes les fois que l’on demande par des cérémonies l’assistance de l’un des nombreux Dragsheds, les prières récitées et les offrandes doivent suivre un certain ordre :

1. Cérémonies avec des hymnes glorifiant la puissance du dieu imploré, et énumérant ses attributs ; elles sont appelées Ngontog[50], « produire l’éminente intelligence. »

2. Description de la région où le dieu habite ; le terme technique est Chandren, « citer. »

3. Déposition des offrandes sur l’autel ; Chodpa, « sacrifice. »

4. Prières implorant la rémission des péchés ; cet acte s’appelle Shagpa, « repentir, confession. »

5. Kantsaï, la présentation des objets, « satisfaire. » Le mode d’offrande consiste à consacrer aux dieux les objets qui, dès lors, ne peuvent plus servir aux usages particuliers.

Les offrandes sont quelquefois des animaux vivants et des armes ; l’un des principaux objets est une flèche à laquelle sont attachées des bandelettes de


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T. III, Pl. XXX

Phourbou, figure magique
Phourbou, figure magique
Phourbou, figure magique

soie aux cinq couleurs sacrées, qu’on appelle Darnai janpa, « ornements de cinq bandelettes de soie »[51], et un disque de cuivre appelé Melong, « miroir », sur lequel les syllabes mystiques om, tram, ah[52], hri, houm, sont inscrites dans la disposition suivante :

om
tram      ah      hri
houm
ཨྃཿ
ཏྲཾཿ      ཨྷཿ      ཧྲིཿ
ཧུཾཿ

On attache aussi des plumes à la flèche ; il faut choisir les plumes des oiseaux favoris des Dragsheds implorés ; ainsi la flèche offerte à Lhamo doit être ornée de plumes de corbeaux ; de milan pour Gonpo (Mahâdeva). On mêle aux plumes de petites bandes de papier où on écrit certains charmes, qui se représentent aussi sur la pointe et le corps de la flèche.

Quand l’acte d’invocation est terminé, on enfonce la flèche perpendiculairement dans le sol ; les astrologues seuls peuvent la retirer de cette position.

7. Invocation à Nagpo Chenpo en tournant la flèche

Nagpo Chenpo (en sanscrit Mahâkala) assure le succès des entreprises et protège contre l’hostilité de tous les mauvais esprits. Cette cérémonie, « tourner la flèche », sert aussi à faire découvrir les auteurs d’un vol.

Le Lama, supérieur du monastère où la cérémonie doit se faire, la commence par la lecture, au son des cymbales, des tambours et des flûtes, de certains passages d’un livre qui traite de la puissance de Nagpo Chenpo, des Dharānis qu’il a enseignés aux hommes, de sa haine pour les démons et des offrandes qui lui sont les plus agréables. Le Lama termine sa lecture en menaçant les esprits malins de la colère de Nagpo Chenpo s’ils font quelque mal à ceux qui ont commandé cette cérémonie. Il passe alors à un novice une flèche longue et pesante, garnie de plumes, de bandelettes de soie et de morceaux de papier couverts d’invocations à Nagpo Chenpo. Le

novice s’assoit sur un tapis de feutre blanc et tient la flèche d’une main la pointe appuyée perpendiculairement sur la paume de l’autre ; par une légère secousse de rotation il la met en mouvement et progressivement la laisse tomber à terre ; ses secousses deviennent plus fortes quand la pointe a quitté sa main et repose par terre ; il la saisit alors des deux mains et par une impulsion convulsive il lui conserve son mouvement. Les spectateurs croient que la flèche tourne par son propre pouvoir et que les secousses et les tremblements du prêtre sont la conséquence naturelle de ce mouvement spontané.

Le novice continue pendant plusieurs heures, pendant lesquelles il fait des milles sur lui-même et ne cesse que quand ses mains sont couvertes d’ampoules et ses forces épuisées. L’arrêt de la flèche est considéré comme le signe infaillible de l’expulsion des démons ; si la cérémonie avait pour but la découverte d’un vol, la direction indiquée par la pointe est celle où il faut chercher le voleur. Le novice va alors rejoindre les Lamas qui, pendant ce temps, chantaient des hymnes et récitaient des prières ; on chante encore quelques hymnes finales et on remet solennellement la flèche à celui qui a ordonné la cérémonie.

8. Cérémonie Yangoug

Le but de cette cérémonie Yangoug ou Yangchob, « chercher le bonheur, assurer le bonheur »[53], est de supplier Dzambhala ou Dodne Vangpo[54], le dieu de l’opulence, d’accorder la fortune. On offre une flèche semblable à celle qui sert à obtenir l’assistance des Dragsheds (n°6) ; mais le disque qui l’accompagne est percé d’un trou au centre et de quatre groupes latéraux de perforations qui remplacent les syllabes mystiques. Des plumes d’aigle noir garnissent la flèche, et sur les cinq bandelettes de soie est roulée une bande d’étoffe blanche chargée de quelques Dharânis et finissant en deux languettes[55]. Ces remarques offrent aussi des explications additionnelles à l’invocation aux Bouddhas de confession. Tout ce qui contribue à éclaircir cette pièce est bien venu pour moi, car la nouveauté du sujet a beaucoup


Annales du Musée Guimet
T. III, Pl. XXXI
Dzambhala ou Dodnevangpo, dieu de la richesse, avec ses assistants
Dzambhala ou Dodnevangpo, dieu de la richesse, avec ses assistants
DZAMBHALA OU DODNEVANGPO, DIEU DE LA RICHESSE, AVEC SES ASSISTANTS.

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T. III, Pl. XXXII
Dzambhala ou Dodnevangpo, dieu de la richesse
Dzambhala ou Dodnevangpo, dieu de la richesse
DZAMBHALA OU DODNEVANGPO, DIEU DE LA RICHESSE.

augmenté la difficulté de pénétrer tous les détails. Nous y voyons (page 87) que dans la période de destruction de l’univers, la cérémonie Yangong sera plus fréquemment célébrée que les actes pieux qui procurent la rémission des péchés.

Les images de Dzambhala le représentent généralement entouré de huit autres dieux qui donnent aussi la fortune, qu’on appelle Namthosras ou en sanscrit Vaïsravanas ; ces personnages sont toujours représentés tenant dans la main gauche un rat avec un joyau dans sa bouche, symbole de fertilité. Dans tous les tableaux Dzambhala est représenté monté sur un lion blanc à crinière verte ; dans sa main droite il tient le Gyaltsan, en sanscrit Dhvadja, sorte de bannière flottante qui symbolise la victoire. Ses huit compagnons portent dans leur main droite : 1o une chose précieuse, en tibétain, Rinchen ; 2o le vase plat Lai boumpa (voyez page 160) ; 3o une petite maison à plusieurs étages, Khangtsig ; 4o une pioche ; 5o un glaive, Ralgri ; 6o la pierre précieuse, Norbou ; 7o un glaive, Ralgri ; 8o un couteau à fermoir, Digoug. Le récit détaillé des actions de ces dieux et de la signification des objets qu’ils portent, se trouve dans le livre Gyalpo chenpo namthosras chi kang shag dont l’Académie de Saint-Pétersbourg possède un exemplaire.

Mes frères ont vu une image où le Bouddha mythologique Dipankara (voyez page 83), en tibétain Marmedzad et un « Bouddha de médecine », en tibétain Manla, étaient associés à Dzambhala, au lieu de ses huit compagnons.

9. Cérémonies pour les cas de maladies

Les détails que nous offrons ici sont pris en partie dans le livre tibétain sur la médecine publié par Csoma, en partie basés sur les observations de mes frères.

Le livre tibétain[56] énumère trois causes principales de maladies et quatre secondaires. Les trois causes principales sont : 1o envie ou désir ; 2o passion ou colère ; 3° stupidité ou ignorance. La première fait naître le vent ; la seconde la bile ; la dernière la pituite. Les quatre causes de nature secondaire sont : 1° les saisons, par rapport au froid et au chaud ; 2° un démon quelconque ; 3° l’abus de nourriture ; 4° un mauvais genre de vie. Ce livre renferme des avis utiles relativement aux moyens de rester exempt de maladies et donne un grand nombre de règles relatives à la nourriture, aux occupations, à la direction de la vie selon les diverses saisons, etc. Il indique les symptômes des maladies et les questions que le médecin doit adresser au patient sur sa nourriture, ses occupations, les circonstances dans lesquelles la maladie s’est déclarée, ses progrès et les douleurs ressenties. Les remèdes prescrits contre les maladies sont au nombre de 1200 et peuvent se réduire à quatre classes : médecine, travail manuel, diète, manière de vivre.

Mes frères n’ont jamais vu ou entendu dire qu’une médecine ait été prise ou une opération chirurgicale commencée sans être précédées ou suivies de prières aux Bouddhas de médecine, en tibétain Manlas, « les suprêmes médecins », et de cérémonies qui doivent accroître la puissance curative de la médecine. Les Manlas sont au nombre de huit ; ce sont les Bouddhas imaginaires à qui on attribue la création des plantes médicinales. Quand on va ramasser ces plantes, on implore l’assistance de ces Manlas et on prononce leurs noms en préparant et en faisant la médecine ; leurs noms ou leurs images sont ordinairement imprimés au commencement des livres qui traitent de médecine. On les prie surtout en préparant les pilules Mani, qui ne s’emploient que dans les maladies très graves. Les cérémonies qui accompagnent la préparation de ces pilules sont appelées Manii rilbou groub tab, « préparation de la pilule Mani[57]. » Les Manis sont faits d’une sorte de pâte de pain à laquelle sont mélangés des fragments de reliques d’un saint sous forme de poudre ou de cendres. Cette pâte est humectée avec de l’eau consacrée et pétrie avec de la pâte ordinaire ; on en fait de petites pilules qui doivent être administrées aux malades[58]. Le vase qui renferme la pâte et l’eau est posé sur une circonférence divisée en six sections avec un cercle central plus petit ; dans ce centre est inscrite la syllabe « hri », très puissante invocation


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T. III, Pl. XXXIII
Fac-similé de planchettes de bois employées comme défense contre les démons
Fac-similé de planchettes de bois employées comme défense contre les démons
FAC-SIMILÉ DE PLANCHETTES DE BOIS EMPLOYÉES COMME DÉFENSE CONTRE LES DÉMONS.
N° 1 de Sikkim.

Annales du Musée Guimet
T. III, Pl. XXXIV
Fac-similé de planchettes de bois employées comme défense contre les démons
Fac-similé de planchettes de bois employées comme défense contre les démons
FAC-SIMILÉ DE PLANCHETTES DE BOIS EMPLOYÉES COMME DÉFENSE CONTRE LES DÉMONS.
N° 2 de Sikkim.

Annales du Musée Guimet
T. III, Pl. XXXV
Fac-similé de planchettes de bois employées comme défense contre les démons
Fac-similé de planchettes de bois employées comme défense contre les démons
FAC-SIMILÉ DE PLANCHETTES DE BOIS EMPLOYÉES COMME DÉFENSE CONTRE LES DÉMONS.
N° 3 de Sikkim.

mystique de Chenresi  ; dans chacune des six sections se lit une syllabe de la prière Om mani padme houm. Tant que la pâte reste dans l’eau (la prescription indique de une à trois semaines), des lamas (qui ne peuvent pas manger de viande pendant ce laps de temps) récitent tout le jour de longues prières spéciales en l’honneur des Manlas.

Le soixante-treizième chapitre de la quatrième partie de ce livre de médecine cite douze sortes de maladies causées par les esprits et les démons, et le soixante-dix-septième, dix-huit.

Mes frères ont recueilli les détails suivants sur ces maladies et les méthodes employées pour les guérir.

Chaque esprit nuisible fait naître une maladie spéciale. Ainsi Rahou[59] donne la paralysie, en tibétain Zanad ; quinze autres démons nommés Donchen Chonga[60], « les quinze grands démons », causent les maladies des enfants, etc. Quand le Lama médecin appelé près d’un malade a reconnu que la maladie est occasionnée par un démon, il examine les circonstances afin de découvrir ce qui a permis à l’esprit de s’emparer du patient et la manière dont il l’a rendu malade. Quand la maladie est insignifiante, comme par exemple dans le cas de refroidissement, enrouement, blessures légères, etc., il n’a pas grand’peine, selon la croyance des Tibétains, à expulser le démon ; les remèdes sont ou des charmes que le malade doit porter, suspendre à sa porte ou lire, ou une musique bruyante qui force l’esprit à céder ; ou bien on implore le Dragshed qui est l’ennemi particulier du démon nuisible et on suspend son image après l’avoir portée en procession autour de la maison ; ou bien encore on a recours au Phourbou. Telles sont les méthodes les plus communément employées pour recouvrer la santé ; mais naturellement ces rites varient à l’infini.

Quand la maladie est grave, surtout quand le malade ne peut plus se lever, on suppose que le démon s’est introduit dans la maison sous la forme d’un animal et qu’il demeure sous cette forme près du patient. Alors le premier soin du Lama est de découvrir quelle forme l’esprit a prise ; il y arrive enfin par diverses cérémonies de pure jonglerie. Il fabrique un animal d’argile ou de pâte de pain, avec un moule de bois dont il a sur lui une quantité à choisir[61], et il force l’âme du démon à quitter la forme qu’il a prise et à entrer dans la figure qui vient d’être fabriquée ; à cet effet il trace des cercles magiques et récite des incantations pendant un moment. Quand par ces moyens l’esprit a été renfermé, le Lama lit des passages de certains livres et donne au patient l’animal moulé pour le brûler ou l’enterrer ; on en applique aussi des empreintes sur diverses parties de la maison et ces marques ne doivent être enlevées qu’après la guérison. Si ces moyens ne réussissent pas et que le malade meure, il est reconnu que la maladie était une punition d’actes immoraux commis dans une existence antérieure.

10. Rites funéraires

Les funérailles (tib. Shid) d’un laïque unissent généralement, quand les circonstances le permettent, par la combustion du corps ; cependant l’usage, autrefois commun, d’exposer le corps sur les collines en proie aux bêtes fauves se pratique encore maintenant de temps en temps par suite de la rareté du bois[62]. La cérémonie de combustion du corps s’accomplit sur un autel de forme cubique ; dans les grandes villes il y en a toujours plusieurs tout prêts ; ainsi à Leh il existe douze de ces autels autour du cimetière. Dans les contrées où le bois est abondant, comme à Bhoutan et à Sikkim, on en emploie suffisamment pour rendre la combustion complète et qu’il ne reste que des cendres ; mais au Tibet il arrive souvent que beaucoup d’ossements ne sont pas consumés ; on les recueille alors soigneusement avec les cendres et on les enterre[63].

On ne brûle pas les corps des Lamas ; on les enterre dans une attitude de repos (ils ne sont pas tout à fait assis), les genoux rapprochés du menton et tout le corps attaché aussi serré que possible ; quelquefois on les renferme dans un sac de toile. En général les tombeaux ne sont pas creusés ; on choisit pour cimetière une place abondamment pourvue de pierres ; le corps est simplement déposé sur le sol et caché sous un monceau de pierres. Ce n’est que dans des cas restreints que l’on érige des Chortens sur les corps. Grâce à la remarquable tolérance qui caractérise le bouddhisme, mes frères ont obtenu la permission d’ouvrir et d’examiner quelques tombeaux à Leh ; ils ont même décidé un Lama à faire bouillir quelques corps pour nettoyer et préparer les squelettes ; cette opération toutefois dut être cachée à la population. Les corps exhumés n’étaient pas décomposés ; la grande sécheresse de l’atmosphère avait réduit la chair qui couvrait les os en une sorte de substance dure comme du cuir, qui ne résistait que faiblement à l’action de l’eau bouillante. La longueur de plusieurs corps , comprimés ainsi que nous l’avons dit, était de 2 pieds 1/2 à 3 pieds.

Pendant la durée de la combustion et de l’enterrement on lit des prières et on pratique diverses cérémonies ; on présente des offrandes au dieu du feu, Mélha ; on accomplit aussi le Zhibaï chinsreg, pour obtenir la rémission des péchés du défunt[64].

Avant l’enterrement a lieu la cérémonie de l’achat de la sépulture au seigneur du sol, en tibétain Sadag gyalpo. Le seigneur du sol et les démons qui lui obéissent sont réputés nuire par méchanceté innée au défunt dans son existence future et aux parents survivants dans la vie présente. On peut apaiser le seigneur du sol par l’achat de la sépulture ; les démons sont éloignés par des charmes et des rites, dans lesquels on rend hommage aux trois Gemmes, c’est-à-dire Bouddha, Dharma et Sanga[65]. Ou prétend que ces rites ont été enseignés par Mandjousri, le dieu de la sagesse.

Les parents du défunt préviennent les astrologues, qui disent être en relations avec Sadag, de la somme qu’ils ont l’intention de lui offrir soit en bestiaux, soit en argent, et les prient de l’engager à s’en contenter. Invariablement la réponse est que Sadag, qui est représenté comme insatiable, exige pour sa neutralité plus que la somme offerte. Quand enfin la somme nécessaire a été réglée, on marque la place du tombeau et les astrologues se mettent en devoir d’expulser Sadag et les autres démons par la conjuration suivante :

« Seigneur de la terre, et vous, Mahōragas[66], oyez le commandement et l’ordre que je prononce avec les cérémonies prescrites par la loi sacrée du dieu Mandjousri et des trois Gemmes. Seigneur du sol, je n’enfonce la flèche ni dans les yeux, ni dans les pieds, ni dans les flancs des démons, mais dans la terre afin de rendre propices les esprits malfaisants inférieurs. Génies, si vous n’obéissez pas à mon ordre, je vous briserai la tête avec mon dordje. Ecoutez mon ordre ; ne faites de mal ni au défunt (ici on ajoute son nom) ni à ses parents survivants. Ne leur causez aucun dommage, aucun tort ; ne les tourmentez pas, ne répandez pas le malheur sur eux »[67].

Alors le Lama enfonce la flèche dans le sol, où elle reste jusqu’à ce que le défunt soit enterré.

  1. Mani, « chose précieuse » ; chhos, « doctrine » ; khor, de khor-ba, « tourner » ; ḅṛten, « tenir, soutenir ».
  2. Comparez, p. 76.
  3. L’orthographe de ce mot est ḅstan-pa, « montrer, instruction, doctrine » : i, marque du génitif ; shis, « une bénédiction, bonheur ».
  4. On donnera dans l’atlas accompagnant les Results of a scientific Mission des dessins de ces marques pris sur les originaux acquis par Hermann.
  5. Comparez Alt Theater und Kirche, Berlin, 1816, chap. xxvi et xxvii. Les Passion Spiele qui sont encore en usage à Oberammergau en Bavière, ont pris à présent un caractère très sérieux.
  6. P. 296.
  7. Les Mongols septentrionaux montrent à cet égard beaucoup plus de dévotion. Voyez : Pallas, Reisen, traduction française, p. 562.
  8. Comparez, p. 60.
  9. Nouv. Journ. As., vol. IV, p. 140. Pallas Mongol. Völker, vol. II, pp. 190-215. Klaproth, Reise in den Kaukasus, vol. I, p. 193. Huc, Souvenirs, vol. I, pp. 196-291, vol. II, p. 95. Comparez Köppen, die Religion des Buddhas, vol. II, pp. 309-315.
  10. Ḅgrus, de krud-pa, « complètement lavé, ablution » ; g̣sal, « prier, demander avec supplication ».
  11. Les termes Mangou, Manga, Dorma paraissent être des expressions locales, car je ne les ai pas trouvés dans les dictionnaires. À Sikkim les Lamas Lepchas appellent le Manghou-Guri et le vase qui reçoit l’eau Thepshi.
  12. Les Mongols, d’après Pallas, Mongol Völker, vol. II, pp. 161-177, parfument cette eau avec du safran et l’adoucissent avec du sucre.
  13. ṣNyungpar, « réduire en nourriture », g̣nas-pa, « continuer » ; choga (chhoga), « cérémonial ».
  14. Comparez, pp. 56 et 76.
  15. H’a, « considérer, théorie » ; gom, « pas » ; la traduction littérale est « pas vers la théorie ».
  16. Byor-ba, littéralement « venir, arriver », se rapporte à la purification des péchés, qui découle de ces exercices.
  17. Voyez, p. 107.
  18. Seng-ge, « le lion ; » nyal « dormir » ; stabs, « mode ». On croit que c’est dans cette attitude que Sâkyamouni est entré à Nirvana.
  19. On verra une dissertation très intéressante sur le bouddhisme dans le Bouddha et sa religion, chap. v, Barthélemy-Saint Hilaire. Comparez aussi M. Müller Buddhism and Buddhist Pilgrims, pp. 14-20.
  20. Le résumé de ce livre a été publié par Wassiljew Buddhismus, pp. 208-217. Voyez aussi les remarques de Burnouf sur l’obtention de pouvoirs magiques, dans son Lotus de la bonne Loi, p. 310.
  21. On verra plus loin la description d’un rite réputé excellent.
  22. Sur les Moudras, voir p. 38.
  23. Voyez plus tôt une description de ces offrandes.
  24. Comparez, p. 102.
  25. Cette coutume est générale dans toutes les contrées de l’Asie et du Sud-Est de l’Europe. Voyez Pallas, Reisen, vol. I, p. 56.
  26. Ces vases sont assez souvent représentés sur les coussins qui servent de siège aux Lamas pendant le service religieux public.
  27. C’est à cette espèce qu’appartenait le gazon dont Sākyamouni fit son siège sous l’arbre Bôdhi.
  28. ḍBus, « centre », byas, « fait ».
  29. Schmidt, Geschichte Ssanang Ssetsen’s, pp. 468-475-481. Sur Vajradhara, voyez page 34.
  30. ṣByin (chin), « aumônes » ; ṣreg-pa, « détruire par le feu ».
  31. Thah, « place pour le feu » ; khung, « trou ». Dans le Tantra Sabaha-pariprichcha, Vassiljew Der Buddhismus (p. 212) 10,000 grains de froment, sésame, moutarde, Lotus, etc., sont désignés parmi les offrandes qui doivent être brûlées.
  32. Voyez p. 139.
  33. Gang « faire plein, remplir » ; gzar, « cuillère à pot, grande cuillère ».
  34. ḅLug « verser ».
  35. Il est difficile de comprendre quelles sont ces divinités. D’après la phrase nous pourrions croire qu’il s’agit des trois Isvaras, c’est-à-dire, Brahma, Vishnou et Shiva (Schmidt, Mémoires de l’Académie de Saint-Pétersbourg, vol. II, p. 23). Nous pourrions supposer, d’après la légende sur Brahma p. 72, que tous trois répriment les tentatives des démons. Si c’est la véritable interprétation, ils se mettraient en colère dans le cas d’activité, suivant les idées des Tibétains (voyez page 72). Mais je ne puis comprendre pour quelle raison le défunt, ainsi qu’il est dit ici, s’élèverait à la région où résident ces dieux, si considérés et si supérieurs à l’homme et aux divinités ordinaires ; car Shinje (voyez p. 59), devant qui le défunt comparaît, habite une région inférieure.
  36. Les points intersyllabiques n’existent pas dans la gravure originale, je donne donc ici la prière en caractères romains, en remplaçant les points intersyllabiques omis par des lignes horizontales : Yangṣ-pa-g̣sum-zhi-khro’i-lha-ts’hogs-dang-gar-ḍvang-thugṣ-rje’i-chenpo’i-drung-pu’jig-ṛten-’di-na-pha-rol-du-ts’he-las-’dhus-pa-ḍkyil-khor-la-phyag-ts’hal-lo-ṃchod-pa’bul-lo. ṣDig-ṣgrib-ṣbyangs-da-gsol, g̣nas-so-rab-tu-g̣sol ; lam-ḅstan-du-gsol. Sarva-agne-dza-la-ram-ram.
  37. ṛGyas-pa, « ample, copieux ».
  38. ḍVang, « pouvoir ».
  39. Drag-po, « féroce, cruel ».
  40. À propos de la mort prématurée, voyez p. 69.
  41. ṛLung, « vent » ; ṛta « cheval ».
  42. Rémusat, dans Foe koue ki, p. 128. Schmidt Ssanang Ssetsen, p. 474. Voyez p. 30 la description des sept choses précieuses.
  43. Toutes les fois que l’élément qui entre dans la dénomination de l’année de la naissance d’un individu se trouve en contact dans le « cycle des ans » avec un élément hostile, l’année est malheureuse ; la santé est menacée, et on doit s’attendre à échouer dans ses entreprises. Cette idée tient à la croyance des Tibétains à l’influence des éléments sur la prospérité de l’homme. Voyez chap. xvii.
  44. Plusieurs livres contiennent le détail de ces cérémonies supplémentaires.
  45. Dans le livre Doug-karchan, « pourvu d’une ombrelle blanche, » cette sentence est jointe aux noms des trente démons qui y sont cités.
  46. À propos des quartiers du monde, qui sont au nombre de dix, voyez p. 80.
  47. Kha, « amer », ici il a le sens du tranchant, affilé.
  48. Schmidt, Geschichte der Œst-Mongolen, pp. 480 et 343.
  49. Thugṣ-dam, « prière » ; ḥshang, « rassasier, contenter » ; ṛdzas, « substance, richesse ».
  50. ṃNgon « clair, éminent » ; ṛtogṣ, « intelligence ».
  51. Dar, « soie » ; ṣna, « fin, lambeau », ḷnga, « 5 » ; ṛgyan-pa, « ornement » ; le nga « 5 » a été supprimé dans la prononciation.
  52. Csoma, Grammar, p. 105, explique que Om est une interjection mystique désignant le corps essentiel ou personne d’un Bouddha, ou quelque autre divinité. Hri est une imploration mystique à Chenresi, douée d’une grande puissance.
  53. g̣Yang, « bonheur » ; ’gngș, « demander » ; ṣkyobṣ, « protéger ».
  54. g̣Dod-nas, « du commencement » ; ḍvang-po, « souverain, tout-puissant ».
  55. J’ai également vu la flèche tracée sur une table astrologique.
  56. Il est intitulé Gyout-zhi « le traité en quatre parties », et selon Csoma c’est le principal ouvrage de médecine au Tibet. On en verra l’analyse dans le Journ. As., Soc. Beng., vol. IV, pp. 2 à 29. Il n’est pas compris dans le recueil du Kandjour et du Tandjour, qui renferment plusieurs autres ouvrages sur la médecine. Voyez Wilson, Journ As., Soc. Beng. vol. I, p. 4. Gleanings in sciences, vol. III, p. 247. Pour plus amples détails sur la médecine, voyez aussi la description du Tibet dans le Nouv. Journ. As., vol. IV, p. 257. Trail « Kamaon » As. Res., vol. XVI, p. 222. Pallas, Mongol Völker, vol. II, p. 338.
  57. Mani, « une pierre précieuse » : ril-bu, « un globule, une pilule » ; grub, « faire faire, préparer » ; thabṣ, « moyens, méthode ».
  58. Ces pilules sont les mêmes que celles dont parle Huc, Souvenirs, vol. II, p. 278, comme très estimées.
  59. Voyez, p. 73.
  60. g̣Don, « démon » ; chhen, « grand » ; ḅcho-ḷnga, « quinze ».
  61. Les planches nos XXXIII et XXXV donnent des spécimens de ces moules.
  62. Pour les descriptions des diverses sortes de funérailles, voyez, Nouv. Journ. As., vol. IV, p. 254. Huc, Souvenirs, vol. II, p. 347 ; Cunningham, Ladak, p. 308.
  63. Mon frère Hermann m’a donné les détails qui suivent sur la manière de recueillir les cendres dans le Bengale oriental et à Assam. — Un drap d’environ 3 pieds carrés est attaché par les quatre coins à des bâtons de 3 à 4 pieds de haut, enfoncés dans la terre ; dans ce drap qui forme alors une sorte d’auge, on réunit les cendres, les os et les restes de charbons, que le vent se charge de disperser ou que la pluie et la chaleur décomposent. Les tribus des monts Khassia, où il tombe plus de pluies que dans aucun autre pays connu, bien qu’elles ne durent que trois ou quatre mois, ont la curieuse habitude de conserver leurs morts jusqu’à la fin de la saison des pluies ; tant que dure la pluie torrentielle la combustion en plein air est impossible. Ils mettent le corps dans un tronc d’arbre creux, qu’ils remplissent de miel ; ce procédé retarde la décomposition pendant plusieurs mois, même dans ces régions chaudes et humides.
  64. Voyez, p. 162.
  65. Voyez, p. 118, note 2.
  66. Mahōragas, en tibétain Tophye-Chenpa, sont des dragons terrestres, supérieurs aux hommes. Voyez Foe koue ki, trad. angl. p. 133.
  67. Récit d’un Lama.