Le Bourgeois gentilhomme/Édition Louandre, 1910/Acte II

La bibliothèque libre.
Le Bourgeois gentilhomme/Édition Louandre, 1910
Œuvres complètes de Molière, Texte établi par Charles LouandreCharpentiertome III (p. 237-255).
◄  Acte I
Acte III  ►

ACTE SECOND.



Scène I.

MONSIEUR JOURDAIN, LE MAÎTRE DE MUSIQUE, LE MAÎTRE À DANSER[1].
MONSIEUR JOURDAIN.

Voilà qui n’est point sot, et ces gens-là se trémoussent bien.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Lorsque la danse sera mêlée avec la musique, cela fera plus d’effet encore ; et vous verrez quelque chose de galant dans le petit ballet que nous avons ajusté pour vous.

MONSIEUR JOURDAIN.

C’est pour tantôt, au moins ; et la personne pour qui j’ai fait faire tout cela me doit faire l’honneur de venir dîner céans.

LE MAÎTRE À DANSER.

Tout est prêt.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Au reste, monsieur, ce n’est pas assez ; il faut qu’une personne comme vous, qui êtes magnifique, et qui avez de l’inclination pour les belles choses, ait un concert de musique chez soi tous les mercredis ou tous les jeudis.

MONSIEUR JOURDAIN.

Est-ce que les gens de qualité en ont ?

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Oui, monsieur.

MONSIEUR JOURDAIN.

J’en aurai donc. Cela sera-t-il beau ?

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Sans doute. Il vous faudra trois voix, un dessus, une haute-contre, et une basse, qui seront accompagnées d’une basse de viole, d’un téorbe, et d’un clavecin pour les basses continues, avec deux dessus de violon pour jouer les ritournelles.

MONSIEUR JOURDAIN.

Il y faudra mettre aussi une trompette marine[2]. La trompette marine est un instrument qui me plaît, et qui est harmonieux.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Laissez-nous gouverner les choses.

MONSIEUR JOURDAIN.

Au moins, n’oubliez pas tantôt de m’envoyer des musiciens pour chanter à table.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Vous aurez tout ce qu’il vous faut.

MONSIEUR JOURDAIN.

Mais, surtout, que le ballet soit beau.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Vous en serez content, et, entre autres choses, de certains menuets que vous y verrez.

MONSIEUR JOURDAIN.

Ah ! les menuets sont ma danse, et je veux que vous me les voyiez danser. Allons, mon maître.

LE MAÎTRE À DANSER.

Un chapeau, monsieur, s’il vous plaît. (Monsieur Jourdain va prendre le chapeau de son laquais, et le met par-dessus son bonnet de nuit. Son maître lui prend les mains, et le fait danser sur un air de menuet qu’il chante.) La, la, la, la, la, la ; la, la, la, la, la, la, la ; la, la, la, la, la, la ; la, la, la, la, la, la ; la, la, la, la, la. En cadence, s’il vous plaît. La, la, la, la, la. La jambe droite, la, la, la. Ne remuez point tant les épaules. La, la, la, la, la, la, la, la, la, la. Vos deux bras sont estropiés. La, la, la, la, la. haussez la tête. Tournez la pointe du pied en dehors. La, la, la. Dressez votre corps.

MONSIEUR JOURDAIN.

Hé !

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Voilà qui est le mieux du monde.

MONSIEUR JOURDAIN.

À propos ! apprenez-moi comme il faut faire une révérence pour saluer une marquise ; j’en aurai besoin tantôt.

LE MAÎTRE À DANSER.

Une révérence pour saluer une marquise ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Oui. Une marquise qui s’appelle Dorimène.

LE MAÎTRE À DANSER.

Donnez-moi la main.

MONSIEUR JOURDAIN.

Non. Vous n’avez qu’à faire ; je le retiendrai bien.

LE MAÎTRE À DANSER.

Si vous voulez la saluer avec beaucoup de respect, il faut faire d’abord une révérence en arrière, puis marcher vers elle avec trois révérences en avant, et à la dernière vous baisser jusqu’à ses genoux.

MONSIEUR JOURDAIN.

Faites un peu. (Après que le maître à danser a fait trois révérences.) Bon.


Scène II.

MONSIEUR JOURDAIN, LE MAÎTRE DE MUSIQUE, LE MAÎTRE À DANSER, UN LAQUAIS.
LE LAQUAIS.

Monsieur, voilà votre maître d’armes qui est là.

MONSIEUR JOURDAIN.

Dis-lui qu’il entre ici pour me donner leçon. (Au maître de musique et au maître à danser.) Je veux que vous me voyiez faire.


Scène III.

MONSIEUR JOURDAIN, UN MAÎTRE D’ARMES, LE MAÎTRE DE MUSIQUE, LE MAÎTRE À DANSER, UN LAQUAIS, tenant deux fleurets.
LE MAÎTRE D’ARMES, après avoir pris les deux fleurets de la main du laquais, et en avoir présenté un à monsieur Jourdain.

Allons, monsieur, la révérence. Votre corps droit. Un peu penché sur la cuisse gauche. Les jambes point tant écartées. Vos pieds sur une même ligne. Votre poignet à l’opposite de votre hanche. La pointe de votre épée vis-à-vis de votre épaule. Le bras pas tout à fait si tendu. La main gauche à la hauteur de l’œil. L’épaule gauche plus quartée. La tête droite. Le regard assuré. Avancez. Le corps ferme. Touchez-moi l’épée de quarte, et achevez de même. Une, deux. Remettez-vous. Redoublez de pied ferme. Un saut en arrière. Quand vous portez la botte, monsieur, il faut que l’épée parte la première, et que le corps soit bien effacé. Une, deux. Allons, touchez-moi l’épée de tierce, et achevez de même. Avancez. Le corps ferme. Avancez. Partez de là. Une, deux. Remettez-vous. Redoublez. Une, deux. Un saut en arrière. En garde, monsieur, en garde.

(Le maître d’armes lui pousse deux ou trois bottes, en lui disant : En garde.)

MONSIEUR JOURDAIN.

Hé !

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Vous faites des merveilles.

LE MAÎTRE D’ARMES.

Je vous l’ai déjà dit, tout le secret des armes ne consiste qu’en deux choses, à donner et à ne point recevoir ; et, comme je vous fis voir l’autre jour par raison démonstrative, il est impossible que vous receviez si vous savez détourner l’épée de votre ennemi de la ligne de votre corps ; ce qui ne dépend seulement que d’un petit mouvement du poignet, ou en dedans, ou en dehors.

MONSIEUR JOURDAIN.

De cette façon, donc, un homme, sans avoir de cœur, est sûr de tuer son homme, et de n’être point tué ?

LE MAÎTRE D’ARMES.

Sans doute ; n’en vîtes-vous pas la démonstration ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Oui.

LE MAÎTRE D’ARMES.

Et c’est en quoi l’on voit de quelle considération nous autres nous devons être dans un État ; et combien la science des armes l’emporte hautement sur toutes les autres science inutiles, comme la danse, la musique, la…

LE MAÎTRE À DANSER.

Tout beau, monsieur le tireur d’armes ; ne parlez de la danse qu’avec respect.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Apprenez, je vous prie, à mieux traiter l’excellence de la musique.

LE MAÎTRE D’ARMES.

Vous êtes de plaisantes gens, de vouloir comparer vos sciences à la mienne !

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Voyez un peu l’homme d’importance !

LE MAÎTRE À DANSER.

Voilà un plaisant animal, avec son plastron !

LE MAÎTRE D’ARMES.

Mon petit maître à danser, je vous ferois danser comme il faut. Et vous, mon petit musicien, je vous ferois chanter de la belle manière.

LE MAÎTRE À DANSER.

Monsieur le batteur de fer, je vous apprendrai votre métier.

MONSIEUR JOURDAIN, au maître à danser.

Êtes-vous fou de l’aller quereller, lui qui entend la tierce et la quarte, et qui sait tuer un homme par raison démonstrative ?

LE MAÎTRE À DANSER.

Je me moque de sa raison démonstrative, et de sa tierce et de sa quarte.

MONSIEUR JOURDAIN, au maître à danser.

Tout doux, vous dis-je.

LE MAÎTRE D’ARMES, au maître à danser.

Comment ! petit impertinent !

MONSIEUR JOURDAIN.

Hé ! mon maître d’armes !

LE MAÎTRE À DANSER, au maître d’armes.

Comment ! grand cheval de carrosse !

MONSIEUR JOURDAIN.

Hé ! mon maître à danser !

LE MAÎTRE D’ARMES.

Si je me jette sur vous…

MONSIEUR JOURDAIN, au maître d’armes.

Doucement.

LE MAÎTRE À DANSER.

Si je mets sur vous la main…

MONSIEUR JOURDAIN, au maître d’armes.

Tout beau !

LE MAÎTRE D’ARMES.

Je vous étrillerai d’un air…

MONSIEUR JOURDAIN, au maître d’armes.

De grace !

LE MAÎTRE À DANSER.

Je vous rosserai d’une manière…

MONSIEUR JOURDAIN, au maître à danser.

Je vous prie…

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Laissez-nous un peu lui apprendre à parler.

MONSIEUR JOURDAIN, au maître de musique.

Mon Dieu ! arrêtez-vous !


Scène IV.

UN MAÎTRE DE PHILOSOPHIE, MONSIEUR JOURDAIN, LE MAÎTRE DE MUSIQUE, LE MAÎTRE À DANSER, LE MAÎTRE D’ARMES, UN LAQUAIS.
MONSIEUR JOURDAIN.

Holà ! monsieur le philosophe, vous arrivez tout à propos avec votre philosophie. Venez un peu mettre la paix entre ces personnes-ci.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Qu’est-ce donc ? qu’y a-t-il, messieurs ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Ils se sont mis en colère pour la préférence de leurs professions, jusqu’à se dire des injures, et en vouloir venir aux mains.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Hé quoi, messieurs ! faut-il s’emporter de la sorte ? et n’avez-vous point lu le docte traité que Sénèque a composé de la colère ? Y a-t-il rien de plus bas et de plus honteux que cette passion, qui fait d’un homme une bête féroce ? et la raison ne doit-elle pas être maîtresse de tous nos mouvements ?

LE MAÎTRE À DANSER.

Comment, monsieur ! il vient nous dire des injures à tous deux, en méprisant la danse, que j’exerce, et la musique, dont il fait profession.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Un homme sage est au-dessus de toutes les injures qu’on lui peut dire ; et la grande réponse qu’on doit faire aux outrages, c’est la modération et la patience.

LE MAÎTRE D’ARMES.

Ils ont tous deux l’audace de vouloir comparer leurs professions à la mienne !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Faut-il que cela vous émeuve ! Ce n’est pas de vaine gloire et de condition que les hommes doivent disputer entre eux ; et ce qui nous distingue parfaitement les uns des autres, c’est la sagesse et la vertu.

LE MAÎTRE À DANSER.

Je lui soutiens que la danse est une science à laquelle on ne peut faire assez d’honneur.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Et moi, que la musique en est une que tous les siècles ont révérée.

LE MAÎTRE D’ARMES.

Et moi, je leur soutiens à tous deux que la science de tirer des armes est la plus belle et la plus nécessaire de toutes les sciences.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Et que sera donc la philosophie ? Je vous trouve tous trois bien impertinents de parler devant moi avec cette arrogance, et de donner impudemment le nom de science à des choses que l’on ne doit pas même honorer du nom d’art, et qui ne peuvent être comprises que sous le nom de métier misérable de gladiateur, de chanteur, et de baladin !

LE MAÎTRE D’ARMES.

Allez, philosophe de chien.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Allez, bélître de pédant.

LE MAÎTRE À DANSER.

Allez, cuistre fieffé.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Comment ! marauds que vous êtes…

(Le philosophe se jette sur eux, et tous trois le chargent de coups.)
MONSIEUR JOURDAIN.

Monsieur le philosophe !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Infames, coquins, insolents !

MONSIEUR JOURDAIN.

Monsieur le philosophe !

LE MAÎTRE D’ARMES.

La peste de l’animal !

MONSIEUR JOURDAIN.

Messieurs !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Impudents !

MONSIEUR JOURDAIN.

Monsieur le philosophe !

LE MAÎTRE À DANSER.

Diantre soit de l’âne bâté !

MONSIEUR JOURDAIN.

Messieurs !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Scélérats !

MONSIEUR JOURDAIN.

Monsieur le philosophe !

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Au diable l’impertinent !

MONSIEUR JOURDAIN.

Messieurs !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Fripons, gueux, traîtres, imposteurs !

MONSIEUR JOURDAIN.

Monsieur le philosophe ! Messieurs ! Monsieur le philosophe ! Messieurs ! Monsieur le philosophe !

(Ils sortent en se battant.)

Scène V.

MONSIEUR JOURDAIN, UN LAQUAIS.
MONSIEUR JOURDAIN.

Oh ! battez-vous tant qu’il vous plaira : je n’y saurai que faire, et je n’irai pas gâter ma robe pour vous séparer. Je serois bien fou de m’aller fourrer parmi eux, pour recevoir quelque coup qui me feroit mal.


Scène VI.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE. MONSIEUR JOURDAIN, UN LAQUAIS.
LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE, raccommodant son collet.

Venons à notre leçon.

MONSIEUR JOURDAIN.

Ah ! monsieur, je suis fâché des coups qu’ils vous ont donnés.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Cela n’est rien. Un philosophe sait recevoir comme il faut les choses ; et je vais composer contre eux une satire du style de Juvénal, qui les déchirera de la belle façon. Laissons cela. Que voulez-vous apprendre ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Tout ce que je pourrai ; car j’ai toutes les envies du monde d’être savant ; et j’enrage que mon père et ma mère ne m’aient pas fait bien étudier dans toutes les sciences, quand j’étois jeune.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Ce sentiment est raisonnable ; nam, sine doctrina, vita est quasi mortis imago. Vous entendez cela, et vous savez le latin, sans doute.

MONSIEUR JOURDAIN.

Oui ; mais faites comme si je ne le savois pas. Expliquez-moi ce que cela veut dire.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Cela veut dire que, sans la science, la vie est presque une image de la mort.

MONSIEUR JOURDAIN.

Ce latin-là a raison.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

N’avez-vous point quelques principes, quelques commencements des sciences ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Oh ! oui, je sais lire et écrire.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Par où vous plaît-il que nous commencions[3] ? Voulez-vous que je vous apprenne la logique ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Qu’est-ce que c’est que cette logique ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

C’est elle qui enseigne les trois opérations de l’esprit.

MONSIEUR JOURDAIN.

Qui sont-elles, ces trois opérations de l’esprit ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

La première, la seconde, et la troisième. La première est de bien concevoir, par le moyen des universaux ; la seconde, de bien juger, par le moyen des catégories ; et la troisième, de bien tirer une conséquence, par le moyen, des figures : Barbara, Celarent, Darii, Ferio, Baralipton[4].

MONSIEUR JOURDAIN.

Voilà des mots qui sont trop rébarbatifs. Cette logique-là ne me revient point. Apprenons autre chose qui soit plus joli[5].

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Voulez-vous apprendre la morale ?

MONSIEUR JOURDAIN.

La morale ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Oui.

MONSIEUR JOURDAIN.

Qu’est-ce qu’elle dit, cette morale ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Elle traite de la félicité, enseigne aux hommes à modérer leurs passions, et…

MONSIEUR JOURDAIN.

Non ; laissons cela. Je suis bilieux comme tous les diables, et il n’y a morale qui tienne : je me veux mettre en colère tout mon soûl, quand il m’en prend envie.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Est-ce la physique que vous voulez apprendre ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Qu’est-ce qu’elle chante, cette physique ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

La physique est celle qui explique les principes des choses naturelles, et les propriétés des corps ; qui discourt de la nature des éléments, des métaux, des minéraux, des pierres, des plantes et des animaux, et nous enseigne les causes de tous les météores, l’arc-en-ciel, les feux volants, les comètes, les éclairs, le tonnerre, la foudre, la pluie, la neige, la grêle, les vents, et les tourbillons.

MONSIEUR JOURDAIN.

Il y a trop de tintamarre là dedans, trop de brouillamini.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Que voulez-vous donc que je vous apprenne ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Apprenez-moi l’orthographe[6].

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Très volontiers.

MONSIEUR JOURDAIN.

Après, vous m’apprendrez l’almanach, pour savoir quand il y a de la lune, et quand il n’y en a point.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Soit. Pour bien suivre votre pensée, et traiter cette matière en philosophe, il faut commencer, selon l’ordre des choses, par une exacte connoissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là-dessus j’ai à vous dire que les lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles[7], parcequ’elles expriment les voix ; et en consonnes, ainsi appelées consonnes, parce qu’elles sonnent avec les voyelles, et ne font que marquer les diverses articulations des voix. Il y a cinq voyelles, ou voix : A, E, I, O, U.

MONSIEUR JOURDAIN.

J’entends tout cela.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A[8].

MONSIEUR JOURDAIN.

A, A. Oui.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

La voix E se forme en rapprochant la mâchoire d’en bas de celle d’en haut : A, E.

MONSIEUR JOURDAIN.

A, E ; A, E. Ma foi, oui. Ah ! que cela est beau !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Et la voix I, en rapprochant encore davantage les mâchoires l’une de l’autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les oreilles : A, E, I.

MONSIEUR JOURDAIN.

A, E, I, I, I, I. Cela est vrai. Vive la science !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

La voix O se forme en rouvrant les mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le haut et le bas : O.

MONSIEUR JOURDAIN.

O, O. Il n’y a rien de plus juste : A, E, I, O, I, O. Cela est admirable ! I, O ; I, O.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

L’ouverture de la bouche fait justement comme un petit rond qui représente un O.

MONSIEUR JOURDAIN.

O, O, O. Vous avez raison. O. Ah ! la belle chose que de savoir quelque chose !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

La voix U se forme en rapprochant les dents sans les joindre entièrement, et allongeant les deux lèvres en dehors, les approchant aussi l’une de l’autre, sans les joindre tout à fait : U.

MONSIEUR JOURDAIN.

U, U Il n’y a rien de plus véritable : U.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Vos deux lèvres s’allongent comme si vous faisiez la moue : d’où vient que si vous la voulez faire à quelqu’un et vous moquer de lui, vous ne sauriez lui dire que U.

MONSIEUR JOURDAIN.

U, U. Cela est vrai. Ah ! que n’ai-je étudié plus tôt, pour savoir tout cela !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Demain, nous verrons les autres lettres, qui sont les consonnes.

MONSIEUR JOURDAIN.

Est-ce qu’il y a des choses aussi curieuses qu’à celles-ci ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Sans doute. La consonne D, par exemple, se prononce en donnant du bout de la langue au-dessus des dents d’en haut : DA.

MONSIEUR JOURDAIN.

DA, DA. Oui ! Ah ! les belles choses ! les belles choses !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

L’F, en appuyant les dents d’en haut sur la lèvre de dessous : FA.

MONSIEUR JOURDAIN.

FA, FA. C’est la vérité. Ah ! mon père et ma mère, que je vous veux de mal !

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Et l’R, en portant le bout de la langue jusqu’au haut du palais ; de sorte qu’étant frôlée par l’air qui sort avec force, elle lui cède, et revient toujours au même endroit, faisant une manière de tremblement : R, RA[9].

MONSIEUR JOURDAIN.

R. R, RA ; R, R, R, R, R, RA. Cela est vrai. Ah ! l’habile homme que vous êtes, et que j’ai perdu de temps ! R, R, R, RA.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Je vous expliquerai à fond toutes ces curiosités.

MONSIEUR JOURDAIN.

Je vous en prie. Au reste, il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux d’une personne de grande qualité, et je souhaiterois que vous m’aidassiez à lui écrire quelque chose dans un petit billet que je veux laisser tomber à ses pieds.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Fort bien !

MONSIEUR JOURDAIN.

Cela sera galant, oui.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Non, non ; point de vers.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Vous ne voulez que de la prose ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Non, je ne veux ni prose ni vers.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Il faut bien que ce soit l’un ou l’autre.

MONSIEUR JOURDAIN.

Pourquoi ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Par la raison, monsieur, qu’il n’y a, pour s’exprimer, que la prose ou les vers.

MONSIEUR JOURDAIN.

Il n’y a que la prose ou les vers ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Non, monsieur. Tout ce qui n’est point prose est vers, et tout ce qui n’est point vers est prose.

MONSIEUR JOURDAIN.

Et comme l’on parle, qu’est-ce que c’est donc que cela ?

MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

De la prose.

MONSIEUR JOURDAIN.

Quoi ! quand je dis : Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit, c’est de la prose ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Oui, monsieur.

MONSIEUR JOURDAIN.

Par ma foi, il y a plus de quarante ans que je dis de la prose, sans que j’en susse rien ; et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je voudrois donc lui mettre dans un billet : Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ; mais je voudrois que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres ; que vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d’un…

MONSIEUR JOURDAIN.

Non, non, non, je ne veux point tout cela. Je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Il faut bien étendre un peu la chose.

MONSIEUR JOURDAIN.

Non, vous dis-je. Je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet, mais tournées à la mode, bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

On les peut mettre premièrement comme vous avez dit : Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle marquise, d’amour.

MONSIEUR JOURDAIN.

Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Celle que vous avez dite : Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.

MONSIEUR JOURDAIN.

Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. Je vous remercie de tout mon cœur, et vous prie de venir demain de bonne heure.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Je n’y manquerai pas.


Scène VII.

MONSIEUR JOURDAIN, UN LAQUAIS.
MONSIEUR JOURDAIN, à son laquais.

Comment ! mon habit n’est point encore arrivé ?

LE LAQUAIS.

Non, monsieur.

MONSIEUR JOURDAIN.

Ce maudit tailleur me fait bien attendre pour un jour où j’ai tant d’affaires. J’enrage. Que la fiévre quartaine puisse serrer bien fort le bourreau de tailleur ! au diable le tailleur ! la peste étouffe le tailleur ! Si je le tenois maintenant, ce tailleur détestable, ce chien de tailleur-là, ce traître de tailleur, je…


Scène VIII.

MONSIEUR JOURDAIN, UN MAITRE TAILLEUR, UN GARÇON TAILLEUR portant l’habit de monsieur Jourdain ; UN LAQUAIS.
MONSIEUR. JOURDAIN.

Ah ! vous voilà ! je m’allois mettre en colère contre vous.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Je n’ai pas pu venir plus tôt, et j’ai mis vingt garçons après votre habit.

MONSIEUR JOURDAIN.

Vous m’avez envoyé des bas de soie si étroits, que j’ai eu toutes les peines du monde à les mettre, et il y a déjà deux mailles de rompues.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Ils ne s’élargiront que trop.

MONSIEUR JOURDAIN.

Oui, si je romps toujours des mailles. Vous m’avez aussi fait faire des souliers qui me blessent furieusement.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Point du tout, monsieur.

MONSIEUR JOURDAIN.

Comment ! point du tout ?

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Non, ils ne vous blessent point.

MONSIEUR JOURDAIN.

Je vous dis qu’ils me blessent, moi.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Vous vous imaginez cela.

MONSIEUR JOURDAIN.

Je me l’imagine parceque je le sens. Voyez la belle maison !

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Tenez, voilà le plus bel habit de la cour, et le mieux assorti. C’est un chef-d’œuvre que d’avoir inventé un habit sérieux qui ne fût pas noir ; et je le donne en six coups aux tailleurs les plus éclairés.

MONSIEUR JOURDAIN.

Qu’est-ce que c’est que ceci ? vous avez mis les fleurs en en bas.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Vous ne m’avez pas dit que vous les vouliez en en haut.

MONSIEUR JOURDAIN.

Est-ce qu’il faut dire cela ?

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Oui, vraiment. Toutes les personnes de qualité les portent de la sorte.

MONSIEUR JOURDAIN.

Les personnes de qualité portent les fleurs en en bas.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Oui, monsieur.

MONSIEUR JOURDAIN.

Oh ! voilà qui est donc bien.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Si vous voulez, je les mettrai en en haut.

MONSIEUR JOURDAIN.

Non, non.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Vous n’avez qu’à dire.

MONSIEUR JOURDAIN.

Non, vous dis-je ; vous avez bien fait. Croyez-vous que mon habit m’aille bien[10] ?

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Belle demande ! Je défie un peintre, avec son pinceau, de vous faire rien de plus juste. J’ai chez moi un garçon qui, pour monter une ringrave, est le plus grand génie du monde ; et un autre qui, pour assembler un pourpoint, est le héros de notre temps.

MONSIEUR JOURDAIN.

La perruque et les plumes sont-elles comme il faut ?

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Tout est bien.

MONSIEUR JOURDAIN, regardant le maître tailleur.

Ah ! ah ! monsieur le tailleur, voilà de mon étoffe du dernier habit que vous m’avez fait. Je la reconnois bien.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

C’est que l’étoffe me sembla si belle, que j’en ai voulu lever un habit pour moi.

MONSIEUR JOURDAIN.

Oui : mais il ne falloit pas le lever avec le mien.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Voulez-vous mettre votre habit ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Oui : donnez-le-moi.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Attendez. Cela ne va pas comme cela. J’ai amené des gens pour vous habiller en cadence, et ces sortes d’habits se mettent avec cérémonie. Holà ! entrez, vous autres.


Scène IX.

MONSIEUR JOURDAIN, LE MAÎTRE TAILLEUR, LE GARÇON TAILLEUR, GARÇONS TAILLEURS dansants, UN LAQUAIS.
LE MAÎTRE TAILLEUR, à ses garçons.

Mettez cet habit à monsieur, de la manière que vous faites aux personnes de qualité.

PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET.

Les quatre garçons tailleurs dansants s’approchent de monsieur Jourdain. Deux lui arrachent le haut-de-chausses de ses exercices ; les deux autres lui ôtent la camisole ; après quoi, toujours en cadence, ils lui mettent son habit neuf. Monsieur Jourdain se promène au milieu d’eux, et leur montre son habit pour voir s’il est bien.

GARÇON TAILLEUR.

Mon gentilhomme, donnez, s’il vous plaît, aux garçons quelque chose pour boire.

MONSIEUR JOURDAIN.

Comment m’appelez-vous ?

GARÇON TAILLEUR.

Mon gentilhomme.

MONSIEUR JOURDAIN.

Mon gentilhomme ! Voilà ce que c’est que de se mettre en personne de qualité ! Allez-vous-en demeurer toujours habillé en bourgeois, on ne vous dira point : Mon gentilhomme. (Donnant de l’argent.) Tenez, voilà pour Mon gentilhomme.

GARÇON TAILLEUR.

Monseigneur, nous vous sommes bien obligés.

MONSIEUR JOURDAIN.

Monseigneur ! Oh ! oh ! Monseigneur ! Attendez, mon ami ; Monseigneur mérite quelque chose, et ce n’est pas une petite parole que Monseigneur ! Tenez, voilà ce que Monseigneur vous donne.

GARÇON TAILLEUR.

Monseigneur, nous allons boire tous à la santé de Votre Grandeur.

MONSIEUR JOURDAIN.

Votre Grandeur ! Oh ! oh ! oh ! Attendez ; ne vous en allez pas. À moi, Votre Grandeur ! (Bas, à part.) Ma foi, s’il va jusqu’à l’Altesse, il aura toute la bourse. (Haut.) Tenez, voilà pour ma grandeur.

GARÇON TAILLEUR.

Monseigneur, nous la remercions très humblement de ses libéralités.

MONSIEUR JOURDAIN.

Il a bien fait, je lui allois tout donner.

DEUXIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Les quatre garçons tailleurs se réjouissent, en dansant, de la libéralité de monsieur Jourdain.


fin du second acte.
  1. Les actes de cette pièce sont séparés par des intermèdes à la manière des anciens ; et comme les mêmes personnages se retrouvent toujours sur la scène, rien ne seroit plus facile que de réunir les cinq actes en un seul. Le Bourgeois gentilhomme est donc en effet une pièce en un acte divisée par des ballets. Aucun autre ouvrage de Molière ne présente une pareille singularité. (Aimé Martin.)
  2. Instrument formé d’une seule corde fort grosse montée sur un chevalet, et qui rend un son assez semblable à celui de la trompe.
  3. Dans les Nuées d’Aristophane, Socrate fait la même question à Strepsiade : « Or çà ; par où voulez-vous commencer ? que voulez-vous apprendre ? Parlez, vous enseignerai-je à connaître les mesures ou règles des vers et de leur harmonie ? » (Acte II, scène i, vers 686 et suivants.)
  4. Ces mots servoient à désigner dans les anciennes écoles les différents modes de syllogismes réguliers.
  5. Aristophane se moque comme Molière de l’enseignement de la philosophie ; mais dans le poëte grec la satire est injuste, parce qu’elle s’adresse à Socrate, tandis que dans le poëte français elle ne frappe que sur les pédants.
  6. Ce trait est encore une imitation d’Aristophane. Dans la pièce grecque, Socrate, après beaucoup de questions semblables à celles du maître de philosophie, demande à Strepsiade ce qu’il veut apprendre : celui-ci, qui est poursuivi pour dettes, répond naïvement qu’il veut apprendre à ne rien rendre aux usuriers. Socrate termine la scène par donner une leçon de grammaire, qui n’est pas moins ridicule que celle du maître de philosophie. (Nuées, sc. iv, v. 433 et 436.) (Aimé Martin.)
  7. Var. Sont divisées en voyelles, parcequ’elles expriment les voix, etc.
  8. MM.  Aimé Martin et Auger indiquent comme ayant inspirée Molière quelques traits de cette scène de pédagogie si plaisante, un livre publié deux ans avant le Bourgeois gentilhomme, par Cordemoy, membre de l’Académie française, sous le titre de Discours physique de la parole. Molière, du reste, en ridiculisant cet ouvrage, ne faisait pas seulement une critique particulière, il attaquait la méthode généralement suivie de son temps. Il travaillait par la moquerie, comme les solitaires de Port-Royal par la science, à la réforme de l’enseignement.
  9. Voici quelques passages du livre de Cordemoy, où on reconnaîtra facilement les emprunts de Molière :

    « Si l’on ouvre un peu moins la bouche, en avançant la mâchoire d’en bas vers celle d’en haut, on formera une autre voix terminée en E.

    Et si l’on approche encore un peu davantage les mâchoires l’une de l’autre, sans toutefois que les dents se touchent, on formera une troisième voix en I.

    Mais si, au contraire, on vient à ouvrir les mâchoires, et à rapprocher en même temps les lèvres par les deux coins, le haut et le bas, sans néanmoins les fermer tout à fait, on formera une voix en O.

    Enfin, si l’on rapproche les dents sans les joindre entièrement, et si, au même instant, on allonge les deux lèvres, sans les joindre tout à fait, on formera une voix en U.

    Le D se prononce en approchant le bout de la langue au-dessus des dents d’en haut…

    Et la lettre R en portant le bout de la langue jusqu’au haut du palais, de manière qu’étant frôlée par l’air qui sort avec force, elle lui cède, et revient souvent au même endroit. »

  10. Var. Croyez-vous que l’habit m’aille bien ?