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Le Capitan/LIII

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LIII. Le remords
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Alors, Lorenzo s’enveloppa d’un manteau et sortit en toute hâte. Comme il l’avait juré à Léonora, il était résolu à retrouver Giselle et Capestang.

"Puisqu’elle est libre, songea-t-il, elle n’a pu que se réfugier rue des Barrés ou rue Dauphine. Voyons d’abord l’hôtel de la rue Dauphine. Lorsqu’elle fut sauvée de la Seine, elle m’a dit : « Quel que soit le jour et l’heure, frappez cinq coups consécutifs à la porte. »"

Rapidement, Lorenzo courut jusqu’à une auberge située à l’encoignure de la rue de la Mortellerie, et se mit à frapper jusqu’à ce que l’hôte, réveillé, fût venu lui ouvrir. Il lui parla à voix basse, et l’hôte parut l’écouter avec un grand respect.

"Ce sera fait, finit par dire cet homme. Dans un quart d’heure, un bon carrosse, au détour du Pont-Neuf. Soyez tranquille, maître."

Lorenzo fit un geste d’assentiment, et alors, en toute hâte, se dirigea vers la rue Dauphine. Parvenu aux abords de l’hôtel d’Angoulême, longuement il inspecta les environs. Sûr de la solitude, il s’approcha de la porte, et, comme Giselle le lui avait recommandé, souleva cinq fois le marteau.

Dix minutes s’écoulèrent, Lorenzo se disposait à prendre le chemin de la rue des Barrés lorsqu’il entendit cliqueter le judas qui s’ouvrait. Puis, la porte, à son tour, s’entrouvrit mystérieusement et Lorenzo entra. D’abord il ne vit personne. Mais il entendit que, derrière lui, la porte se refermait. À ce moment, une voix de femme murmura près de lui :

"Êtes-vous le marchand d’herbes installé sur le Pont-au-Change ?

— Oui, répondit Lorenzo. Et je viens parce que la fille du duc d’Angoulême m’a dit d’avoir recours à elle quand je serais dans la détresse.

— Venez !" dit la voix.

Lorenzo sentit qu’on lui prenait la main, et suivit son guide invisible dans l’obscurité profonde. Il monta ainsi un escalier et parvint à un couloir faiblement éclairé. Alors il vit que celle qui le guidait était une femme d’une quarantaine d’années qui l’examina un instant, puis le conduisit jusqu’à une chambre où Lorenzo vit Giselle d’Angoulême. À l’entrée du nain, elle se leva et vint à sa rencontre :

"Monsieur, dit-elle, je bénis l’heure où je pourrai peut-être m’acquitter en partie de l’immense service que vous m’avez rendu. Je vous remercie de vous être souvenu des indications que je vous avais données. Que puis-je pour vous ?"

Lorenzo garda le silence.

"Hélas ! reprit-elle, tandis que ses yeux se remplissaient de larmes et que sa voix s’altérait, mes moyens sont bien faibles maintenant. Mon père est à la Bastille, comme je l’ai appris par la fidèle servante qui vous a conduit. Ma mère..."

L’angoisse qui la serra à la gorge l’interrompit. Mais, surmontant aussitôt sa faiblesse, elle reprit :

"Si faible que je sois devenue, il ne sera pas dit que vous aurez fait appel en vain à la reconnaissance de Giselle d’Angoulême. J’ai de l’argent. J’ai des amis que je puis voir, que j’ai vus déjà, pour m’occuper de mon malheureux père. Amis et argent, disposez de ce que je puis vous offrir, si le malheur est venu frapper à la porte de cette maison qui me fut hospitalière."

Elle parlait avec cet accent de dignité calme que peut avoir une reine accueillant un solliciteur à qui elle a des obligations. Ses propres douleurs, elle les taisait. Privée de son père et de sa mère, traquée peut-être en ce moment, où les rêves d’ambition du duc d’Angoulême n’étaient plus qu’un douloureux souvenir, où elle devait employer tout son sang-froid, toute son énergie à essayer de sauver son père, de retrouver sa mère, et de se sauver elle-même, elle ne laissait paraître que la compassion qu’elle éprouvait pour son visiteur.

"Madame, dit Lorenzo d’une voix qui lui sembla étrange à lui-même, car cette voix, pour la première fois de sa vie, tremblait d’émotion ; madame, je ne suis pas venu vous rappeler la promesse que vous daignâtes me faire lorsque le hasard, bien plus que ma volonté, vous fit trouver un asile dans ma pauvre maison."

Giselle étonnée l’interrogea du regard.

"Non, madame, reprit-il avec une douceur où il y avait des sanglots, le malheureux qui est devant vous ne peut exiger de vous aucune gratitude. C’est lui, plutôt, qui vous doit encore une reconnaissance éperdue, puisqu’il a suffi de votre passage dans son logis, dans sa tanière, pour le transformer et le régénérer. Je vois que mes paroles vous étonnent, vous inquiètent peut-être. Bientôt, sans doute, vous me comprendrez. Mais, dès cet instant, soyez assurée que vous avez en moi un serviteur qui donnerait volontiers sa vie pour sauver la vôtre. Madame, je suis venu vous donner un avis pressant : cette maison, la maison de la rue des Barrés, vont être surveillées. La maréchale d’Ancre... Ah ! vous frissonnez ! Rassurez-vous ! C’est une vipère qui cherche à mordre, mais je crois avoir trouvé un antidote au poison de sa dent.

— Ces étranges paroles... murmura Giselle en pâlissant.

— Oui ! Tout cela vous étonne. Mais qu’importe comment je sais que Léonora Galigaï veut votre mort, que Concino Concini veut votre déshonneur..."

Un geste souverain de Giselle interrompit Lorenzo.

"Ils peuvent me tuer, dit-elle. Mais on ne déshonore pas une fille de la maison d’Angoulême. Puisque vous savez tant de choses, vous connaissez peut-être la tentative de celui que vous appelez le maréchal d’Ancre. Sa passion détestable a tué la raison de la duchesse ma mère, mais...

— Madame, râla Lorenzo, je vous supplie en grâce, ne me parlez pas ainsi !"

Giselle considéra le nain courbé devant elle et, pour la première fois, un rapide soupçon effleura son esprit. Secouant sa tête comme pour chasser des idées trop effrayantes et trop lourdes, elle reprit :

"Vous dites donc que cet hôtel et la maison de la rue des Barrés vont être surveillés ?

— Oui, madame, dit Lorenzo en reprenant tout son sang-froid. Il faut partir d’ici cette nuit même, et quitter Paris, car je ne connais pas une retraite où les espions de Concini ne parviennent à se glisser. Cet homme est armé d’un redoutable pouvoir. Rien ne se fait, rien ne se dit sans que Concini le sache. Vous êtes perdue, madame, s’il vous découvre !"

Giselle demeurait calme comme si ce danger pressant qu’on lui exposait ne l’eût pas menacée elle-même.

"Je puis, dit-elle, me réfugier à Meudon."

Lorenzo secoua la tête :

"Croyez-vous donc que le château de Meudon ne sera pas surveillé aussi bien que cet hôtel ?

— Non, pas dans le château, mais dans une auberge dont la patronne est aveuglément dévouée à mon père, à ma mère et à moi-même. Dame Nicolette mourrait plutôt que de me trahir.

— Vous voulez parler de l’auberge de la Pie-Voleuse ?

— Oui. Les partisans du duc d’Angoulême, alors bien nombreux, ont pu s’y réunir à diverses reprises et le secret fut toujours gardé.

— Alors, vous pouvez, en effet, vous réfugier là, car ce secret valait cent mille livres. Je connais dame Nicolette ; elle aime l’argent et, pour avoir dédaigné cent mille livres qu’elle pouvait gagner en disant un mot, il faut qu’elle vous soit bien dévouée ! Ainsi donc, n’hésitez pas, madame, partez !"

Giselle secoua la tête avec fermeté. Une indomptable résolution se lisait dans son regard.

"Je partirai, dit-elle, mais seulement quand j’aurai retrouvé ma mère."

Et presque aussitôt, sa vaillance l’abandonnant, elle porta sa main à ses yeux pour cacher ses larmes. Son sein oppressé se souleva en sanglots.

"Pardonnez-moi cette faiblesse, reprit-elle. J’aime ma mère non seulement parce que c’est ma mère, non seulement parce qu’elle m’a toujours entourée de son adoration, mais aussi parce qu’elle a été bien malheureuse. Ah ! monsieur, je ne sais si j’ai le cœur trop plein d’amertume et s’il faut qu’il déborde enfin, ou si vous m’inspirez une confiance que je ne m’explique pas, mais laissez-moi pleurer devant vous. Je ne sais quel malheur plus effroyable pourrait me frapper. J’ai souffert lorsque le duc d’Angoulême était à la Bastille. J’ai éprouvé une terrible angoisse lorsque j’ai su qu’il était à nouveau prisonnier. D’autres sentiments qui sont au fond de mon cœur et que j’ose à peine évoquer m’ont aussi fait connaître la douleur ; mais ma mère, monsieur ! Savoir que ma mère, dans l’état où elle se trouve, est peut-être errante, peut-être en butte aux insultes ou, pis encore, à la pitié effrayée que la foule éprouve pour ceux qui ont perdu la raison !... Ma mère, pauvre créature qui n’a su qu’aimer !..."

Les sanglots, de nouveau, interrompirent la jeune fille. Lorenzo, livide et palpitant, regardait couler ses larmes.

"Ainsi, dit-il d’une voix étranglée, vous croyez que votre mère est bien malheureuse loin de vous ? Et vous-même vous êtes bien malheureuse loin d’elle ?

— Je crois, dit Giselle, je crois que loin de moi, ma mère se meurt... Violetta ! Oh ! ces paroles d’infinie tristesse que parfois dans ses heures sombres, elle murmurait : « Pauvre violette, achève de te faner ! »... Elle meurt, monsieur, je sens, je sais qu’elle meurt ! Et moi, sachant que ma mère est morte loin de moi, sans consolation, désespérée, je ne sais quel bonheur au monde pourra me donner la force d’oublier et de vivre."

Le nain râlait. Le nain pleurait. Il pleurait les premières larmes de sa vie. Et c’était un groupe d’une indicible puissance d’émotion, cette belle fille à la douleur si digne, et cet avorton de nature dont le sombre visage portait à ce moment le reflet de la rédemption !

"Merci, monsieur, murmura Giselle, merci non pas seulement d’être venu me prévenir, me sauver une fois encore, mais surtout de ces larmes que vous versez sur le malheur de ma mère !"

Et elle était auguste en parlant ainsi, auguste comme l’amour filial - et charmante, avec le sourire qu’elle s’efforçait de mettre sur ses lèvres pâlies, douloureusement charmante. Lorenzo parut ne pas avoir entendu ces mots...

"Ainsi, reprit-il, vous estimez donc que celui qui vous rendrait madame votre mère sauverait à la fois sa vie et la vôtre ?

— Sur mon âme, je le crois ! dit Giselle.

— Répétez ! oh ! répétez-le ! sanglota le nain, courbé devant Giselle. Répétez ces paroles qui délivrent mon âme, qui l’arrachent à l’abîme de ténèbres et la font monter à la lumière du pardon !..."

Lorenzo tomba à genoux.

Un ineffable étonnement emplit l’esprit de Giselle. Ce soupçon qui, tout à l’heure, s’était présenté à elle dans une lueur d’éclair, se précisa, mais elle le repoussa. Elle répéta :

"Oui, je l’ai dit. Je le répète ; celui qui nous réunirait aurait sauvé ma vie et celle de ma mère."

Lorenzo, un moment, demeura agenouillé, et, pendant quelques minutes, Giselle, palpitante, la pensée exorbitée devant ce qu’elle entrevoyait, n’entendit que les sanglots du damné prosterné à ses pieds. Lorsque Lorenzo se releva, Giselle reconnut à peine ce visage transfiguré. Une sorte de sérénité s’était étendue sur ses traits. Il ne pleurait plus.

"Mon enfant, dit-il, permettez-moi, je vous en supplie, de vous appeler ainsi une fois dans ma vie. Ce sera la fugitive illusion du bonheur que tous les hommes connaissent et qui m’est défendu à moi ! Mon enfant, permettez-moi une question : êtes-vous riche ? Je veux dire, avez-vous assez d’argent pour n’avoir pas à souffrir des hasards de l’existence ? Vos biens seront sans doute confisqués, et...

— Hélas, que ne suis-je pauvre, pauvre avec ma mère ! Mais, rassurez-vous sur ce point, bon vieillard. Rien que dans les caves du château, mon père a caché trois cent mille livres en or. Il y en a à peu près autant dans les caves de l’auberge dont je vous parlais tout à l’heure. Il y en a encore autant dans l’hôtel de Marie Touchet, rue des Barrés.

— Et vous me dites tout cela à moi ! Un inconnu !

— Vous n’êtes pas un inconnu, vous qui avez pleuré avec moi sur ma mère ! Dieu m’est témoin que je livrerais volontiers tout cet or à celui qui me donnerait une seule indication !"

Lorenzo demeura un instant pensif.

"Je haïssais l’humanité ! murmura-t-il sourdement. Est-ce que la présence de pareils anges parmi les hommes ne suffit pas à faire oublier tout ce que l’univers peut contenir de démons ! Venez, reprit-il, venez, madame. Ne m’interrogez pas. Ayez foi en moi. Tout ce que je puis dire en ce moment, et je vous le jure sur le salut de mon âme, c’est que vous ne sortirez pas de Paris sans votre mère."

Giselle pâlit et poussa un cri déchirant :

"Vous savez !... Ah ! vous savez...

— Rien ! dit Lorenzo. Vous ne pouvez rester ici une minute de plus sans danger, voilà ce que je sais ! Vous ne sortirez pas de Paris sans Mme la duchesse d’Angoulême, voilà ce que je vous jure !"

Giselle tremblait. Elle comprenait, elle savait que cet homme en savait plus long qu’il ne voulait dire, qu’il tenait en ce moment sa destinée dans ses mains.

"Oui, partons, dit-elle fébrilement. Pour sauver mon père et ma mère, il faut avant tout que j’assure ma liberté. Ne restons pas une minute de plus dans cet hôtel."

Elle se couvrit en hâte d’un manteau, appela la servante fidèle qui avait introduit Lorenzo, et tous trois, empressés, sortirent de l’hôtel d’Angoulême. Lorenzo marchait en avant. Au détour du Pont-Neuf stationnait un carrosse.

"Montez !" dit-il.

Giselle eut une seconde d’hésitation.

"Par le saint sacrement, dit Lorenzo, d’une voix tremblante, je vous jure que nous n’avez rien à redouter."

Giselle monta dans le carrosse. Alors Lorenzo, demeuré sur la chaussée, murmura :

"Un mot, maintenant : dès demain, je m’occuperai de retrouver quelqu’un qui peut à lui seul avec son épée, autant que Concini avec tous ses sbires. Ce quelqu’un s’appelle le chevalier de Capestang !"

En même temps, Lorenzo ferma la portière, sauta sur le siège, près du cocher, et le carrosse s’élança. Giselle avait jeté un cri et, toute palpitante, avait caché son visage dans ses deux mains. Et son imagination enfiévrée la transporta au fond des bois de Meudon, par une belle journée d’été, à ce moment où le soleil couchant faisait flamboyer à la fois l’épée et le regard du chevalier surgi à son secours.

"Pourquoi ! murmura-t-elle au fond de son cœur tout pantelant, oh ! pourquoi ai-je alors mis le nom de Cinq-Mars sur cette étincelante apparition ! Pourquoi ai-je, sur Dieu, juré à mon père d’être l’épouse du marquis de Cinq-Mars, alors que celui qui me sauvait, celui que j’aimais, celui que j’aime s’appelle Capestang !"

Le carrosse, bientôt, s’arrêta.

"Mais, madame, fit la servante, on nous a conduit rue des Barrés ! À deux pas de votre hôtel ! Ô madame, quelle confiance avez-vous en cette face de sorcier qui..."

La portière s’ouvrit à ce moment.

"Veuillez attendre quelques instants", dit la voix de Lorenzo.

Le nain se mit à frapper à la porte de la Sarcelle-d’Or. Une fenêtre s’ouvrit. Une tête effarée apparut, demandant ce qu’on voulait à pareille heure.

"Vous remettre les dix écus d’or qui vous sont dus, dame Léonarde !" fit Lorenzo.

Sans doute dame Léonarde reconnut la voix du nain, car on entendit la fenêtre se refermer en hâte, puis un bruit de bas précipités ; puis la porte s’ouvrit et l’hôtesse apparut, un flambeau à la main. Lorenzo entra dans l’auberge et y resta cinq minutes pendant lesquelles, probablement, il donna ses instructions à dame Léonarde. Puis il reparut et, comme s’il eût eu dès lors acquis le droit de commander, ordonna à la servante d’entrer dans la salle de l’auberge et d’y attendre sa maîtresse. Sur un signe de Giselle, la digne femme obéit, mais à contrecœur. Le nain pénétra dans le carrosse et s’assit en face de Giselle.

"Mon enfant, dit-il, cette voiture va demeurer toute la nuit à votre disposition. Vous vous en servirez pour vous faire transporter sur tel point de Paris que vous jugerez convenable et même hors Paris à Meudon par exemple, comme vous le disiez. Attendez ! ne m’interrompez pas ; je sais que vous ne voulez pas quitter Paris sans votre mère. Donc, il est entendu que vous avez ce carrosse pour vous porter dès cette nuit où vous le voudrez. Maintenant, mon enfant, je vais vous dire adieu. Il est probable que vous ne me reverrez plus jamais. Avant de vous quitter pour toujours, j’ai deux choses à vous demander.

— Parlez, vous qui agissez avec moi comme un père ! Parlez, fit Giselle d’une voix bouleversée d’émotion, et si ce que vous demandez est en mon pouvoir, tenez-le pour acquis.

— Ces deux choses sont en votre pouvoir, mon enfant. Jurez-moi donc de m’accorder ma double demande !

— Sur ma mère, je vous le jure !" dit Giselle.

Le nain garda un instant le silence, les yeux fixés sur Giselle, dont la tête charmante apparaissait vaguement éclairée par la lumière de l’auberge, dont la porte était restée ouverte.

"Voici donc la première, dit-il alors. Supposez - c’est une simple supposition, comprenez-moi - supposez que je vous fasse savoir dans huit jours, demain, cette nuit, enfin, dès que je le saurai moi-même, supposons donc que je vous indique le lieu où vous trouverez votre mère..."

Giselle palpitait. Son cœur bondissait.

"Eh bien, reprit Lorenzo, il faut me jurer que, dans l’heure qui suivra votre réunion à votre mère, vous quitterez Paris.

— Ah ! râla Giselle, qu’arrive cette heure bénie, et je vous obéirai de tout mon cœur !

— Il y va de votre vie ! Ainsi, dès que vous aurez trouvé votre mère, vous quittez Paris pour vous réfugier à Meudon ; votre serment vous empêchera d’oublier quel terrible danger vous courez. Maintenant, je passe à ma deuxième demande, continua Lorenzo, et sa voix se mit à trembler.

— Parlez sans crainte ! murmura Giselle qui s’aperçut de cette émotion. Quoi que vous ayez à me demander, vous avez mon serment !"

Lorenzo prit la main de Giselle et la baisa avec un infini respect.

"Quand je vous aurai quittée, dit-il, entrez dans l’auberge et dites simplement à l’hôtesse : « Conduisez-moi ! » Maintenant, voici ce que je demande : Quand vous aurez trouvé madame votre mère, obtenez de la duchesse d’Angoulême un mot de miséricorde pour le nain qui l’a trahie à Orléans !"

Avant que Giselle eût fait un geste, il sauta hors du carrosse et disparut en jetant ces derniers mots :

"Entrez, maintenant, votre mère est là !"