Le Carillon du Collier/Insinuation

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V

INSINUATION


Et, pendant qu’ils jetaient ces phrases véhémentes,
Les Amants courroucés continuaient l’assaut ;
Ongles et dents mordaient la Reine des Amantes… —
Qui, sous le mal aigu, se réveille en sursaut.

Aux fatigues du bal, dont elle est tant l’amie,
Imperceptiblement elle avait succombé :
Elle s’était, pensive, au retour, endormie…
Et ce noir cauchemar tenait son front courbé.

Au sortir de l’effroi la Fauve se secoue.
À sa gorge, inquiète, elle porte la main…
Sur son épaule encor l’ample Collier se joue !…
Mais son or tranche vif sur un épais carmin.

Le sang, qui d’ordinaire en sa veine est limpide,
Sous le songe pesant cette fois s’est figé.
Elle attend. Il reprend bientôt son cours rapide…
Un peu d’air, la rêveuse a le sein soulagé. —

Vas-tu lui profiter, vision vengeresse ?
Après ce heurt si dur son cœur changera-t-il ?…
Non ! Vous la reverrez, fatale Chasseresse,
Courant sus au gibier d’un jarret plus subtil.


Un avertissement de ce genre l’irrite.
Pourquoi l’affront perdu de la moraliser ?
L’auréole du vice, est-ce peu de mérite ?…
Venez, je vois déjà ses armes s’aiguiser.

Vaincus, venez la voir surgir de ses ténèbres,
Astre sombre de mort essayant de planer ;
Sinistre, elle bat l’air de ses ailes funèbres…
Beaux fils, qu’elle a séduits, venez lui pardonner !! —