Le Chemin des ombres heureuses/Prodicé

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Édition du Mercure de France (p. 79-80).

PRODICÉ


Ô vous dont le menton est rude,
hommes, épargnez-moi le bruit de votre voix
si, fuyant un moment l’ardente canicule,
vous vous abritez sous ce mur à l’ombre froide
comme celle des noyers verts.

Faites silence. Je ne puis sans colère
entendre ces discours où votre orgueil s’étale.
Je ne vous reconnais que la vigueur du mâle
et ris de la raison dont vous êtes si vains.
Croyez-en Prodicé la courtisane
qui, par métier, vous connut bien.

Votre raison le plus souvent vous trompe ;
pour un atome de vérité
elle édifie une montagne de mensonge.
Votre raison ! peut-elle m’imposer,
moi qui pour la contraindre à se taire
n’avais qu’à désigner d’un geste
la fleur secrète de mon sexe.