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Le Cid/Édition Marty-Laveaux/Acte II

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Le Cid/Édition Marty-Laveaux
LE CID, Texte établi par Ch. Marty-LaveauxHachetteÉdition Marty-Laveaux (p. 125-146).
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ACTE II.



Scène première.

DON ARIAS, LE COMTE[1].
LE COMTE.

Je l’avoue entre nous, mon sang un peu trop chaud[2]
S’est trop ému d’un mot, et l’a porté trop haut ;
Mais puisque c’en est fait, le coup est sans remède.

DON ARIAS.

Qu’aux volontés du Roi ce grand courage cède :
355Il y prend grande part, et son cœur irrité
Agira contre vous de pleine autorité.
Aussi vous n’avez point de valable défense :
Le rang de l’offensé, la grandeur de l’offense,
Demandent des devoirs, et des submissions
360Qui passent le commun des satisfactions.

LE COMTE.

Le Roi peut à son gré disposer de ma vie[3].

DON ARIAS.

De trop d’emportement votre faute est suivie.
Le Roi vous aime encore ; apaisez son courroux.
Il a dit : « Je le veux ; » désobéirez-vous ?

LE COMTE.

365Monsieur, pour conserver tout ce que j’ai d’estime[4],
Désobéir un peu n’est pas un si grand crime ;
Et quelque grand qu’il soit, mes services présents[5]
Pour le faire abolir sont plus que suffisants[6].

DON ARIAS.

Quoi qu’on fasse d’illustre et de considérable,
370Jamais à son sujet un roi n’est redevable.
Vous vous flattez beaucoup, et vous devez savoir
Que qui sert bien son roi ne fait que son devoir.
Vous vous perdrez, Monsieur, sur cette confiance.

LE COMTE.

Je ne vous en croirai qu’après l’expérience.

DON ARIAS.

375Vous devez redouter la puissance d’un roi.

LE COMTE.

Un jour seul ne perd pas un homme tel que moi.
Que toute sa grandeur s’arme pour mon supplice,
Tout l’État périra, s’il faut que je périsse[7].

DON ARIAS.

Quoi ! vous craignez si peu le pouvoir souverain…

LE COMTE.

380D’un sceptre qui sans moi tomberoit de sa main[8].
Il a trop d’intérêt lui-même en ma personne,
Et ma tête en tombant feroit choir sa couronne.

DON ARIAS.

Souffrez que la raison remette vos esprits.
Prenez un bon conseil.

Le Comte.

Prenez un bon conseil.Le conseil en est pris.

Don Arias.

385Que lui dirai-je enfin ? je lui dois rendre conte[9].

Le Comte.

Que je ne puis du tout consentir à ma honte.

Don Arias.

Mais songez que les rois veulent être absolus.

Le Comte.

Le sort en est jeté, Monsieur, n’en parlons plus.

Don Arias.

Adieu donc, puisqu’en vain je tâche à vous résoudre :
390Avec tous vos lauriers, craignez encor le foudre[10].

Le Comte.

Je l’attendrai sans peur.

Don Arias.

Je l’attendrai sans peur.Mais non pas sans effet.

Le Comte.

Nous verrons donc par là don Diègue satisfait.

(Il est seul[11].)

Qui ne craint point la mort ne craint point les menaces[12].
J’ai le cœur au-dessus des plus fières disgrâces ;
395Et l’on peut me réduire à vivre sans bonheur,
Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur.


Scène II.

LE COMTE, DON RODRIGUE[13].
Don Rodrigue.

À moi, Comte, deux mots.

Le Comte.

À moi, comte, deux mots.Parle.

Don Rodrigue.

À moi, comte, deux mots.Parle.Ôte-moi d’un doute.
Connois-tu bien don Diègue ?

Le Comte.

Connois-tu bien don Diègue ?Oui.

Don Rodrigue.

Connais-tu bien don Diègue ?Oui.Parlons bas ; écoute.
Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu,
400La vaillance et l’honneur de son temps ? le sais-tu ?

Le Comte.

Peut-être.

Don Rodrigue.

Peut-être.Cette ardeur que dans les yeux je porte,
Sais-tu que c’est son sang ? le sais-tu ?

Le Comte.

Sais-tu que c’est son sang ? le sais-tu ?Que m’importe ?

Don Rodrigue.

À quatre pas d’ici je te le fais savoir.

Le Comte.

Jeune présomptueux !

Don Rodrigue.

Jeune présomptueux !Parle sans t’émouvoir.

405Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées
La valeur n’attend point le nombre des années[14].

Le Comte.

Te mesurer à moi ! qui t’a rendu si vain[15],
Toi qu’on n’a jamais vu les armes à la main ?

Don Rodrigue.

Mes pareils à deux fois ne se font point connoître,
410Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître.

Le Comte.

Sais-tu bien qui je suis ?

Don Rodrigue.

Sais-tu bien qui je suis ?Oui ; tout autre que moi
Au seul bruit de ton nom pourroit trembler d’effroi.
Les palmes dont je vois ta tête si couverte[16]
Semblent porter écrit le destin de ma perte.
415J’attaque en téméraire un bras toujours vainqueur ;
Mais j’aurai trop de force, ayant assez de cœur.
À qui venge son père il n’est rien impossible.
Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.

Le Comte.

Ce grand cœur qui paroît aux discours que tu tiens,
420Par tes yeux, chaque jour, se découvroit aux miens ;
Et croyant voir en toi l’honneur de la Castille,

Mon âme avec plaisir te destinoit ma fille.
Je sais ta passion, et suis ravi de voir
Que tous ses mouvements cèdent à ton devoir ;
425Qu’ils n’ont point affaibli cette ardeur magnanime ;
Que ta haute vertu répond à mon estime ;
Et que voulant pour gendre un cavalier parfait[17],
Je ne me trompois point au choix que j’avois fait ;
Mais je sens que pour toi ma pitié s’intéresse ;
430J’admire ton courage, et je plains ta jeunesse.
Ne cherche point à faire un coup d’essai fatal ;
Dispense ma valeur d’un combat inégal ;
Trop peu d’honneur pour moi suivroit cette victoire :
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire[18].
435On te croirait toujours abattu sans effort ;
Et j’aurois seulement le regret de ta mort.

Don Rodrigue.

D’une indigne pitié ton audace est suivie :
Qui m’ose ôter l’honneur craint de m’ôter la vie ?

Le Comte.

Retire-toi d’ici.

Don Rodrigue.

Retire-toi d’ici.Marchons sans discourir.

Le Comte.

Es-tu si las de vivre ?

Don Rodrigue.

440Es-tu si las de vivre ?As-tu peur de mourir ?

Le Comte.

Viens, tu fais ton devoir, et le fils dégénère
Qui survit un moment à l’honneur de son père.


Scène III.

L’INFANTE, CHIMÈNE, LÉONOR.
L’Infante.

Apaise, ma Chimène, apaise ta douleur :
Fais agir ta constance en ce coup de malheur.
445Tu reverras le calme après ce foible orage ;
Ton bonheur n’est couvert que d’un peu de nuage[19],
Et tu n’as rien perdu pour le voir différer.

Chimène.

Mon cœur outré d’ennuis n’ose rien espérer.
Un orage si prompt qui trouble une bonace
450D’un naufrage certain nous porte la menace :
Je n’en saurois douter, je péris dans le port.
J’aimois, j’étois aimée, et nos pères d’accord ;
Et je vous en contois la charmante nouvelle[20],
Au malheureux moment qui naissoit leur querelle,
455Dont le récit fatal, sitôt qu’on vous l’a fait,
D’une si douce attente a ruiné l’effet.
Maudite ambition, détestable manie,
Dont les plus généreux souffrent la tyrannie !
Honneur impitoyable à mes plus chers désirs[21],
460Que tu me vas coûter de pleurs et de soupirs !

L’Infante.

Tu n’as dans leur querelle aucun sujet de craindre :
Un moment l’a fait naître, un moment va l’éteindre.
Elle a fait trop de bruit pour ne pas s’accorder,
Puisque déjà le Roi les veut accommoder ;
465Et tu sais que mon âme, à tes ennuis sensible[22],
Pour en tarir la source y fera l’impossible.

Chimène.

Les accommodements ne font rien en ce point[23].
De si mortels affronts ne se réparent point[24].
En vain on fait agir la force ou la prudence[25] :
470Si l’on guérit le mal, ce n’est qu’en apparence.
La haine que les cœurs conservent au-dedans
Nourrit des feux cachés, mais d’autant plus ardents.

L’Infante.

Le saint nœud qui joindra don Rodrigue et Chimène
Des pères ennemis dissipera la haine ;
475Et nous verrons bientôt votre amour le plus fort
Par un heureux hymen étouffer ce discord.

Chimène.

Je le souhaite ainsi plus que je ne l’espère :
Don Diègue est trop altier, et je connois mon père.
Je sens couler des pleurs que je veux retenir ;
480Le passé me tourmente, et je crains l’avenir.

L’Infante.

Que crains-tu ? d’un vieillard l’impuissante foiblesse[26] ?

Chimène.

Rodrigue a du courage.

L’Infante.

Rodrigue a du courage.Il a trop de jeunesse.

Chimène.

Les hommes valeureux le sont du premier coup.

L’Infante.

Tu ne dois pas pourtant le redouter beaucoup :
485Il est trop amoureux pour te vouloir déplaire,
Et deux mots de ta bouche arrêtent sa colère.

Chimène.

S’il ne m’obéit point, quel comble à mon ennui !
Et s’il peut m’obéir, que dira-t-on de lui ?
Étant né ce qu’il est, souffrir un tel outrage[27] !
490Soit qu’il cède ou résiste au feu qui me l’engage,
Mon esprit ne peut qu’être ou honteux ou confus
De son trop de respect, ou d’un juste refus.

L’Infante.

Chimène a l’âme haute, et quoique intéressée[28],
Elle ne peut souffrir une basse pensée ;
495Mais si jusques au jour de l’accommodement
Je fais mon prisonnier de ce parfait amant,
Et que j’empêche ainsi l’effet de son courage,
Ton esprit amoureux n’aura-t-il point d’ombrage ?

Chimène.

Ah ! Madame, en ce cas je n’ai plus de souci[29].


Scène IV.

L’INFANTE, CHIMÈNE, LÉONOR, le Page[30].
L’Infante.

500Page, cherchez Rodrigue, et l’amenez ici.

Le Page.

Le Comte de Gormas et lui…

Chimène.

Le Comte de Gormas et lui…Bon Dieu ! je tremble.

L’Infante.

Parlez.

Le Page.

Parlez. De ce palais ils sont sortis ensemble[31].

Chimène.

Seuls ?

Le Page.

Seuls ?Seuls, et qui sembloient tout bas se quereller.

Chimène.

Sans doute ils sont aux mains, il n’en faut plus parler.
505Madame, pardonnez à cette promptitude.


Scène V.

L’INFANTE, LÉONOR.
L’Infante.

Hélas ! que dans l’esprit je sens d’inquiétude !
Je pleure ses malheurs, son amant me ravit ;
Mon repos m’abandonne, et ma flamme revit.
Ce qui va séparer Rodrigue de Chimène
510Fait renaître à la fois mon espoir et ma peine[32] ;
Et leur division, que je vois à regret,
Dans mon esprit charmé jette un plaisir secret.

Léonor.

Cette haute vertu qui règne dans votre âme
Se rend-elle sitôt à cette lâche flamme ?

L’Infante.

515Ne la nomme point lâche, à présent que chez moi
Pompeuse et triomphante elle me fait la loi :
Porte-lui du respect, puisqu’elle m’est si chère.
Ma vertu la combat, mais malgré moi j’espère ;
Et d’un si fol espoir mon cœur mal défendu
520Vole après un amant que Chimène a perdu.

Léonor.

Vous laissez choir ainsi ce glorieux courage,
Et la raison chez vous perd ainsi son usage ?

L’Infante.

Ah ! qu’avec peu d’effet on entend la raison,
Quand le cœur est atteint d’un si charmant poison !
525Et lorsque le malade aime sa maladie[33],
Qu’il a peine à souffrir que l’on y remédie[34] !

Léonor.

Votre espoir vous séduit, votre mal vous est doux ;
Mais enfin ce Rodrigue est indigne de vous[35].

L’Infante.

Je ne le sais que trop ; mais si ma vertu cède,
530Apprends comme l’amour flatte un cœur qu’il possède.
Si Rodrigue une fois sort vainqueur du combat,
Si dessous sa valeur ce grand guerrier s’abat,
Je puis en faire cas, je puis l’aimer sans honte.
Que ne fera-t-il point, s’il peut vaincre le Comte ?
535J’ose m’imaginer qu’à ses moindres exploits
Les royaumes entiers tomberont sous ses lois ;
Et mon amour flatteur déjà me persuade
Que je le vois assis au trône de Grenade,
Les Mores[36] subjugués trembler en l’adorant,
540L’Aragon recevoir ce nouveau conquérant,
Le Portugal se rendre, et ses nobles journées
Porter delà les mers ses hautes destinées,
Du sang des Africains arroser ses lauriers[37] :
Enfin tout ce qu’on dit des plus fameux guerriers[38],
545Je l’attends de Rodrigue après cette victoire.
Et fais de son amour un sujet de ma gloire.

Léonor.

Mais, Madame, voyez où vous portez son bras,
Ensuite d’un combat qui peut-être n’est pas.

L’Infante.

Rodrigue est offensé ; le Comte a fait l’outrage ;
550Ils sont sortis ensemble : en faut-il davantage ?

Léonor.

Eh bien ! ils se battront, puisque vous le voulez[39],
Mais Rodrigue ira-t-il si loin que vous allez ?

L’Infante.

Que veux-tu ? je suis folle, et mon esprit s’égare :
Tu vois par là quels maux cet amour me prépare[40].
555Viens dans mon cabinet consoler mes ennuis,
Et ne me quitte point dans le trouble où je suis.


Scène VI.

DON FERNAND, DON ARIAS, DON SANCHE.[41]
Don Fernand.

Le Comte est donc si vain et si peu raisonnable !
Ose-t-il croire encor son crime pardonnable ?

Don Arias.

Je l’ai de votre part longtemps entretenu ;
560J’ai fait mon pouvoir, Sire, et n’ai rien obtenu.

Don Fernand.

Justes cieux ! ainsi donc un sujet téméraire
A si peu de respect et de soin de me plaire !
Il offense don Diègue, et méprise son roi !
Au milieu de ma cour il me donne la loi !
565Qu’il soit brave guerrier, qu’il soit grand capitaine,

Je saurai bien rabattre une humeur si hautaine[42].
Fût-il la valeur même, et le dieu des combats,
Il verra ce que c’est que de n’obéir pas.
Quoi qu’ait pu mériter une telle insolence[43],
570Je l’ai voulu d’abord traiter sans violence ;
Mais puisqu’il en abuse, allez dès aujourd’hui,
Soit qu’il résiste ou non, vous assurer de lui[44].

Don Sanche.

Peut-être un peu de temps le rendroit moins rebelle :
On l’a pris tout bouillant encor de sa querelle ;
575Sire, dans la chaleur d’un premier mouvement,
Un cœur si généreux se rend malaisément.
Il voit bien qu’il a tort, mais une âme si haute[45]
N’est pas sitôt réduite à confesser sa faute.

Don Fernand.

Don Sanche, taisez-vous, et soyez averti
580Qu’on se rend criminel à prendre son parti.

Don Sanche.

J’obéis, et me tais ; mais de grâce encor, Sire,
Deux mots en sa défense.

Don Fernand.

Deux mots en sa défense.Et que pouvez-vous dire ?[46]

Don Sanche.

Qu’une âme accoutumée aux grandes actions
Ne se peut abaisser à des submissions :
585Elle n’en conçoit point qui s’expliquent[47] sans honte ;
Et c’est à ce mot seul qu’a résisté le Comte[48].

Il trouve en son devoir un peu trop de rigueur,
Et vous obéiroit, s’il avoit moins de cœur.
Commandez que son bras, nourri dans les alarmes,
590Répare cette injure à la pointe des armes ;
Il satisfera, Sire ; et vienne qui voudra,
Attendant qu’il l’ait su, voici qui répondra.

Don Fernand.

Vous perdez le respect ; mais je pardonne à l’âge,
Et j’excuse l’ardeur en un jeune courage[49].
595Un roi dont la prudence a de meilleurs objets
Est meilleur ménager du sang de ses sujets :
Je veille pour les miens, mes soucis les conservent,
Comme le chef a soin des membres qui le servent.
Ainsi votre raison n’est pas raison pour moi :
600Vous parlez en soldat ; je dois agir en roi[50] ;
Et quoi qu’on veuille dire, et quoi qu’il ose croire[51],
Le Comte à m’obéir ne peut perdre sa gloire.
D’ailleurs l’affront me touche : il a perdu d’honneur
Celui que de mon fils j’ai fait le gouverneur ;
605S’attaquer à mon choix, c’est se prendre à moi-même[52],

Et faire un attentat sur le pouvoir suprême.
N’en parlons plus. Au reste, on a vu dix vaisseaux
De nos vieux ennemis arborer les drapeaux ;
Vers la bouche du fleuve ils ont osé paroître.

Don Arias.

610Les Mores ont appris par force à vous connoître,
Et tant de fois vaincus, ils ont perdu le cœur
De se plus hasarder contre un si grand vainqueur.

Don Fernand.

Ils ne verront jamais sans quelque jalousie
Mon sceptre, en dépit d’eux, régir l’Andalousie ;
615Et ce pays si beau, qu’ils ont trop possédé,
Avec un œil d’envie est toujours regardé.
C’est l’unique raison qui m’a fait dans Séville
Placer depuis dix ans le trône de Castille[53],
Pour les voir de plus près, et d’un ordre plus prompt
620Renverser aussitôt ce qu’ils entreprendront.

Don Arias.

Ils savent aux dépens de leurs plus dignes têtes[54]
Combien votre présence assure vos conquêtes :
Vous n’avez rien à craindre.

Don Fernand.

Vous n’avez rien à craindre. Et rien à négliger :
Le trop de confiance attire le danger ;
625Et vous n’ignorez pas qu’avec fort peu de peine[55]

Un flux de pleine mer jusqu’ici les amène[56].
Toutefois j’aurois tort de jeter dans les cœurs,
L’avis étant mal sûr, de paniques terreurs.
L’effroi que produiroit cette alarme inutile,
630Dans la nuit qui survient troubleroit trop la ville :
Faites doubler la garde aux murs et sur le port[57].
C’est assez pour ce soir[58].


Scène VII.

DON FERNAND, DON SANCHE, DON ALONSE.
Don Alonse.

C’est assez pour ce soir[3].Sire, le Comte est mort :
Don Diègue, par son fils, a vengé son offense.

Don Fernand.

Dès que j’ai su l’affront, j’ai prévu la vengeance[59] ;
635Et j’ai voulu dès lors prévenir ce malheur.

Don Alonse.

Chimène à vos genoux apporte sa douleur ;
Elle vient toute[60] en pleurs vous demander justice.

Don Fernand.

Bien qu’à ses déplaisirs mon âme compatisse[61],
Ce que le comte a fait semble avoir mérité
640Ce digne châtiment de sa témérité[62].
Quelque juste pourtant que puisse être sa peine,

Je ne puis sans regret perdre un tel capitaine.
Après un long service à mon État rendu,
Après son sang pour moi mille fois répandu,
645À quelques sentiments que son orgueil m’oblige,
Sa perte m’affoiblit, et son trépas m’afflige.


Scène VIII.

DON FERNAND, DON DIÈGUE, CHIMÈNE, DON SANCHE, DON ARIAS, DON ALONSE.
Chimène.

Sire, Sire, justice !

Don Diègue.

Sire, sire, justice ! Ah ! Sire, écoutez-nous.

Chimène.

Je me jette à vos pieds.

Don Diègue.

Je me jette à vos pieds.J’embrasse vos genoux.

Chimène.

Je demande justice.

Don Diègue.

Je demande justice.Entendez ma défense[63].

Chimène.

650D’un jeune audacieux punissez l’insolence :
Il a de votre sceptre abattu le soutien,
Il a tué mon père.

Don Diègue.

Il a tué mon père.Il a vengé le sien.

Chimène.

Au sang de ses sujets un roi doit la justice.

Don Diègue.

Pour la juste vengeance il n’est point de supplice[64].

Don Fernand.

655Levez-vous l’un et l’autre, et parlez à loisir.
Chimène, je prends part à votre déplaisir ;
D’une égale douleur je sens mon âme atteinte[65].
Vous parlerez après ; ne troublez pas sa plainte.

Chimène.

Sire, mon père est mort ; mes yeux[66] ont vu son sang
660Couler à gros bouillons de son généreux flanc ;
Ce sang qui tant de fois garantit vos murailles,
Ce sang qui tant de fois vous gagna des batailles,
Ce sang qui tout sorti fume encor de courroux
De se voir répandu pour d’autres que pour vous,
665Qu’au milieu des hasards n’osoit verser la guerre,
Rodrigue en votre cour vient d’en couvrir la terre[67].
J’ai couru sur le lieu, sans force et sans couleur :
Je l’ai trouvé sans vie. Excusez ma douleur,
Sire, la voix me manque à ce récit funeste ;
670Mes pleurs et mes soupirs vous diront mieux le reste.

Don Fernand.

Prends courage, ma fille, et sache qu’aujourd’hui
Ton roi te veut servir de père au lieu de lui.

Chimène.

Sire, de trop d’honneur ma misère est suivie.
Je vous l’ai déjà dit, je l’ai trouvé sans vie[68] ;
675Son flanc étoit ouvert ; et pour mieux m’émouvoir[69],
Son sang sur la poussière écrivoit mon devoir ;
Ou plutôt sa valeur en cet état réduite
Me parloit par sa plaie, et hâtoit ma poursuite ;
Et pour se faire entendre au plus juste des rois,
680Par cette triste bouche elle empruntoit ma voix.
Sire, ne souffrez pas que sous votre puissance
Règne devant vos yeux une telle licence ;
Que les plus valeureux, avec impunité,
Soient exposés aux coups de la témérité ;
685Qu’un jeune audacieux triomphe de leur gloire,
Se baigne dans leur sang, et brave leur mémoire.
Un si vaillant guerrier qu’on vient de vous ravir[70]
Éteint, s’il n’est vengé, l’ardeur de vous servir.
Enfin mon père est mort, j’en demande vengeance,
690Plus pour votre intérêt que pour mon allégeance.
Vous perdez en la mort d’un homme de son rang :
Vengez-la par une autre, et le sang par le sang[71].
Immolez, non à moi, mais à votre couronne[72],
Mais à votre grandeur, mais à votre personne ;
695Immolez, dis-je, Sire, au bien de tout l’État
Tout ce qu’enorgueillit un si haut attentat.

Don Fernand.

Don Diègue, répondez.

Don Diègue.

Don Diègue, répondez. Qu’on est digne d’envie
Lorsqu’en perdant la force on perd aussi la vie[73],
Et qu’un long âge apprête aux hommes généreux,
700Au bout de leur carrière, un destin malheureux !
Moi, dont les longs travaux ont acquis tant de gloire,
Moi, que jadis partout a suivi la victoire,
Je me vois aujourd’hui, pour avoir trop vécu,
Recevoir un affront et demeurer vaincu.
705Ce que n’a pu jamais combat, siège, embuscade,
Ce que n’a pu jamais Aragon ni Grenade,
Ni tous vos ennemis, ni tous mes envieux[74],
Le Comte en votre cour l’a fait presque à vos yeux[75],
Jaloux de votre choix, et fier de l’avantage
710Que lui donnoit sur moi l’impuissance de l’âge.
Sire, ainsi ces cheveux blanchis sous le harnois,
Ce sang pour vous servir prodigué tant de fois,
Ce bras, jadis l’effroi d’une armée ennemie,
Descendoient au tombeau tous chargés d’infamie,
715Si je n’eusse produit un fils digne de moi,
Digne de son pays et digne de son roi.
Il m’a prêté sa main, il a tué le Comte ;
Il m’a rendu l’honneur, il a lavé ma honte.
Si montrer du courage et du ressentiment,
720Si venger un soufflet mérite un châtiment,
Sur moi seul doit tomber l’éclat de la tempête :

Quand le bras a failli, l’on en punit la tête.
Qu’on nomme crime, ou non, ce qui fait nos débats[76],
Sire, j’en suis la tête, il n’en est que le bras.
725Si Chimène se plaint qu’il a tué son père,
Il ne l’eût jamais fait si je l’eusse pu faire.
Immolez donc ce chef que les ans vont ravir,
Et conservez pour vous le bras qui peut servir.
Aux dépens de mon sang satisfaites Chimène :
730Je n’y résiste point, je consens à ma peine ;
Et loin de murmurer d’un rigoureux décret[77],
Mourant sans déshonneur, je mourrai sans regret.

Don Fernand.

L’affaire est d’importance, et, bien considérée,
Mérite en plein conseil d’être délibérée.
735Don Sanche, remettez Chimène en sa maison.
Don Diègue aura ma cour et sa foi pour prison.
Qu’on me cherche son fils. Je vous ferai justice.

Chimène.

Il est juste, grand Roi, qu’un meurtrier périsse.

Don Fernand.

Prends du repos, ma fille, et calme tes douleurs.

Chimène.

740M’ordonner du repos, c’est croître mes malheurs.

FIN DU SECOND ACTE.
  1. Var. le comte, don arias. (1638 P.)
  2. Var. Je l’avoue entre nous, quand je lui fis l’affront,
    J’eus le sang un peu chaud et le bras un peu prompt. (1637-56)
  3. Var. Qu’il prenne donc ma vie, elle est en sa puissance.
    don arias. Un peu moins de transport et plus d’obéissance :
    D’un prince qui vous aime apaisez le courroux. (1637-56)
  4. Var. Monsieur, pour conserver ma gloire et mon estime. (1637-56)
  5. Var. Et quelque grand qu’il fût, mes services présents. (1637-56)
  6. Voyez la Notice du Cid, p. 17 et note 2.
  7. Var. Tout l’État périra plutôt que je périsse. (1637-56)
  8. Dans les premières éditions, il y a un point d’interrogation à la fin de ce vers et du précédent.
  9. Voyez tome I, p. 150, note 1, a.
  10. Var. Tout couvert de lauriers, craignez encor la foudre. (1637-56)
  11. Il n’y a point ici de jeu de scène dans les éditions de 1637 in-12 et de 1638. Dans celles de 1637 in-4o et de 1638-60, on lit : Don Arias rentre, au lieu de : Il est seul.
  12. Var. Je m’étonne fort peu de menaces pareilles (a) :
    Dans les plus grands périls je fais plus de merveilles ;
    Et quand l’honneur y va, les plus cruels trépas
    Présentés à mes yeux ne m’ébranleroient pas. (1637-56)


    (a) L’édition de 1644 in-12 porte, par erreur :
    Je m’étonne fort peu de pareilles menaces.


    Cette transposition fortuite a cela de remarquable qu’elle donne au vers la rime qu’il aura à partir de 1660.
  13. Var. don rodrigue, le comte. (1638 P.)
  14. Var. La valeur n’attend pas le nombre des années. (1637 in-12 et 38)
    — Cicéron a dit dans la cinquième Philippique, chapitre XVII : « C. Caesar ineunte ætate docuit ab excellenti eximiaque virtute progressum ætatis exspectari non oportere ; » et du Vair dans sa quatorzième Harangue funèbre, en parlant de Louis XIII enfant : « Ne nous promet-il pas que nous verrons, et bientôt, la vengeance de ce détestable assassinat ? Ce sera son apprentissage, ce seront ses premiers faits d’armes que la vengeance de son père. Ne mesurez pas sa puissance par ses ans : la vertu aux âmes héroïques n’attend pas les années ; elle fait son progrès tout à coup. » (Œuvres de messire Guill. du Vair. Paris, Séb. Cramoisy, 1641, in-fol., p. 715.) Corneille, qui dans Polyeucte paraît s’être rappelé un autre passage de du Vair, pourrait bien s’être souvenu ici de celui que nous venons de citer. Voyez aussi l’Appendice du Cid, II, p. 214.
  15. Var. Mais t’attaquer à moi ! qui t’a rendu si vain ? (1637-56)
  16. Var. Mille et mille lauriers dont ta tête est couverte. (1637-56)
  17. Var. Et que voulant pour gendre un chevalier parfait.
    (1637 in-4o, 38 P., 39 et 44.)
  18. Corneille se rappelle sans doute ici ce passage de Sénèque : « Ignominiam judicat gladiator cum inferiore componi, et scit eum sine gloria vinci qui sine periculo vincitur. » (De Providentia, cap. III.) Plus tard, dans son Arminius, représenté en 1642, et imprimé seulement en 1644, Scudéry a reproduit presque textuellement (acte I, scène III) le vers de Corneille :

    Les lâches seulement dérobent la victoire,
    Et vaincre sans péril seroit vaincre sans gloire ;


    et par une singulière erreur, plusieurs critiques, confondant les dates, ont voulu, à cette occasion, faire de Corneille un plagiaire de Scudéry.
  19. Var. Ton bonheur n’est couvert que d’un petit nuage. (1637-56)
  20. Var. Et je vous en contois la première nouvelle. (1637-56)
  21. Var. Impitoyable honneur, mortel à mes plaisirs. (1637-56)
  22. Var. Et de ma part mon âme, à tes ennuis sensible. (1637-56)
  23. Var. Les accommodements ne sont rien en ce point. (1638 P.)
  24. Var. Les affronts à l’honneur ne se réparent point. (1637-56)
  25. Var. En vain on fait agir la force et la prudence. (1637 in-12, 38 et 44 in-4o)
  26. Ce vers, dans l’édition de 1682, a une ponctuation différente et qui change le sens :
    Que crains-tu d’un vieillard l’impuissante foiblesse ?
  27. Var. Souffrir un tel affront, étant né gentilhomme !
    Soit qu’il cède ou résiste au feu qui le consomme. (1637-44)
  28. Var. Chimène est généreuse, et quoiqu’intéressée,
    Elle ne peut souffrir une lâche pensée. (1637-56)
  29. Var. Ah ! Madame, en ce cas je n’ai point de souci. (1637 in-12)
  30. Var. l’infante, le page, chimène, léonor. (1638 P.)
  31. Var. l’infHors de la ville ils sont sortis ensemble. (1637 in-12)
  32. Var. Avecque mon espoir fait renaître ma peine. (1637-56)
  33. Var. Alors que le malade aime sa maladie. (1637-44)
    Var. Sitôt que le malade aime sa maladie. (1648-60)
  34. Var. Il ne peut plus souffrir que l’on y remédie. (1637-56)
  35. Var. Mais toujours ce Rodrigue est indigne de vous. (1637-56)
  36. Telle est partout l’orthographe du mot dans les éditions publiées du vivant de Corneille, et encore dans celle de 1692, et cela sans doute afin de rendre certaines rimes plus satisfaisantes pour l’œil, comme par exemple celle-ci (vers 1177 et 1178) :
    L’espérance et l’amour d’un peuple qui l’adore,
    Le soutien de Castille, et la terreur du More.

    Mais dans les Discours et les Examens Corneille écrit les Maures.
  37. Var. Au milieu de l’Afrique arborer ses lauriers. (1637-56)
  38. Var. Et faire ses sujets des plus braves guerriers. (1637 in-12)
  39. Var. Je veux que ce combat demeure pour certain,
    Votre esprit va-t-il point bien vite pour sa main ? (1637-56)
  40. Var. Mais c’est le moindre mal que l’amour me prépare. (1637-56)
  41. Var. le roi, don arias, don sanche, don alonse. (1637-56) — le roi, don arias, don sanche. (1660) — Les éditions de 1637-60 portent partout : le roi, au lieu de don fernand.
  42. Var. Je lui rabattrai bien cette humeur si hautaine. (1637-56)
  43. Var. Je sais trop comme il faut dompter cette insolence. (1637-56)
  44. Dans les éditions de 1637 in-4o et de 1639-56 : Don Alonse rentre.
  45. Var. On voit bien qu’on a tort, mais une âme si haute. (1637-48)
  46. Var. On voit bieEt que pourrez-vous dire ? (1637 in-4o, 38 P. et 39-68)
  47. Les éditions de 1637 in-12 et de 1638 portent : « qui s’explique, » au singulier.
  48. Var. Et c’est contre ce mot qu’a résisté le Comte. (1637-56)
  49. Var. Et j’estime l’ardeur en un jeune courage. (1637-56)
  50. Var. Vous parlez en soldat ; je dois régir en roi. (1638)
  51. Var. Et quoi qu’il faille dire, et quoi qu’il veuille croire. (1637-48)
  52. Var. Et par ce trait hardi d’une insolence extrême,
    Il s’est pris à mon choix, il s’est pris à moi-même.
    C’est moi qu’il satisfait en réparant ce tort.
    N’en parlons plus. Au reste on nous menace fort ;
    Sur un avis reçu je crains une surprise.
    don arias. Les Mores contre vous font-ils quelque entreprise ?
    S’osent-ils préparer à des efforts nouveaux ?
    le roi. Vers la bouche du fleuve on a vu leurs vaisseaux,
    [Et vous n’ignorez pas qu’avec fort peu de peine
    Un flux de pleine mer jusqu’ici les amène (a).]
    don arias. Tant de combats perdus leur ont ôté le cœur
    D’attaquer désormais un si puissant vainqueur.
    le roi. N’importe, ils ne sauroient qu’avecque jalousie
    Voir mon sceptre aujourd’hui régir l’Andalousie,
    Et ce pays si beau que j’ai conquis sur eux
    Réveille à tous moments leurs desseins généreux.
    [C’est l’unique raison qui m’a fait dans Séville.] (1637-56)
    (a) Ces deux vers sont un peu plus bas dans les éditions de 1660-82.
  53. Voyez ci-dessus, p. 97.
  54. Var. Sire, ils ont trop appris aux dépens de leurs têtes. (1637-56)
  55. Var. Et le même ennemi que l’on vient de détruire,
    S’il sait prendre son temps, est capable de nuire.
    Don Alonse revient (a). (1637-56)
    (a) Ce jeu de scène manque dans les éditions de 1637 in-12 et de 1638. — Il se trouve six vers plus bas dans l’édition de 1644 in-12.
  56. Voyez ci-dessus, p. 97 et 98.
  57. Var. Puisqu’on fait bonne garde aux murs et sur le port,
    Il IIl suffit pour ce soir (a). (1637-56)
    (a) Il n’y a pas ici de distinction de scène dans les éditions indiquées.
  58. Voyez ci-dessus, p. 96.
  59. Voyez ci-dessus, p. 95.
  60. Les éditions de 1639, de 1644 in-4o et de 1648 portent : « tout en pleurs. »
  61. Var. Bien qu’à ses déplaisirs mon amour compatisse. (1652-60)
  62. Var. Ce juste châtiment de sa témérité. (1637-56)
  63. Var. [don dièg. Entendez ma défense.]
    chim. Vengez-moi d’une mort don dièg. Qui punit l’insolence.
    chim. Rodrigue, Sire… don dièg. A fait un coup d’homme de bien.
    chim. [Il a tué mon père.] (1637-56)
  64. Var. Une vengeance juste est sans peur du supplice (a). (1637-44)
    Var. Une juste vengeance est sans peur du supplice. (1648-56)
    (a) Les éditions de 1637 in-12 et de 1638 donnent de supplice, pour du supplice.
  65. Entre ce vers et le suivant, on lit dans l’édition de 1692 : à don Diègue.
  66. L’édition de 1637 in-12 porte, par erreur, vos yeux, pour mes yeux.
  67. Var. [Rodrigue en votre cour vient d’en couvrir la terre,]
    Et pour son coup d’essai son indigne attentat
    D’un si ferme soutien a privé votre État,
    De vos meilleurs soldats abattu l’assurance,
    Et de vos ennemis relevé l’espérance.
    J’arrivai sur le lieu sans force et sans couleur :
    Je le trouvai sans vie. Excusez ma douleur (b). (1637-56)
    (b) Je le trouvai sans vie. Excusez, ma douleur. (1644 in-12)

    — Les deux derniers vers de cette variante se trouvent aussi dans l’édition de 1660.
  68. Var. J’arrivai donc sans force, et le trouvai sans vie. (1637-60)
  69. Var. Il ne me parla point, mais pour mieux m’émouvoir. (1637-56)
  70. Var. Un si vaillant guerrier qu’on vous vient de ravir. (1644 in-12)
    Var. Un si vaillant guerrier qu’on vient de nous ravir. (1654 et 56)
  71. L’édition de 1637 in-4o I., et les éditions de 1638 L., de 1639, de 1644 in-4o et de 1648 portent :
    Vengez-la par un autre, et le sang par le sang.
  72. Var. Sacrifiez don Diègue et toute sa famille
    À vous, à votre peuple, à toute la Castille :
    Le soleil qui voit tout ne voit rien sous les cieux
    Qui vous puisse payer un sang si précieux. (1637-56)
  73. Var. Quand avecque la force on perd aussi la vie,
    Sire, et que l’âge apporte aux hommes généreux
    Avecque sa foiblesse un destin malheureux ! (1637-56)
  74. Var. Ni tous mes ennemis, ni tous mes envieux. (1637 in-12)
  75. Var. L’orgueil dans votre cour l’a fait presque à vos yeux,
    Et souillé sans respect l’honneur de ma vieillesse,
    Avantagé de l’âge, et fort de ma foiblesse. (1637-56)
  76. Var. Du crime glorieux qui cause nos débats. (1637-56)
  77. Var. Et loin de murmurer d’un injuste décret. (1637-56)