Le Cid/Édition Marty-Laveaux/Acte III
ACTE III.
Scène première.
Rodrigue, qu’as-tu fait ? où viens-tu, misérable ?
Suivre le triste cours de mon sort déplorable.
Où prends-tu cette audace et ce nouvel orgueil,
De paroître en des lieux que tu remplis de deuil ?
Quoi ? viens-tu jusqu’ici braver l’ombre du Comte ?
Ne l’as-tu pas tué ?
Mon honneur de ma main a voulu cet effort.
Mais chercher ton asile en la maison du mort !
Jamais un meurtrier en fit-il son refuge ?
[2].
Ne me regarde plus d’un visage étonné ;
Je cherche le trépas après l’avoir donné.
Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène :
Je mérite la mort de mériter sa haine,
Et l’arrêt de sa bouche, et le coup de sa main.
Fuis plutôt de ses yeux, fuis de sa violence ;
À ses premiers transports dérobe ta présence :
Va, ne t’expose point aux premiers mouvements
Que poussera l’ardeur de ses ressentiments.
Non, non, ce cher objet à qui j’ai pu déplaire
Ne peut pour mon supplice avoir trop de colère ;
Et j’évite cent morts qui me vont accabler[3],
Si pour mourir plus tôt je puis la redoubler.
Et n’en reviendra point que bien accompagnée.
Rodrigue, fuis, de grâce : ôte-moi de souci.
Que ne dira-t-on point si l’on te voit ici ?
Veux-tu qu’un médisant, pour comble à sa misère[4],
L’accuse d’y souffrir l’assassin de son père ?
Elle va revenir ; elle vient, je la voi :
Du moins, pour son honneur, Rodrigue, cache-toi[5].
Scène II.
Oui, Madame, il vous faut de sanglantes victimes :
Votre colère est juste, et vos pleurs légitimes ;
Ni de vous adoucir, ni de vous consoler.
Mais si de vous servir je puis être capable,
Employez mon épée à punir le coupable ;
Employez mon amour à venger cette mort :
Sous vos commandements mon bras sera trop fort.
Malheureuse !
[6].
De grâce, acceptez mon serviceJ’offenserois le Roi, qui m’a promis justice.
Vous savez qu’elle marche avec tant de langueur,
Qu’assez souvent le crime échappe à sa longueur[7] ;
Son cours lent et douteux fait trop perdre de larmes.
Souffrez qu’un cavalier vous venge par les armes[8].
La voie en est plus sûre, et plus prompte à punir.
C’est le dernier remède ; et s’il y faut venir,
Et que de mes malheurs cette pitié vous dure,
Vous serez libre alors de venger mon injure.
C’est l’unique bonheur où mon âme prétend ;
Et pouvant l’espérer, je m’en vais trop content.
Scène III.
Enfin je me vois libre, et je puis sans contrainte
De mes vives douleurs te faire voir l’atteinte ;
Je puis donner passage à mes tristes soupirs ;
Je puis t’ouvrir mon âme et tous mes déplaisirs.
Mon père est mort, Elvire ; et la première épée
Dont s’est armé Rodrigue a sa trame coupée.
Pleurez, pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau !
La moitié de ma vie a mis l’autre au tombeau,
Et m’oblige à venger, après ce coup funeste,
Celle que je n’ai plus sur celle qui me reste.
Reposez-vous, Madame.
Dans un malheur si grand tu parles de repos[9] !
Par où sera jamais ma douleur apaisée[10],
Si je ne puis haïr la main qui l’a causée ?
Et que dois-je espérer qu’un tourment éternel,
Si je poursuis un crime, aimant le criminel ?
Il vous prive d’un père, et vous l’aimez encore !
Ma passion s’oppose à mon ressentiment ;
Dedans mon ennemi je trouve mon amant ;
Et je sens qu’en dépit de toute ma colère,
Rodrigue dans mon cœur combat encor mon père :
Il l’attaque, il le presse, il cède, il se défend,
Tantôt fort, tantôt foible, et tantôt triomphant ;
Mais en ce dur combat de colère et de flamme,
Il déchire mon cœur sans partager mon âme ;
Et quoi que mon amour ait sur moi de pouvoir[11],
Je ne consulte point pour suivre mon devoir :
Je cours sans balancer où mon honneur m’oblige.
Rodrigue m’est bien cher, son intérêt m’afflige ;
Mon cœur prend son parti ; mais malgré son effort[12],
Je sais ce que je suis, et que mon père est mort.
Pensez-vous le poursuivre ?
Et cruelle poursuite où je me vois forcée !
Je demande sa tête, et crains de l’obtenir :
Ma mort suivra la sienne, et je le veux punir !
Quittez, quittez, Madame, un dessein si tragique ;
Ne vous imposez point de loi si tyrannique.
Quoi ! mon père étant mort, et presque entre mes bras[13],
Son sang criera vengeance, et je ne l’orrai pas[14] !
Mon cœur, honteusement surpris par d’autres charmes,
Croira ne lui devoir que d’impuissantes larmes !
Et je pourrai souffrir qu’un amour suborneur
Sous un lâche silence étouffe mon honneur[15] !
Madame, croyez-moi, vous serez excusable
D’avoir moins de chaleur contre un objet aimable[16],
Contre un amant si cher : vous avez assez fait,
Vous avez vu le Roi ; n’en pressez point l’effet,
Ne vous obstinez point en cette humeur étrange.
Il y va de ma gloire, il faut que je me venge ;
Et de quoi que nous flatte un désir amoureux,
Toute excuse est honteuse aux esprits généreux.
Mais vous aimez Rodrigue, il ne vous peut déplaire.
Je l’avoue.
Après tout, que pensez-vous donc faire ?
Pour conserver ma gloire et finir mon ennui,
Le poursuivre, le perdre, et mourir après lui.
Scène IV.
Eh bien ! sans vous donner la peine de poursuivre,
Assurez-vous l’honneur de m’empêcher de vivre[17].
Elvire, où sommes-nous, et qu’est-ce que je voi ?
Rodrigue en ma maison ! Rodrigue devant moi !
N’épargnez point mon sang : goûtez sans résistance
La douceur de ma perte et de votre vengeance.
Hélas !
Écoute-moi.
Je me meurs.
Un moment.
Va, laisse-moi mourir.
Après ne me réponds qu’avecque cette épée.
Quoi ! du sang de mon père encor toute trempée !
Ma Chimène…
Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux.
Regarde-le plutôt pour exciter ta haine,
Pour croître ta colère, et pour hâter ma peine.
Il est teint de mon sang.
Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien.
Le père par le fer, la fille par la vue !
Ôte-moi cet objet, je ne puis le souffrir :
Tu veux que je t’écoute, et tu me fais mourir !
Je fais ce que tu veux, mais sans quitter l’envie
De finir par tes mains ma déplorable vie ;
Car enfin n’attends pas de mon affection
Un lâche repentir d’une bonne action.
L’irréparable effet d’une chaleur trop prompte[18]
Déshonoroit mon père, et me couvroit de honte.
Tu sais comme un soufflet touche un homme de cœur ;
J’avois part à l’affront, j’en ai cherché l’auteur :
Je l’ai vu, j’ai vengé mon honneur et mon père ;
Je le ferois encor, si j’avois à le faire.
Ce n’est pas qu’en effet contre mon père et moi
Ma flamme assez longtemps n’ait combattu pour toi ;
Juge de son pouvoir : dans une telle offense
J’ai pu délibérer si j’en prendrois vengeance[19].
Réduit à te déplaire, ou souffrir un affront,
J’ai pensé qu’à son tour mon bras étoit trop prompt[20] ;
Je me suis accusé de trop de violence ;
Et ta beauté sans doute emportoit la balance,
À moins que d’opposer à tes plus forts appas[21]
Qu’un homme sans honneur ne te méritoit pas ;
Que malgré cette part que j’avois en ton âme[22],
Qui m’aima généreux me haïroit infâme ;
Qu’écouter ton amour, obéir à sa voix,
C’étoit m’en rendre indigne et diffamer ton choix.
Je te le dis encore ; et quoique j’en soupire[23],
Jusqu’au dernier soupir je veux bien le redire :
Je t’ai fait une offense, et j’ai dû m’y porter
Pour effacer ma honte, et pour te mériter ;
Mais quitte envers l’honneur, et quitte envers mon père,
C’est maintenant à toi que je viens satisfaire :
C’est pour t’offrir mon sang qu’en ce lieu tu me vois.
J’ai fait ce que j’ai dû[24], je fais ce que je dois.
Je sais qu’un père mort t’arme contre mon crime ;
Je ne t’ai pas voulu dérober ta victime :
Immole avec courage au sang qu’il a perdu
Celui qui met sa gloire à l’avoir répandu.
Je ne puis te blâmer d’avoir fui l’infamie[25] ;
Et de quelque façon qu’éclatent mes douleurs,
Je ne t’accuse point, je pleure mes malheurs.
Je sais ce que l’honneur, après un tel outrage,
Demandoit à l’ardeur d’un généreux courage :
Tu n’as fait le devoir que d’un homme de bien ;
Mais aussi, le faisant, tu m’as appris le mien.
Ta funeste valeur m’instruit par ta victoire ;
Elle a vengé ton père et soutenu ta gloire :
Même soin me regarde, et j’ai, pour m’affliger,
Ma gloire à soutenir, et mon père à venger.
Hélas ! ton intérêt ici me désespère :
Si quelque autre malheur m’avoit ravi mon père,
Mon âme auroit trouvé dans le bien de te voir
L’unique allégement qu’elle eût pu recevoir ;
Et contre ma douleur j’aurois senti des charmes,
Quand une main si chère eût essuyé mes larmes.
Mais il me faut te perdre après l’avoir perdu ;
Cet effort sur ma flamme à mon honneur est dû[26] ;
Et cet affreux devoir, dont l’ordre m’assassine,
Me force à travailler moi-même à ta ruine.
Car enfin n’attends pas de mon affection
De lâches sentiments pour ta punition.
De quoi qu’en ta faveur notre amour m’entretienne,
Ma générosité doit répondre à la tienne :
Tu t’es, en m’offensant, montré digne de moi ;
Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi.
Ne diffère donc plus ce que l’honneur t’ordonne :
Il demande ma tête, et je te l’abandonne ;
Fais-en un sacrifice à ce noble intérêt :
Le coup m’en sera doux, aussi bien que l’arrêt.
Attendre après mon crime une lente justice,
C’est reculer ta gloire autant que mon supplice.
Je mourrai trop heureux, mourant d’un coup si beau.
Si tu m’offres ta tête, est-ce à moi de la prendre ?
Je la dois attaquer, mais tu dois la défendre[27] ;
C’est d’un autre que toi qu’il me faut l’obtenir,
Et je dois te poursuivre, et non pas te punir.
Ta générosité doit répondre à la mienne ;
Et pour venger un père emprunter d’autres bras,
Ma Chimène, crois-moi, c’est n’y répondre pas :
Ma main seule du mien a su venger l’offense,
Ta main seule du tien doit prendre la vengeance.
Cruel ! à quel propos sur ce point t’obstiner ?
Tu t’es vengé sans aide, et tu m’en veux donner !
Je suivrai ton exemple, et j’ai trop de courage
Pour souffrir qu’avec toi ma gloire se partage.
Mon père et mon honneur ne veulent rien devoir
Aux traits de ton amour ni de ton désespoir.
Rigoureux point d’honneur ! hélas ! quoi que je fasse,
Ne pourrai-je à la fin obtenir cette grâce ?
Au nom d’un père mort, ou de notre amitié,
Punis-moi par vengeance, ou du moins par pitié.
Ton malheureux amant aura bien moins de peine
À mourir par ta main qu’à vivre avec ta haine.
Va, je ne te hais point.
Tu le dois.
Je ne puis.
Crains-tu si peu le blâme, et si peu les faux bruits ?
Quand on saura mon crime, et que ta flamme dure,
Que ne publieront point l’envie et l’imposture !
Force-les au silence, et sans plus discourir,
Sauve ta renommée en me faisant mourir.
Elle éclate bien mieux en te laissant la vie[28] ;
Et je veux que la voix de la plus noire envie
Élève au ciel ma gloire et plaigne mes ennuis,
Sachant que je t’adore et que je te poursuis.
Va-t’en, ne montre plus à ma douleur extrême
Ce qu’il faut que je perde, encore que je l’aime.
Dans l’ombre de la nuit cache bien ton départ :
Si l’on te voit sortir, mon honneur court hasard.
La seule occasion qu’aura la médisance,
C’est de savoir qu’ici j’ai souffert ta présence :
Ne lui donne point lieu d’attaquer ma vertu.
Que je meure !
Va-t’en.
À quoi te résous-tu ?
Malgré des feux si beaux, qui troublent ma colère[29],
Je ferai mon possible à bien venger mon père ;
Mais malgré la rigueur d’un si cruel devoir,
Mon unique souhait est de ne rien pouvoir.
Ô miracle d’amour !
[30] !
Ô comble de misèresQue de maux et de pleurs nous coûteront nos pères !
Rodrigue, qui l’eût cru ?
Chimène, qui l’eût dit ?
Que notre heur fût si proche et sitôt se perdît ?
Et que si près du port, contre toute apparence[31],
Un orage si prompt brisât notre espérance ?
Ah ! mortelles douleurs !
Ah ! regrets superflus !
Va-t’en, encore un coup, je ne t’écoute plus.
Adieu : je vais traîner une mourante vie,
Tant que par ta poursuite elle me soit ravie.
[32]
De ne respirer pas un moment après toi.
Adieu : sors, et surtout garde bien qu’on te voie.
Madame, quelques maux que le ciel nous envoie…
Ne m’importune plus, laisse-moi soupirer,
Je cherche le silence et la nuit pour pleurer.
Scène V.
Jamais nous ne goûtons de parfaite allégresse :
Nos plus heureux succès sont mêlés de tristesse ;
Toujours quelques soucis en ces événements
Troublent la pureté de nos contentements.
Au milieu du bonheur mon âme en sent l’atteinte :
Je nage dans la joie, et je tremble de crainte.
J’ai vu mort l’ennemi qui m’avoit outragé ;
Et je ne saurois voir la main qui m’a vengé.
En vain je m’y travaille, et d’un soin inutile,
Tout cassé que je suis, je cours toute la ville :
Ce peu que mes vieux ans m’ont laissé de vigueur[34]
Se consume sans fruit à chercher ce vainqueur[35].
À toute heure, en tous lieux, dans une nuit si sombre,
Je pense l’embrasser, et n’embrasse qu’une ombre ;
Et mon amour, déçu par cet objet trompeur,
Se forme des soupçons qui redoublent ma peur.
Je ne découvre point de marques de sa fuite ;
Je crains du Comte mort les amis et la suite ;
Leur nombre[36] m’épouvante, et confond ma raison.
Rodrigue ne vit plus, ou respire en prison.
Justes cieux ! me trompé-je encore à l’apparence,
Ou si je vois enfin mon unique espérance ?
C’est lui, n’en doutons plus ; mes vœux sont exaucés,
Ma crainte est dissipée, et mes ennuis cessés.
Scène VI.
[37] !
Rodrigue, enfin le ciel permet que je te voieHélas !
[38] ;
Laisse-moi prendre haleine afin de te louer.
Ma valeur n’a point lieu de te désavouer :
Tu l’as bien imitée, et ton illustre audace
Fait bien revivre en toi les héros de ma race :
C’est d’eux que tu descends, c’est de moi que tu viens :
Ton premier coup d’épée égale tous les miens ;
Et d’une belle ardeur ta jeunesse animée
Par cette grande épreuve atteint ma renommée.
Appui de ma vieillesse, et comble de mon heur,
Touche ces cheveux blancs à qui tu rends l’honneur,
Viens baiser cette joue, et reconnois la place
Où fut empreint l’affront que ton courage efface[39].
L’honneur vous en est dû : je ne pouvois pas moins,
Je m’en tiens trop heureux, et mon âme est ravie
Que mon coup d’essai plaise à qui je dois la vie ;
Mais parmi vos plaisirs ne soyez point jaloux
Si je m’ose à mon tour satisfaire après vous[40].
Souffrez qu’en liberté mon désespoir éclate ;
Assez et trop longtemps votre discours le flatte.
Je ne me repens point de vous avoir servi ;
Mais rendez-moi le bien que ce coup m’a ravi.
Mon bras, pour vous venger, armé contre ma flamme,
Par ce coup glorieux m’a privé de mon âme ;
Ne me dites plus rien ; pour vous j’ai tout perdu :
Ce que je vous devois, je vous l’ai bien rendu.
Porte, porte plus haut le fruit de ta victoire[41] :
Je t’ai donné la vie, et tu me rends ma gloire ;
Et d’autant que l’honneur m’est plus cher que le jour,
D’autant plus maintenant je te dois de retour.
Mais d’un cœur magnanime éloigne ces foiblesses[42] ;
Nous n’avons qu’un honneur, il est tant de maîtresses[43] !
L’amour n’est qu’un plaisir, l’honneur est un devoir[44].
Ah ! que me dites-vous ?
Ce que tu dois savoir.
Mon honneur offensé sur moi-même se venge ;
Et vous m’osez pousser à la honte du change !
L’infamie est pareille, et suit également
Le guerrier sans courage et le perfide amant.
À ma fidélité ne faites point d’injure ;
Souffrez-moi généreux sans me rendre parjure :
Mes liens sont trop forts pour être ainsi rompus ;
Ma foi m’engage encor si je n’espère plus ;
Et ne pouvant quitter ni posséder Chimène,
Le trépas que je cherche est ma plus douce peine.
Il n’est pas temps encor de chercher le trépas :
Ton prince et ton pays ont besoin de ton bras.
La flotte qu’on craignoit, dans ce grand fleuve entrée,
Croit surprendre la ville et piller la contrée[45].
Les Mores vont descendre, et le flux et la nuit
Dans une heure à nos murs les amène[46] sans bruit.
La cour est en désordre, et le peuple en alarmes :
On n’entend que des cris, on ne voit que des larmes.
Dans ce malheur public mon bonheur a permis
Que j’ai trouvé chez moi cinq cents de mes amis,
Qui sachant mon affront, poussés d’un même zèle[47],
Se venoient tous offrir à venger ma querelle[48].
Tu les a prévenus ; mais leurs vaillantes mains
Se tremperont bien mieux au sang des Africains.
Va marcher à leur tête où l’honneur te demande :
C’est toi que veut pour chef leur généreuse bande.
De ces vieux ennemis va soutenir l’abord :
Là, si tu veux mourir, trouve une belle mort ;
Prends-en l’occasion, puisqu’elle t’est offerte ;
Fais devoir à ton roi son salut à ta perte ;
Mais reviens-en plutôt les palmes sur le front.
Ne borne pas ta gloire à venger un affront ;
Porte-la plus avant : force par ta vaillance[49]
Ce monarque au pardon, et Chimène au silence[50] ;
Si tu l’aimes, apprends que revenir vainqueur[51],
C’est l’unique moyen de regagner son cœur.
Mais le temps est trop cher pour le perdre en paroles ;
Je t’arrête en discours, et je veux que tu voles.
Viens, suis-moi, va combattre, et montrer à ton roi
Que ce qu’il perd au Comte il le recouvre en toi.
- ↑ elvire, don rodrigue. (1638 P.)
- ↑ Var. Jamais un meurtrier s’offrit-il à son juge ? (1637-56)
- ↑ Var. Et d’un heur sans pareil je me verrai combler,
Si pour mourir plus tôt je la puis redoubler. (1637-56) - ↑ Var. Veux-tu qu’un médisant l’accuse en sa misère
D’avoir reçu chez soi l’assassin de son père ? (1637-56) - ↑ Dans les éditions de 1637 in-4o et de 1639-56 : Il se cache.
- ↑ Var. Madame, acceptez mon service. (1637-60)
- ↑ Var. Que bien souvent le crime échappe à sa longueur. (1637-56)
- ↑ Var. Souffrez qu’un chevalier vous venge par les armes.
(1637 in-4o. 38 P., 39 et 44) - ↑ Var. Ton avis importun m’ordonne du repos ! (1637-60)
- ↑ Var. Par où sera jamais mon âme satisfaite,
Si je pleure ma perte et la main qui l’a faite ?
Et que puis-je espérer qu’un tourment éternel. (1637-56) - ↑ Les éditions de 1637 in-12, de 1638 P., de 1644 et de 1682 portent du pouvoir, pour de pouvoir : c’est sans doute une faute.
- ↑ Var. Mon cœur prend son parti ; mais contre leur effort,
Je sais que je suis fille, et que mon père est mort. (1637-56)
Var. Mon cœur prend son parti ; mais malgré leur effort. (1660) - ↑ Var. Quoi ! j’aurai vu mourir mon père entre mes bras. (1637-56)
- ↑ Var. Son sang criera vengeance, et je ne l’aurai pas (a) !
(1637 in-12, 38 et 44 in-4o)
(a) Une confusion analogue entre aura et orra a eu lieu dans un passage de Malherbe. Voyez l’édition de M. Lalanne, tome I, p. 72. - ↑ Var. Dans un lâche silence étouffe mon honneur ! (1637-56)
- ↑ Var. De conserver pour vous un homme incomparable,
Un amant si chéri : vous avez assez fait. (1637-56) - ↑ Var. Soûlez-vous du plaisir de m’empêcher de vivre.
(1637-44 in-4o et 48-56)Var. Soûlez-vous du désir de m’empêcher de vivre. (1644 in-12) - ↑ Var. De la main de ton père un coup irréparable
Déshonoroit du mien la vieillesse honorable. (1637-56) - ↑ Var. J’ai pu douter encor si j’en prendrois vengeance. (1637-60)
- ↑ Var. J’ai retenu ma main, j’ai cru mon bras trop prompt. (1637-56)
- ↑ Var. Si je n’eusse opposé contre tous tes appas. (1637-56)
- ↑ Var. Qu’après m’avoir chéri quand je vivois sans blâme. (1637-56)
- ↑ Var. Je te le dis encore, et veux, tant que j’expire,
Sans cesse le penser et sans cesse le dire. (1637-56) - ↑ On lit dans l’édition de 1660 : « J’y fais ce que j’ai dû, » ce qui est sans doute une faute d’impression.
- ↑ Var. Je ne te puis blâmer d’avoir fui l’infamie. (1637-44 in-4o et 48-56)
- ↑ Var. Et pour mieux tourmenter mon esprit éperdu,
Avec tant de rigueur mon astre me domine,
Qu’il me faut travailler moi-même à ta ruine. (1637-56) - ↑ Var. Je la dois attaquer, mais tu la dois défendre. (1648-56)
- ↑ Var. Elle éclate bien mieux en te laissant en vie. (1637-52 et 55)
- ↑ Var. Malgré des feux si beaux, qui rompent ma colère. (1637-56)
- ↑ Var. Mais comble de misères ! (1637-44)
- ↑ L’édition de 1639 porte, par erreur, espérance, pour apparence.
- ↑ Var. Si j’en obtiens l’effet, je te donne ma foi. (1637-56)
- ↑ don diègue, seul. (1637-60)
- ↑ Var. Si peu que mes vieux ans m’ont laissé de vigueur. (1637-56)
- ↑ Var. Se consomme sans fruit à chercher ce vainqueur. (1637-44)
- ↑ On lit leur ombre, pour leur nombre, dans l’édition de 1644 in-4o.
- ↑ Par une erreur singulière, les éditions de 1660-64 portent :
Rodrigue, enfin le ciel promet que je te voie ! - ↑ Var. don rodr. Hélas ! c’est triomphant, mais avec peu de joie. (1638)
- ↑ Var. Où fut jadis l’affront que ton courage efface (a).
don rodr. L’honneur vous en est dû : les cieux me sont témoins
Qu’étant sorti de vous je ne pouvois pas moins.
Je me tiens trop heureux, et mon âme est ravie (a’). (1637-56)
(a) Où fut l’indigne affront que ton courage efface. (1637 in-4o I.)
(a’) L’édition de 1644 in-4o porte : « et mon âme ravie. » - ↑ Var. Si j’ose satisfaire à moi-même après vous. (1637-60)
- ↑ Var. Porte encore plus haut le fruit de ta victoire. (1637-56)
- ↑ Var. Mais d’un si brave cœur éloigne ces foiblesses. (1637-56)
- ↑ Les maximes de ce genre sur la facilité avec laquelle on remplace un amant ou une maîtresse sont fréquentes dans le théâtre de Corneille :
En la mort d’un amant vous ne perdez qu’un homme,
Dont la perte est facile à réparer dans Rome.
(Horace, acte IV, scène III.)
Vous trouverez dans Rome assez d’autres maîtresses.(Polyeucte, acte II, scène I.) - ↑ Var. L’amour n’est qu’un plaisir, et l’honneur un devoir. (1637-56)
- ↑ Var. Vient surprendre la ville et piller la contrée. (1637-56)
- ↑ Il y a amène au singulier dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille. Celle de 1692 donne amènent.
- ↑ Var. Qui sachant mon affront, touchés d’un même zèle. (1660)
- ↑ Var. Venoient m’offrir leur vie à venger ma querelle.
(1687-44 in-4o et 48-56)Var. Venoient m’offrir leur sang à venger ma querelle. (1644 in-12) - ↑ Var. Pousse-la plus avant : force par ta vaillance. (1637-60)
- ↑ Var. La justice au pardon, et Chimène au silence. (1637-56)
- ↑ Var. Si tu l’aimes, apprends que retourner vainqueur. (1637-60)