Le Combat spirituel (Brignon)/101

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 311-313).


CHAPITRE PREMIER.
De quelle nature est le cœur humain, & de la maniere de le gouverner.

DIeu m’a fait le cœur humain, que pour l’aimer, & pour en être aimé. L’excellence de la fin de la Création le doit donc faire considérer comme le plus grand & le plus noble de ses Ouvrages.

C’est uniquement de son gouvernement que dépend la vie ou la mort spirituelle.

La science n’en doit pas être fort difficile, puisque son caractere est de faire toutes choses par amour, & de ne rien faire par force.

Nous n’avons qu’à veiller doucement & sans violence sur les mouvemens par lesquels nous agissons.

Voir d’où ils viennent, & où ils tendent.

Si ces mouvemens partent du cœur qui est la source de l’amour divin, ou de l’esprit, qui est la source de la vanité humaine.

Vous connoîtrez, que c’est le cœur qui vous fait agir dans vos bonnes œuvres, par le motif de l’amour, quand tout ce que vous faites pour Dieu ne vous paroît rien, & quand en faisant ce que vous pouvez, vous avez honte de faire si peu.

Et vous devez juger, que c’est l’esprit mû & excité par des intérêts humains, quand les bonnes œuvres que vous faites ne vous laissent au lieu des vertus douces, humbles & tranquilles, que des vapeurs & des illusions de vaine gloire, qui vous font croire que vous avez beaucoup fait, quand vous n’avez rien fait de bien.

La guerre humaine dont parle Job, consiste en ces veilles, que nous devons faire continuellement sur nous mêmes.

Elles ne doivent point être chagrines ni inquietes ; au contraire, leur but principal est de donner le repos à l’Ame, calmer & appaiser les mouvemens, quand on la sentira inquiete & agitée dans son action, ou dans sa priere. Car l’on doit être persuadé que I’on ne sçauroit bien prier en cet état, que l’Ame ne soit mise dans son premier assied.

Sçachez que vous n’avez besoin pour cela que du seul attrait de la douceur, & que c’est la seule chose qui la peut faire revenir de son égarement, & lui rendre sa premiere tranquillité.