Le Combat spirituel (Brignon)/15

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 77-80).


CHAPITRE XV.
De quelques autres avis fort utiles pour sçavoir quelle est la maniere de bien combattre, quels ennemis on doit attaquer, & par quelle vertu on les peut vaincre.

VOus avez vû de quelle sorte il faut combattre, afin de pouvoir se vaincre soi-même, & acquérir les vertus. Mais pour remporter plus aisément & plus promptement la victoire, ne pensez pas que ce soit assez de combattre & de signaler son courage une seule fois ; il est nécessaire de retourner au combat, surtout contre l’amour propre, jusqu’à ce qu’on vienne à regarder comme ses amis, ceux dont on reçoit de plus cruels & de plus sanglans outrages. Il arrive très-souvent, comme j’ai déja dit, que ce combat étant négligé, les victoires sont difficiles, imparfaites, rares, de peu de durée. Combattez donc avec beaucoup de résolution, & ne vous excusez pas sur votre foiblesse naturelle. Car si vous manquez de forces demandez-en à notre-Seigneur, & il vous en donnera.

Songez de plus que si la fureur de vos ennemis est extrême, si la multitude en est innombrable ; l’amour que Dieu vous porte, est infiniment plus grand. Les Anges du Ciel qui vous défendent, les Saints qui intercedent pour vous, sont en beaucoup plus grand nombre.

Ces considérations ont tellement encouragé de simples femmes, qu’elles ont vaincu toute la sagesse du monde, résisté à tous les traits de la chair, triomphé de toute la rage du démon. C’est pourquoi vous ne devez point vous épouvanter, quoiqu’il vous semble que les efforts de tant d’ennemis sont difficiles à soutenir ; que cette guerre ne finira qu’avec votre vie, & que vous êtes ménacé de plusieurs endroits, d’une ruine presque certaine : Car il faut encore que vous sçachiez que ni les forces, ni les ruses de vos ennemis ne peuvent vous nuire, sans la permission de celui pour l’honneur duquel vous combattez. Et comme il aime extrêmement cette sorte de combat, comme il y exhorte autant qu’il peut tout le monde, non-seulement il ne souffrira pas que ceux qui ont conjuré votre perte, exécutent leurs mauvais desseins, mais il combattra pour vous, & vous donnera la victoire tôt ou tard, avec de grands avantages ; dût-il attendre jusqu’au dernier jour de votre vie.

Tout ce qu’il demande de vous, c’est que vous vous défendiez vaillamment ; & que quand vous seriez blessé en plusieurs rencontres, vous ne quittiez point pour cela les armes, ni ne preniez point la fuite. Au reste pour vous exciter à bien faire votre devoir, souvenez-vous que cette guerre est inévitable, & qu’il faut nécessairement combattre, ou mourir, Car enfin vous avez à faire à des ennemis si furieux & si opiniâtres, qu’il est impossible d’avoir jamais ni paix, ni treve avec eux.