Le Combat spirituel (Brignon)/28

La bibliothèque libre.
Traduction par Jean Brignon.
(p. 146-148).


CHAPITRE XXVIII.
Des artifices qu’employe le démon pour achever de perdre ceux qu’il a fait tomber dans le peché.

LOrsque le démon a pû porter une ame au peché, il n’y a point d’artifice dont il n’use pour l’aveugler davantage, & pour détourner de la pensée tout ce qui seroit capable de lui faire voir l’état malheureux où elle est. Encore ne se contente-t-il pas d’étouffer les bonnes pensées que Dieu lui donne, & de lui en suggérer de mauvaises ; il tache de l’engager en des occasions dangereuses, & il lui dresse des pieges, afin qu’elle tombe de nouveau, ou dans le même peché, ou dans d’autres plus énormes. Ce qui fait que destitué de la lumiere divine, elle augmente de plus en plus ses désordres, & s’endurcit dans le mal. Ainsi elle roule continuellement & se précipite de ténebres en ténebres, d’abîme en abîme, s’éloignant toujours davantage de la voye de son salut, & multipliant ses chûtes, à moins que Dieu ne la soutienne par un secours extraordinaire.

Le remede le plus pressant à ce mal, est qu’elle reçoive sans résistance les inspirations Divines, qui la rapellent des ténebres à la lumiere, & du vice à la vertu ; & qu’avec beaucoup de ferveur elle s’écrie : Ah : Seigneur, assistez-moi, venez promptement à mon secours : ne permettez pas que je demeure plus longtems ensevelie dans l’ombre de la mort & du peché. Elle répétera plusieurs fois ces mêmes paroles, ou d’autres semblables ; & s’il est possible, elle ira incontinent à son Pere spirituel, pour sçavoir de lui ce qu’elle doit faire, & pour lui demander des armes contre l’ennemi qui la presse. Que si elle ne peut pas y aller sur l’heure, elle aura recours au Crucifix en se prosternant à ses pieds le visage contre terre. Elle invoquera aussi quelquefois la Reine du Ciel, & implorera sa miséricorde. Car elle doit être persuadée, que de cette diligence dépend la victoire, comme nous verrons dans le Chapitre suivant.