Le Combat spirituel (Brignon)/45

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 225-228).


CHAPITRE XLV.
Ce que c’est que l’Oraison Mentale.

L’Oraison Mentale, est une élévation de l’esprit à Dieu, dans laquelle on lui demande, ou expressément ou tacitement, les choses dont on croit avoir besoin.

On les lui demande expressément, lorsque de cœur on lui dit : Oh mon Dieu ! accordez-moi cette grace, pour l’honneur de votre saint Nom, ou bien, Seigneur, je crois fermement que vous voulez, & qu’il est de votre gloire que je vous demande cette faveur. Accomplissez donc maintenant en moi votre divine volonté. Quand nos ennemis nous attaquent & nous pressent le plus vivement, nous lui pouvons faire cette priere : Hâtez-vous, Seigneur, de me secourir, de peur que je ne devienne la proye de mes ennemis, ou cette autre : Mon Dieu, mon refuge & toute ma force, sécourez-moi promptement, de crainte que je ne succombe. Si la tentation continue, nous continuerons aussi à prier de la même sorte, résistant toujours courageusement au malin esprit. Quand le plus fort du combat sera passé, nous nous tournerons vers notre-Seigneur, & le priant de considérer d’un côté les forces de notre ennemi, de l’autre notre foiblesse, nous lui dirons : Voici, ô mon Dieu votre créature ; voici l’ouvrage de vos mains ; voici cet homme que vous avez racheté de votre Sang : voyez le démon qui s’efforce de vous l’enlever & de le perdre. C’est à vous que j’ai recours, c’est en vous que je mets toute ma confiance ; parce que je sçai que vous êtes infiniment bon & infiniment puissant. Ayez pitié d’un aveugle, quoique volontaire, qui sans le secours de votre grace, ne peut éviter de tomber entre les mains de votre ennemi. Assitez-moi donc, ô mon unique espérance, ô toute la force de mon ame !

On demande tacitement des graces à Dieu, lorsqu’on se contente de lui représenter ses besoins, sans rien dire davantage. Étant donc en sa présence, & reconnoissant que de nous-mêmes nous ne sommes point capables d’éviter le mal, ni de faire le bien, brûlant d’ailleurs du desir de se servir, nous arrêterons la vûe sur lui, en attendant son secours avec confiance & avec humilité. Cet aveu de notre foiblesse, ce desir de servir Dieu, cet Acte de Foi fait de la maniere que j’ai dit, tout cela est une priere tacite, qui obtient infailliblement du Ciel ce que nous voulons ; & qui a d’autant plus de force, que l’aveu est plus sincere, le desir plus ardent, & la foi plus vive. Il y a une autre priere semblable, mais plus courte, laquelle se fait par un regard simple de l’ame, qui expose aux yeux du Seigneur son indigence ; & ce regard n’est autre chose que le souvenir d’une grace qu’on auroit déja demandée, & qu’on demande encore, sans rien dire & sans exprimer son desir.

Tachons de mettre en usage cette sorte d’Oraison, & aprenons à nous en servir en toute rencontre ; parce que l’expérience nous fera voir, que comme il n’y a rien de plus aisé, il n’y a rien aussi de plus excellent, ni de plus utile.