Le Combat spirituel (Brignon)/46

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 228-230).


CHAPITRE XLVI.
De la Méditation.

QUand on veut donner un peu plus de tems à la priere, comme une demie heure, ou une heure, ou même davantage, il faut y joindre la Méditation sur quelque point de la Vie, ou de la Passion de Notre-Seigneur ; & apliquer à la vertu qu’on veut acquérir, toutes les réflexions qui se font sur cette matiere.

Si donc vous avez besoin de vous exciter à la patience, arrêtez-vous à considérer le mystere de la Flagellation de votre Sauveur : songez, 1. comme les Soldats ayant eu ordre de la conduire dans le lieu où il devoit être fouetté, ils l’y traînerent avec de grands cris & de railleries sanglantes. 2. Comme ces cruels Bourreaux l’ayant dépouillé, son Corps très pur demeura tout nud. 3. Comme ses mains innocentes furent liées très étroitement à la colonnes. 4. Comme tout son Corps fut tellement déchiré par les fouets, qu’il en couloit jusqu’à terre des ruisseaux de Sang. 5. Comme les coups souvent redoublés dans une même partie, augmentoient & renouvelloient ses Playes.

Pendant que vous méditerez sur ces points, ou sur d’autres semblables propres à vous inspirer l’amour de la patience, appliquez d’abord vos sens intérieurs à ressentir le plus vivement que vous pourrez, les douleurs inconcevables que souffrit votre divin Maître dans toutes les parties de son corps & dans chacune en particulier. De-là passez à la considération de celle qu’il enduroit dans son Ame sainte, & tâchez de concevoir avec quelle patience & quelle douceur il les enduroit, toujours prêt à en souffrir de nouvelles pour la gloire de son Pere, & pour votre bien.

Après cela regardez-le tout couvert de sang, & assurez-vous que ce qu’il a le plus à cœur, est que vous preniez en patience votre affliction, & qu’il prie même son Pere de vous aider à porter non-seulement cette Croix, mais même toutes celles qui pourront vous arriver dans la suite. Confirmez par de nouveaux Actes la résolution où vous êtes de tout souffrir avec joie ; puis élevant votre esprit au Ciel, rendez au Pere des miséricordes mille actions de graces, de ce qu’il a bien voulu envoyer au monde son Fils unique, afin qu’il souffrit de si horribles tourmens, & qu’il intercédât pour vous, Priez-le enfin de vous donner la vertu de la patience par les mérites, & par l’intercession de ce Fils qu’il aime comme lui-même.