Le Combat spirituel (Brignon)/61

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 297-300).


CHAPITRE LXI.
Comment nous devons persévérer dans le Combat Spirituel jusqu’à la mort.

ENtre les choses nécessaires pour réussir dans le Combat Spirituel, il faut compter la persévérance, qui est la vertu par laquelle nous nous appliquons à mortifier sans relâche nos passions déreglées, qui pendant que nous vivrons ne meurent point, mais poussent & croissent toujours dans notre cœur, comme dans un champ fertile en mauvaises herbes. C’est en vain que l’on prétend faire cesser cette guerre, puisqu’elle ne peut finir qu’avec notre vie, & que quiconque ne veut pas combattre, perdra infailliblement la liberté ou la vie. Hé ! comment ne seroit-il pas vaincu, ayant en tête des ennemis résolus de ne lui donner ni paix, ni treve ; parce que plus on recherche leur amitié, plus on éprouve leur haine. Vous ne devez pourtant vous étonner, ni de leur force, ni de leur nombre, puisqu’en cette sorte de combat nul n’est vaincu que celui qui le veut être ; & que d’ailleurs, vos ennemis n’ont de pouvoir que ce que leur en donne votre Capitaine pour l’honneur duquel vous combattez. Or, jamais il ne permettra que vous tombiez entre leurs mains ; il sera lui-même notre défenseur ; & comme il est infiniment plus puissant qu’eux tous, il vous en donnera la victoire, pourvû que combattant avec lui, vous mettiez votre confiance, non pas en vos propres forces, mais en sa Toute-puissance, & en la bonté souveraine.

Que s’il tarde à vous secourir, s’il vous laisse dans le danger, ne perdez pas pour cela courage : croyez fermement, & servez-vous de cette considération pour vous animer au combat ; croyez, dis-je, fermement qu’il disposera les choses, de sorte que tout ce qui semble devoir faire obstacle à votre gloire, tournera à votre avantage. Temoignez-lui seulement de la résolution & de la fidelité ; suivez par-tout votre Chef, qui s’est exposé pour vous à la mort, & qui en mourant a vaincu le monde, combattez courageusement sous ses enseignes, & ne quittez point les armes, que vous n’ayez détruit tous vos ennemis. Car si vous donnez la vie à un seul, si vous négligez de vous défaire d’un de vos vices, ce sera toujours une paille que vous porterez dans l’œil, ou une flêche que vous aurez dans le cœur, & qui vous empêchant de combattre, retardera votre victoire.