Le Coran (Traduction de Montet)/Le Coran/Sourate 60

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Traduction par Édouard Montet.
Payot (p. 221-226).


Sourate 60[1].

SOURATE DE L’ÉPREUVE

Médine : 13 versets.

Au nom d’Allâh très miséricordieux et compatissant.

1. Ô vous qui croyez ? Ne prenez pas mes ennemis et vos ennemis pour patrons, allant au devant d’eux avec affection ; car ils ont été incrédules à la vérité qui est venue jusqu’à vous[2]. Ils rejettent l’Apôtre et vous-mêmes, parce que vous croyez en Allâh Votre Seigneur. Si vous sortez pour la guerre sainte dans Ma voie, et que vous cherchez à Me satisfaire, mais qu’en secret vous leur témoignez de l’amitié, Moi Je sais le mieux ce que vous cachez et ce que vous faites connaître ! Celui d’entre vous qui a agi ainsi s’est écarté de la vraie route[3].

2. S’ils vous rencontraient, ils seraient pour vous des ennemis ; ils étendraient vers vous leurs mains et leurs langues pour le mal[4] et désireraient que vous deveniez incroyants.

3. Ils ne vous seront d’aucun secours, vos parents et vos enfants, au jour de la résurrection, qui vous séparera les uns des autres. Allâh voit ce que vous faites !

4. Vous aviez un bel exemple dans Abraham et dans ceux qui étaient avec lui, lorsqu’ils disaient à leurs gens : « En vérité, nous n’avons rien à faire avec vous, ni avec ce que vous adorez à côté de Dieu. Nous sommes en désaccord avec vous, et entre nous et vous ont commencé pour toujours l’inimitié et la haine, jusqu’à ce que vous croyiez au Dieu unique. » (Mais n’imitez pas) la parole d’Abraham à son père : « En vérité, j’implorerai le pardon pour toi. Mais je ne suis pas maître de quoi que ce soit de la part de Dieu pour toi[5]. » Notre Seigneur ! Nous nous en remettons entièrement à Toi ; c’est vers Toi que nous nous tournons ; vers Toi est la fin de tout.

5. Notre Seigneur, ne nous mets pas à l’épreuve pour ceux qui ne croient pas ; mais pardonne-nous ! Notre Seigneur, en vérité, Tu es puissant, sage !

6. Vous avez en eux[6] un bel exemple, (qui est) pour celui qui met son espérance en Allâh et dans le dernier jour. (Mais), quant à celui qui tourne le dos[7]… En vérité, Allâh est Le Riche, Le Glorifié.

7. Il se peut qu’Allâh établisse entre vous et ceux dont vous êtes les ennemis l’amitié (venant) de leur part[8]. Car Allâh est puissant ; Allâh pardonne ; Il est miséricordieux.

8. Allâh ne vous défend pas, à l’égard de ceux qui n’ont pas combattu contre vous pour cause de religion, et qui ne vous ont pas chassés de vos demeures, d’agir droitement et justement. En vérité, Allâh aime ceux qui exercent la justice.

9. Allâh vous défend seulement de prendre pour vos patrons ceux qui vous ont combattus pour cause de religion, et qui vous ont chassés de vos demeures, ou qui ont aidé à votre expulsion. Quiconque les prend pour patrons… ceux-là sont des injustes[9].

10. Ô vous qui croyez ! Si viennent à vous des femmes croyantes, qui se sont enfuies[10], éprouvez-les[11] : Allâh connaît leur foi ! Et si vous reconnaissez qu’elles sont croyantes, ne les renvoyez pas aux incroyants[12]. Elles ne sont pas légales pour eux[13] et eux[14] ne sont pas légaux pour elles. Mais donnez-leur[15] ce qu’ils ont dépensé[16]. Ce ne sera pas un péché pour vous de les prendre pour femmes, quand vous leur[17] aurez donné pleinement leurs dots. Et ne retenez pas les femmes incroyantes[18] ; mais demandez ce que vous avez dépensé (pour elles) et laissez-les[19] demander ce qu’ils ont dépensé[20]. C’est le jugement d’Allâh : Il juge entre vous ; car Il est savant ; Il est sage.

11. Et si l’une de vos femmes s’échappe de chez vous (pour passer) aux infidèles, et que votre tour vienne[21], donnez à ceux dont les femmes[22] ont fui l’équivalent de ce qu’ils ont dépensé[23]. Et craignez Allâh, en qui vous croyez.

12. Ô toi Prophète ! Si des femmes croyantes viennent à toi et s’engagent auprès de toi à ne rien associer à Allâh[24], à ne pas dérober, à ne pas forniquer, à ne pas tuer leurs enfants[25], à ne pas répandre de calomnie forgée entre leurs mains et leurs pieds[26], à ne pas te désobéir en ce qui est raisonnable[27], prends l’engagement auprès d’elles et implore pour elles le pardon d’Allâh ! En vérité, Allâh pardonne ; Il est compatissant !

13. Ô vous qui croyez ! Ne prenez pas pour patrons des gens contre lesquels Allâh est irrité : ils désespèrent de la vie future, comme les infidèles désespèrent des compagnons des tombes[28].




  1. Cette sourate offre un intérêt particulier d’actualité, parce qu’elle a été citée dans les controverses récentes qui ont eu lieu au sujet du califat. Au v. 1 le Prophète ordonne à ses fidèles de n’entretenir aucune liaison avec « mes ennemis et les vôtres ». (Il s’agit ici des Meccois, adversaires de Mahomet à l’époque où la sourate a été écrite.) L’Islam, dans sa tradition la plus authentique, repousse d’une manière absolue toute mainmise d’un pouvoir infidèle (aujourd’hui les puissances chrétiennes) sur l’autorité spirituelle qui commande aux croyants (le Calife).
  2. C’est-à-dire : « qui vous a été révélée ».
  3. D’après les commentateurs musulmans, ce verset ferait allusion au fait suivant : Hâtib ben Abî Baltahah, qui était à Médine, avait averti les Meccois que Mahomet se préparait à une surprise armée contre La Mecque. Sa lettre ayant été interceptée par le Prophète, il justifia sa démarche insolite, auprès de Mahomet, en disant qu’il avait seulement voulu mettre à l’abri d’un coup de main sa famille qui était à La Mecque, sans avoir voulu empêcher l’expédition projetée. Mahomet pardonna, mais il mentionna le fait dans le Coran, pour qu’il ne se renouvelât pas.
  4. Ils chercheraient à vous faire du mal par leurs actes et par leurs paroles.
  5. Sur cette légende d’Abraham, voy. S. 9, v. 115.
  6. Abraham et ceux qui étaient avec lui.
  7. Phrase inachevée. Celui qui tourne le dos à Allâh et à l’Islam, n’a rien à espérer de Lui.
  8. Ces mots semblent faire allusion à la possibilité de la conversion à l’Islam des ennemis.
  9. Il y a dans le texte, conformément à la traduction, le singulier suivi du pluriel, s’appliquant aux personnages déclarés injustes. Ce mélange de singulier et de pluriel est fréquent dans la syntaxe arabe.
  10. Fuyant leurs maris idolâtres.
  11. Mettez-les à l’épreuve : de là le titre de la sourate.
  12. À leurs maris qui ne croient pas.
  13. Les maris païens.
  14. Les maris païens.
  15. Aux maris païens.
  16. Les dots que les maris ont payées pour acheter leurs femmes.
  17. Aux maris païens.
  18. Les païennes que vous avez épousées.
  19. Les maris païens.
  20. Pour les femmes croyantes qu’ils ont épousées. — Toutes ces dispositions, qui avaient force de loi à l’époque, ont pour but de rendre légales les situations matrimoniales des femmes croyantes et incroyantes.
  21. C’est-à-dire « que vous soyez victorieux et que vous fassiez du butin ».
  22. Il y a dans le texte, conformément à la syntaxe arabe : « leurs femmes ».
  23. C’est-à-dire les dots qu’ils ont payées pour épouser ces femmes.
  24. À ne pas associer à Allâh d’autres divinités : c’est l’expression coranique pour désigner le polythéisme.
  25. Allusion à la pratique païenne d’enterrer, à leur naissance, les enfants du sexe féminin, dont on voulait se défaire.
  26. Formule arabe signifiant que l’homme a travaillé de tout son être à forger le mensonge.
  27. Ces engagements constituent l’ensemble des devoirs qui incombent, dans l’Islam, au sexe féminin.
  28. C’est-à-dire de la résurrection des morts.