Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 1/07/01

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E. Arrault et cie (1p. 274-307).


CHAPITRE VII

LES SIGNES DE CORRECTION
LEUR ORIGINE. — LEURS FORMES. — LEUR EMPLOI



§ 1. — LES RÈGLES DE LA CORRECTION


I. — Avant-propos.


Le dessein d’entreprendre, dans ce travail, une nouvelle étude des signes de correction paraîtra présomptueux à beaucoup de typographes. Tant de traités — au nombre desquels il est toujours nécessaire de citer en première place celui de Th. Lefevre, parfois égalé, jamais dépassé — se sont occupés de cette question, tant d’articles ou de notices spéciales, telles celle de D. Greffier, ont été consacrés à cet objet qu’il semble superflu et oiseux d’aborder à nouveau ce sujet.

Cependant, suivant l’expression de Boutmy, « nous n’avons pas hésité à entreprendre cette étude, pour deux motifs : le premier, c’est que nous appartenons à la corporation ; le second, qu’il est bien difficile de se connaître soi-même »…

De nombre de correcteurs on dit couramment : « Il connaît bien son métier. » Une telle affirmation paraît osée : trop souvent on oublie que, suivant Boutmy et A. Bernard, « le correcteur n’est réellement correcteur typographe que s’il est en même temps compositeur » ; trop souvent ces compositeurs, ces correcteurs typographes ignorent même certaines des connaissances élémentaires de leur profession : telles l’origine des signes de correction, leur forme, leurs modifications à travers les âges, les variantes qu’ils présentent dans leur figuration et dans les conditions de leur emploi.

Alors ce n’est plus seulement dans l’application que le correcteur doit faire des règles typographiques que l’on constate des irrégularités inexplicables ; les signes à l’aide desquels il indique la rectification des erreurs typographiques et littéraires ne sont pas sujets à moins de différences et à moins de contradictions que rien ne justifie et dont les auteurs ne peuvent donner la moindre raison.

La plupart des littérateurs ne connaissant qu’imparfaitement les signes de correction usités en imprimerie, le correcteur ne doit pas être surpris de se trouver parfois en présence d’indications peu conformes à ses notions techniques. Une figuration différente de celle enseignée peut, il est vrai, être aussi claire que celle employée couramment, et c’est l’essentiel ; mais souvent un auteur reste obscur et incomplet ; il faut alors un certain travail de l’esprit pour deviner sa pensée. Il est indispensable que le correcteur puisse interpréter d’une façon claire et complète l’idée qu’a voulu exprimer cet auteur ; il doit dès lors être familiarisé avec tous les signes dont on peut faire usage en typographie.

On nous permettra de rappeler qu’en 1908, au Congrès de Nantes, la Société amicale des Protes et Correcteurs d’Imprimerie de France désignait une Commission chargée de procéder à l’élaboration d’un Code typographique, tâche fort lourde qui aurait, peut-être, obtenu enfin l’unification des règles typographiques, mais que les intéressés, on l’a vu, ne purent ou ne surent mener à bien.

L’unification des protocoles de correction serait, assurément, une « tâche moins lourde » ; elle serait fort intéressante et fort importante, quoi que certains prétendent : il ne suffit point de se faire comprendre ici ou là, il est indispensable de « se faire comprendre partout et chez tous ». Ce serait faire œuvre utile que s’attacher à cette besogne.


II. — Bibliographie.


Afin d’aider à l’intelligence du texte qui va suivre, il est nécessaire d’énumérer ici les divers ouvrages consultés pour la rédaction de ces lignes, et entre lesquels une comparaison a été établie :

Louis Chollet, « attaché » à la Maison A. Marne et Fils, Petit Manuel de composition à l’usage des typographes et des correcteurs ; sans date ; Imprimerie A. Marne et Fils, Tours. — Le « Modèle et Signes de corrections », comportant une seule page, est imprimé en page 124, verso ; à la marge extérieure (gauche) est la « valeur des signes » ; les signes et les corrections figurent à la marge intérieure (droite). Ce protocole a été exécuté d’après le protocole de la Maison Marne dont il emprunte le texte. Dans son ensemble, sauf quelques variantes de peu d’importance, il est le même que celui de Fournier (Traité de la Typographie), qui sera maintes fois cité dans cette étude.

G. Daupeley-Gouverneur, le Compositeur et le Correcteur typographes ; 1880 : Rouvier et Logeat, libraires à Paris ; Daupeley-Gouverneur, imprimeur à Nogent-le-Rotrou. — Le « Texte à corriger » est, avec le « Texte corrigé », imprimé, en pages 2 et 3, sur un encart de quatre pages (non compté dans le foliotage) dont les pages 1 et 4 sont blanches ; les signes et les corrections sont portés dans la marge intérieure, soit à droite. — Pages 218 et suivantes, un commentaire détaillé complète assez heureusement « l’explication des signes ». — D’ailleurs, tout le chapitre Rôle du Correcteur est un des plus intéressants, des plus instructifs et surtout des plus vécus, qu’ait jamais contenus un manuel de typographie.

Théotiste Lefevre, Guide pratique du Compositeur et de l’Imprimeur typographes, nouv. éd., augmentée et refondue en un seul vol. ; 1883 ; Librairie de Firmin-Didot et Cie, Paris ; Typographie Firmin-Didot, Le Mesnil (Eure). — Le « Texte à corriger » est imprimé pages 541 et 542 et accompagné d’un vocabulaire des signes ; il est imprimé au cours du chapitre viii, Lecture des Épreuves. Un commentaire de deux pages complète, sous le titre Observations, les explications du vocabulaire qui accompagne le texte à corriger. — Ce protocole de correction a été exécuté, ainsi que l’apprend une note de la page 541, sur le modèle de celui donné par Brun dans le Manuel de Typographie ; le texte de la première page a été emprunté au Manuel (1re éd.) de M. Fournier.
xxxx Il n’est pas inutile de faire remarquer que, par une anomalie difficilement explicable, le « texte à corriger » indiqué verso est imprimé page 541 ; et celui indiqué recto, page 542. — Un tirage à part de ce chapitre a été fait sous le titre Instruction pour la lecture des épreuves, où l’ordre régulier des pages été rétabli, faisant plus vivement ressortir l’erreur du Guide lui-même. H. Fournier, Traité de la Typographie, 4e éd. revue par A. Viot ; 1903 ; Garnier Frères, éditeurs, Paris. — Le « Texte à corriger » est imprimé page 237 et accompagné de la « Valeur des signes » ; il est placé au milieu du chapitre De la Lecture des Épreuves, contenant de précieux conseils sur les connaissances et les capacités à exiger d’un bon correcteur, ainsi que sur le rôle qui lui est dévolu. Aucun commentaire explicatif des signes n’accompagne le texte. — Alors que le texte a été imprimé par Deslis Frères à Tours, le protocole a été exécuté par la Maison A. Mame et Fils.

VALEUR DES SIGNES

TEXTE À CORRIGER

SIGNES


protocole de L. Chollet.

Protocole de Daupeley-Gouverneur.

EXPLICATION
des signes.

xxÀ mettre au milieu.

01. Suppression, coquille.
02. Lettre à retourner, à
xxxx intercaler.
03. Doublon, substitution.
04. À séparer, rapprocher,
xxxx redresser.
05. Aligner, substitution.
06. Séparer, rapprocher.
07. Apostrophe.
08. Grande capitale, rentrer.
09. Mot oublie ou bourdon.
10. Bas de casse, espaces
xxxx à baisser.
11. Transpositions.
12 Corps ou œil différent,
xxxx transposition.
13. Substitution, grandes
xxxx capitales.
14. Bourdon, en romain.
15. En romain.
17-20. Vers à rentrer.
17. Lettres estropiées.
18. À séparer et grande
xxxx capitale.
20. Lettre défectueuse.
21. Alinéa, redresser.
22-24. Lignes à redresser.
22. Lettres supérieures, lettre
xxxx bas de casse et
xxxx à réunir.
23. Espacement à rectifier.
24, 25. En italique.
25, 26. Pas d’alinéa.
27, 28. Lignes à rapprocher.
28, 29. Lignes à écarter.
29-32. Lignes à remanier.
30. Lettres à décrasser.
31. Supérieure d’un autre œil.
32. Correction marquée à tort.
34. Vers à rentrer d’un
xxxx cadratin.
36, 37. Rentrées à diminuer
xxxx d’un cadratin
38, 39. Transposition de
xxxx lignes.
40. Supprimer et mettre une
xxxx espace, grande capitale
xxxx italique.
41. Petites capitales,
xxxx transposition.

 
TEXTE CORRIGÉ.

Avant même que Mme Deshoulières se fût fait connaître par son talent poétique, la captivité qu’elle avait subie, pour avoir suivi son mari en Belgique, avait servi, non moins que son esprit et sa beauté, à la mettre en réputation. Les vers qu’on lui adressait de toutes parts lui donnèrent l’idée de répondre dans le même style : c’est ainsi qu’elle fut poète sans y penser. L’étude qu’elle avait faite de l’italien, de l’espagnol et même du latin lui fut plus utile que les conseils de d’Hesnaud, qui se vantait de lui avoir appris les règles de la poésie. Mme Deshoulières était pauvre au point de se trouver heureuse de recevoir une pension de 2,000 francs de la munificence de Louis XIV. Cette pension fut le prix de l’idylle si connue qu’elle adressa au roi après la mort de son mari et qui commence par ces mots :

Dans ces prés fleuris
Qu’arrose la Seine,
Cherchez qui vous mène,
Mes chères brebis.

Ces vers ne doivent toutefois pas être comptés parmi les meilleurs de Mme Deshoulières. Elle se montre à nous sous un aspect plus favorable dans les idylles intitulées les Moutons, les Oiseaux, le Ruisseau et les Fleurs. Celles-ci renferment des pensées ingénieuses, délicates, un peu recherchées peut-être : c’est l’inconvénient des comparaisons trop prolongées ; il est difficile qu’elles soient toujours également justes, qu’elles ne deviennent pas à la longue forcées, maniérées et prétentieuses. C’est ce qui arrive lorsque Mme Deshoulières dit au ruisseau, dont elle compare poétiquement la destinée à celle de l’homme :

FontRuisseau, que vous êtes heureux !
Il n’est point parmi vous de ruisseaux infidèles.
FontLorsque les ordres absolus
De l’Être indépendant qui gouverne le monde
Font qu’un autre ruisseau se mêle avec votre onde.
Quand vous êtes unis, vous ne vous quittez plus.

(Édouard Mennechet, Cours complet de littérature moderne,
t. II, leçon xxii, p. 192.)
Protocole de Daupeley-Gouverneur.
TEXTE À CORRIGER (verso)


Protocole de Th. Lefevre.

TEXTE À CORRIGER (recto)


Protocole de Th. Lefevre.

VALEUR DES SIGNES

TEXTE À CORRIGER

SIGNES


protocole de H. Fournier.
 

D. Greffier, Manuel des Signes de la Correction typographique à l’usage des auteurs, correcteurs et compositeurs ; sans date, mais imprimé il y a une vingtaine d’années environ ; A. Muller, imprimeur-éditeur, Paris. — Le « Modèle de corrections est imprimé à livre ouvert,

 


 
protocole de D. Greffier.
 

pages 22 et 23 ; il suit la nomenclature, avec explications détaillées, des signes de correction, et précède une étude sur la lecture typographique.

E. Leclerc, Nouveau Manuel complet de Typographie (Collection des Manuels Roret); 1897; L. Mulo, éditeur, Paris ; Lahure, imprimeur, Paris. — Le « Protocole de corrections », comportant une seule page, est imprimé verso, page 102; le recto suivant, page 103, comprend le texte corrigé et les « indications » ou vocabulaire des signes. Ce protocole est accompagné d’un commentaire de quelques lignes, à l’article Correction en galée. — E. Leclerc semble ignorer le correcteur, auquel il n’a même pas consacré une brève mention de quelques lignes.


Protocole de E. Leclerc.
A. Tassis, Guide du Correcteur ou Complément des grammaires et des lexiques donnant la solution des principales difficultés pour l’emploi des lettres majuscules et minuscules dans l’écriture et l’impression ; sans date ; Typographie Firmin-Didot, Le Mesnil (Eure). — Le « Protocole pour la correction des épreuves » que contient ce travail est extrait du Manuel typographique de M. Brun, publié en 1824. Ce protocole, imprimé à livre ouvert, pages 8 et 9, n’est accompagné d’aucun texte ou commentaire, en dehors du vocabulaire des signes.

INDICATIONS TEXTE CORRIGÉ
Lettres à changer La France a été, si j’ose m’exprimer
Lettre à intercaler ainsi, la mère nourrice de presque toutes
xxxx à retourner. les anciennes Fonderies de l’Europe :
xxxx à changer. c’est des mains de ses Artistes que sont
Mot et lettre à transposer sorties les plus grandes et les plus pré-
Partie de mot à changer cieuses productions qui ont servi à les
Mot à supprimer former dans leur origine. Je commence
Alinéa à faire. donc par les Fonderies de France.
Lettre et mot à supprimer. xxxParmi les Fonderies qui existent aujour-
Lettre grande capitale d’hui en France, celle dont l’origine re-
Lettre et mot en italique monte le plus haut est la Fonderie du Roi.
Lignes à transposer. Elle a été commencée sous François Ier.
Lettres supérieures. Ce Prince fit graver, par Garamond, trois
Régulariser l’espacement caractères grecs, qui restèrent sous la
Lettre petite capitale. garde de Robert Étienne : ces caractères
Mots et lettre à redresser
Apostrophe Virgule furent suivis de plusieurs autres, tant
Échelle de remaniement. romains qu italiques, accompagnés des
Alinéa à supprimer. Cadrat à baisser. moules nécessaires. Les premiers fonds de
Espacer. Réunir. cette fonderie, qui consistaient en poinçons
Lettre à changer et matrices de plusieurs caractères grecs,
Lettres d’un autre œil. romains, italiques, avec des moules d’assor-
Nettoyer. timent, étaient un dépôt confié à la garde
Espaces et interligne à baisser. d’un Directeur qui faisait fondre dans les
Lignes à séparer moules et matrices du roi les caractères
À mettre en romain. dont l’Imprimerie royale avait besoin. On
Mot a transposer. confiait à un fondeur de Paris les moules
lignes à rapprocher. et matrices des caractères dont on voulait
Petites capitales faire usage Fournier.
Protocole  de  E. Leclerc.

Folio verso. Folio recto.


Protocole de Tassis.

P.-F. Didot, dit le Jeune, l’Art de l’Imprimerie (d’après Documents typographiques de Edmond Morin), extrait du Dictionnaire des Arts et Métiers ; 1773. — Le texte à corriger, dont l’irrégularité de justification frappe tout particulièrement, est accompagné, dans la marge gauche, de l’explication des signes de correction portés dans la marge droite.

MANIÈRE DE CORRIGER LES ÉPREUVES
QUE L’ON ENVOYE DE L’IMPRIMERIE


Protocole de Didot.

Jean Dumont, Vade-Mecum du Typographe, 2e éd. ; 1884 ; P. Weissenbruch, imprimeur, Bruxelles. — Le texte à corriger est imprimé en page impaire (p. 123) et en page paire (p. 124) ; il est accompagné de la « valeur des signes » et précédé d’un court alinéa sur la place des

SIGNES DE CORRECTION

Les fautes doivent être marquées de préférence dans la marge extérieure de la page. La première correction est mise près du texte ; les autres s’éloignent successivement vers le bord de la marge. Les mots omis par le compositeur, ainsi que les changements apportés par l’auteur, s’indiquent au bas ou en tête de la page, au moyen d’un signe quelconque.


VALEUR DES SIGNES.   SIGNES.


Protocole de J. Dumont.
 

MÉMENTO DES CORRECTIONS


Protocole de V. Breton.
 


Protocole de L’Annuaire Desechaliers.

Protocole de L’Annuaire Desechaliers.
corrections dans les marges. Dans la quatrième édition dont nous avons eu connaissance alors que notre travail était à l’impression, le texte à corriger est imprimé aux pages 167 et 168 ; le protocole est analogue à celui de la deuxième édition. — Les considérations relatives au correcteur et à la lecture des épreuves occupent environ deux pages de texte : elles résument sommairement les devoirs du correcteur en premières, en secondes et en bon à tirer ; elles donnent, en outre, une courte définition de ces expressions, ainsi que des obligations du correcteur tierceur.

V. Breton, Cours élémentaire de Composition typographique à l’usage des Élèves de première année (École municipale Estienne, Ville de Paris) ; Paris, 1904 ; Imprimerie de l’École Estienne. — Le « Mémento des corrections » comporte une seule page ; il est imprimé au recto, page 57. Les signes et les corrections sont indiqués dans la marge intérieure, soit à gauche ; la « valeur des signes » est donnée à droite, soit dans la marge extérieure. — En raison sans doute du caractère de ce travail, l’auteur n’a consacré que quelques pages à la correction, envisagée exclusivement sous le rapport de son exécution par le compositeur.

Annuaire Desechaliers. — Le texte à corriger est accompagné de l’explication des signes de correction. Ce protocole imprimé, dans l’exemplaire que nous avons sous les yeux, aux pages 74 et 75 (verso et recto, soit à livre ouvert), porte ses corrections dans les marges de gauche.

Agenda Lefranc (avant l’année 1914). — Les « Signes de correction » ne sont accompagnés d’aucun texte ou commentaire, en dehors du vocabulaire des signes, et sont imprimés en page impaire ou recto.

E. Desormes, Notions de Typographie à l’usage des Écoles professionnelles ; 3e éd. ; 1896 ; École professionnelle Gutenberg, Paris. — Le « Modèle de correction » comporte deux pages, verso et recto (p. 298 et 299) ; les signes et les corrections sont indiqués, pour la page 298, dans la marge intérieure, et, pour la page 299, dans la marge extérieure, soit toujours à droite. — Aucun commentaire explicatif.

Imprimerie Nationale. — Les correcteurs, les lecteurs d’épreuves et les compositeurs de cet établissement sont tenus d’appliquer le Règlement de composition typographique et de correction imprimé exclusivement pour eux en l’année 1887. Nous aurions voulu connaître ce Règlement et, surtout, le « protocole des signes de correction » qu’il doit contenir ; mais l’Administration, à laquelle nous avons présenté une demande de prêt, nous a simplement transmis… ses regrets de ne pouvoir nous donner satisfaction, l’ouvrage dont il s’agit n’étant pas destiné au commerce.

Les nécessités de la mise en pages ne nous ont pas permis de disposer ici les protocoles aux folios pairs ou impairs, ainsi qu’ils sont placés dans les différents manuels que nous citons. Nous pensons, toutefois, que les indications données dans les lignes qui précèdent, et rappelées parfois au cours des explications qui vont suivre, suffiront au lecteur désireux d’étudier avec nous les quelques protocoles de correction qui nous paraissent être les plus connus.
Protocole de l’Agenda Lefranc.

Protocole de E. Desormes.

Protocole de E. Desormes.


III. — Le symbolisme de la correction.


1. La correction utilise, aussi bien pour l’indication des « fautes de composition » que pour les « changements à faire au texte », un certain nombre de signes conventionnels abréviatifs.

2. Parmi ces signes, les uns ont été empruntés par les premiers correcteurs aux manuscrits des anciens copistes : a) leur forme primitive a été quelquefois conservée, mais plus souvent légèrement modifiée ; b) d’autres ont été imposés par les circonstances ; c) enfin, un certain nombre ont été créés de toutes pièces.

Dans son Manuel de Paléographie latine et française du vie au xviie siècle, M. M. Prou écrit[1] :

À partir de l’époque carolingienne les abréviations se multiplient, à ce point que les divers fac-similé d’écriture que nous donnerons deviendraient incompréhensibles pour nos lecteurs, si nous n’avions exposé auparavant les divers modes d’abréviation employés au moyen âge, soit dans les textes latins, soit dans les textes français. Remarquons tout de suite que, lorsqu’on se mit au xiiie siècle à rédiger les textes en français, ou à transcrire des poésies françaises, les scribes transposeront dans la graphie française les habitudes de la graphie latine ; les mêmes signes d’abréviation furent conservés ; c’est à peine si la valeur de quelques-uns fut modifiée.

Au nombre des abréviations dont M. Prou indique l’emploi, figurent les suivantes : 1° les sigles, dont on retrouvera un exemple typique dans le « signe de transposition » ;… 5° les signes spéciaux, qui sont la base même de la correction typographique, si essentiellement abréviative.

— Parmi ces derniers figure au premier rang la cruphie, ou cryphie, qui fut, au moyen âge, l’un des signes les plus fréquemment employés, et qui est devenue notre signe de « lettre douteuse ou mauvaise ».

M. Prou[2] nous donne l’énumération de quelques autres :

Un point placé au-dessous d’une lettre indique que cette lettre a été écrite par erreur et qu’elle doit être supprimée. Ce système de suppression, appelé exponctuation, était déjà en usage au ve siècle. Plus rarement, les points sont placés au-dessus des lettres à supprimer. Quand il s’agit d’un mot écrit tout entier par erreur, pour indiquer qu’il doit être retranché, on a recours à divers procédés : on le met entre deux points, on l’encadre dans une série de points ou bien on le souligne…

On ne sait exactement pour quelle raison les premiers typographes ne suivirent point les errements anciens et créèrent, pour indiquer une suppression, un signe nouveau, le deleatur, dont la forme et l’origine seront étudiées plus loin. Sans doute, ils estimèrent que le point n’était pas suffisamment explicite et pouvait prêter à confusion. Mais, cette constatation faite, il n’est que plus surprenant de voir ces mêmes typographes reprendre l’exponctuation et lui attribuer le sens opposé à celui qui lui avait été donné par les copistes : « pour indiquer qu’une correction a été faite par erreur et que le mot ou les lettres doivent être conservés sans changement », ils soulignèrent ce mot ou ces lettres d’une série de points.

— ” Deux petits traits ” imitant les guillemets[3] indiquent que l’ordre des mots doit être renversé. Ainsi ” adeos doit être lu eos ad[4].

La signification de ce signe ne s’imposait point avec force à l’esprit. Une sigle, dont l’emploi, d’ailleurs, était non moins courant que celui des « deux petits traits », lui fut substituée, à laquelle on apporta, soit dès le début, soit au cours des années, de légères modifications.

— Quand les corrections sont mises dans la marge, ou, quand il s’agit d’une charte, au bas de la feuille de parchemin, les renvois se font à l’aide de petits guillemets ou de croix de formes diverses[5].

Les « petits guillemets » ne sont plus, de nos jours, employés en ce sens ; mais la barre verticale de renvoi et les différenciations qu’elle subit, suivant les besoins, sont bien des imitations serviles des « croix de diverses formes ». Il est nécessaire de faire remarquer que les pays d’outre Atlantique, l’Angleterre et l’Amérique notamment, ont conservé l’emploi des croix de formes diverses, auxquelles sont venus se joindre les astérisques, pour leurs renvois de notes.

Ces quelques exemples pourraient être accompagnés d’autres non moins probants ; mais cette étude sommaire s’étendrait bien au delà des limites permises ; quelques notes ultérieures donneront d’ailleurs des preuves nouvelles de l’origine ancienne des signes de correction.

Dans son Dictionnaire typographique (1903), M. E. Morin écrit (p. 89, 1re col., v° Corrections) : … « La correction sur l’épreuve se fait, par le correcteur, au moyen de signes conventionnels qui ont peu changé depuis le xviiie siècle et qui sont probablement antérieurs. » — « Qui ont peu changé », dit M. Morin ; nous affirmerions plus volontiers : « qui n’ont pas changé » ; il suffit en effet d’examiner les quelques signes de correction donnés par Bertrand-Quinquet à la fin de son Traité de l’Imprimerie[6] pour se convaincre que nous utilisons encore ces signes tels que nous les a transmis notre immortel devancier et sans doute tels qu’il les connut lui-même aux primes années de sa jeunesse ou les reçut des auteurs qui le précédèrent. Mais cette affirmation ne saurait s’étendre à des siècles « bien au delà » ; il est certain — et nous en donnerons la preuve manifeste dans les pages qui vont suivre — que nombre des signes de correction utilisés de nos jours ont subi dans leur forme primitive des altérations ou des variantes dont l’importance n’est pas contestable.

3. Les signes de correction sont, si l’on peut s’exprimer ainsi, essentiellement symboliques : pour suppléer l’indication en toutes lettres — toujours ennuyeuse et onéreuse — d’un acte, d’une opération typographique, on a choisi des figures, des marques, auxquelles on a attribué une signification conventionnelle bien déterminée.


IV. — Le mécanisme de la correction.


4. Le mécanisme de l’emploi de ces signes est particulièrement simple : la lettre ou le mot erronés, la phrase tronquée sont surchargés ou accompagnés, suivant les cas, du renvoi ou du signe convenable ; le renvoi est répété dans la marge de l’épreuve près de la lettre, du mot, du signe rectifiés, ou près de la phrase restituée.


V. — La classification des signes.


5. Sans vouloir créer, à l’instar de D. Greffier, une classification étroite — peut-être un peu arbitraire — on peut admettre, pour l’étude du mécanisme de la correction, la division suivante : le renvoi, la correction, les signes conventionnels proprement dits :

a) Le renvoi est employé dans le texte pour indiquer qu’une modification doit être apportée à la composition là où il se trouve placé : ce signe « renvoie » à la rectification indiquée sur les marges de l’épreuve ;

b) La correction est la modification proprement dite, la rectification apportée à la composition ; la correction est toujours placée dans la marge ; elle est, en outre, et toujours également, accompagnée d’un renvoi analogue à celui qui dans le texte lui impose sa place ;

c) Les signes conventionnels sont par eux-mêmes indicatifs de la correction à effectuer ; pour ce motif, c’est le signe conventionnel lui-même qui, dans la marge, fait généralement office de correction :

1° Parfois, dans le texte, un renvoi appelle le signe conventionnel placé dans la marge et accompagné ou non du renvoi répété : le deleatur (), le signe de l’espacement (), l’indication à retourner () ;

2° D’autres fois, le signe conventionnel, utilisé directement dans le texte (à l’exclusion du renvoi), est répété encore dans la marge, avec ou sans renvoi : la transposition (), le blanc à diminuer (), le blanc à supprimer () ;

3° Enfin, certains signes sont exprimés uniquement dans la composition : tels les interlignes ou blancs de lingots à rectifier, les alinéas à faire suivre, que nombre d’auteurs typographiques ne répètent pas dans la marge ;

4° Exceptionnellement, quelques signes conventionnels — celui de la lettre d’un autre œil () et celui de la lettre gâtée () — sont accompagnés obligatoirement de la correction.

Les auteurs, toutefois, ne s’accordent guère sur ces différents points : les protocoles de correction présentent, dans l’emploi simultané des signes conventionnels et des renvois, des divergences telles qu’il est impossible de tirer de leur étude une conclusion même approchée et de songer entre eux à une classification quelconque. Il suffit de jeter un rapide coup d’œil sur ces protocoles pour se convaincre qu’aucune raison ne peut expliquer ces différences.


VI. — Place des corrections, des signes et de leurs renvois.


6. Les corrections se marquent dans la marge ; elles sont toujours, et toutes autant qu’il est possible, placées d’un même côté.

I. — Théotiste Lefevre, un maître auquel il est d’usage de se référer, dit très nettement : « Les corrections doivent s’indiquer, d’une manière claire, sur la marge extérieure des pages, la première partant de la droite des lignes pour la page recto, et de la gauche pour la page verso, et les suivantes s’étendant successivement dans ces deux sens selon leur nombre. »

— Le protocole de Didot le Jeune porte cette courte prescription : « Les corrections doivent toujours se faire sur la marge de dehors, c’est-à-dire à droite sur le folio recto, et à gauche sur le verso. »

— Comme Didot le Jeune, Bertrand-Quinquet avait écrit[7], lui aussi : « Il est d’autres soins qui regardent directement le prote ou le directeur de l’imprimerie. Ils doivent s’assurer que les auteurs connaissent les signes usités pour indiquer les corrections ; les leur montrer, s’ils les ignorent ; les prier de marquer toujours les fautes sur le même côté de la même page, c’est-à-dire sur la marge de gauche pour les pages paires, et sur la marge droite, pour les pages impaires. »

D. Greffier, à l’exemple de Th. Lefevre, écrit après Didot et Bertrand-Quinquet : « Si les épreuves sont en feuilles, on marquera les corrections des pages recto dans la marge à droite ; mais, pour les pages verso, les corrections seront portées dans la marge de gauche. »

Tassis n’a donné aucun commentaire du protocole de correction emprunté à Brun : pour le folio verso, les corrections figurent sur la marge extérieure (gauche) ; pour le recto, également sur la marge extérieure (droite).

— Didot le Jeune, Bertrand-Quinquet, Th. Lefevre — et, après eux, D. Greffier[8], en compagnie de quelques autres dont nous regrettons d’ignorer les noms — se sont bornés à rappeler, sans rien plus, une règle empruntée aux auteurs qui les ont précédés. Mais quelles raisons obligèrent nos ancêtres à observer cette prescription, voilà qui eût été intéressant à élucider. Ces raisons, d’ailleurs, n’apparaissent point aux esprits peu avertis des antiques méthodes typographiques : c’est qu’en effet l’usage rappelé par Didot, Brun, Th. Lefevre et Tassis paraît inexplicable. Au cours de la lecture, l’œil et la main vont, naturellement, et cela sans gêne de l’œil par la main, de la gauche vers la droite : ainsi, en inscrivant, pour les pages recto, les corrections sur la marge de droite, la main continue un mouvement naturel, auquel l’œil collabore aisément. Tout au contraire, lorsqu’il est nécessaire, pour les pages verso, de reporter les corrections sur la marge de gauche, le retour de la main vers ce point cause un sentiment de gêne, alors que l’œil voudrait poursuivre vers la droite. — Une seule explication paraît plausible de cette indication de la « marge de gauche (lorsqu’il s’agit des pages verso) pour l’inscription des corrections » : durant une longue période la lecture typographique se fit exclusivement sur des épreuves mises en pages et imposées ; il semble dès lors tout naturel que nos prédécesseurs aient, pour inscrire leurs corrections, préféré dans les pages paires la marge de gauche beaucoup plus grande que celle de droite (petits fonds).

II. — Il ne faut pas croire, d’ailleurs, que tous les auteurs typographiques se sont conformés à la règle mise en pratique par Bertrand-Quinquet et Brun et rappelée par Th. Lefevre. Pour des raisons ici encore inconnues — car sur ce sujet le silence paraît devoir être un mot d’ordre pour tous — nombre de manuels ont cru devoir ignorer ou négliger cette règle.

V. Breton, dans son Cours élémentaire de Composition typographique, ne dit mot de la place des signes ou des corrections reportés dans les marges. Le lecteur se souvient que le protocole imprimé sur un recto porte les corrections dans la marge intérieure, soit à gauche[9].

— D’après Fournier, « les corrections doivent être placées sur la marge soit intérieure, soit extérieure, celle-ci de préférence ». — C’est, on le voit, un système mixte (?) ; il n’est plus question d’épreuves en pages ou en placards, ni de recto ou de verso : à droite, ou à gauche, qu’importe ! L’auteur ose à peine formuler non pas une règle, mais ses préférences ; et on ne sait, en définitive, si la marge intérieure dont il parle est celle de la page impaire (recto), ou celle de la page paire (verso) : le texte manque vraiment de précision.
xxxx Le protocole de correction est imprimé sur une page impaire (p. 237) ; les corrections sont indiquées dans la marge extérieure (droite).

G. Daupeley-Gouverneur, qui n’a pas songé, semble-t-il, à la correction des épreuves en pages, n’a de ce fait envisagé qu’un seul côté de la question qui nous occupe : « Il est nécessaire de ne marquer les corrections que d’un même côté, à droite de préférence, lorsque la composition a été mise en placards à plusieurs colonnes. » — On peut déjà s’étonner, à bon droit, de cette prescription, en contradiction avec tous les usages (qui recommandent une séparation rigoureuse, par colonne, des modifications à apporter au texte) ; mais la suite du texte n’est pas moins extraordinaire : « Si les épreuves typographiques sont faites en paquets sur des feuillets détachés, les corrections pourront sans inconvénient être réparties à droite et à gauche. » — On ne saurait être plus libéral et moins soucieux d’une irréprochable régularité.
xxxx Le protocole est imprimé à livre ouvert, en un carton supplémentaire de quatre pages (les pages 1 et 4 blanches) ; le texte à corriger est au verso (p. 2) ; les corrections, dans la marge intérieure, soit à droite ; le texte rectifié est en page 3.

E. Leclerc : « Les corrections doivent se marquer dans la marge d’un même côté du texte… Dans les épreuves dites premières typographiques, les corrections peuvent être, à la rigueur, réparties à gauche et à droite ; il n’en est pas de même pour les épreuves devant être corrigées sur le marbre. » — Ainsi, sauf un cas bien déterminé, pour lequel, d’ailleurs, il ne formule pas de règle précise, l’auteur du Nouveau Manuel complet de Typographie n’a aucune préférence : recto ou verso, à droite ou à gauche, peu importe, et, « à la rigueur, à droite et à gauche », en même temps.
xxxx Le protocole de correction est imprimé sur un verso (page paire) ; les corrections sont indiquées dans la marge intérieure (droite).

Desormes n’a formulé, sur le sujet qui nous occupe, aucune prescription spéciale ; on peut dire même qu’il n’y a pas fait la moindre allusion.
xxxx Le protocole de correction assez étendu est réparti sur deux pages, paire (verso) et impaire (recto), à livre ouvert ; les corrections sont portées, pour la page paire, dans la marge intérieure, pour la page impaire dans la marge extérieure, soit toujours sur la droite.

— Le protocole de Louis Chollet, « attaché » à la Maison A. Marne (Petit Manuel de Composition, p. 124), est tiré sur une page paire ou verso ; les corrections figurent à la marge intérieure (droite). — Ce protocole — nous l’avons déjà dit — est sensiblement le même que celui de Fournier, imprimé en page impaire avec corrections à droite.

L’Agenda Lefranc, dans lequel le protocole semble avoir été volontairement placé en page impaire (recto), — puisqu’il est précédé, dans l’exemplaire que nous avons sous les yeux, d’une page blanche, dont l’utilité n’apparaît pas — porte ses corrections sur la marge extérieure (droite).

E. Morin (Dictionnaire typographique, p. 89, 1re col., vo Corrections) écrit : « Il est de règle de marquer ces signes [les signes conventionnels de correction] à la marge extérieure, c’est-à-dire à droite pour les pages impaires et à gauche pour les pages paires. Sur l’épreuve en blanc on marque naturellement les corrections à droite, comme sur le recto. »

M. Jean Dumont a fait précéder les Signes de correction de l’alinéa suivant : « Les fautes doivent être marquées de préférence dans la marge extérieure de la page. La première correction est mise près du texte ; les autres s’éloignent successivement vers le bord de la marge. Les mots omis par le compositeur, ainsi que les changements apportés par l’auteur, s’indiquent au bas ou en tête de la page, au moyen d’un signe quelconque. » — Il s’agit ici évidemment de la correction des épreuves en pages. M. Dumont ne parle pas de la place des corrections dans les épreuves en premières.
xxxx Les corrections du protocole sont placées comme l’indique l’alinéa-préface cité ci-dessus.

Sans se préoccuper de ces divergences, nombre de correcteurs ont accepté une méthode uniforme : Les corrections se marquent toujours — à moins d’impossibilité évidente — dans la marge droite du texte, que les épreuves soient en paquets, en placards ou en pages.

7. Dans les travaux comportant deux colonnes, afin d’éviter une perte de temps dans la recherche des corrections et toute chance d’erreur, les corrections de la première colonne se marquent nécessairement à gauche ; celles de la deuxième colonne, à droite.

8. Pour les ouvrages à trois colonnes ou plus, on tire dans les marges autant de traits verticaux qu’il y a de colonnes ; les corrections sont indiquées par colonne dans l’espace compris entre chacun de ces traits, et le plus près possible du texte auquel elles appartiennent ; pour faciliter le travail du corrigeur, chaque espace est affecté d’un numéro correspondant à celui de la colonne dont il a reçu les corrections.

Ainsi le trait vertical limitant l’espace affecté aux corrections de la colonne 1 sera tiré sur la gauche de l’épreuve, qui est « le plus près possible du texte auquel les corrections appartiennent » ; les traits des emplacements des corrections des colonnes 2 et 3 seront tirés sur la droite ; s’il y a quatre colonnes, on reportera sur la gauche les traits relatifs aux colonnes 1 et 2, et sur la droite ceux des colonnes 3 et 4.

9. Dans les pages de tableaux, le nombre des colonnes de chiffres est souvent tel que les différents artifices signalés plus haut pour l’indication des corrections ne peuvent être utilisés. — Les procédés employés par les correcteurs — car aucun auteur technique n’a étudié ce cas particulier — sont différents :

a) Les uns indiquent les corrections dans la marge de pied, au-dessous de chaque colonne, en variant le renvoi pour la même colonne : méthode acceptable, si les erreurs sont peu nombreuses (ce qu’il est difficile de prévoir) ;

b) Certains utilisent la marge la plus rapprochée, en menant un trait du nombre erroné au chiffre rectifié : mais l’aspect d’une telle épreuve est souvent de nature à rendre maussade le plus calme des « singes » ;

c) Les autres, plus simplement, à chaque colonne logent la correction dans le blanc le plus rapproché : ce qui, peut-on supposer, est chose relativement aisée dans la plupart des cas.

10. Nombre d’auteurs recommandent « d’inscrire les corrections sur une seule marge, pour les épreuves à corriger en forme sur le marbre : la tâche du corrigeur en est singulièrement facilitée lors de la levée des corrections ; en outre, celui-ci court moins le risque d’omissions ».
xxxx Cette remarque a sa valeur pour les ouvrages à justification unique ; mais il ne faut pas oublier qu’avec un tel procédé, dans les ouvrages à plusieurs colonnes, la recherche de la correction à effectuer, l’obligation qui s’impose au compositeur, pour suivre ses corrections, de passer d’une colonne à l’autre à maintes reprises sont causes de difficultés, voire de retards et d’incertitudes sur une exécution correcte du travail.

11. Les corrections se marquent au niveau de la ligne à laquelle elles appartiennent ; la première correction est toujours la plus rapprochée de l’extrémité de la justification.

12. Pour une même ligne, les corrections s’indiquent, sans interversion, dans l’ordre où le correcteur les rencontre.
xxxx Si des raisons particulières conduisent exceptionnellement à adopter un arrangement différent, ou si une correction omise et ajoutée après coup ne peut figurer à sa place normale, on modifie la physionomie du renvoi en y ajoutant, soit en haut, soit en bas, un signe accessoire.

Th. Lefevre, seul, donne un exemple d’interversion de correction (p. 542, ligne 4).

Daupeley-Gouverneur mentionne le cas dans son commentaire, mais n’en donne pas d’exemple.

13. Lorsque les corrections, trop nombreuses, vont déborder au delà de la marge, on reporte l’excédent sur la marge non utilisée ; la première correction de l’excédent s’inscrit toujours près de la ligne ; les autres corrections se suivent dans leur ordre en s’éloignant du texte.

Il est nécessaire de remarquer que, dans ce cas, les corrections ne se suivent pas dans l’ordre régulier. Exemple : les corrections sont indiquées dans la marge de droite, suivant les conventions acceptées ; l’excédent des corrections sera forcément reporté dans la marge de gauche ; seule alors, une différenciation des traits de renvoi permettra au compositeur de retrouver l’ordre. L’idéal serait évidemment dans cette circonstance de commencer l’indication des corrections sur la marge de gauche, pour continuer ensuite à la marge de droite ; mais, hélas ! le correcteur « ne lit point dans l’avenir », il ignore les traquenards que lui réserve la ligne dont il commence la lecture, et il lui est impossible de « se garder de… l’incohérence ».
xxxx Cependant, en de rares conjonctures, le correcteur peut prévoir la nécessité probable d’employer les deux marges de l’épreuve pour l’inscription des corrections : par exemple, au cas d’un manuscrit défectueux ou de lecture difficile, avec un compositeur de capacités techniques et de connaissances littéraires insuffisantes. Dans ces conditions, le correcteur utilisera, d’abord, la marge de gauche, puis, s’il est nécessaire, la marge de droite ; le changement de marge sera indiqué par les modifications apportées aux traits de renvoi. Le correcteur pourrait encore se servir alternativement des deux marges, de deux lignes en deux lignes : ligne 1, marge de droite ; ligne 2, marge de gauche ; ligne 3, marge de droite ; ligne 4, marge de gauche ; etc. : les corrections de chaque ligne de texte seraient groupées sur deux lignes dans la même marge, la différenciation des traits de renvoi indiquant suffisamment au corrigeur l’ordre, certes compliqué, dans lequel les corrections se suivent.

14. Le trait de renvoi qui accompagne la correction se place toujours à droite de celle-ci :

— Lorsque les corrections sont portées sur la marge de gauche (page paire ou verso), Tassis, Th. Lefevre, l’Annuaire Deseohallers et D. Greffier placent le renvoi à gauche de la correction :

Breton, même dans ce cas, met le trait de renvoi à droite de la correction :


VII. — Généralités.


15. Suivant le conseil de Daupeley-Gouverneur, il est indispensable « d’entourer d’un trait toute mention ou observation ayant rapport à la correction, mais qui n’est point à composer ».

18. Dans un but de rapidité et pour faciliter la tâche du compositeur, le correcteur doit s’astreindre strictement à la seule indication des lettres erronées à enlever ou à modifier :

La répétition du mot entier serait plus simple, plus claire peut-être pour le corrigeur ; mais la vérification des lettres qu’il lui est nécessaire de lever et, au cas d’inattention, la composition entière du mot seraient pour lui cause d’une perte de temps fort préjudiciable.

— Exceptionnellement, toutefois, s’il s’agit d’un terme d’usage peu courant, d’un mot appartenant à une langue étrangère, d’un nom complètement dénaturé, la transcription de l’expression à rectifier semble préférable.


  1. Page 45 (Paris, Alph. Picard, édit.).
  2. Ibid., p. 151.
  3. Guillemets allemands actuels.
  4. M. Prou, Manuel de Paléographie latine et française du vie au xviie siècle.
  5. Id., ibid.
  6. « Au bas de la planche IX on voit les signes usités pour la correction des épreuves. Lorsqu’il y a des mots, des phrases oubliés, on les indique par des renvois, et, on les écrit sur l’épreuve. Quand il y en a de trop, ou qu’ils sont trop longs, on renvoie le compositeur à la copie. » (P. 284.)
    xxxx Voici, d’ailleurs, les signes donnés par Bertrand-Quinquet :
  7. Bertrand-Quinquet, Traité de l’Imprimerie, p. 121.
  8. Une remarque est nécessaire ici : les protocoles de correction de Brun-Tassis et Greffier se conforment rigoureusement aux habitudes d’antan qu’ils rappellent ; par contre, celui de Th. Lefevre, imprimé pages 541 et 542 du Guide du Compositeur, présente une particularité bizarre : la première page (p. 541), page impaire ou recto, porte ses corrections dans la marge intérieure, sur la gauche ; pour la deuxième page (p. 542), page paire ou verso, les corrections figurent également dans la marge intérieure, sur la droite. Au lecteur qui s’étonne de cette contradiction par trop flagrante avec les prescriptions du texte, un simple mot placé dans le titre « Texte à corriger » apprend que la page impaire 541 est un verso, et la page paire 542 un recto !
  9. Afin d’éviter au lecteur des recherches inutiles, nous rappelons ici et dans les alinéas suivants quelques-unes des indications déjà données antérieurement et relatives aux protocoles.