Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 1/07/03

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E. Arrault et cie (1p. 328-368).


§ 3. — LES SIGNES DE CORRECTION


39. L’emploi des signes de correction donne, pour la bonne rectification des fautes ou des erreurs, une sécurité relative, à laquelle ne pourrait prétendre une explication parfois longue ou quelque peu embarrassée. Une plus grande rapidité de lecture est, en outre, la conséquence naturelle de l’usage des signes.

Par exemple, à une personne quelque peu initiée le signe


indiquera très nettement qu’il faut retourner telle lettre ou tel chiffre ; il évitera l’inscription sur l’épreuve des mots à retourner ou retourner, que dans un moment d’inattention le compositeur pourrait insérer dans le texte.

La plupart des auteurs présentent dans leur protocole une nomenclature à peu près complète des signes de correction. Mais on rencontre maintes fois des variantes dans la forme de ces signes, dans leur emploi ; le signe de renvoi qui souvent les accompagne, est parfois omis ; enfin, l’origine de ces signes, fort curieuse, n’est étudiée dans aucun manuel.


I. — Le « deleatur ».


40. Lettres ou mots à supprimer : La lettre ou le mot sont, dans le texte, barrés, suivant le cas, du trait vertical ou du trait horizontal terminé à chaque extrémité par un trait vertical ; en marge, le correcteur figure le signe suivant :


qu’il accompagne d’un trait de renvoi analogue à celui du texte :

Ce signe a reçu le nom de deleatur, mot latin signifiant qu’il soit effacé ou effacez, ou encore enlevez, qu’il soit enlevé. De manière générale, on dit abusivement que sa forme se rapproche quelque peu de celle de la lettre grecque φ (phi) ; mais certains auteurs en modifient légèrement l’aspect :

— E. Leclerc, dans son protocole, le figure ainsi : , alors que dans son texte (p. 101) il le représente par un ϑ (thêta grec initial), tout en écrivant : « C’est la première lettre du mot latin signifiant : « qu’il soit effacé. » Quelle est cette lettre ? Quel est ce mot ? Leclerc ne le dit pas.

— E. Morin, dans son Dictionnaire typographique, au mot Deleatur, écrit : « Le deleatur est le signe de correction qui signifie, comme l’indique ce mot latin : qu’il soit effacé. Il se rapproche par sa forme du delta grec (δ).

— Didot, Tassis, Dumont et Th. Lefevre donnent le signe du deleatur avec une forme se rapprochant du thêta initial, alors que chez les autres auteurs il semble plutôt avoir quelque parenté avec le φ (phi).
Fig. 1. — Épreuve corrigée datant de l’époque de Plantin : le lecteur remarquera
la forme du « deleatur » dont l’altération était déjà caractéristique.

— Cependant, il est bon de le rappeler, le signe du deleatur ne fut nullement emprunté à l’alphabet grec. Pour le prouver, il suffit, d’abord, de rappeler le principe du symbolisme attribué à l’ensemble des signes conventionnels de la correction — le signe du deleatur n’a pu échapper à cette règle, — de rechercher le symbole de ce signe, — enfin de se souvenir que le nom du signe lui-même est un mot latin.

Les premiers typographes furent pour la plupart, on le sait, des lettrés remarquables ; pour la correction de leurs épreuves ils ne dédaignèrent point cependant de s’adjoindre des érudits de premier ordre. La langue latine, la langue grecque aussi furent d’usage courant dans les imprimeries du xve et du xvie siècle : typographes et correcteurs, maîtres imprimeurs et « clients », tous non seulement connaissent, mais parlent le latin à l’instar d’une langue maternelle. Ce n’est point dès lors à l’aide du « beau langage françois » que l’on créera les mots nouveaux que nécessitera à cette époque la technique de l’art de Gutenberg ; Homère et Virgile l’emporteront sans conteste possible. Il n’est donc pas étonnant que, dans notre profession, certaines expressions techniques latines, certains termes tirés directement du grec, en petit nombre, il est vrai, nous soient parvenus tels qu’ils furent employés aux premiers temps de l’imprimerie.

Pour indiquer, sur une épreuve, « le retranchement d’une lettre, d’un signe, d’un ou de plusieurs mots », l’expression typique fut tout naturellement empruntée au latin (langue dans laquelle, il est bon de le rappeler en la circonstance, fut imprimé le premier livre paru à Paris) : au lieu de discuter, d’examiner longuement s’il était préférable d’écrire, en termes vulgaires : ostez, à oster, que ce mot soit ostez, ou enlevez, à enlever, que ce mot soit enlevez, ou tout autre terme équivalent, les savants adoptèrent un seul mot latin — deleatur — qui résume toutes ces expressions.

Mais, le mot accepté, sa répétition incessante parut sans doute fastidieuse ; et la nécessité de l’écrire au long, hors de propos : on décida, ou on fut obligé par la force même des choses, par l’habitude, de le traduire, de le symboliser en un signe, en une lettre unique. Ce fut ainsi, dans un but de clarté, de concision et surtout de rapidité, que les premiers imprimeurs acceptèrent que le mot deleatur serait toujours figuré par une seule lettre : cette lettre fut le d, initiale du mot.

Et ce ne fut point, comme on a pu le croire, à un alphabet étranger, bien que de langue savante, que nos ancêtres eurent recours pour symboliser le mot deleatur. Très simplement, ils se bornèrent à faire appel à l’écriture courante de leur époque. Il est facile de s’en rendre compte à l’examen de nombre de documents : les manuscrits du xve siècle offrent en effet dans la cursive une forme très connue de d minuscule


qui, très légèrement modifiée, se rencontre encore fréquemment de nos jours dans l’écriture courante.

Point n’est besoin d’un long examen comparatif pour reconnaître que le deleatur typographique tel qu’il est employé par Didot, Tassis et Th. Lefevre, intentionnellement ou non — nous ignorons ce détail — tend à imiter un d d’écriture cursive médiévale, et non pas un thêta grec initial.

Sans doute, au cours des temps, suivant les usages des différentes Maisons, d’après les manies de chaque correcteur, le d médiéval s’est légèrement modifié ; au xvie siècle, les correcteurs de l’imprimerie Plantin d’Anvers avaient déjà subi ces influences, ainsi qu’on le voit sur la figure 1. Mais cette altération regrettable, qui ne tient qu’à des raisons locales et personnelles, ne saurait faire oublier l’origine de l’un des signes les plus connus de la correction.

Aucun motif technique ou linguistique n’a d’ailleurs jamais été invoqué pour justifier, en faveur du delealur, la paternité grecque du φ (phi), celle du ϑ (thêta initial), non plus que celle du δ (delta.)


II. — Lettres et mots à retourner et à transposer.


41. Lettres ou mots à retourner : La lettre ou le mot à retourner sont barrés, suivant le cas, du signe de renvoi vertical ou du trait horizontal accompagné à chacune de ses extrémités d’un signe vertical. Dans la marge le correcteur porte le signe :


qu’il accompagne d’un trait de renvoi analogue à celui du texte :

— De manière générale, tous les auteurs typographiques figurent, plus ou moins correctement, tel qu’il est indiqué ici, le signe « à retourner ».

Jean Dumont utilise une figure qui lui est particulière et que l’on ne rencontre dans aucun autre manuel de langue française .

Ce signe est analogue à celui employé à l’imprimerie Plantin au xvie siècle, ainsi que nous le voyons ici (fig. 2) ; il est proche parent de celui employé par les Américains et les Anglais ; il rappelle incontestablement la sigle antique , conservée par les copistes du moyen âge, sigle qui a donné naissance, nous le verrons (n° 45), à notre signe actuel.
Fig. 2. — Épreuve datant de l’époque de Plantin : le lecteur remarquera la forme
du signe « à retourner ».
42. Lettres ou mots à déplacer, à transposer horizontalement, dans la même ligne :


ce signe est figuré dans le texte ; il est reporté dans la marge et accompagné d’un trait de renvoi simple :

43. Lignes à transposer :


ce signe est figuré dans le texte ; il est reporté dans la marge et accompagné d’un trait de renvoi simple, et parfois, par certains correcteurs, des mots à transposer[1] écrits au long ou abrégés, entourés d’un trait :

44. De ce signe on peut rapprocher le suivant, qui de même est figuré dans le texte et reporté en marge accompagné d’un trait de renvoi et parfois, par certains correcteurs, des mots suivre, à suivre[2], entourés d’un trait simple :

Alinéa à supprimer[3] :


qui n’est, en définitive, que l’indication du « texte d’une ligne à transposer, à mettre dans une autre ligne » :

45. Lettres ou mots à déplacer d’une ligne dans une autre ligne :


ou autre disposition suivant la place que doit occuper le nouveau renvoi ; ce signe est figuré dans le texte ; il est reporté dans la marge et accompagné d’un trait de renvoi simple :

— D’après E. Leclerc, « pour indiquer les vers à transposer, dans les ouvrages de poésie, les anciens copistes se servaient de l’antisigma, signe de correction ayant la forme d’un C retourné (). Les correcteurs anglais se servent de ce signe[4] qui indique la lettre à retourner. Pour ce dernier usage, le signe habituel de notre correction () en serait le redoublement[5]. »

II. Le Grand Dictionnaire universel illustré du xixe siècle de Pierre Larousse rappelle aussi l’usage que firent du les copistes du vieux temps. — Il faut toutefois faire observer que Larousse, qui donne également au C retourné le nom d’antisigma, attribue à l’antisigma réel une tout autre forme, celle de deux C adossés, .

III. Malgré l’autorité incontestable de ces auteurs, il est bon de se montrer très réservé à l’égard de leur interprétation et du rôle qu’ils attribuent à l’antisigma :

a) On peut remarquer, d’abord, que l’antisigma fut introduit dans l’alphabet monumental romain par l’empereur Claude : ce signe avait, d’après R. Cagnat[6], la forme suivante :  ; il exprimait le son ps et remplaçait le ψ (psi grec). L’antisigma disparut des inscriptions monumentales aussitôt après la mort de Claude. — Il est certain que les copistes suivirent l’exemple des graveurs et abandonnèrent, eux aussi, l’usage de ce signe après le décès de son créateur.

b) Il est nécessaire, en outre, de dire que, dans la question présente, le rôle de l’antisigma, tel que l’avait imaginé l’empereur Claude, est aussi incertain et aussi obscur que son existence fut courte. — Quelle idée un signe ayant, d’après son inventeur même et d’après les grammairiens (notamment Priscien), le son ps, pouvait-il éveiller dans l’esprit du lecteur ? Et comment ce son ps pouvait-il inciter, même un érudit averti, à lire, en le transposant, le texte parcouru ? La question est complexe ; Leclerc n’a point cherché à la résoudre ; et certes a-t-il sagement agi, car sous cet aspect elle paraît insoluble.

— Mais tout autrement en est-il si, toujours avec M. Cagnat et d’après de nombreux documents, l’on admet que, en dehors de l’époque de Claude, « le C retourné — C — est non point une lettre », mais une sigle qui a plusieurs significations :

Les textes épigraphiques latins ne sont pas toujours écrits en toutes lettres ; la majorité même se présentent en abrégé. Ces abréviations, que les Romains appelèrent d’abord notæ, et postérieurement sigta, sont de deux sortes : les unes se composent seulement de la première lettre du mot, et, dans ce cas, on les nomme « sigles » ; … les autres, et c’est peut-être le plus grand nombre, consistent en un groupe de plusieurs lettres, généralement les lettres initiales du mot.

Et M. Cagnat ajoute[7] :

Certaines lettres abréviatives sont retournées sur les inscriptions. Une semblable disposition indique souvent le féminin… Mais, dans d’autres cas, il ne faut chercher dans cette disposition qu’une convention paléographique ; on verra ci-dessous que signifie caput, conductor, contra, corona et d’autres mots encore qui n’ont entre eux de commun que de commencer par un C.

— La « table alphabétique des sigles et abréviations » dressée par le même auteur donne, pour C dans sa forme régulière ou légèrement modifiée, >, huit significations différentes, parmi lesquelles celle de contra. Ce dernier mot latin, tantôt préposition, tantôt adverbe, se traduit, suivant les cas, par les expressions en face de, en sens contraire, en montant, et en face, vis-à-vis, d’autre part, de l’autre côté.

La solution de la question qui nous occupe s’impose dès lors avec force à l’esprit. — Les copistes, des premiers temps de l’ère chrétienne jusqu’au moyen âge, furent presque exclusivement des moines ou des clercs particulièrement versés dans l’étude des langues grecque et latine. Ayant, soit par suite d’une erreur, soit pour tout autre motif, des vers à transposer, c’est-à-dire à remonter, ou à placer d’autre part, de l’autre côté d’autres vers, ils se souvinrent — simplement peut-être parce que ce signe figurait déjà sur les manuscrits qu’ils avaient à recopier — qu’une sigle latine courante, C, leur permettait d’indiquer la transposition sans recourir à l’inscription, dans la marge, du mot contra indispensable pour prévenir le lecteur[8].

Il est à supposer que cette sigle — convention paléographique — si expressive par elle-même, n’ayant pas, comme d’ailleurs les autres sigles, de nom spécial, reçut plus tard, abusivement, par simple raison de sa similitude avec la lettre alphabétique de Claude, le nom d’antisigma qu’elle conserva.

Au xve siècle, pour indiquer les transpositions qu’ils pouvaient trouver au cours de la lecture de leurs épreuves, les premiers imprimeurs se contentèrent sans doute, à leur tour, de recourir aux bons offices du signe dont ils rencontraient fréquemment l’emploi dans les manuscrits, l’antisigma des copistes. Toutefois, comme ils avaient non plus seulement des vers ou des lignes à transposer, mais encore des mots ou même de simples lettres, ils durent apporter, suivant les circonstances et suivant le genre de transpositions, certaines modifications au signe primitif :

a) La sigle , improprement appelée, il faut le répéter, antisigma, fut exclusivement réservée à l’indication des « lignes ou vers à transposer ». Il n’est pas d’ailleurs inutile de faire remarquer que le signe primitif de « transposition des lignes ou des vers » s’est lui-même modifié. La sigle unique a été renforcée d’une autre sigle, inversée :


pour former le signe


plus ou moins développé.

b) Par la superposition[9] et l’enchaînement de deux sigles


on créa un signe particulier pour les « lettres ou mots à retourner » :

c) Au lieu d’utiliser la sigle dans son sens réel, le sens vertical, on imagina de l’employer dans le sens horizontal . La combinaison de deux sigles horizontales, dont l’une était inversée , donna naissance au signe actuel des « lettres ou mots à transposer » :

Ainsi, à la lumière des faits, on peut affirmer l’origine commune, la sigle , de trois de nos signes de correction actuels — d’un caractère symbolique certain — qui par leurs formes s’affirment cependant d’essences fort dissemblables.

46. Le protocole de l’Agenda Lefranc offre une particularité que l’on ne rencontre dans aucun autre manuel : le texte renferme un « mot illisible » : ainsi s’exprime l’auteur dans la colonne « Désignation des signes » ; le typographe a composé un mot quelconque (?), « à l’envers et les lettres renversées ». L’auteur s’est borné à entourer ce mot, dans le texte, d’un trait :


et à reporter ce trait dans la marge, en l’accompagnant d’un trait de renvoi simple.

Cette correction est d’usage peu fréquent. Elle eût été, d’ailleurs, dans le cas actuel, incompréhensible, si l’annotation « mot illisible » n’en avait indiqué la signification ; et il est certain que le compositeur non prévenu, retournant les lettres dans leur ordre et leur position normale, eût lors de la correction composé sans hésitation le mot voulu.

Si le correcteur hésite — ce cas doit être exceptionnel — dans la lecture d’un mot, il semble indispensable d’annoter « l’indication d’incertitude », telle que la figure l’Agenda Lefranc, du terme illisible.

Sur la copie, le terme illisible est entouré d’un trait de crayon rouge ou bleu très apparent, destiné à attirer l’attention de l’auteur ; en outre, à la marge l’annotation illisible, ou autre, renseigne l’écrivain.

Sur le plomb, le blanc paraît préférable au mot retourné : le blanc frappe plus vivement l’œil, au milieu de la composition ; tout au moins, il est plus recommandable que le « bloquage », le pied de la lettre marquant sur l’épreuve : cette opération entraîne le plus souvent la mise au rebut des lettres ayant servi au bloquage, car leur œil est égratigné ou écrasé au cours des manipulations nombreuses que subissent les compositions.


III. — Blancs et interlignes.


47. Lettres ou mots à espacer, à écarter : Dans le texte, le correcteur place un trait de renvoi à l’endroit où le compositeur doit jeter un blanc :


puis dans la marge il indique le signe d’espacement :


qu’il accompagne du trait de renvoi figurant dans le texte.

La forme première de ce signe fut, sans conteste possible, un retangle parfait :


qui symbolise rigoureusement l’idée d’espace, de cadrat, de blanc enfin à placer entre les lettres ou les mots.
xxxx Par une déformation naturelle qu’expliquent le désir d’aller vite et la nécessité de n’être précis que dans les limites où le besoin d’être compris l’exige, chaque trait ne tarda pas à déborder au delà des limites du carré régulier :

De plus en plus, le signe s’est éloigné de sa forme primitive, — et les mieux intentionnés, comme ceux qui se prétendent bien renseignés, nous disent aujourd’hui : Ce signe ressemble à un dièze. » — Et c’est à l’aide d’un dièze (𝄰) que Fournier figure ce signe dans son protocole !

48. Blanc irrégulier de deux ou trois mots : Entre chaque mot dont le blanc doit être régularisé, on trace un trait vertical :

Les traits de renvoi sont reportés groupés dans la marge et accompagnés une seule fois du signe de correction de l’espacement, si aucune autre correction ne se rencontre dans la ligne :


au cas contraire, chaque trait de renvoi doit être accompagné du signe de correction qu’il appelle.

49. Interlignes à ajouter dans le texte, ou blancs à augmenter dans les titres : Entre les lignes dont l’intervalle de composition est à modifier, on figure à l’extrémité de la justification le signe :

À la suite de ce signe, dans la marge, le correcteur doit indiquer quelle correction doit être effectuée : interligner, ou blanc 3 points, 6 points, etc.
xxxx Quelques correcteurs méticuleux répètent dans la marge le signe de l’espacement suivi du trait de renvoi et accompagné de l’indication nécessaire :


ou :

— D. Greffier figure ce signe tel qu’il est donné ici : un trait horizontal d’une longueur du tiers ou au plus de la moitié de la justification, placé entre les deux lignes, à l’extrémité droite, et traversé par un double trait vertical se trouvant dans la marge ; le signe n’est pas répété dans la marge.

— Au lieu du double trait vertical, l’Agenda Lefranc emploie un simple trait :


il répète dans la marge le signe caractéristique de la correction, mais sans l’accompagner d’un trait de renvoi.

— Th. Lefevre, Daupeley-Gouverneur, H. Fournier, Breton et Jean Dumont prolongent le trait horizontal sur toute la longueur de la ligne de texte et terminent chacune des extrémités, en dehors du texte, par un double trait vertical ; le signe n’est pas répété dans la marge :

L’Annuaire Desechaliers trace le trait horizontal sur toute la justification ; l’extrémité gauche seule porte un trait vertical :

E. Leclerc emploie le trait horizontal sur toute la longueur de la justification ; une seule des extrémités de ce trait porte l’indication spéciale de la correction à effectuer : au lieu du double trait vertical, cet auteur utilise, en le plaçant sur le trait débordant légèrement dans la marge, le signe d’ « espacement à ajouter » :

Le signe n’est pas répété dans la marge, mais il est accompagné du trait particulier de l’omission :

Tassis, comme les divers auteurs qui précèdent, utilise le trait horizontal de longueur égale à celle de la justification ; l’extrémité débordant dans la marge où sont reportées les corrections porte un triple trait vertical, dont la signification symbolique échappe :

Le signe n’est pas répété dans la marge.

Desormes différencie le « blanc à mettre » et « l’interligne à mettre » : sur la moitié environ de la justification, il emploie pour le premier le signe :

Entre Salde (Bougie) et Rusginæ (cap Matifou), les
pour le second, le signe :


aucun n’est répété dans la marge.

Didot place, dans la marge, tout au début de la justification, le signe


qu’il répète de la manière suivante dans la marge de droite :

50. Espacement défectueux d’une ligne de texte à régulariser : Entre chacun des mots on trace un trait vertical de renvoi :


dans la marge on répète, en les groupant, les traits de renvoi accompagnés une seule fois de la correction, si aucune autre correction ne se rencontre dans la ligne :


au cas contraire, chaque trait de renvoi doit être accompagné du signe de correction qu’il appelle.
xxxx Cette correction est à rapprocher de celle du numéro 48, où est indiqué le signe du « blanc à régulariser ».

Desormes, Greffier, Leclerc, Th. Lefevre et l’Annuaire Descchaliers n’indiquent pas le signe caractéristique de la correction à effectuer, ou  ; ils reportent simplement dans la marge quelques traits :

— L’Agenda Lefranc répète dans la marge le signe caractéristique de la correction à exécuter :


accompagné des renvois qui existent dans le texte ; il indique dans la même ligne la correction de « blanc à diminuer entre deux mots » (que nous verrons plus loin, nº 52) ; chaque signe est suivi des traits de renvoi qui lui sont particuliers.

Daupeley-Gouverneur, à l’exemple de l’Agenda Lefranc, combine dans la même ligne les deux corrections de « blanc irrégulier » et de « blanc à diminuer » ; mais les traits verticaux de renvoi sont accompagnés des deux signes de correction juxtaposés :

Didot, H. Fournier, Chollet et Breton ne donnent pas, dans leur protocole, ce cas spécial de correction.

51. Lettres à rapprocher pour les coller sans espace, blanc à supprimer à l’intérieur d’un mot :


ce signe est placé dans le texte à l’endroit où la correction est à effectuer ; il est répété en marge accompagné d’un trait de renvoi :

52. Blanc à diminuer entre deux mots :


ce signe est placé dans le texte à l’endroit où la correction est à effectuer ; il est répété en marge et est accompagné d’un trait de renvoi :

— Chez nombre d’auteurs les signes des numéros 51 et 52 ne comportent de différences ni dans leur forme ni dans leur emploi ; certains même — tel Daupeley-Gouverneur — ne font pas de distinction entre les signes

et


et emploient indifféremment l’un ou l’autre pour une même correction : ce qui est une faute, à notre sens.

53. Blanc à diminuer dans une ligne : Entre chaque mot dont le blanc séparatif est trop fort[10], on trace un trait vertical :


ces traits de renvoi sont répétés dans la marge et accompagnés du signe de blanc à diminuer :

Remarquons que, dans le cas du numéro 53, le correcteur peut encore employer la correction indiquée au numéro 52 ; l’une et l’autre de ces deux méthodes sont également techniques.

54. Lignes à rapprocher, blancs à supprimer ou à diminuer : Entre les lignes dont l’intervalle de composition est à modifier, le correcteur figure le signe :

Par excès de précautions, certains correcteurs reportent ce signe dans la marge en l’accompagnant d’un trait de renvoi et parfois de l’annotation trop interligné[11], en abrégé ou au long, entourée d’un trait simple :

Ce signe, très compréhensible, est accepté par tous les auteurs, sauf quelques modifications de détail :

— L’Agenda Lefranc, E. Leclerc, D. Greffier figurent la partie caractéristique du signe, le quart de cercle , à une seule des extrémités du trait horizontal plus ou moins long (dans Leclerc ce trait règne sur toute la justification) :

— Desormes fait une distinction entre le « blanc à enlever », pour lequel il enploie, sur la moitié de la justification environ, le signe

encore debout à leur place primitive.


et « l’interligne à enlever », pour laquelle il utilise le signe

— Th. Lefevre, Fournier, Daupeley-Gouverneur, Breton et Dumont répètent le quart de cercle à chaque extrémité du trait qui règne sur toute la justification. Cette répétition semble, d’ailleurs, superflue :

Pour aucun de ces auteurs, à l’exception de l’Agenda Lefranc, le signe n’est reporté dans la marge ; seul, Leclerc accompagne le signe placé dans le texte du trait vertical indicatif de la coquille mis dans la marge :

Didot et Tassis utilisent à chaque extrémité de la justification le quart de cercle seul, et , à l’exclusion du trait horizontal :


la correction, on le voit, est répétée dans la marge, accompagnée d’un trait et d’un signe de renvoi dont l’analogue ne figure pas dans le texte.


IV. — Remaniements du texte.


55. Alinéa à faire :

Ce signe est placé dans le texte à l’endroit voulu. Il est reporté dans la marge, accompagné d’un trait de renvoi :

56. Alinéa à supprimer :

Certains pourraient considérer comme faisant double emploi avec celui des numéros 44 et 57, ce signe qui est cependant d’essence fort différente : il est exclusivement employé dans le cas où, la ligne de l’alinéa qui précède se terminant en pleine justification, le seul blanc à faire disparaître, pour supprimer l’alinéa, est celui du cadratin du début de la justification :

Ce signe est placé dans le texte ; il est reporté en marge et accompagné du trait de renvoi.

57. Faire suivre :

Déjà signalé au numéro 44, ce signe est utilisé dans tous les cas où la première ligne « à faire suivre » est terminée par des cadrats :

Ce signe est placé dans le texte ; il est reporté en marge et accompagné du trait de renvoi.

58. Ligne à gagner, mot, lettre ou signe à renvoyer à une ligne précédente (en cas de remaniement, de mauvaise division, etc.) :

Cette correction procède de la même idée que « l’alinéa à supprimer » ; aussi le signe est-il analogue : il est placé à la suite de la ou des syllabes à faire rentrer dans la ligne précédente, reporté en marge et accompagné du trait de renvoi :

59. Ligne à faire en plus, mot, lettre ou signe à renvoyer à une ligne suivante (en cas de mauvaise division, de remaniement, etc.), — dans les vers, texte à repousser vers la droite :

Ce signe procède de la même idée que le signe de « l’alinéa à faire » : renvoyer le texte à la ligne suivante ; aussi lui est-il analogue :

Le signe est placé dans le texte ; il est reporté dans la marge et accompagné du trait de renvoi.

60. Dans les vers, texte à ramener vers la gauche :

Ce signe est placé dans le texte ; il est reporté dans la marge accompagné du trait de renvoi :

61. Au début de la justification : lignes, mots ou lettres à rentrer, pour aligner avec le reste du texte :

lignes, mots ou lettres à sortir :

Les signes se prolongent jusqu’à l’alignement du texte ; ils sont reportés dans la marge accompagnés du trait de renvoi :

62. À une fin de justification, les signes du numéro 61 sont respectivement inversés, en raison même de la situation des lignes, mots ou lettres à aligner :

On a différencié ici, d’après quelques auteurs, le signe de « l’alinéa à faire » et celui des « lignes, mots ou lettres à rentrer ». À vrai dire, ces deux signes, bien que différents, procèdent d’une même idée : le rejet, vers la droite, d’un texte. Leur différenciation paraît dès lors quelque peu spécieuse. Tout au plus, peut-on dire que la présence, dans le signe


des traits supérieur et inférieur rappelle très vivement l’idée d’aplomb, d’alignement jointe à celle de rentrée. Cette distinction entre les signes indicatifs d’alinéa, de rentrée et d’alignement est plutôt théorique : dans la pratique journalière, nombre de correcteurs se bornent à l’emploi d’un seul de ces deux signes pour l’indication de l’une et de l’autre rectification.

Il en est de même pour le signe de « l’alinéa à supprimer » et pour celui des « lignes, mots ou lettres à ramener » vers la gauche :

ces signes sont si « proches parents » que la majorité des correcteurs utilisent un même signe pour les deux corrections.

L’Agenda Lefranc, de même que Th. Lefevre, et l’Annuaire Desechaliers, dans son protocole, différencie ainsi que nous l’avons fait ici les divers signes qui viennent d’être étudiés.

G. Daupeley-Gouverneur tient compte des distinctions que nous avons acceptées pour les signes dont il s’agit, lorsqu’il les emploie dans le texte ; mais, par une bizarrerie inexplicable, il ignore ces distinctions, lorsqu’il reporte les signes dans la marge sans trait de renvoi.

H. Fournier et L. Chollet se servent exclusivement des signes des numéros 59 et 60, qu’il s’agisse d’un « alinéa à faire » ou à supprimer, de « lettres ou de mots à rentrer » vers la droite ou vers la gauche.
xxxx Dans la marge, Fournier ajoute au signe le trait vertical de renvoi.

— Tout au contraire, pour un « alinéa à faire », E. Leclerc emploie le signe


qu’il répète dans la marge avec le trait de renvoi. En dehors d’une « échelle de remaniement » il ne donne pas d’exemple de ligne ou de lettres à rentrer ou à sortir ; il n’indique pas dès lors l’emploi des signes

et


dont il ne fait aucune mention.

D. Greffier, pour « l’alinéa à faire » et pour « aligner », emploie le même signe que Leclerc :


qu’il reporte dans la marge sans l’accompagner du trait de renvoi. — Pour les « mots à sortir » ou pour une « mauvaise division » à reporter à la ligne suivante, il emploie le signe


qu’il répète en marge sans trait de renvoi.

E. Desormes s’éloigne des idées et des faits acceptés généralement et apporte à ces signes des modifications inattendues. Alors que, dans le texte du protocole, le signe indicatif d’un « alinéa à faire » est représenté par


dans la marge ce signe est figuré par un rectangle :


accompagné du trait de renvoi :

Aucun autre auteur ne donne, pour la correction de « l’alinéa à faire », une figuration approchante. Celle-ci, d’ailleurs, ne s’explique nullement : elle est en contradiction avec l’idée qui a présidé au choix des signes conventionnels de la correction, que l’on a voulu essentiellement symboliques, c’est-à-dire indiquant à leur seul aspect la correction à effectuer. — À notre avis, dans cette figuration inattendue il faut voir seulement le résultat d’une erreur ou d’un manque d’attention ; puisque, pour « l’alinéa à rentrer », c’est-à-dire à repousser, à ramener vers la droite de 1 ou de 2 cadratins — correction que l’on peut, sans doute, estimer procéder de la même idée que la précédente — notre auteur


accompagné du trait de renvoi.
xxxx Enfin, lignes 3 et 5 de la page 2 de son protocole, pour deux fins de justification « à aligner » — très exactement à ramener vers la droite— Desormes imagine le signe


combinaison de deux signes


superposés, — signes qui sont indiqués par tous les auteurs pour les « textes, mots ou lettres à ramener vers la gauche ». D’ailleurs, Desormes lui-même, à la ligne 18 de cette même page, emploie ce même signe

sauf la légère variante de deux traits verticaux, pour « sortir » vers la gauche :

Étranges contradictions dont Desormes ne paraît point s’être rendu compte !

— Pour un « alinéa » — ou plutôt pour la rentrée de 1 cadratin d’un alinéa commencé en pleine ligne — Tassis se sert, dans le texte, d’une sorte de demi-cercle

Mais la correction reportée dans la marge ne rappelle en rien ce signe ; pour elle, en effet, Tassis a adopté la forme généralement connue :


accompagnée d’un trait de renvoi :

Enfin, pour un « blanc à supprimer » au début d’une ligne, c’est-à-dire pour un texte à aligner vers la gauche avec un commencement de justification, Tassis, au lieu du signe


couramment utilisé, emploie le signe


qu’il répète en marge de la manière suivante, sans trait de renvoi :

À ce point de vue, la comparaison du protocole de Tassis, « extrait » du Manuel typographique de Brun, avec le protocole de Th. Lefevre, « imité » de Brun, est fort instructive par les dissemblances inexplicables qu’elle révèle.

— Pour un « blanc à supprimer » au début de la justification, Didot utilise un tiret :

1470, que Ulrich Gering introduisit
— à Paris l’usage de l’imprimerie


qu’il reporte en marge en le faisant suivre d’un trait de renvoi :

63. Espaces, cadrats, interlignes, lingots et, généralement, blancs marquant à l’épreuve, à baisser : L’espace ou le blanc sont, dans le texte, barrés d’un trait vertical de renvoi :


en marge, le correcteur figure une sorte de signe rappelant le « multiplié » :


ce signe est accompagné du trait de renvoi.

Il n’est pas nécessaire de souligner le symbolisme de ce signe ; même un profane de la typographie utilise le signe X s’il veut, dans un manuscrit, « annuler, éliminer, faire disparaître », une partie défectueuse de certaine étendue.

Nombre de correcteurs, au lieu du trait de renvoi, emploient dans le texte le signe lui-même, qu’ils répètent dans la marge, tantôt avec, tantôt sans le trait de renvoi.

Didot et Tassis emploient également ce signe pour les lettres hautes, c’est-à-dire marquant trop à l’épreuve : le mécanisme de cette correction est exactement le même que pour les « blancs à baisser ».

— Pour les espaces, D. Greffier suit les errements du numéro 63 ci-dessus, c’est-à-dire le trait de renvoi barrant l’espace ; pour une interligne « à baisser », il surcharge l’interligne du signe lui-même reporté ensuite dans la marge avec un trait de renvoi :

64. Lettres ou mots à redresser : Les lettres ou mots qui chevauchent, à l’intérieur du texte, sont placés entre deux traits horizontaux :


ces deux traits encadrant un trait tremblé sont reportés dans la marge, accompagnés d’un trait de renvoi :

Les auteurs ne paraissent pas d’accord sur la forme exacte de ce signe :

— H. Fournier et L. Chollet indiquent dans leur protocole la forme que nous avons donnée.

— E. Desormes, J. Dumont, l’Annuaire Desechaliers acceptent cette même forme qui paraît la plus usitée et, tout au moins, la plus parlante, la plus symbolique, à l’esprit et aux yeux.

Th. Lefevre, qui n’a fait qu’ « imiter Brun », donne également en marge le signe


mais Tassis, qui a « extrait » son protocole du Manuel typographique de M. Brun, se borne à l’emploi de deux traits horizontaux simples :

Lequel, de Th. Lefevre ou de Tassis, a commis une erreur, et quel signe exactement Brun a-t-il indiqué dans son Manuel ? Nous regrettons de ne pouvoir répondre à cette question, ne connaissant pas le protocole original auquel se réfèrent nos deux auteurs.

— L’Agenda Lefranc, Didot, Daupeley-Gouverneur, Breton et Greffier figurent le signe de la manière suivante dans le texte et en marge où il n’est pas accompagné du trait de renvoi, sauf dans l’Agenda Lefranc :

E. Leclerc, dans son texte, đonne à ce signe le même aspect, mais lui apporte une légère modification dans la marge, en revenant à la figuration que nous avons indiquée :

65. Texte à remanier, soit pour une mauvaise division, soit pour exécuter une correction, doublon ou bourdon, ligne à faire en plus ou autre :

Ce signe, combinaison du signe indicatif des « lettres ou mots à renvoyer à une ligne suivante » du numéro 59, est placé dans le texte ; il se compose d’autant de signes du numéro 59 superposés qu’il comprend de lignes à remanier, et ces signes eux-mêmes se reculent vers la gauche si le nombre des syllabes qu’ils doivent embrasser augmente :


le signe est répété dans la marge, accompagné d’un trait de renvoi.

En principe, il est nécessaire que le correcteur soit fort prudent et très réservé dans l’indication des remaniements à effectuer. — « Une correction impose quelquefois le devoir de remanier plusieurs lignes, dit Daupeley-Gouverneur. Le correcteur n’a point à indiquer comment le remaniement devra être fait ; c’est au compositeur à l’effectuer d’une manière irréprochable… Mais, s’il s’agit de remédier à un mauvais espacement ou de faire disparaître de mauvaises divisions, le correcteur fera mieux de tracer une échelle pour indiquer le mode de remaniement qui lui paraîtra le meilleur. »

De manière générale, il semble qu’en premières le correcteur doit se borner à indiquer la modification d’une coupe de texte défectueuse ; en secondes, en bon à tirer, il utilise les « échelles » pour les remaniements, ne laissant au typographe aucune initiative. — Cependant, même dans ces cas, nombre de correcteurs n’osent ou ne veulent prendre leur responsabilité. S’ils tâtonnent, s’ils hésitent, il est certes préférable qu’ils se bornent à signaler dans la composition, à l’aide du signe de sortie, , « la division mauvaise à faire disparaître », le passage de composition défectueuse à rectifier ; dans la marge, ils répètent le signe, en inscrivant à la suite la mention nécessaire :


ou simplement, sans répéter le signe :

Le compositeur doit alors effectuer au mieux le remaniement demandé et laissé à son appréciation. — Mais le correcteur a le devoir de s’assurer que le remaniement a été exécuté dans des conditions convenables et suivant toutes les règles ; fréquemment, en effet, si le compositeur n’est ni intelligent ni consciencieux — ces choses se rencontrent, quoi qu’on dise — le mal s’est aggravé au lieu de disparaître.


V. — Lettres supérieures et apostrophes.


66. Les lettres supérieures et l’apostrophe s’indiquent par un ou deux traits verticaux placés sous la lettre ou le signe :

Dans le texte, pour appeler la correction, on utilise, de manière générale et suivant les circonstances, le trait de renvoi de la coquille ( / ), sous ses différentes formes (voir n° 19), s’il s’agit de lettres à remplacer, ou celui du bourdon ( λ ), s’il s’agit d’une omission. — Le trait de renvoi est répété dans la marge où il accompagne la correction convenable :

67. Par contre, les lettres et signes inférieurs s’indiquent par un ou deux traits verticaux[12] placés au-dessus de la lettre ou du signe :

On suit, pour l’emploi du trait vertical de correction convenable, les règles exposées au numéro 66 ; en marge, le signe de renvoi accompagne toujours l’indication de la correction.

— E. Desormes, Dumont et G. Daupeley-Gouverneur emploient, pour l’une comme pour l’autre des deux corrections précédentes (nos 66 et 67), deux traits au-dessus ou au-dessous de la lettre ou du signe.

E. Leclerc, qui, dans une circonstance, emploie un seul trait pour chaque lettre supérieure :


utilise deux traits pour l’indication d’une apostrophe (voir, ci-dessous Tassis).

Didot, Th. Lefevre, l’Agenda Lefranc, H. Fournier, V. Breton et D. Greffier utilisent un seul trait.

L. Chollet dont, pour les raisons dites antérieurement, le protocole devrait être semblable à celui de Fournier — emploie deux traits.

Tassis, pour une « correction d’apostrophe », se sert d’un seul trait :


puis, pour une « supérieure à rehausser », il crée un signe, sans doute suffisamment explicite, mais qui n’est signalé par aucun autre auteur :


cependant que Leclerc, pour une « apostrophe », emploie dans le texte (ligne 17) un signe nouveau, mais contraire à celui de Tassis :

avec dans la marge une correction régulière ; et pour une « virgule », le même signe :

Quelle idée peut représenter un tel signe utilisé pour l’indication de corrections typographiques d’essences si différentes ?


VI. — Mise en pages à remanier.


68. Dans un travail mis en pages, le report d’une ou de plusieurs lignes d’une page à une autre, en descendant, est figuré par un trait horizontal régnant sur toute la longueur de la justification, au-dessus des lignes « à chasser », et terminé à chaque extrémité par un trait vertical dirigé du côté vers lequel les lignes sont à chasser :


parfois, pour éviter toute cause d’erreur, on écrit, dans la marge : à reporter p. suiv., ou : mettre p…, indications que l’on entoure d’un trait, suivant le conseil de Daupeley-Gouverneur :

— Seul, le protocole de Desormes mentionne le signe de la « ligne à chasser », dont les autres manuels ne parlent pas.

69. Le report d’une ou de plusieurs lignes d’une page à une autre, en remontant, est figuré par un trait horizontal régnant sur toute la longueur de la justification, au-dessous des « lignes à regagner » ; il est terminé à chaque extrémité par un trait vertical dirigé du côté vers lequel les lignes sont à chasser :


en marge figurent les indications analogues à celles du signe précédent, modifiées, toutefois, de façon convenable :

— Aucun protocole ne donne ce signe de correction.


VII. — Corrections erronées à annuler.


70. Il peut arriver qu’une correction ait été indiquée par erreur, là où aucune modification ne devait être apportée au texte.

a) Si l’indication erronée affecte un groupe de mots ou même un mot seul, on trace sous toute la longueur de ces mots une série de points :


dans la marge on répète le signe de renvoi, accompagné des points :


et, à la suite, on écrit, en les entourant, les mots bon, à conserver, pas de correction, ou autres suffisamment explicites

Certains correcteurs ne répètent point le signe de renvoi, non plus que les points, et se contentent de l’indication : bon, pas de correct., etc., placée en marge et entourée d’un trait.

Nous avons indiqué plus haut[13] le signe appelé exponctuation qui, pensons-nous, est l’ancêtre du signe que nous étudions ici.

b) Si l’erreur intéresse simplement un signe, une lettre ou une fraction minime d’un mot, il paraît plus simple de reporter dans la marge, à l’instar d’une correction réelle, les lettres barrées par erreur :

Devant une telle correction dont il ignore les raisons, le compositeur peut tâtonner ; en tous cas l’hésitation d’un esprit averti ne saurait être de longue durée.

Cette manière de faire est plus rapide que l’inscription des indications habituelles, qui paraissent un peu hors de proportion, lorsqu’il s’agit d’une simple lettre ; d’autre part, elle est préférable au barbouillage inconsidéré auquel certains correcteurs se livrent pour cacher leur erreur.

— Les protocoles de l’Agenda Lefranc, Tassis, Fournier, Leclerc, Greffler, Didot, L. Chollet ignorent la lettre ou le « mot à conserver ».

Th. Lefevre, Daupeley-Gouverneur, J. Dumont, Breton et l’Annuaire Desechaliers donnent dans le texte pour le « mot biffé à conserver » le signe indiqué ici. — Dans la marge, Th. Lefevre, Breton et l’Annuaire Desechaliers répètent le trait de renvoi, mais non les points, et l’accompagnent du mot bon non entouré :

Daupeley-Gouverneur inscrit dans la marge le mot bon en l’entourant, mais sans trait de renvoi :

— Desormes supprime les points sous le mot ; il les remplace par une série de petits traits verticaux barrant la ligne horizontale du renvoi :


qu’il répète dans la marge avec l’indication bon :

— À l’expression bon, à laquelle certains corrigeurs peuvent prêter un sens douteux, nombre de correcteurs préfèrent les mots


ou :


qui ne laissent place à aucune ambiguïté.


VIII. — Lettres à nettoyer.


71. Dans le texte, les lettres ou mots empâtés « à nettoyer » sont entourés, encadrés ou accompagnés dessous et dessus d’un trait horizontal :

Dans la marge, on répète les deux traits horizontaux, la circonférence ou le rectangle au milieu desquels on place quelques points :


bien que le texte ne comporte pas de renvoi, la correction reportée dans la marge est accompagnée du trait de renvoi.
xxxx Le premier de ces signes rappelle vaguement celui des « lettres ou mots à redresser » (n° 64) :


il est donc indispensable, pour éviter toute chance d’erreur, de l’exécuter de manière convenable.

Th. Lefevre, l’Annuaire Desechaliers et G. Daupeley-Gouverneur emploient, pour les « lettres à décrasser », pour les « lettres bouchées », le trait horizontal, au-dessus et au-dessous ; les deux traits sont reportés dans la marge avec les points (Daupeley-Gouverneur omet le trait de renvoi).

E. Leclerc barre d’une ligne horizontale terminée à chaque extrémité par un trait vertical :


les mots ou lettres à « nettoyer » ; dans la marge, la correction est figurée par les deux traits horizontaux, avec les points, accompagnés d’un signe de renvoi :

E. Desormes enferme dans un rectangle les « lettres à nettoyer » et les « lettres écrasées » (voir p. 320) :


le rectangle est reporté dans la marge, avec, en son milieu, les points :


dans le premier exemple aucun signe de renvoi n’est exprimé après la correction ; le signe de renvoi figure au deuxième exemple du protocole.

H. Fournier et L. Chollet utilisent les deux traits horizontaux dans le texte et dans la marge :


mais l’explication placée en regard est libellée « à niveler » : le mot, se trouvant légèrement haut, a été empâté au tirage ; le trait de renvoi n’est pas utilisé dans la marge.

— Dans le texte Didot enserre entre deux traits horizontaux les « lettres à nettoyer » ; puis dans la marge il inscrit la ligne de points entre deux filets tremblés ; il omet le signe de renvoi.

L’Agenda Lefranc emploie dans le texte et dans la marge les traits tremblés.

Tassis et Breton n’ont indiqué dans le texte, ni par un renvoi, ni par un signe quelconque, la ou les « lettres à nettoyer » : sans doute ont-ils voulu seulement mentionner la correction, sans rien autre chose ; dans la marge ils figurent ainsi la correction :

Tassis :

Breton :

— D. Greffier ne mentionne cette correction ni dans son protocole, ni dans ses commentaires.

Dans tous les cas que nous venons de voir, l’indication caractéristique de la correction est figurée par les points. Les traits qui accompagnent les points varient légèrement quant à la forme et à la disposition, mais les points ne subissent pas l’influence de ces modifications, et on les rencontre immuables dans tous les protocoles de correction.


IX. — Signes divers.


72. Coins de pages ou ensemble de lignes qui se suivent, soit à un début, soit à une fin de justification, à redresser :

Ce signe est figuré dans le texte ; il est reporté dans la marge, accompagné d’un trait de renvoi :

— Daupeley-Gouverneur, Th. Lefevre et l’Annuaire Desechaliers ne reportent point ce signe dans la marge.

— Les autres auteurs ne font pas mention de cette correction.

73. Lettre qui chevauche, à une fin de ligne :

Le signe est figuré dans le texte ; il est reporté dans la marge, accompagné d’un trait de renvoi.

74. À un début de justification :

Le signe est figuré dans le texte ; il est reporté dans la marge, accompagné d’un trait de renvoi.

Th. Lefevre et l’Annuaire Desechaliers ne reportent point ces signes dans la marge.

Daupeley-Gouverneur reporte dans la marge ce signe composé seulement de deux traits aux courbes opposées ; il omet le trait de renvoi.

— Les autres auteurs ne font pas mention de cette correction.

75. Addition ou manchette à remonter :

Ce signe est figuré sous l’addition ; il est reporté dans la marge, accompagné d’un trait de renvoi et, fréquemment, de l’annotation :

Daupeley-Gouverneur, pour une numération de marge « à aligner » (à remonter), utilise un signe analogue, mais sans les traits horizontaux supérieurs :


il reporte le signe dans la marge, mais sans trait de renvoi.

76. À descendre :

C’est le signe du numéro 75 inversé ; il est figuré au-dessus de l’addition, les traits verticaux dirigés vers le bas ; il est reporté dans la marge, accompagné d’un trait de renvoi et, le cas échéant, de l’annotation convenable :

En principe, le correcteur doit exécuter sa correction de manière que les petits traits horizontaux placés aux extrémités des traits verticaux (n° 75 et n° 76) soient situés exactement face à l’endroit à occuper par le texte, la correction régulièrement exécutée.
xxxx Le correcteur peut modifier l’annotation en indiquant le nombre de points dont l’addition doit être déplacée :

— Ces signes (nos 75 et 76) dérivent, on peut l’affirmer, de la correction « ligne à chasser », « ligne à regagner » (nos 68 et 69), utilisée pour les remaniements de mise en pages.

— Seul le protocole de Th. Lefevre donne le signe du numéro 75. Les autres auteurs ne signalent pas l’emploi des signes des numéros 75 et 76.

77. Ligne à mettre au milieu :

Ces signes , sont reportés dans la marge, accompagnés d’un trait de renvoi, avec l’indication :


entourée d’un trait, — ou bien les mots :


entourés d’un trait sont seuls placés en marge.

— Pour cette correction, dont un seul manuel typographique fait mention, Daupeley-Gouverneur utilise les signes suivants :

Le signe de droite, qui limite approximativement la rentrée indiquée, est seul reporté en marge sans trait de renvoi. — Pour une sortie vers la gauche, les deux signes seraient intervertis.

78. Dans Th. Lefevre, une correction se rencontre, dont l’analogue se trouve dans H. Fournier, L. Chollet et l’Annuaire Desechaliers seulement : « morsure de la frisquette » :

solder cette troupe. Les gendarmes doivent)

Ce signe n’est pas reporté en marge ; il est remplacé par l’indication « coupez ».

— Ce signe ne semble plus avoir aujourd’hui qu’une vague raison d’être, les tirages à la presse à bras disparaissant de plus en plus. — Il faut, d’ailleurs, faire remarquer que la « morsure de la frisquette », très apparente à la page 542 du Guide du Compositeur, ne l’est plus à la page 7 du tirage à part du Guide (Instruction pour la lecture des Épreuves). Il semble que le conducteur a « soigné,» sa mise et, non prévenu, a lui-même… fait la correction. — Les « morsures » n’apparaissent point dans les protocoles de L. Chollet, de H. Fournier et de l’Annuaire Desechaliers.

79. Dans un tableau, un filet maigre a été employé là où il eût fallu un filet quart gras : afin de rendre la correction fort visible, le filet peut être barré à plusieurs reprises du signe

×

Dans la marge est portée, entourée d’un trait, l’indication


ou simplement :


accompagnée du trait de renvoi.

80. Les angles des filets de cadre d’un tableau ne « joignent » pas ou joignent mal :

Quelques correcteurs se bornent à entourer d’un trait l’extrémité des deux filets de cadre :


d’autres barrent du signe × ces deux mêmes filets :


ou emploient simplement le trait vertical :


et portent dans la marge, entourée d’un trait, l’indication


ou toute autre exprimant clairement la correction, accompagnée du trait de renvoi.

81. Un filet, un couillard, longs ou, au contraire, courts, sont barrés du trait vertical simple / ou du signe × ; en marge, le correcteur porte, entourée d’un trait, l’indication convenable : court, long, plus long de 3 cic., filet orné, filet gras, filet de 4 cic., ou toute autre. Le trait de renvoi accompagne l’indication.

82. Pour indiquer qu’un filet placé l’œil en dessous doit être retourné, il est préférable de ne pas employer le signe courant

le correcteur doit en effet considérer qu’il ignore le genre de filet utilisé ; il vaut mieux barrer le filet du signe

×


et indiquer dans la marge, en entourant l’annotation, la nature, le genre du filet, ou encore les mots :


si le correcteur estime qu’il n’a pas à se préoccuper de l’emploi de tel ou tel filet, ce qui est un cas plutôt exceptionnel.

83. Il est d’autres corrections à indiquer qui dans les manuels n’ont point de signes particuliers, de signes conventionnels ou symboliques, telles les lézardes et les rues[14].
xxxx Le correcteur se souviendra que, dans ces circonstances, il doit dans le texte employer le trait de renvoi vertical soit simple /, soit double , barrant le passage, le chiffre ou le signe défectueux, soit encore le suivant[15] ×, — ou entourer d’un trait simple l’endroit à rectifier ; l’indication de la correction est toujours reportée en marge de la manière la plus claire, mais cependant la plus concise possible et entourée d’un trait accompagné du trait de renvoi, si cette indication ne doit pas être composée (n° 14).

Arrivé à ce point d’une étude fastidieuse, nombre de lecteurs qui ont eu le courage de suivre cette monographie seraient sans doute désireux de consulter le protocole type qu’ils estiment devoir en résulter.
xxxx Est-il possible de se récuser ? Sans doute, car les diverses questions litigieuses soulevées ici ne paraissent point suffisamment élucidées pour permettre de répondre utilement à cette question.
xxxx D’ailleurs, cette tâche doit être réservée à de plus qualifiés.

Et, maintenant, nous prions le lecteur d’excuser les défauts, les hypothèses hasardées d’une telle étude.
xxxx Bien que le souvenir de l’adage Ejice primum trabem de oculo tuo soit, au cours de ce travail, resté présent à notre esprit, nous avons conscience des erreurs, des contradictions, des omissions, involontaires certes, qui s’y rencontrent. Le désir de bien faire, qui a été notre seul objectif, nous vaudra l’indulgence. Ceux mêmes dont nous avons relevé les fautes commettraient une injustice en justifiant à notre égard la pensée du poète latin que fut le correcteur Kiliaan :

Errata alterius quisquis correxerit, illum
Plus satis invidiæ, gloria nulla manet
.


    auteurs : « Mais un auteur emploie également bien, sur la copie manuscrite ou imprimée, avec la même signification, un trait horizontal occupant la partie blanche de la ligne finissant à tort l’alinéa, comme nous le faisons ici.
    — La plupart des auteurs ne connaissant, d’ailleurs, qu’imparfaitement… »
    xxxDidot indique de la même manière la « suppression d’un blanc » au début d’une ligne.

  1. À notre avis, cette mention est une redondance qu’il est préférable d’éviter.
  2. Ces mots sont également une redondance.
  3. Daupeley-Gouverneur (le Compositeur et le Correcteur typographes, p. 221) signale une manière d’indiquer la suppression d’un alinéa fréquemment employée par les
  4. En réalité, à l’usage, le signe du correcteur anglais se rapproche si sensiblement du signe de Jean Dumont que l’on peut dire : il en est le « frère jumeau ».
  5. Voir, sur cette opinion, la note 1 de la page 337.
  6. Cours d’Épigraphie latine, p. 5.
  7. Cours d’épigraphie latine, p. 374.
  8. Cette sigle se rencontre dans les premières productions de l’imprimerie, et maints incunables la possèdent. On constate encore son emploi aux premières années du xvie siècle, notamment dans le premier livre imprimé à Sisteron, en 1513 Breviarinm ecclesie cathedralis sistaricensis, par Thomas de Cloches, au feuillet 166 (ce volume existe à la Bibl. Nat.).
  9. Il est nécessaire en effet de remarquer qu’il n’y a pas dans ce signe redoublement, comme le dit E. Leclerc (ce qui aurait donné , mais simple superposition, ainsi que l’indique la figuration donnée ici.
  10. En argot typographique, cette faute de composition s’appelle un nid.
  11. Cette annotation est assurément superflue.
  12. Nous assimilons aux traits verticaux la troisième forme de l’exemple.
  13. Page 296.
  14. Parmi ces corrections on peut encore ranger les suivantes — dont nous avons négligé volontairement l’étude, car elles nous paraissent rentrer dans le cadre des « coquilles courantes » ou pouvoir être assimilées à des rectifications de manquements aux règles typographiques examinées ici — que nous avons rencontrées dans le protocole de correction de E. Desormes : « Mettre en abrégé : 0 mètre 30 » ; — « Mettre en chiffres : mil huit cent cinquante-huit » ; « Mettre au long : 9 localités » ; — et « Désespacer : M O D E L E » ; etc.…
  15. Certains correcteurs font du signe × un usage fréquent, que rien ne justifie parfois, mais qui a au moins le mérite d’être plus visible que le simple trait /.