Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/03/07

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 72-74).


VII

MESURE TYPOGRAPHIQUE ET MESURE LÉGALE


a) Bien que l’Imprimerie Nationale, établissement d’État par excellence, utilise, pour mesures typographiques, le mot point et le mot douze, il ne faut pas en conclure que ces expressions sont légales, et que leur emploi est autorisé dans les documents adressés à certaines administrations, par exemple à l’Enregistrement, à l’Office des Brevets d’invention, etc. Les directeurs de ces institutions d’État ont la faculté, dans leurs relations avec le directeur de l’Imprimerie Nationale, de parler de points, de cicéros, de nompareilles, etc. ; ils ne sauraient tolérer cette licence de la part du simple public, dans les rapports qu’ils peuvent recevoir de celui-ci.

Nos expressions typographiques ne sont point légales : les maîtres imprimeurs et les ouvriers typographes ne doivent pas l’oublier. Ceux d’entre eux qui auraient le désir — très légitime — de sauvegarder leurs intérêts en recourant à la protection que l’État accorde à toute invention, agiront sagement en s’abstenant d’user de ces dénominations dans leurs demandes de brevets : ils s’exposeraient, tombant sous le coup de la loi du 4 juillet 1837, à des amendes, à des pénalités parfois fort onéreuses (la typographie nourrit à peine son homme !) et à l’obligation de refaire leurs calculs en millimètres, en centimètres, etc. Ne vaut-il pas mieux commencer par là ?

b) Nombre de clients donnent habituellement leurs mesures en centimètres et millimètres, et certains typographes sont fort embarrassés pour transformer en mesures typographiques une longueur métrique. S’agit-il de déterminer en cicéros les dimensions d’un format de papier, de prendre une justification indiquée en centimètres, d’établir une garniture, etc., le mètre-typomètre est, pour eux, un instrument indispensable, faute duquel il leur est impossible de donner à ces minimes problèmes une solution qu’il est cependant relativement facile d’obtenir grâce aux moyens suivants :

1° Le point typographique, on le sait, correspond assez exactement à (trois huitièmes) d’un millimètre. En utilisant ces chiffres, les opérations exigées pour la transformation en mesures typographiques d’un nombre métrique donné sont assez longues ; elles peuvent, en outre, occasionner au cours du calcul quelques erreurs. Mais comme il est bon cependant de résoudre avec ces données, au moins une fois, à titre d’essai, un problème, dont le résultat servira ultérieurement de preuve documentaire, voici un exemple élémentaire :

Exemple. — Soit à connaître en points l’un des côtés d’une feuille format raisin 0m,50 × 0m,65.

Transformons en points 0m,50, en considérant que 1 point équivaut à du millimètre :

points ;


en réduisant en cicéros (en douzes, si l’on veut), on obtient 111 douzes 1 point ;

points,


soit 144 douzes 4 points.

L’approximation ainsi obtenue est suffisante : elle n’est affectée que d’une erreur de, 1/12 de point, quantité réellement négligeable dans presque toutes les circonstances.

2° D’après E. Morin, un moyen mnémotechnique permet, d’éviter ces différents calculs et d’arriver à un résultat aussi approché, très suffisant pour le cas qui nous occupe.

Le mètre, exprimé en douzes, a une longueur de 222 douzes, à très peu près. Si un mètre, ou 100 centimètres, équivaut à 222 douzes, 1 centimètre vaut 100 fois moins, ou 2 douzes 22 de douze. Pour avoir en mesure typographique, c’est-à-dire en douzes et en points, le format du papier raisin, il suffira donc de multiplier 2,22 par les mesures métriques connues, 0m,50 et 0m,65 :

douzes ;


la différence est de 1 point seulement avec le chiffre précédemment obtenu, de 111 douzes 1 point, par la méthode ci-dessus expliquée des  ; on conviendra aisément que cette différence peut passer inaperçue dans l’établissement d’une garniture ;

douzes dixièmes de cicéro,


soit 144 douzes 4 points, total analogue à celui résultant de l’opération faite avec la méthode précédente.

3° Enfin, il est encore aisé d’arriver plus rapidement, et de tête, à ces différents résultats :

On double, d’abord, le nombre des centimètres, soit :

,
 ;


on prend ensuite le dixième du résultat obtenu, et l’on additionne :

,
 ;


on ajoute à ce deuxième résultat, le dixième du dixième déjà pris, soit 1,00 pour le dixième de 10, et 1,3 pour le dixième de 13 :

,
.

Ces deux chiffres sont bien, on le voit, les mêmes que ceux précédemment obtenus : 111, soit 111 douzes ; 144,3, soit 144 douzes 3 dixièmes ou 4 points.

Il ne faut pas croire que cette méthode de calcul est empirique ; loin de là, elle est strictement scientifique et repose sur l’équivalence du mètre pour 222 douzes ou plus simplement du centimètre pour 2 douzes 22 (le double, le dixième et le dixième du dixième).