Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/17/01

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 454-482).


I

GÉNÉRALITÉS


§1. — Origine des chiffres dits « arabes »


Les nombres sont représentés, dans l’écriture manuscrite ou l’impression, par deux genres de chiffres bien différents : les chiffres appelés arabes, et les chiffres dits romains. Ces derniers sont les lettres — bas de casse, petites ou grandes capitales — de l’alphabet, auxquelles on est convenu d’accorder une valeur donnée ; les premiers, au contraire, sont des signes particuliers dont la seule fonction est de représenter une quantité déterminée.

Du fait que le qualificatif arabes a été appliqué à un genre de numération, on ne doit pas conclure nécessairement « que nous avons emprunté ces chiffres, tels que nous les traçons, aux Arabes, mais seulement que le mot a été accepté pour rappeler le souvenir du système entier de numération que ces peuples nous ont transmis », ou encore, si l’on veut, pour le simple motif de donner un nom à un système de numération différent de celui employé jusqu’alors.

L’origine même des dix caractères : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 0, est assez obscure ; toutefois parmi les théories édifiées pour élucider cette question, on peut retenir d’abord celle que Théophile Beaudoire a exposée dans sa brochure Origine des signes numéraux.

D’après cet auteur, la numération chiffrée, ancêtre de notre numération actuelle, remonterait à l’époque de la civilisation indoue.

Quinze siècles avant l’ère chrétienne, les Brahmanes possédaient plusieurs recueils d’hymnes religieux, notamment le Rig-Veda, dont la fin de chaque verset porte un chiffre placé entre deux traits verticaux.

« Dans l’Hindoustan, les inscriptions d’Açoka Piyadasi (iiie siècle avant Jésus-Christ) contiennent des signes numéraux. Le plus ancien manuscrit sanscrit est précisément un traité d’arithmétique. »

Par contre, toujours d’après M. Beaudoire, les premiers manuscrits arabes qui nous sont parvenus ne datent guère que de l’hégire[1] (622 après J.-C) ; et les nombres y sont écrits avec des lettres numérales. Les Arabes tenaient ce genre de numération des Romains qui l’avaient reçu des Grecs, imitateurs des Phéniciens.

Une chose paraît, en outre, certaine : « c’est qu’après l’époque où les Arabes firent la conquête de l’Asie jusqu’à l’Hindus, ils eurent des rapports constants avec les peuples du nord de l’Hindouștan, chez lesquels existait déjà un système numéral remarquable. Les Arabes s’empressèrent de l’adopter et l’ont conservé intact jusqu’à ce jour, bien qu’il soit en contradiction avec leur manière de lire et d’écrire. »

En effet, tous les peuples qui font usage de l’écriture arabe lisent et écrivent leurs mots, leurs phrases, en commençant par la droite ; mais, s’ils intercalent des nombres dans les phrases, ils énumèrent et écrivent ces nombres en commençant par la gauche. Il en résulte cette singulière contradiction : dans l’arabe, les folios des pages se lisent de gauche à droite, tandis qu’on doit lire le texte de ces mêmes pages de droite à gauche ; on lit la première page d’un livre arabe en débutant par la droite, mais il faut commencer à lire la seconde page par la gauche si cette page débute par des opérations.

De ces simples faits, que l’on pourrait accompagner de multiples observations aussi probantes, on peut conclure déjà à un emprunt, à une imitation, par les Arabes, du système numéral hindou, plus rationnel et plus simple que celui dont ils faisaient usage.

Enfin, une comparaison des chiffres sanscrits, européens, et arabes, dans leur ordre numérique, puis sans ordre numérique, convaincra le lecteur :

ordre numérique des chiffres
(d’après M. Beaudoire)
  comparaison des formes
(d’après M. Beaudoire)
Chiffres dévanagaris   Chiffres arabes Chiffres dévanagaris   Chiffres arabes
० 
  
0
  
 ٠
१ 
  
1
  
 ١
१ 
  
1
  
 ١
२ 
  
2
  
  
२ 
  
2
  
 ٢
३ 
  
3
  
  
३ 
  
3
  
 ٣
४ 
  
8
  
  
४ 
  
4
  
 ۴ ou ٤
७ 
  
6
  
  
५ 
  
5
  
 ٥
५ 
  
4
  
  
६ 
  
6
  
 ٦
० 
  
0
  
 ٥
७ 
  
7
  
 ٧
६ 
  
5
  
  
८ 
  
8
  
 ٨
८ 
  
7
  
 ٦
९ ou Devanagari_Numeral_9_var_2 
  
9
  
 ٩
९ ou Devanagari_Numeral_9_var_2 
  
9
  
 ٩

Le principe de la numération hindoue, accepté dans le monde entier, n’a jamais varié. Mais la forme des signes a été quelque peu changée par les calligraphes orientaux et occidentaux : les Arabes ont modifié six signes, les Occidentaux n’en ont modifié sérieusement que deux ; d’autre part, certaines figures ont été transposées d’un chiffre à un autre : la forme du 4 sanscrit a été appliquée à notre 8 ; celle du 5 sanscrit à notre 4 ; et celle du 7 sanscrit à notre 6. Les Arabes ont appliqué à leur chiffre 5 la forme du 0 sanscrit.

À cette opinion de M. Beaudoire, il est bon d’opposer, sur quelques points seulement, celle que M. A. Pihan, prote de la typographie orientale à l’Imprimerie Impériale, soutient dans l’Exposé des signes de numération usités chez les peuples anciens et modernes (1860, in-8) :

« … Malgré les rapports journaliers des Hindous avec les Musulmans, qui ont envahi la plus importante partie du sol indien, les premiers, toujours fidèles à l’antiquité de leur culte et de leur race, ont conservé les chiffres et l’écriture de leurs ancêtres. Quant aux Persans et aux Arabes, qui se sont de plus en plus multipliés dans l’Inde, ils se servent, pour l’écriture de l’Hindoustani, de leurs propres caractères, augmentés de quelques signes de convention, et pour leurs opérations commerciales des chiffres dont ils ont donné, les premiers, connaissance à l’Europe au moyen âge…

« La numération arabe peut se diviser en orientale et en occidentale… Cependant les chiffres usuels empruntés à l’Inde par les Arabes sont les mêmes pour tous les peuples qui font profession de l’islamisme. Quant aux chiffres arabes appelés gohbâr, la principale remarque à faire, c’est que le zéro ne figure point dans les manuscrits asiatiques, tandis qu’on le rencontre dans ceux des Arabes du Maghreb.

« Disons maintenant quelques mots sur l’origine indienne des chiffres appelés communément arabes.

 « Les premières relations commerciales des Arabes avec l’Inde sont enveloppées de la plus profonde obscurité. Cependant il paraît admis que des marchands persans et arabes avaient formé de très bonne heure des établissements sur les côtes de l’Inde. Or ces marchands, qui probablement connaissaient le système de numération indienne, devaient l’approprier à leur usage particulier, puisqu’il était beaucoup plus simple que l’emploi des lettres numérales ; et un intérêt personnel aura pu les porter à modifier quelque peu la forme des chiffres ou leur position relative, afin de les rendre, dès le premier abord, moins intelligibles aux Indiens eux-mêmes. Un fait analogue se renouvelle du reste, chaque jour encore, chez certains commerçants français et autres dont les marchandises portent des chiffres ou des marques de convention.

« Plusieurs autres Orientaux pensent que l’emploi des chiffres indiens par les Arabes est postérieur à la première invasion musulmane dans l’Inde, laquelle eut lieu peu de temps après la mort de Mahomet, sous le calife Omar. On peut consulter, à ce sujet, les passages cités par M. Reinaud dans son Mémoire géographique, historique et scientifique sur l’Inde[2]. À la page 13 de ce savant mémoire on lit : « C’est d’ailleurs aux Indiens que nous sommes redevables du système de numération tel qu’il est maintenant usité partout. »

En comparant les diverses formes des chiffres indiens et arabes, il est facile d’établir la dérivation des nôtres : il suffit de rapprocher d’abord les chiffres arabes de leurs correspondants indiens, puis de retourner ou changer de place quelques signes, ainsi que l’ont fait les Arabes à l’égard des chiffres dévanagaris.

L’origine indienne des chiffres arabes, admise sans difficulté par les plus célèbres orientalistes, a trouvé des contradicteurs, parmi lesquels il faut signaler en première ligne, en 1847, M. Vincent, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Mais le système péniblement édifié par ce savant a trouvé, à son tour, des contradicteurs qui ont fait naître des doutes nombreux sur le bien-fondé d’une théorie dont l’exposé nous entraînerait trop loin.

De ce qui vient d’être dit on peut conclure : les Européens ont adopté presque toutes les formes des chiffres sanscrits : d’après M. Beaudoire, ils connurent donc le système numéral des Hindous ; si notre « numération nous venait des Arabes, nous aurions imité le dessin de leurs chiffres », et non point celui des chiffres hindous ; mais, selon M. Pihan, si « l’on retourne ou change quelques signes de place », il est aisé de « démontrer que nos chiffres dérivent des chiffres arabes » qui eux-mêmes proviennent des chiffres dévanagaris légèrement modifiés.

Plus simplement, M. Beaudoire pense que la numération européenne dérive directement de la numération hindoue ; M. Pihan affirme que celle-ci nous est parvenue par l’intermédiaire des Arabes qui l’imitèrent.


§2. — Introduction des chiffres dits « arabes »
en europe et leur emploi dans les livres


Introduits en Europe, au xe siècle, par le pape Sylvestre II (Gerbert d’Aurillac), premier pape français, les chiffres ne furent pas dès l’abord admis par tous les peuples européens ; leur forme devait d’ailleurs être souvent modifiée pour s’adapter à tous les genres d’écriture.

M. Natalis de Wailly, dans ses Éléments de Paléographie, a publié les plus anciennes formes de nos chiffres : nous allons les reproduire ici, pour fournir au lecteur un curieux et dernier moyen de comparaison :


Chiffres du commencement du xiie siècle.


xiiie siècle, avant 1270.


xive siècle, après 1367. — xve siècle, de 1427 à 1460.

À l’apparition de l’imprimerie, « les nombres furent désignés dans les livres par des lettres bas de casse et capitales, en caractères soit du type gothique, soit du type romain, selon que l’ouvrage était imprimé avec l’un ou l’autre de ces types » :

Mdccclxxiij (1878),xxxxxxxxxxMDCCCLXXVIII.

« Les lettres servaient aussi pour l’ordre numérique des notes, des additions marginales et pour les signatures. »

Le premier ouvrage connu, De remediis utriusque fortunæ, où les feuillets soient numérotés avec des chiffres dits arabes, aurait été imprimé à Cologne, en 1471.

Jean de Westphalie fit usage de ces mêmes chiffres, en 1474, dans un volume intitulé Solemnis et aurea lectura.

Dans un travail, la Divine Proportion, paru à Venise en 1509, « la pagination par feuillets est indiquée avec des chiffres dits arabes ; tous les nombres sont composés avec ces mêmes chiffres ; et on remarque dans le texte une très grande quantité de fractions en chiffres microscopiques ».

En France, dans son manuel typographique, la Science de l’Imprimerie, paru en 1723, Dominique Fertel indique qu’on doit mettre ainsi les signatures à la première feuille d’un in-8, par feuille entière : « A, à la première page ; Aij, à la troisième page ; Aiij, à la cinquième ; Aiiij, à la septième. »

Il ne faut point s’étonner de voir une telle règle encore en usage à cette date. Si nous en croyons M. Th. Beaudoire, en notre pays, les chiffres dits arabes ne firent leur apparition, dans les livres, que vers les premières années du xvie siècle ; et à l’époque où écrivait Fertel, cette coutume de la numération littérale, dont nous-mêmes avons conservé quelques traces, n’était point encore disparue.


§3. — Forme des chiffres arabes


1. Pour donner plus de lisibilité à leur numération, les graveurs avaient imaginé, à l’instar des Arabes qui avaient adopté des grandeurs différentes pour leurs chiffres, de graver leurs types avec des calibres et des alignements différents, c’est-à-dire de faire des chiffres mixtes :

Peut-être est-ce à la suite de cette innovation que fut donné aux chiffres mixtes le nom de chiffres arabes, et celui de chiffres romains aux lettres numérales, pour établir, dans le langage typographique, une distinction entre ces deux genres de numération. Cette opinion est d’autant plus vraisemblable que, lors de l’apparition de chiffres ayant un même calibre d’œil, ou plutôt un alignement régulier de la base ainsi que du sommet, on baptisa ceux-ci du nom de chiffres anglais :

car c’est en Angleterre qu’on en fit pour la première fois usage au début du xixe siècle.
xxxx Toutes les imprimeries d’Europe et du Nouveau Monde ont adopté les chiffres hindous d’un même calibre, d’aspect plus régulier que les chiffres mixtes qui, malgré leur avantage de lisibilité meilleure, à laquelle Didot apporta une heureuse contribution, paraissent quelque peu délaissés.

2. À côte des chiffres arabes ou hindous, ainsi que des chiffres mixtes, de caractère romain, il existe également, pour le caractère italique, des chiffres arabes et des chiffres mixtes :


mais leur emploi est assez restreint : on ne les rencontre guère que dans les ouvrages littéraires, ou en des textes entièrement italiques. Leur lisibilité est d’ailleurs si médiocre, leur aspect si peu agréable à l’œil qu’on évite de les utiliser pour les ouvrages de mathématiques, les tableaux, les alignements, etc.

3. Outre ses chiffres arabes ou mixtes, de la casse, chaque caractère ou, tout au moins, un caractère dans chaque corps possède, pour les renvois de notes, les abréviations métriques, etc., des chiffres appelés supérieurs, parce que, plus petits d’œil que les chiffres du caractère utilisé, ils sont fondus leur base concordant avec le talus de tête des lettres courtes :


par contre, les chiffres dits inférieurs, employés notamment dans les ouvrages de chimie, sont fondus leur talus de tête s’accordant avec la base d’alignement des lettres courtes.

4. Nombre d’imprimeries possèdent, en outre, dans certains corps, particulièrement ceux dont les petites capitales sont utilisées pour la composition des titres courants, des chiffres petit œil.

Ces chiffres fondus spécialement — et qui ne sont, en définitive, que des chiffres d’un corps déterminé fondus pour un caractère de corps plus élevé — s’alignent par le pied avec les petites capitales du caractère ; ils débordent de fort peu par la tête. Ainsi l’œil n’est point choqué par la disproportion qui existe trop fréquemment entre les lettres d’un titre courant et ses chiffres folios, disproportion dont le lecteur s’explique plutôt mal, ou même pas du tout, les raisons.

5. Le chiffre 3 possède deux formes bien différentes : l’une, dont la partie supérieure est droite, comme on le voit dans l’exemple du paragraphe  ; l’autre, avec la partie supérieure arrondie, 3 ; cette dernière est de beaucoup la plus usitée.

6. Le 0 (chiffre genre anglais) peut dans certains types de caractères être confondu avec l’O grande capitale, dont cependant la forme est plus ronde, avec des gras et des déliés plus nettement opposés ; le 0 chiffre mixte se rapproche davantage d’un o romain bas de casse ou petite capitale, ainsi qu’on peut s’en rendre compte en examinant l’exemple du paragraphe 1 ; habituellement un cran supplémentaire sur la tige de la lettre prévient toute cause d’erreur de la part du compositeur.

7. De manière générale, les fondeurs ont tendance à exécuter tous les chiffres arabes et bon nombre de types de chiffres mixtes, caractère romain, sur une épaisseur commune, le demi-cadratin du corps auquel ils appartiennent. Cette identité de mesure est d’une utilité exceptionnelle dans les tableaux, dans les alignements, dans les opérations mathématiques, etc., en raison de la verticale irréprochable qu’elle procure et de la facilité considérable qu’elle apporte à la justification des lignes.

8. Pour certains travaux les fondeurs ont gravé des chiffres barrés.

9. Enfin, à titre simplement documentaire, il est nécessaire de dire quelques mots du signe appelé « nullité » ( ″ ) : « guillemet qu’on met pour remplir une place », dit Larousse, et sur lequel le Complément du Dictionnaire de l’Académie française est plus précis : « Espèce de guillemet qu’on pose dans les colonnes où il ne doit point y avoir de chiffre… >

De l’emploi de ce signe nous parlerons au cours de ce chapitre. Pour l’instant nous nous bornerons à faire remarquer que, si la « nullité » peut être comparée à un guillemet, ce n’est certes point au guillemet français (») ou anglais ("), mais bien au guillemet allemand („) ; on peut aussi la rapprocher du signe « seconde » (″).
xxxx Il faut dire, cependant, que la « nullité » est fondue de manière à s’aligner avec les lettres bas de casse du corps auquel elle appartient ; la « seconde » est gravée pour s’aligner avec les lettres supérieures ; et le guillemet allemand, « sur le bas de la tige ».


§4. — Séparation des tranches de trois chiffres


A. — Nombres entiers


10. De longues dissertations se sont élevées sur la manière de séparer les tranches de trois chiffres dans les quantités numérales : mille, million, milliard, etc. Les savants n’ont pu se mettre d’accord ; les auteurs typographiques non plus.

Maintes arithmétiques emploient le point (.) entre chaque tranche de chiffres ; d’autres utilisent l’espace moyenne ou fine ; enfin, une dernière catégorie se sert de la virgule.

Les manuels techniques présentent non moins de divergences :

Daupeley-Gouverneur[3] : « Remarquons que, pour séparer les différentes parties de l’expression, dans les cas où la virgule n’est pas employée, une espace fine est de rigueur :

Il possède 25,000 francs de rente[4] ;
2,048 fr. 25 ; — 28,562 habitants.xx

« Les sommes, lorsqu’on ne met pas de virgule pour séparer les mille, les millions et les milliards, prennent à la place une espace moyenne :

7 235 francs ;xxxxxxxxxx1 226 542 habitants. »

E. Leclerc[5] : « Les tranches de trois chiffres des nombres — employés dans le texte — sont séparées par une espace moyenne (2 points) de préférence aux points et aux virgules :

48 597 863.

« Dans les nombres suivis de décimales où l’on peut user indifféremment du point et de la virgule, il vaudra mieux réserver cette dernière pour la seule séparation des décimales, comme dans les tranches qu’une espace sépare :

13.792.879,65


ou mieux :

13 792 879,65


au lieu de :

13,792,879,65

« Si les nombres constituent seuls une opération, leur superposition rigoureuse s’impose ; aussi leurs tranches seront-elles séparées systématiquement, soit par le gros point, — et les décimales par la virgule de même force, — soit par le demi-cadratin, tous trois de force semblable et égale à celle des chiffres qu’ils accompagnent. »

Le Traité de Typographie de Henri Fournier passe sous silence ce point particulier de la séparation des tranches de trois chiffres ; mais de l’examen du texte lui-même il faut conclure que cet auteur attache à cette question une importance toute secondaire : on rencontre, en effet, tantôt la virgule (p. 58 et 59) et tantôt le point (p. 245 et suiv.).

A. Tassis, qui généralement est assez précis, ne semble pas avoir une opinion très nette sur cette question. À la page 53 du Guide du Correcteur, il écrit :
xxxx « La virgule est nécessaire après le chiffre indiquant les mille, les millions, les milliards, lorsqu’il s’agit de sommes :

1,425,xxxxxxxxxx361,270,xxxxxxxxxx486,327,345. »

La virgule est nécessaire dans les sommes : voilà qui est clair ; mais presque aussitôt Tassis ajoute :
xxxx « Dans les sommes, la virgule peut être supprimée et remplacée par un blanc :

23 467 238,xxxxxxxxxx142 341 275. »

La lecture des pages suivantes du même Guide prouve que, sur ce point de la séparation des tranches de chiffres, Tassis, à l’ordinaire de bon conseil, est parfois distrait, lui aussi.

Dans le Nouveau Manuel de Typographie, M. A. Muller[6] fait preuve d’un réel éclectisme :
xxxx « Pour la facilité de la lecture des nombres, on sépare les centaines, les mille et les millions, par des points, des virgules ou des blancs. Le mode à adopter n’est qu’une affaire de goût et d’appréciation[7]. »
xxxx Ainsi donc nul besoin de s’embarrasser de considérations étrangères ; ce qui seul importe, c’est le goût, l’appréciation d’un chacun. À la vérité, c’est beaucoup si l’on considère le nombre des imprimeurs, et conséquemment celui des auteurs, des correcteurs et des compositeurs de France et de Navarre ; mais c’est… bien peu, si l’on se fie entièrement au manque de goût dont trop d’entre eux font preuve.
xxxx Tout au moins, M. A. Muller aurait-il pu nous faire connaître ses préférences ; il a mieux aimé laisser au lecteur le soin de cette découverte : le point, si l’on s’en rapporte au chapitre Composition des Calculs[8]. Encore, cependant, ne faudrait-il jurer de rien, de crainte d’éprouver une désillusion qui serait particulièrement désagréable, car M. A. Muller, « pour séparer les fractions des nombres entiers, met aussi quelquefois des points… retournés :

6080.104.

M. Louis Chollet écrit dans son Petit Manuel de Composition[9] : « Dans les nombres de plus de trois chiffres, on sépare les mille des centaines, etc., par une espace fine, la virgule ne devant être réservée que pour séparer les unités des décimales. Ex. :

33280,xxxxxxxxxx455 398 609,xxxxxxxxxx456,25. »

Espace fine, si l’on veut, puisque espace il y a ! Mais pourquoi, dans cette même page 93, en tête, l’auteur s’abstient-il « de séparer par une virgule les unités des décimales », et écrit-il :

80 km. 5xxxxxxxxxxouxxxxxxxxxx80km5
xxxx  40 fr. 75xxxxxxxxxx ouxxxxxxxxxx40fr75.

L’abréviation en lettres bas de casse accompagnée d’un point et placée après les unités exclut la virgule, c’est une règle admise par tous ; mais peut-on en dire autant de l’abréviation en lettres supérieures ?

Des exemples donnés par V. Breton dans son Cours élémentaire de Composition typographique[10], il est aisé de conclure que celui-ci est, pour la séparation des tranches de chiffres, partisan de l’emploi du point :

« Le kilogramme vaut 1.000 grammes ou 10 hectogrammes et…
xxxx « La France contenait, au recensement de 1877, 36.500.000 habitants. »

Il est bon de remarquer, cependant, qu’à trois reprises différentes, dans une anême page[11], V. Breton écrit :

« … Le mètre équivaut à 1000 millimètres. »

Quelques lignes plus bas[12], V. Breton dit :
xxxx « Les gros points sur demi-cadratin sont aussi employés dans les tableaux de chiffres pour séparer les tranches, au lieu de virgules… »
xxxx Malgré nos recherches, nous n’avons point vu — peut-être parce que nous avons mal lu — que Breton ait quelque part dans ce petit manuel recommandé l’emploi de la virgule « pour séparer les tranches de chiffres ». Rien, au reste, ne peut faire supposer qu’il se soit rendu compte de la contradiction ainsi créée ou qu’il ait songé faire allusion à une méthode employée par d’autres techniciens.

Jean Dumont[13] : « On met une virgule entre les centaines, les mille, les millions, lorsqu’il s’agit de sommes, de poids, de mesures :

4,300 francs,xxxxxxxxxx1,500 kilos[14],xxxxxxxxxx12,420 hectolitres,

et pour séparer les fractions décimales des nombres entiers :

1,25,xxxxxxxxxx1000,5. »

Fort heureusement, ici, 1000,5 n’est ni une somme, ni un poids, ni une mesure (on peut dès lors demander quelle désignation appliquer à ce nombre), car le lecteur qui ne connaît rien aux subtilités typographiques eût été fort embarrassé par la virgule des centaines et par celle des décimales. Comment en effet, si on applique la règle formulée par M. Jean Dumont, lire

1,000,5 ?

Grâce à un oubli opportun, M. Dumont a heureusement esquivé la difficulté, puis il a ajouté :
xxxx « Dans les textes courants, on sépare les francs des centimes, ou toute autre subdivision de monnaie, par un point :

Fr. 1,250.80
Fl. 20.4.2. »

La virgule, préconisée quelques lignes plus haut pour la séparation des fractions décimales, sans distinction, est dans cet exemple remplacée par un point.

M. J. Dumont présente enfin une troisième solution :
xxxx « Lorsque les sommes sont disposées en tableau, on remplace les points par des demi-cadratins :

1,250 80. »
1,320 75. »

Quel sens décidément attribuer au mot somme ? Faut-il réserver exclusivement ce nom à la désignation générique d’une quantité de monnaie ou considérer ce terme comme un synonyme de « total », de « produit », etc. ? — Dans ce dernier cas, pourquoi toutes les désignations du système métrique : poids, capacité, longueur, surface, etc., ne sont-elles pas astreintes aux mêmes règles ?

Le point, la virgule, l’espace fine ou l’espace moyenne entre les tranches de trois chiffres, pour les millions, les mille, sont, on le voit déjà, suivant les goûts de chacun, les modes tour à tour préférés de séparation ; mais jusqu’ici aucun de nos auteurs professionnels n’avait encore songé à examiner comment séparer « les centaines et les dizaines ». M. Desormes y a pensé, lui : « Les dates s’écrivent sans virgule, ainsi que les articles du Code et les pages d’un livre ; mais, dans tous les autres nombres, sauf dans les opérations avec chiffres décimaux, on met une virgule, entre les millions, les mille, les centaines et les dizaines, et non un point, comme plusieurs font. »
xxxx Donnons un exemple typique de la règle formulée par M. Desormes :

L’emprunt français de 1915, auquel on a si heureusement donné le nom d’ « emprunt de la Victoire », s’est élevé, en chiffres ronds, à 15,450,830,7,7,0[15].

Reconnaissons qu’il est impossible de lire et de comprendre ce nombre.

11. Les divergences qui viennent d’être constatées entre les écrivains techniques, sur ce sujet de la séparation des tranches de trois chiffres, sont fâcheuses : outre qu’elles sont une source perpétuelle d’incertitudes et parfois d’erreurs, elles compliquent singulièrement la tâche des correcteurs, chaque auteur ayant ses préférences, comme chaque Maison sa marche particulière. On peut regretter vivement que le Comité international des Poids et Mesures, en même temps qu’il fixait les règles d’abréviations des mesures du système métrique, n’ait pas songé à réglementer également le mode de séparation par tranches de chiffres : peut-être l’accord se serait-il établi facilement sur cette question.

Quoi qu’il en soit, il est nécessaire de conclure :

a) Il semble bien que des modes de séparation acceptables des tranches de trois chiffres il faille d’abord retrancher la virgule : 1° les auteurs en proscrivent l’emploi, lorsque le nombre contient des décimales ; 2° son usage, dans les cas où l’on se conforme pour l’emploi des symboles aux prescriptions du Comité international des Poids et Mesures, rend incompréhensible toute expression numérale comprenant au moins quatre unités et des décimales, ; 3° enfin, il est difficile de conseiller l’emploi de la virgule pour séparer dans les nombres entiers les milliards, les millions, les mille, alors que tous les mathématiciens reconnaissent que ce signe est l’indice exclusif des nombres fractionnaires ou décimaux.

b) L’espace moyenne est évidemment préférable à la virgule ; mais elle présente néanmoins quelques inconvénients : 1° il est indispensable d’employer l’espace fine dans les lignes à espacement serré, et une espace plus forte dans les justifications à blancs larges, afin de ne pas choquer l’œil du lecteur par un contraste trop frappant : il n’y a plus dès lors aucune régularité à attendre de cette méthode ; 2° le tri rigoureux d’espaces moyennes très régulières pour obtenir un alignement irréprochable dans les tableaux et les opérations occasionne au compositeur une perte de temps appréciable ; 3° pour obvier à ce dernier inconvénient, qui n’est certes point négligeable, certains auteurs conseillent l’emploi du demi-cadratin, au lieu de l’espace moyenne : ce blanc est évidemment un peu fort ; 4° la rencontre de deux expressions numérales que ne sépare aucune ponctuation peut causer quelque confusion, à tout le moins une hésitation dans l’esprit du lecteur.

c) Sans conteste possible, l’emploi du point est préférable à celui de la virgule et de l’espace : 1° dans aucun cas il n’occasionne de surprise ou de confusion de lecture ; 2° point n’est besoin d’en conseiller la présence dans telle circonstance et la suppression dans telle autre ; 3° dans les opérations, dans les tableaux, le gros point, fondu sur demi-cadratin, tout comme les chiffres, simplifie le travail de l’ouvrier ; 4° le reproche qu’on a tenté de faire de la confusion possible du gros point signe de séparation avec le gros point signe de multiplication n’est nullement fondé : le gros point signe de multiplication prend avant et après lui l’espace forte de la ligne où il se rencontre, alors que le gros point signe de séparation est collé aux chiffres qu’il sépare ; le gros point signe de multiplication est d’ailleurs si proche parent d’un point de caractère gras qu’il est difficile de le confondre avec un point romain.


B. — Nombres entiers et expressions fractionnaires


12. Lorsque la dénomination abréviative est en supérieures, la partie fractionnaire (c’est-à-dire les chiffres décimaux) est par une virgule séparée du nombre entier auquel elle appartient ; cette virgule se place après l’abréviation dénominative et immédiatement avant la partie décimale, le tout sans espace :

22.725kg,25,xxxxxxxxxx25m,75.

Les manuels ou les auteurs qui expriment en bas de casse la dénomination abréviative suppriment la virgule ; dans ce cas, tantôt ils emploient le point d’abréviation[16], tantôt ils le suppriment, suivant que celui-ci doit, à leur sens, accompagner ou non la dénomination abrégée. Une espace de 1 point ou 1 point 1/2 au plus précède la dénomination et la suit.

Beaucoup considéreront comme élémentaire la solution donnée ici à cette question ; il leur paraîtra dès lors qu’elle devrait réunir l’unanimité des opinions des auteurs ; mais il n’en est rien.

Tassis s’exprime en ces termes[17] :
xxxx « Les décimètres, centimètres et millimètres doivent être réduits à l’unité de mètre et séparés par une virgule sans espace :

Au lieu de 1 mètre 35 centimètres, mettez 1m,35 ;
Au lieu de 2 mètres 6 millimètres, mettez 2m,006. »

Th. Lefevre[18] est d’accord avec Tassis :
xxxx « Les mètres, centimètres, millimètres, etc., s’expriment ordinairement de cette manière dans les ouvrages à calculs :

0m,8 (8 décimètres)… — 6m,23 (6 mètres 23 centimètres)…
3m,066 (3 mètres 66 millimètres)…

« Les fractions du mètre, comme on le voit, se séparent de celui-ci par une virgule, sans espace avant ni après… »

Daupeley-Gouverneur[19] accepte, au moins pour partie, l’opinion de ses devanciers :
xxxx « Les mesures, les poids, les distances s’expriment en chiffres de la façon suivante dans le cours d’un ouvrage ordinaire :

2 hectares 35 ares 63 centiares — 1 mètre 45 centimètres ; …


mais, lorsque ces expressions se répètent fréquemment, ou lorsqu’elles se rencontrent dans des œuvres spéciales de comptes, d’arithmétique ou de statistique, il vaut toujours mieux les abréger, et voici, à leur égard, le système d’abréviation qui nous paraît le meilleur, parmi ceux qui sont en usage :

« 2h,35a,63, — 1m,45, — 15l,2 — 3k,225 — 6 kilom. 310 m. »

On peut s’étonner de l’abréviation k du quatrième exemple : s’agit-il ici de kilogrammes ou de kilomètres ? E. Desormes, dans ses Notions de Typographie[20], donne les exemples suivants :

Je te dois 125 fr. 75. — Ce marbre a 3 m. 80 de long sur 0 m. 80 de large.
— 50 kilogr. 20 déc. — 215 kil. 6 hect.

Puis il ajoute : « Nous avons mis en bas de casse les abréviations ; mais on est libre d’adopter une autre marche et de les mettre toutes en lettres supérieures
xxxx « De ce chef, il est entendu que, si l’on indique ainsi (en supérieures) les francs, les mètres, les kilomètres, les kilogrammes, les heures, etc., on doit indiquer de même les centimes, les centimètres, les hectomètres, les grammes et les minutes, sans aucune ponctuation[21], et sans jamais contrecarrer par d’autres abréviations en bas de casse la marche adoptée :

Ce vin blanc me revient à 1f15 la bouteille. — Cette pièce d’étoffe compte 35m75. — Ce baril contient 5l60, il ne peut donc servir au commerce. — La distance qui sépare Clermont d’Autreville est d’environ 12k7h.

Une espace fine de 1 point paraît isoler la supérieure du chiffre qui la suit.
xxxx Les abréviations kil et k pour kilomètres paraissent singulièrement et vraiment trop sujettes à confusion — nous l’avons déjà fait remarquer, — bien que Desormes prenne soin de faire observer : « On peut de même abréger les mètres, les kilomètres et les kilogrammes avec les seules lettres m et k, si la nature du travail, ou tout au moins du passage, dans lequel ces lettres peuvent se trouver, n’autorise aucune confusion. »

Quelle est sur ce point particulier l’opinion de M. A. Muller ?
xxxx Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de dégager le sentiment de cet auteur des exemples qui illustrent le Nouveau Manuel de Typographie[22], dont voici les textes et les exemples :
xxxx « On abrège les mots francs, kilomètres et grammes, etc., quand il y a des fractions à la suite :

  10 fr. 50, 25 km. 300, 15 kg. 250  
10fr,50, 25km.300, 15kg,250
10fr 50, 25km 300, 15kg 250,


kilo, kilos ne sont plus considérés comme abréviations. »

On peut ajouter également que le Dictionnaire de l’Imprimerie et des Arts graphiques de E. Desormes et A. Muller n’utilise pas la virgule dans les nombres fractionnaires comportant des abréviations du système métrique :

« Cloche. — Format de papier qui mesure 0m29 × 0m39. »

Toutefois, au cours de ce même ouvrage[23], maintes expressions fractionnaires comportent la virgule entre les unités et les décimales ; en d’autres circonstances[24], alignements et tableaux ont reçu le point ; enfin, nombre de calculs, de tables[25], ont un blanc.

Rappelons seulement l’opinion de E. Leclerc donnée plus haut : « Dans les nombres suivis de décimales où l’on peut, user indifféremment du point et de la virgule, il vaudra mieux réserver cette dernière pour la seule séparation des décimales… »
xxxx Cependant, quelques pages après ces lignes[26], dans des exemples d’abréviations des expressions du système métrique, E. Leclerc néglige complètement l’emploi de la virgule :

« 28 hectares 32, 19 ares 27,xxx23 mq 94 (mètres carrés),xxx55 cq 77,
6 kg 30,xxx55 mc 847 (mètres cubes). »

Nous avons vu que M. Chollet adopte la même méthode.

Il est intéressant de mettre en regard de ces exemples ceux de V. Breton[27] dont l’opinion est particulièrement importante à connaître :
xxxx « Les décimètres, centimètres, millimètres, doivent être réduits à l’unité et séparés par une virgule sans espace :

« Au lieu de 1 mètre 35 centimètres, mettez 1m,35.
xxxx Au lieu de 2 mètres 6 millimètres, mettez 2m,006.
xxxx Le mètre cube s’énonce ainsi, quand il y a une fraction : 3mc,675.
xxxx Le mètre carré : 6mq,465[28]. »

« Les parties fractionnaires contenant plus de trois chiffres décimaux sont composées sans blanc, ni point, ni virgule, c’est-à-dire que les tranches de trois chiffres ne sont pas séparées :

35.758kg,8589,xxxxxxxxxx250m,8755. »


§5. — Composition des termes accompagnant un nombre


A. — Système métrique


13. Les noms ou termes du système métrique qui déterminent un chiffre s’écrivent au long (en toutes lettres), si ce chiffre est un nombre entier :

Les fusils en service depuis 1866 jusqu’à 1886 étaient du calibre de 11 à 12 millimètres, et tiraient des balles cylindro-ogivales de 25 à 30 grammes avec des vitesses initiales de 420 à 440 mètres et des portées de 2.000 à 2.600 mètres.

14. Cependant, dans les fractions, pour les indications d’opérations à effectuer, on maintient les termes métriques en abrégé, même alors qu’il n’y a pas de fraction décimale :

Réaction de  :

 ;

Réaction de  :

.

15. Si le nombre contient des fractions, le terme métrique s’écrit en abrégé et se compose à la place qu’il occupe dans la lecture de la phrase numérale :

Le fusil belge est un Mauser-Lee, qui date de 1889, du calibre de 7mm,65, d’une longueur de 1m,270 et d’un poids de 4kg,415.

16. Il n’est pas d’usage d’ajouter après les décimales le nom qui leur est propre : millimètre, centigramme, etc. ; la désignation de l’unité qui précède la virgule suffit, dans tous les cas, pour dénommer ces décimales sans crainte d’erreur.

17. Lorsque, dans les nombres comportant des chiffres fractionnaires, les lettres symboliques utilisées sont composées en supérieures, l’ensemble de l’expression numérale est groupé sans espace :

2.525m,25,xxxxxxxxxx10km,500.

18. Au contraire, par une espace de 1 point ou 1 point 1/2 au plus (suivant l’espacement de la ligne), on détache des chiffres entiers et décimaux les lettres symboliques, si celles-ci sont composées en bas de casse romain :

2.540 hl. 45.

19. La ponctuation — point ou virgule — qui, le cas échéant, accompagne les lettres symboliques, est toujours collée à celles-ci :

15m,50,xxxxxxxxxx2.525 fr. 75.

Ainsi qu’on le verra plus loin, les abréviations légales des termes du système, métrique comportent le point abréviatif[29], sauf lorsque ces abréviations sont terminées par un chiffre ou composées d’une lettre grecque ; les lettres ne seraient pas dès lors considérées comme des symboles, au sens propre du mot, et ne constitueraient pas à elles seules une expression, un nom complet[30].

20. Les lettres symboliques composées en bas de casse sont-elles préférables aux lettres supérieures ? La préférence accordée ici au dernier mode n’a pu échapper aux esprits clairvoyants. Est-ce illusion, est-ce question d’habitude ? Les supérieures paraissent plus esthétiques dans nombre de circonstances ; elles ne sont, avec des abréviations correctes, ni moins claires ni moins compréhensibles, même pour les non-initiés, que les lettres de la casse ; elles possèdent cet avantage de pouvoir être utilisées dans presque toutes les circonstances, particulièrement dans les tableaux où le manque de place est maintes fois prohibitif des lettres symboliques bas de casse ; enfin, dans les expressions décimales, la place qui leur est imposée obligatoirement évite ces méprises de lecture créées par la transposition de la désignation numérale, méprises dont nous donnerons plusieurs exemples.

La nécessité d’un assortiment complet de supérieures peut seule créer un obstacle minime à cette manière de voir ; mais le nombre des lettres obligatoires n’est point, à notre avis, si élevé qu’une maison sérieuse ne puisse sur ce point faire un effort dont elle sera, par ailleurs, amplement récompensée par les avantages énumérés plus haut.

21. Durant de longues années les abréviations des termes du système métrique usitées dans l’imprimerie, comme dans l’écriture, ne furent régies que par l’usage d’après les indications fort sommaires du tableau des mesures légales annexé, à la loi du 4 juillet 1837. En 1879, le Comité international des Poids et Mesures, s’inquiétant de certaines irrégularités dans l’expression de ces abréviations, prit prétexte de la nécessité de fixer les symboles de quelques quantités physiques et décida d’établir des règles immuables. Tout un système d’abréviations fut élaboré dans lequel les quantités métriques devaient être écrites en caractères minuscules romains, alors que les minuscules italiques étaient réservées aux quantités physiques[31].

En conformité avec les décisions du Congrès du Mètre et les propositions du Comité international des Poids et Mesures, un tableau nouveau des mesures légales fut établi et incorporé dans la loi du 11 juillet 1903 ; il comprenait une liste considérablement modifiée des lettres abréviatives jusqu’alors usitées pour la figuration nominale de ces mesures.

22. Dans les derniers mois de l’année 1906, une circulaire du Ministre de l’Instruction publique rendit obligatoire dans l’enseignement l’application de la loi et du décret parus en juillet 1903, relatifs aux unités fondamentales du système métrique.

La nomenclature prescrite fut la suivante :

LONGUEURS
Kilomètre 
 km.
 
Centimètre 
 cm.
Mètre 
 m.
Millimètre 
 mm.
Décimètre 
 dm.
SURFACES
Kilomètre carré 
 km2
 
Décimètre carré 
 dm2
Hectare 
 ha.
Centimètre carré 
 cm2
Are 
 a.
Millimètre carré 
 mm2
Mètre carré 
 m2
VOLUMES
Mètre cube 
 m3
 
Centimètre cube 
 cm3
Stère 
 s.
Millimètre cube 
 mm3
Décimètre cube 
 dm3
CAPACITÉS
Hectolitre 
 hl.
 
Décilitre 
 dl.
Décalitre 
 dal.
Centilitre 
 cl.
Litre 
 l.
POIDS (MASSES)
Tonne 
 t.
 
Décigramme 
 dg.
Quintal métrique 
 q.
Centigramme 
 cg.
Kilogramme 
 kg.
Milligramme 
 mg.
Gramme 
 g.

xxxx On voit qu’il n’avait pas été prévu d’abréviations pour le décamètre et l’hectomètre, unités d’un usage restreint, mais dont l’emploi rend toutefois de grands services dans la géométrie et l’arpentage ; par comparaison avec les règles adoptées, quelques auteurs avaient proposé les abréviations suivantes :

Décamètre 
 dam.
 
Décamètre carré 
 dam2
Hectomètre 
 hm.
Hectomètre carré 
 hm2

Il est nécessaire de signaler d’autres omissions, relatives à des quantités d’usage pourtant fréquent, pour lesquelles le « public » a suggéré des symboles établis suivant les errements précédents :

Centiare 
 ca.
 
Décagramme 
 dag.
Décastère 
 das.
Hectogramme 
 hg.
Décistère 
 ds.
Kilogrammètre 
 kgm.

Le dixième et le centième de millimètre étaient également omis dans la liste officielle ; cependant ces mesures sont fréquemment mentionnées dans la construction mécanique pour les pièces de grande précision.
xxxx Il est bon d’ajouter encore que les abréviations ou symboles des mesures du temps, heure, minute, seconde, aussi bien que du système monétaire, franc, décime, centime, millime, ne faisaient l’objet d’aucune réglementation officielle ou officieuse : aussi, en ces matières, la fantaisie du public, même savant, n’eut point de limites.
xxxx Ces lacunes et d’autres qu’il paraît inutile de rappeler étaient regrettables ; pour y suppléer, peut-être aussi parce qu’ils n’avaient point l’intention de se plier à des prescriptions prises sans leur assentiment, des novateurs tentèrent quelques modifications.
xxxx À l’encontre des abréviations officieuses exposées plus haut, ils proposèrent, pour les multiples déca, le symbole D (grande capitale), au lieu de l’abréviation « da » établie d’après la figuration « dal » (décalitre) acceptée par le Congrès du Mètre et le Comité international des Poids et Mesures. On peut remarquer d’abord que l’emploi de la lettre D grande capitale était en contradiction avec la décision, rappelée plus haut, d’utiliser exclusivement des lettres minuscules romaines pour la représentation symbolique des mesures métriques ; disons, en outre, que dans l’esprit d’un lecteur inattentif une confusion pouvait peut-être parfois s’établir entre le symbole des sous-multiples « d » et celui des multiples « D », ce qui, en aucun cas, pensons-nous, ne peut survenir avec l’abréviation « da ».
xxxx Enfin, pour deux autres mesures dont le tableau officiel ne faisait nulle mention, d’autres savants avaient proposé, également en contradiction avec les prescriptions du Comité international des Poids et Mesures :

Myriamètre 
 Mm.
 
Myriamètre carré 
 Mm2

On conçoit aisément que, dans ces conditions, les obligations du décret-loi de 1903 aient été fréquemment inobservées.

Il faut reconnaître d’ailleurs que les manuels typographiques ne contiennent que des listes fort incomplètes des lettres symboliques abréviatives des termes du système métrique. Sans méconnaître l’autorité qui s’attache aux noms de nombres de nos auteurs techniques, on peut dire, en outre, que ces nomenclatures offrent parfois des anomalies inexplicables. Ainsi E. Leclerc donne les abréviations suivantes :

hectolitre 
 hectol., hl,


qui paraissent normales ;

kilomètre 
 kilom., kil., kl ;


la première est une abréviation courante ; la deuxième pourrait signifier également « kilogramme » ; la dernière est en contradiction avec tous les principes d’abréviation connus : elle signifierait (si cette expression était acceptée) « kilolitre » ; il est à supposer qu’elle est le résultat d’une coquille et qu’il faille la remplacer par « km », abréviation usuelle en lettres supérieures[32].
xxxx Enfin l’Imprimerie Nationale elle-même, qui pourtant devrait, la première, respecter les prescriptions légales, est souvent obligée de se plier aux « fantaisies » des auteurs qui ignorent la loi et les… prophètes.

I. Remarquons maintenant que si, antérieurement au 26 juillet 1919, les savants n’étaient pas d’accord sur le choix des symboles dont le Congrès du Mètre et le Comité international des Poids et Mesures avaient omis ou avaient négligé de fixer les lettres constitutives, ils ne s’entendaient pas non plus, on l’a déjà vu, sur la manière d’écrire les symboles abréviatifs : en supérieures minuscules ou en lettres bas de casse, — non plus que sur la place qu’ils doivent occuper : après les unités et avant la virgule ou après le nombre lui-même.

a) Voici, en effet, comment, d’après les Mémoires et Travaux de la Société des Ingénieurs civils de France (Bulletin de décembre 1910, p. 608 et suivantes), devaient être appliquées les prescriptions du Comité international des Poids et Mesures et du Congrès du Mètre de 1879 :

Il nous paraît intéressant de rappeler les caractéristiques du waterjacket construit au Laurium (fig. 3 et 4, Pl. 228) et déjà décrit.
xxxx La section du four est de 4,06 m × 1,22 m aux tuyères.
xxxx La capacité de ce four est de 30 t.
xxxx Chaque four a quatre tuyères d’une hauteur de 3 m et d’un diamètre de 1,40 m.
xxxx On souffle généralement le vent à 0,150 kg, parfois 0,200 kg par centimètre carré.
xxxx Le procédé est caractérisé par l’emploi, comme électrolyse, d’une solution d’hydrofluosilicate de plomb (15-16 g SiT6 et 8 g Pb par 100 cm3) à laquelle on ajoute un peu de glycérine (400-500 g par tonne de plomb déposé).
xxxx Ces chambres, qui ont reçu le nom de Baghouse, renferment 3 000 à 4 500 sacs ayant une hauteur de 10 à 11 m et un diamètre de 0,45 m.
xxxx Un baghouse de 1 000 sacs revient à 750 000 f, mais les pertes en métaux…

Il est inutile de relever les bizarreries de cette méthode, non plus que son obscurité pour les non-initiés. Si M. Tout-le-Monde — qui parfois a plus d’esprit qu’un savant — comprend fort bien ce que veut dire 30 tonnes, 15-16 grammes, 750.000 francs, entendra-t-il également sans hésitation ce que signifie 1,40 m, 0,150 kg, 750 000 f ?
xxxx Il nous sera permis d’insister encore par un exemple qui paraît typique. Comment doit-on lire la phrase suivante :

L’appareil de démonstration pèse environ 2,500 kg.

Peu au courant de distinctions et de subtilités par trop casuistiques auxquelles il n’a guère le loisir de s’arrêter, un lecteur pressé ne peut-il interpréter :

L’appareil de démonstration pose environ deux mille cinq cents kilogrammes,


alors qu’il s’agit tout simplement d’un haltère pesant deux kilogrammes cinq cents grammes ?

b) Au surplus, voici comment s’établit le mécanisme des règles observées dans les différents cas que nous venons de citer : le symbole métrique est toujours en bas de casse romain et en abrégé, même lorsqu’il accompagne des nombres entiers ; il est séparé des chiffres qui le précèdent et auxquels il appartient par une espace moyenne. Il faut remarquer, toutefois, que par une exception qui s’explique difficilement le texte cité écrit :

8 g Pb par 100 cm3,


conformément à la règle qu’il s’impose, mais qu’il écrit aussi :

à 0,150 kg, parfois 0,200 kg par centimètre carré,


et :

400-500 g par tonne de plomb déposé,


au lieu de :

0,150 kg, parfois 0,200 kg par cm2,


et :

400-500 g par t de plomb déposé.

2° Pour établir une comparaison, il est intéressant, maintenant, de citer ici plusieurs exemples — le plus petit nombre possible suffira — tirés des Comptes Rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences[33] :

Page 1149 :

… ce qui abaisse la correction de 0m,90 à 0m,76 et augmente V de 0m,14 ;
xxxx 1° La correction d’humidité doit être diminuée de 5 cm/sec. ;

Page 1165 :

… trois solutions renfermant 150g, 185g et 420g de AzO3Am dans 100g d’eau ;

Page 1196 :

… l’épaisseur de l’atmosphère ne descendant pas au-dessous de 30km.

Personne ne saurait dénier aux membres de l’Académie des Sciences le nom de savants, et encore moins quelque compétence dans la connaissance des symboles métriques, physiques et chimiques, aussi bien que dans la manière d’appliquer les décisions du Congrès du Mètre ou les prescriptions de la loi.
xxxx Pourquoi donc les Comptes Rendus de l’Académie des Sciences utilisent-ils, pour les symboles, des lettres supérieures collées aux nombres qu’ils accompagnent, alors que les Mémoires et Travaux de la Société des Ingénieurs civils emploient des lettres de la casse ? Pourquoi ceux-ci écrivent-ils :

On souffle généralement le vent à 0,150 kg, parfois à 0,200 kg par centimètre carré,


et non point :

… à 0,200 kg/cm2,


à l’instar des premiers qui impriment :

La correction d’humidité doit être diminuée de 5 cm/sec,


au lieu de :

… 5 cm par seconde ?

Pourquoi, enfin, les académiciens, pour être logiques avec eux-mêmes, n’écrivent-ils point :

5cm/sec


puisque l’emploi des supérieures est une règle dont ils ne semblent pas se départir dans d’autres circonstances ?

3° Un troisième exemple sera non moins caractéristique que les précédents de la confusion qui règne dans la question des symboles ?

Sous les auspices du Ministère des Travaux publics, le Service des Mines — qui constitue l’un de nos corps d’ingénieurs les plus réputés — publie une revue mensuelle intitulée Annales des Mines. Précisément, dans un article consacré aux abréviations symboliques adoptées par le Comité international des Poids et Mesures, un auteur écrivait, il y a une quinzaine d’années :

D’après une terminologie bien connue, on pourrait créer le mégamètre, qui vaudrait 1 000 000 mètres ou 1 000 kilomètres ; mais cette unité nouvelle ne suffirait pas dans tous les cas.

Quelle raison d’exprimer au long dans cette phrase les termes du système métrique mètres et kilomètres, alors que dans les citations précédentes, tirées des Mémoires et Travaux de la Société des Ingénieurs civils et des Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, ces termes sont constamment imprimés en abrégé : 3 m, 15-16 g, 30 km, etc. ?
xxxx Des trois méthodes laquelle doit être suivie ?

Et, dans ces mêmes Annales des Mines, n’est-il point plaisant de lire ces lignes imprimées avant le tableau synoptique des abréviations métriques :
xxxx « Les abréviations qui désignent les unités du système métrique ont été établies depuis longtemps par le Comité international des Poids et Mesures et sont fréquemment employées. Cependant elles ne sont pas aussi généralement connues qu’il serait désirable ; le tableau devrait en être affiché dans tous les ateliers de typographie, afin que les compositeurs ne modifient pas des abréviations correctes sur les manuscrits. »
xxxx L’auteur de cette remarque eut évidemment des illusions.
xxxx Si les revues scientifiques ont paru enregistrer avec le plus vif empressement la circulaire de 1906 et le décret de 1903, il n’en faut pas moins affirmer que, dans la pratique, elles ne laissaient échapper aucune occasion de les méconnaître, de se soustraire volontairement à leurs prescriptions ou de les appliquer à leur manière. Ce n’est certes point dans les imprimeries, à l’usage des typographes ou des correcteurs, que devrait être affiché un tableau des abréviations métriques, mais dans les salles de rédaction des journaux savants qui, malgré toutes les prescriptions, n’ont rien modifié et prétendent ne rien modifier à leurs pratiques de jadis.

II. On peut supposer dès lors que ce fut pour donner satisfaction à des réclamations vraiment fondées que, le 2 avril 1919, fut publiée une nouvelle Loi sur les unités de mesures ; un décret du 26 juillet de la même année complétait la réglementation par l’établissement d’un tableau général des unités commerciales et industrielles, dont voici la reproduction à peu près complète :

multiples et sous-multiples décimaux[34]
Méga 
 M.
 
Déci 
 d.
Hectokilo 
 hk.
Centi 
 c.
Myria 
 ma.
Milli 
 m.
Kilo 
 k.
Décimilli 
 dm.
Hecto 
 h.
Centimilli 
 cm.
Déca 
 da.

unités géométriques

a) longueur
Mégamètre 
 Mm.X
 
Mètre 
 m.Xi
Kilomètre 
 km.X
Décimètre 
 cm.Xi
Hectomètre 
 hm.X
Centimètre 
 dm.Xi
Décamètre 
 dam.
Millimètre 
 mm.[35]

À titre transitoire
Mille marin 

b) superficie
Kilomètre carré 
 km2[37]
 
Décimètre carré 
 dm2Xi
Hectomètre carré 
 hm2Xi
Centimètre carré 
 cm2Xi
Décamètre carré 
 dam2Xi
Millimètre carré 
 mm2Xi
Mètre carré 
 m2Xi

agraire
Hectare 
 ha.
 
Centiare 
 ca.
Are 
 a.

c) volume
Kilomètre cube 
 km3
 
Centimètre cube 
 cm3
Mètre cube 
 m3
Millimètre cube 
 mm3
Décimètre cube 
 dm3

capacité
Hectolitre 
 hl.
 
Centilitre 
 cl.
Décalitre 
 dal.
Millilitre 
 ml.
Litre 
 l.
Stère 
 st.
Décilitre 
 dl.
Décistère 
 dst.

d) angle
Angle droit 
 D.
 
Milligrade 
 mgr.
Grade 
 gr.
Degré 
 d ou
Décigrade 
 dgr.
Minute d’angle 
 
Centigrade 
 cgr.
Seconde d’angle 
 
unités de masse

a) masse
Tonne 
 t.
 
Gramme 
 g.
Quintal 
 q.
Décigramme 
 dg.
Kilogramme 
 kg.
Centigramme 
 cg.
Hectogramme 
 hg.
Milligramme 
 mg.
Décagramme 
 dag.
Carat 


b) densité[39]
Degré densimétrique 
  
 
Degré alcoométrique
xxxcentésimal 
  
MONNAIES
Franc 
 fr.
 
Centime 
 p
Décime 

Il n’entre point dans nos intentions d’étudier ici point par point ce tableau ; le lecteur constatera aisément, après un examen même rapide, que, si nombre des questions soulevées antérieurement ont reçu satisfaction, il en est plusieurs qui ont été solutionnées à l’encontre des décisions antérieures du Congrès du Mètre[41] ou ont été passées sous silence[42].


A. — Expressions diverses


Le Comité international des Poids et Mesures s’était occupé exclusivement des mesures métriques sans s’inquiéter des expressions relatives aux autres types de mesures dont certains sont pourtant d’usage fréquent.

a) Dans les Archives des Sciences physiques et naturelles, M. Guillaume avait proposé, pour les mesures électriques, les abréviations suivantes[43] :


puissance
Mégawatt 
 Mw.
 
Watt 
 w.
Kilowatt 
 kw.
Milliwatt 
 mw.

mesure de la force électrique
Mégavolt 
 Mv.
 
Volt 
 v.
Kilovolt 
 kv.
Millivolt 
 mv.


mesure de l’intensité de courant
Mégaampère 
 Ma.
 
Ampère 
 a.
Kiloampère 
 ka.
Milliampère 
 ma.

mesure de résistance électrique
Mégohm 
 Mw.
 
Ohm 
 w.
Kilohm 
 kw.
Milliohm 
 mw.

mesure de quantité d’électricité
Mégacoulomb 
 Mc.
 
Coulomb 
 c.
Kilocoulomb 
 kc.
Millicoulomb 
 mc.

L’hectowatt, mesure fréquente, ne figurait pas dans cette liste. En suivant les principes appliqués par M. Guillaume, on pouvait conseiller l’abréviation suivante :

Hectowatt 
 hw.
 

M. Guillaume ne disait point si les abréviations proposées devaient être exprimées en supérieures ou d’autre façon ; il omettait également de rappeler que le point abréviatif devait être, ou non, employé après la dénomination.
xxxx Les auteurs scientifiques semblaient d’ailleurs méconnaître ces propositions ; tout au moins n’en faisaient-ils nulle application. On rencontrait en effet dans leurs travaux les errements suivants :

2 watts 75,xxxxxxxxxx3 volts, 45,xxxxxxxxxx6 amp, 25,
8 ohms 45,xxxxxxxxxx10 coul, 35,xxxxxxxxxx20 amp. 75,


avec ou sans virgule, en bas de casse ou en supérieures.

Toutefois, à l’instar de l’Imprimerie Nationale, certains employaient plus volontiers la méthode suivante : au cas d’une expression numérale fractionnaire, le nom de la mesure était rejeté à la suite du nombre, et une virgule séparait les unités des décimales :

25,75 kilowatts,xxxxxxxxxx7,25 coulombs.

Cette disposition peut présenter des difficultés de lecture analogues à celles que nous avons signalées antérieurement pour les mesures métriques et nous paraît peu recommandable.

b) Le décret du 26 juillet 1919 a donné, pour les expressions électriques, la nomenclature suivante fort différente de celle proposée par M. Guillaume ;

unités électriques[44]

a) résistance
Mégohm 
 MO.
 
Ohm 
 O.


b) intensité
Kiloampère 
 kA.
 
Milliampère 
 mA.
Ampère 
 A.

c) force électromotrice
Volt 
 V.
 
Millivolt 
 mV.

d) quantité d’électricité
Kilocoulomb 
 kC.
 
Coulomb 
 C.

e) puissance
Kilowatt 
 kW.
 
Watt 
 W.
Hectowatt 
 hW.

Un certain nombre des termes cités par M. Guillaume ont été omis dans la nomenclature officielle et dès lors n’ont pas d’abréviations distinctives.

c) À côté des expressions métriques et électriques dont la nomenclature vient d’être rappelée, le décret du 26 juillet 1919 donnait encore une liste de nombre d’autres mesures qu’il est nécessaire, pour compléter cet exposé, d’indiquer ici :

UNITÉS DE TEMPS
Jour 
 J.
 
Minute 
 mn., m.
Heure 
 h.
Seconde 
 s.
UNITÉS MÉCANIQUES

a) force
Kilosthène 
 ksn.
 
Décisthène 
 dsn.
Hectosthène 
 hsn.
Centisthène 
 csn.
Décasthène 
 dasn.
Millisthène 
 msn.
Sthène 
 sn.
Dyne[45] 
  

À titre transitoire[46]
Tonne-poids 
  
 
Gramme-poids 
  
Milligramme-poids 
  

b) énergie ou travail
Mégajoule 
 MJ.
 
Joule 
 J.
Kilojoule 
 kJ.
Erg[47] 
  



À titre transitoire
Kilogrammètre[48] 
  
 
Cheval-vapeur[49] 
  
Poncelet[50] 
  

d) pression
Myriapièze 
 mapz.
 
Centipièze 
 cpz.
Hectopièze 
 hpz.
Barye[51] 
  
Pièze 
 pz.
UNITÉS CALORIFIQUES

a) température
Degré centésimal 
 °
 

b) quantité de chaleur
Frigorie 
 fg.
 
Millithermie ou grande
xxcalorie 
 mth.[52]
Thermie 
 th.
UNITÉS OPTIQUES

a) intensité lumineuse
Bougie décimale 
 bd.
 

b) flux lumineux
Lumen 
 lu.
 

c) éclairement
Phot[53] 
  
 
Lux 
 lx.

Ainsi qu’on le voit, nombre de ces expressions, et le fait est inexplicable, ne sont pas accompagnées de leurs symboles ; il en est pourtant parmi elles qui sont nettement déterminées, et dont les termes, bien que donnés à titre transitoire, ne semblent pas devoir disparaître de sitôt des habitudes.

Il est regrettable que la loi du 2 avril 1919 et le décret du 25 juillet de la même année aient conservé le silence sur des points si importants, tout comme au sujet de l’emploi des lettres minuscules et capitales, soit supérieures, soit bas de casse. Il paraissait cependant tout indiqué de compléter, par un ou deux exemples relatifs à ces questions, un tableau qui dans l’énumération des expressions constituait un progrès réel sur les prescriptions précédentes.

  1. Cependant le Catalogue des manuscrits arabes de la Bibliothèque Nationale signale, page 432, 2° colonne, sous le 28° du numéro 24757 (qui se rapporte à un recueil de 51 traités de mathématiques), une Lettre… sur les sections produites dans les paraboles et hyperboloïdes de révolutions, « copie datée du lundi 21 (râm-roûz) de Brahman de l’an 342 de Yazdadjird (janvier 372 de J.-C.). » Il est possible que des bibliothèques étrangères possèdent des manuscrits arabes plus anciens.
  2. Paris, Imprimerie nationale, 1849, in-4o.
  3. Le Compositeur et le Correcteur typographes, 1880, p. 103. — L’exemple ne parait nullement répondre à l’énoncé de la règle.
  4. Les exemples sont ceux donnés par les manuels.
  5. Nouveau Manuel complet de Typographie (Encyclopédie Roret), 1921, p. 229.
  6. Nouveau Manuel de Typographie, p. 95.
  7. Il en est de même pour les décimales, que l’auteur sépare indifféremment par des virgules, des blancs et même des points retournés (p. 96, alin. 4).
  8. Ibid., p. 92 et suiv.
  9. Page 93.
  10. Pages 33-34, 44 et 74 ; et aussi dans ses Premiers Éléments de la Composition typographique, p. 45 et suiv.
  11. Page 41.
  12. Page 43.
  13. Jean Dumont, Vade-Mecum du Typographe, 4e éd., p. 132 et suiv.
  14. Il est nécessaire de faire remarquer que l’emploi du mot kilo pour « kilogramme » est un abus que les auteurs typographiques français n’évitent pas toujours. Si dans le langage courant il est d’usage de se servir indifféremment des mots « kilo » ou « kilogramme », il faut cependant se souvenir que l’expression kilo signifie exclusivement « mille » et ne doit jamais être employée isolément dans les ouvrages littéraires ou scientifiques.
  15. Cet exemple, le texte précédent le dit suffisamment, n’est point de M. E. Desormes, qui, d’ailleurs, n’applique pas la règle qu’il a énoncée (p. 283) et n’en donne nul exemple.
  16. Voir à ce sujet le paragraphe 19.
  17. Guide du Correcteur, p. 55.
  18. Guide pratique du Compositeur et de l’Imprimeur typographes, 1883, p. 52, § 102.
  19. Le Compositeur et le Correcteur typographes, p. 102.
  20. Notions de Typographie à l’usage des Écoles professionnelles, p. 281.
  21. Ces mots sont en italique dans le texte de Desormes lui-même.
  22. Nouveau Manuel de Typographie, p. 74.
  23. Pages 13, 23, 29, etc.
  24. Pages 20, 95, 156, 297, etc.
  25. Pages 398 et suivantes.
  26. Page-179.
  27. Cours élémentaire de Composition typographique, p. 33-34.
  28. On peut faire remarquer que les deux premiers exemples donnés par V. Breton sont exactement, mot pour mot, ceux de Tassis.
  29. L’emploi du point abréviatif, dans la liste officielle, est, ainsi qu’on le verra par les exemples donnés plus loin, en contradiction avec l’usage suivi autrefois notamment dans les Mémoires et Travaux de la Société des Ingénieurs civils de France, ainsi que dans les Comptes Rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences.
    xxxx Si, en conformité avec la liste officielle, le point abréviatif est utilisé lorsque les lettres bas de casse sont employées pour l’abréviation, dans le cours de ce volume il sera supprimé lorsque les lettres seront des supérieures.
  30. Dans le cours de ce chapitre, le mot symbole sera cependant utilisé concurremment avec le mot abréviation et dans le même sens que ce dernier.
  31. Tout en prescrivant l’emploi de lettres minuscules, le Comité n’avait pas spécifié s’il s’agissait de lettres supérieures ou bas de casse.
  32. Nouveau Manuel complet de Typographie, p. 213, col. 2.
  33. T. CLXXIII, n° 14, séance du 31 mars 1924 (imprimerie Gauthier-Villars).
  34. Cette première énumération constitue la liste de ce que nous appellerons l’abréviation type du préfixe servant à la formation des multiples et-sous-multiples.
  35. La nomenclature donne, en outre, les symboles du micron et du millimicron. — Il faut remarquer que la nomenclature ne parle pas de l’expression myriamètre, pourtant fréquemment utilisée.
  36. Ce symbole n’a pas été indiqué.
  37. La liste officielle comporte, pour les mesures de superficie et pour les volumes, l’indication sur l’abréviation d’un filet de notation, que nous omettons volontairement ; l’emploi de ce filet paraît d’ailleurs plutôt rare dans la pratique.
  38. Ce symbole n’a pas été indiqué.
  39. Ces deux abréviations n’ont pas été indiquées.
    xxxx Depuis longtemps l’usage s’est établi d’utiliser les symboles suivants :
    Degré densimétrique 
     °
    Degré alcoométrique centésimal 
     °


    fréquemment accompagnés des lettres B., F., suivant qu’il s’agit des aréomètres ou pèse-acide Baumé et Farenheit ; nous n’avons pas rencontré d’abréviations du système Gay-Lussac, que l’on peut supposer G.-L.

  40. Il faut remarquer que ce symbole, s’il avait été indiqué, aurait été très rarement employé, les fractions de francs se comptant de manière générale en centimes, terme dont l’abréviation ne figure pas dans la nomenclature.
  41. En 1879, le Comité international des Poids et Mesures avait décidé que les quantités métriques devaient être écrites en caractères minuscules romains. La nouvelle réglementation n’a pas tenu compte de cette décision, puisqu’elle indique, pour le mot mégamètre, le symbole Mm.
  42. Telles celles du mille marin, dont l’expression (en usage cependant depuis tant de siècles !) donnée à titre transitoire n’a pas eu l’honneur du choix d’un symbole représentatif, — et de la densité, dont les symboles fort connus et acceptés par le monde savant et commercial ont été passés sous silence.
  43. Dans chacune des catégories figurait l’abréviation micro…, que nous négligeons volontairement et qui était représentée par la lettre grecque mu précédant le symbole générique.
  44. Dans cette liste nous omettons volontairement de rappeler l’abréviation des termes microhm, microampère et microvolt qui est constituée de la lettre grecque mu précédant l’abréviation du nom générique ohm, ampère, volt.
  45. Le symbole n’a pas été donné.
  46. Les abréviations des quatre expressions qui suivent ont été omises dans la liste officielle. Quelques auteurs ont proposé :
    Tonne-poids 
     tp.
     
    Gramme-poids 
     gp.
    Kilogramme-poids 
     kp.
    'Milligramme-poids 
     mp.


    mais ces symboles ne paraissent pas constitués suivant les règles qui ont présidé à la formation des autres ; il semble en effet que la grande capitale aurait dû être utilisée pour la lettre. P.

  47. Le symbole manque dans la liste officielle.
  48. La liste officielle n’a pas pour cette expression mentionné l’abréviation kgm., qui pourtant est fréquemment employée.
  49. Malgré l’usage courant de cette expression, son abréviation n’a pas été mentionnée. On sait qu’après avoir utilisé longtemps le symbole HP., tiré de l’expression anglaise horse-power, certains mathématiciens ont proposé et fait adopter par la plupart des sociétés savantes françaises l’abréviation CV.
  50. Bien que cette expression soit fort connue, son symbole n’a pas été indiqué.
  51. Le symbole manque dans la liste officielle.
  52. Nous omettons volontairement le symbole de l’expression microthermie ou petite calorie.
  53. L’abréviation de cette expression a été omise.
    xxxx La liste officielle ajoute l’abréviation de la dioptrie (puissance des verres d’optique), qu’elle figure par la lettre grecque delta, qui n’est pas (et avec raison) accompagnée d’un point abréviatif.