Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/23/01

Louis Emmanuel Brossard

Le Correcteur typographe

Imprimerie de Chatelaudren, 1934 (2, p. 688-692).

I

ALIGNEMENT HORIZONTAL

1. Dans un caractère quelconque, les grandes capitales, les petites capitales, les lettres bas de casse, les chiffres arabes, les signes de ponctuation, etc., s’alignent par le pied, par la base de l’œil.

2. Pour obtenir une composition correcte et convenable d’un texte comportant en une même ligne plusieurs genres de caractères de corps et d’œils différents, on doit toujours parangonner, c’est-à-dire aligner ces caractères sur la base même de l’œil^[1] :

Propriété à vendre à l’amiable

Soit, par exemple, à parangonner, dans un texte de corps 10, quelques mots en caractères corps 6 : on calcule, d’abord, la différence de force de corps du 6 au 10 : 4 points, à répartir régulièrement au dessus et au dessous du texte en corps 6, ou 2 points de chaque côté :

De Grandville. — Je ne m’appartiens pas, je vous le répète… (D’un ton plus confidentiel.) S’il faut que je vous dise tout, j’ai reçu des ordres d’en haut…
xxxx La Sauviat, jetant son tricot. — Ne faites pas attention ! C’est sa crise. Elle met tout le monde à la porte. Elle voulait me renvoyer l’autre jour… (À Véronique qui tremble nerveusement, la tête cachée sous son châle.) Véronique, voyons, Véronique !…

Il se pourrait cependant que, même avec cette répartition régulière, la base de l’œil du corps 6 ne s’aligne pas parfaitement avec celle du 10, à cause de la différence des talus ; le cas échéant, la répartition des 2 points indiqués précédemment est modifiée, soit par le déplacement, si on le peut, de 1/2 point en faveur de l’un ou l’autre parangonnage, soit, lorsque l’alignement horizontal n’est pas encore parfait, par l’emploi de morceaux de papier, d’épaisseurs et de longueurs appropriées, auxquels on donne le nom d’espaces et d’interlignes de Limoges.
xxxx Avant la composition, on prend de chacun des caractères qu’il s’agit de parangonner quelques lettres que l’on alterne dans le composteur ; à l’aide de blancs réguliers, on élève progressivement la base des lettres plus petites jusqu’à celle des lettres plus fortes. À l’aide d’une interligne placée à la base de l’œil de la lettre et servant de règle, on s’assure que l’alignement est parfait : il ne reste plus qu’à effectuer le calcul du parangonnage supérieur, par une simple soustraction de la différence de hauteur des deux lettres. On compose ensuite et on parangonne la ligne dont on a besoin, sans hésitation et sans gâchis de matériel.
xxxx Si l’on se trouve devoir aligner une lettre ronde, comme O, ou une lettre angulaire, comme V, on facilite grandement son travail en remplaçant provisoirement cette lettre dans le composteur par une lettre droite d’égale force, comme E ou A, avec laquelle on effectue un parangonnage d’essai.
xxxx Ces parangonnages sont, particulièrement utilisés dans les pièces de théâtre, pour les apartés, ou jeux de scène, les travaux de mathématique, etc.

3. Le parangonnage s’effectue à l’aide de blancs, interlignes, espaces, demi-cadratins, cadratins ou cadrats, voire même de lingots ou de réglettes suivant l’importance et la disposition de l’alignement horizontal à obtenir.

4. Si l’on se sert, pour le parangonnage, de plusieurs blancs d’épaisseurs et de forces différentes, le blanc le plus faible doit être placé près des lettres ou des termes parangonnés, le blanc le plus fort se trouvant toujours à l’extérieur, en raison de sa plus grande résistance.

5. Que l’on emploie des interlignes, des espaces ou des cadrats, la longueur du parangonnage doit être rigoureusement égale à celle des mots parangonnés : elle ne doit jamais lui être supérieure ou inférieure, car, sous l’effort de la presse, les lettres insuffisamment maintenues se coucheraient et ne viendraient pas à l’impression.

6. Parfois, surtout dans le cas d’emploi de lettres supérieures, le parangonnage est à effectuer, non plus en alignement avec la base de la lettre, mais au contraire avec sa partie supérieure ; le blanc nécessaire au parangonnage est alors reporté en entier ou presque d’un seul côté :

M^me,xxxxxM^gr.

Le calcul, de la répartition du blanc est, au reste, analogue à celui effectué précédemment : si la lettre M est, par exemple, en corps 16, et les lettres supérieures à parangonner en corps 8, on aura, en théorie, 8 points à placer sous les lettres supérieures ; mais, en pratique, il pourra se faire que l’on ait à déduire, comme il a été expliqué plus haut, la différence de hauteur respective des talus des deux genres de lettres, différence à placer au-dessus des lettres à parangonner.

7. Les initiales ou lettres de deux points, simples ou ornées, s’alignent par la tête et par la base de l’œil avec les lignes de texte auquel elles servent de début :

Pour vous permettre de vous rendre compte de l’état actuel, il est indispensable d’examiner avec soin tous les éléments qui ont contribué, soit de manière directe, soit de façon approchée, à créer une situation aussi paradoxale et aussi gênante.

8. Les lettres initiales dont la hauteur d’œil est légèrement inférieure à celle des lignes de texte nécessaires pour leur habillage se placent au milieu : le blanc est réparti en tête et en pied de la lettre, de manière qu’à l’œil elle semble parfaitement équilibrée :

Nous ne pouvons prévoir l’avenir : c’est un fait indiscutable ; cependant notre désir est tel de connaître ce que l’existence nous réserve que notre imagination, trop souvent, se laisse séduire par des offres aussi ridicules que vaines…

9. Quant aux lettres initiales ou aux lettres ornées dont la hauteur d’œil est supérieure à celle du texte, elles s’alignent par le pied avec le texte de la dernière ligne utilisée pour l’habillage ; l’excédent de hauteur se trouve dès lors reporté au delà de la première ligne de texte :

10. Le surplus des lettres Constituant le mot auquel appartient l’initiale ou la lettre de deux points se compose en petites capitales du caractère utilisé pour le texte, comme les exemples donnés ici l’indiquent, ou, parfois, en raison du format et de la justification du volume, en grandes capitales.
xxxx Ces petites capitales sont collées à la lettre initiale ou, tout au moins, rapprochées le plus possible de celle-ci.

11. Un blanc d’au moins un demi-cadratin sépare de l’initiale le début de chaque ligne de texte constituant l’habillage : ce blanc doit non seulement être régulier et constituer un alignement vertical parfait pour les lignes d’habillage d’une initiale, mais aussi être rigoureusement le même pour les habillages de toutes les initiales d’un volume.

12. Si l’initiale ou la lettre de deux points constitue, à elle seule, un terme ou un mot complet, l’expression qui suit se compose en petites capitales ; mais cette expression est séparée de l’initiale par un blanc analogue à celui des autres lignes de l’habillage :

13. Les règles qui précèdent sont appliquées lorsque, dans une annonce ou dans un texte, un mot entier est composé en lettres initiales :

14. Dans certains : Caractères ombrés, dont les grandes capitales ; comportent quelques ornements, ces ornements ne comptent pas dans l’alignement ; ils sont en dehors de la base régulière de la lettre et doivent en conséquence se trouver en dehors de l’alignement lors d’un parangonnage éventuel.

15. Si, au lieu d’être en caractères ornés, le texte à parangonner est composé en caractères de fantaisie dans un texte en romain, il ne faudra pas oublier que l’alignement s’établit, là comme ailleurs, sur la base de l’œil, et non point sur les pointes ou sur les circuits qui terminent les lettres d’écriture gothique ou ronde.

16. « Les combinaisons des parangonnages sont multiples. Les ouvrages de mathématiques surtout sont ceux qui en offrent le plus d’exemples, et des plus compliqués. »

1. Les Fonderies typographiques fondent généralement sur un alignement de base régulier les différents corps d’un caractère.