Le Corset - Fernand Butin/À l’Étranger

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Historique Le Corset - Fernand Butin Opinions

A l'Étranger.[modifier]

Les Grecques et les Italiennes ont toujours porté des ceintures ou des corsets. Ce furent les Italiennes qui nous dotèrent du premier corset baleiné, introduit en France par Catherine de Médicis.

L'Espagne est un heureux pays où les femmes, surtout celles du peuple, ont toujours eu le corset en horreur, aussi leur taille est elle d'une grande souplesse. La beauté du buste des espagnoles suffirait d'argument probant en faveur de la suppression du corset. Disons cependant que les Espagnoles de condition aisée commencent à adopter les modes de Paris ; il est à craindre que le port du corset soit imité par les femmes du peuple.

Les Anglaises ont toujours été ferventes du corset; elles ont, à ce sujet, suivi à peu près les mêmes modes et coutumes que les Françaises. Chez elles, le corset trop serré fait subir ses effets pernicieux habituels, ce qui a fait écrire à l'un de leurs médecins :

« On n'interdira la fabrication et la vente de cet instrument que le lendemain du jour où l'une des princesses de la famille royale sera morte pour l'avoir porté ».

Par contre, Mme Tylicka dit dans sa thèse de doctorat : « En Pologne, où nous connaissons personnellement le costume des villageoises, les paysannes, jeunes et âgées, remplacent le corset par un corsage sans manche, décolleté, fait de toile très forte et boutonné par devant. Il suffit tout à fait pour soutenir les seins plus ou moins grands ».

En Allemagne, en Suisse, en Hollande, en Autriche, le corset a toujours été en honneur. Depuis Sœmmerings, les médecins de ces différents pays luttent en vain contre cet ennemi de la beauté et de la santé.

Le Dr Monin a conté avec sa verve habituelle une phase curieuse de l'importation du corset en Amérique : « Sait on quelle est la branche qui a le plus bénéficié de l'abolition de l'esclavage au Brésil ? C'est le commerce des corsets.

Le décret d'abolition n'était pas plutôt promulgué que toutes les dames et les demoiselles émancipées se précipitaient en masse compacte chez les corsetières pour se procurer à tout prix cet objet de toilette intime.

Il est bon de dire que le port du corset était, de temps immémorial, interdit aux femmes esclaves.

Cet instrument de torture qui écrase la gorge et vous fait le foie comme une gourde, était, de par la loi, monopolisé par les femmes libres. Il avait donc pour les femmes esclaves tout l'attrait du fruit défendu.

Les corsetières du Brésil n'ont pas vendu, en trois jours, moins d'un demi-million de corsets. »

S'il faut en croire Larousse, le corset parfait existe aux Indes :

« Certes, dit-il, nous ne proscririons pas ce vêtement si nos dames pouvaient imiter la bayadère de l'Inde. C'est elle, en effet, qui a adopté la mode la plus convenable à la santé, et à la fois la plus charmante et la plus voluptueuse. Son corset est fait de l'écorce d'un arbre de Madagascar, et disposé de façon que chaque sein s'emboîte exactement dans son enveloppe; mais écoutez : la couleur ressemble tellement à la peau, que l'œil trompé croit voir une gorge nue ; l'étoffe en est si fine, que le toucher le plus délicat ne peut distinguer l'enveloppe d'avec la partie qu'elle cache ; enfin, l'élasticité dont elle est douée permet aux mouvements respiratoires de s'effectuer librement.

Les bayadères ne quittent jamais ce corset ; elles le gardent même dans leur lit, et conservent ainsi la beauté et la délicatesse de leurs seins jusqu'à un âge très avancé ».

Nos explorateurs ont trouvé en Afrique le corset rudimentaire identique au stéthodesme grec et à la fascia latine. C'est un « bienfait de la civilisation » qui n'a pas encore été exporté par les « civilisateurs », comme l'alcool et la poudre à canon; cela viendra certainement.

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