Le Cratère/Chapitre I

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Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne, Perrotin, Pagnerre (Œuvres, tome 29p. 5-14).


LE CRATÈRE


OU


MARC DANS SON ÎLE




CHAPITRE PREMIER.


L’occasion est belle ; il faut quitter le port ;
Tu trouveras là-bas la fortune ou la mort.

Shakspeare



De toutes les licences que se permet la liberté américaine, il n’en est pas de plus grande, de plus manifeste, que le changement continuel des noms de baptême. La Bible, la Mythologie, l’Histoire ancienne, ont tour à tour fourni leur contingent ; mais quand ces veines ont été épuisées, les inventeurs se sont mis à l’œuvre, et ont déployé, une richesse d’imagination vraiment extraordinaire pour un peuple aussi positif. De quelle source sont dérivés tous les mots étranges qui ont été successivement enrôlés au service de cette nomenclature humaine, c’est ce que les philologues les plus exercés seraient très-embarrassés de dire. Les Kate, les Dotty, les Betty sont passées de mode ; aujourd’hui nous n’entendons parler que de Philémas, d’Amindas, de Marindas, etc.

Heureusement pour le héros de cette histoire, il était venu au monde il y a soixante ans, avant cette invasion des noms modernes, dans la petite ville de Bristol, du comté de Bucks, en Pensylvanie, et il avait reçu tout simplement le nom de Marc.

Son père était médecin, et eu égard au pays et à l’époque, médecin habile et instruit. Le docteur Woolston avait un confrère qui ne demeurait qu’à un mille de distance, et qui s’appelait Yardley. C’était un homme respectable, d’une instruction à peu près égale à celle de son voisin, mais d’une fortune beaucoup plus considérable. Il n’avait qu’une fille, tandis que le docteur Woolston avait une famille nombreuse. Marc était l’aîné, et ce fut sans doute à cette circonstance qu’il fut redevable des soins donnés à son éducation, puisqu’il était le seul des enfants dont on eût encore à s’occuper.

En 1777, un collège en Amérique n’était guère autre chose qu’une bonne école primaire. En fait de lettres, on n’y étudiait guère que la grammaire ; mais on y recevait quelque teinture des sciences. C’en était assez pour qu’en sortant de là on pût aspirer au titre de bachelier es-arts, et Marc Woolston l’aurait obtenu tout comme un autre, sans un événement qui arriva dans sa seizième année, et qui, en amenant un changement complet dans son plan de vie, étouffa dans leur germe les honneurs académiques auxquels il allait être appelé.

Bien qu’il soit rare de voir de grands bâtiments remonter la Delaware plus haut que Philadelphie, la rivière est navigable même pour eux presque jusqu’à Trenton Bridge. En 1793, lorsque Marc Woolston venait d’avoir seize ans, un bâtiment gréé en carré vint jeter l’ancre à l’extrémité du quai de Burlington, petite ville située, presque en face de Bristol. Ce fut aussitôt le point de mire de tous les jeunes gens du voisinage. Marc était alors en vacances, et il n’avait d’yeux que pour le beau navire ; à chaque instant il passait la rivière sur une barque pour l’admirer de plus près. À partir de ce moment, il ne pensa plus qu’à l’Océan, et ni les larmes de sa mère, ni le désespoir de la plus âgée de ses sœurs, jolie enfant qui n’avait que deux ans de moins que lui, ni les représentations plus calmes de son père, ne purent ébranler sa résolution. Les six semaines de vacances se passèrent à débattre cette grande question ; et le docteur finit par se rendre, réfléchissant sans doute que ce serait une assez grande charge pour lui de pourvoir à l’éducation de ses autres enfants, et que ce serait toujours autant d’épargné si l’aîné se mettait le plus tôt possible en état de se suffire à lui-même.

En 1793, le commerce de l’Amérique était déjà florissant, et Philadelphie était alors de beaucoup la ville la plus importante du pays. C’était surtout avec les Indes Orientales qu’elle avait des relations commerciales, qui prenaient de jour en jour plus d’importance, et le docteur Woolston n’ignorait pas qu’on y faisait rapidement fortune. Un de ses cousins avait épousé la fille d’un capitaine de bâtiment marchand ; le père lui demanda ses conseil et son appui. Le capitaine Crutchely consentit à prendre Marc sur son bord, et il promit d’en faire un homme, et, qui plus est, un officier.

Marc avait juste seize ans le jour où il vit la mer pour la première fois. C’était un grand garçon de cinq pieds six pouces, fort pour son âge, et plein d’activité. À vrai dire, il eût été difficile de trouver personne de mieux préparé pour son état que le jeune Marc Woolston. Si les trois années qu’il avait passées au collège n’en avaient fait ni un Newton ni un Bacon, elles n’avaient pas été inutiles pour lui ; car elles avaient meublé sa tête d’une foule de notions en tout genre, dont, par la suite, il devait tirer parti. Il savait un peu de tout, et il était si adroit et si habile en une foule de choses, et de tant de manières différentes, qu’il ne tarda pas à attirer l’attention des officiers. À peine avait-on mis à la voile, qu’il était aussi à l’aise à bord du Rancocus que dans la maison paternelle, et le jour même, le capitaine Crutchely dit son second : — Voilà un gaillard qui ira loin !

Le pauvre Marc ne perdit pas de vue la terre, pour la première fois de sa vie, sans avoir le cœur un peu gros. Il aimait tendrement son père, sa mère, ses frères et ses sœurs, et, comme nous nous sommes promis de ne rien cacher, nous ajouterons même qu’il y avait encore une personne qui occupait ses pensées plus que toutes les autres ensemble. Cette personne était Brigitte Yardley, la fille unique du très-redoutable confrère de son père.

Les deux médecins étaient obligés d’avoir ensemble de tristes relations, soit dit sans calembour. Ils étaient trop souvent appelés ensemble en consultation pour être en guerre ouverte. Mais si les chefs des deux familles se trouvaient parfois en même temps au chevet du lit d’un malade, les familles elles-mêmes n’avaient point de relations entre elles. Elles pouvaient se rencontrer par hasard en soirée, mais sans jamais se faire la moindre avance. Les excellentes dames n’étaient pas moins divisées pour les opinions religieuses que leurs maris pouvaient l’être sur la vertu de tel ou tel remède. Il n’était guère question alors d’homéopathie ; ni d’allopathie, ni d’hydropathie, ni de toutes les opathies du monde ; mais on n’en trouvait pas moins matière à de très-amères discussions, et les médecins se déchiraient à tout aussi belles dents qu’aujourd’hui. La religion n’exerçait pas une influence plus salutaire sur ses adeptes. Ainsi, mistress Woolston, et mistress Yardley étaient ce qu’on appelle des personnes pieuses ; elles disaient exactement leurs prières ; elles allaient chacune à leur église particulière, et c’étaient des églises très-particulières en effet ; chacune s’imaginait avoir une dose suffisante de la foi qui sauve, mais ni l’une ni l’autre n’avait beaucoup de charité pour sa voisine aussi, comme nous l’avons donné à entendre, jamais ne mettaient-elles les pieds l’une chez l’autre.

Bien différents étaient les sentiments des enfants. Anne Woltston, la sœur aînée de Marc, et Brigitte Yardley, étaient presque du même âge, et elles étaient compagnes de pension et les meilleures amies du monde. Rendons justice à leurs mères elles ne cherchèrent pas à contrarier cette inclination ; au contraire, elles laissèrent leurs filles libres de s’y livrer, comme s’il leur suffisait de se haïr personnellement, sans chercher à transmettre à leurs enfants ces sentiments d’hostilité. Anne et Brigitte s’aimaient donc de toute leur âme, persuadées, les chères petites, dans la simplicité de leurs cœurs, que puisque leurs pères exerçaient la même profession, c’était un motif de plus pour elles de rester étroitement unies. Elles pouvaient avoir deux ou trois ans de moins que Marc mais elles étaient déjà grandes, et aimantes et bonnes autant qu’on peut l’être. Toutes deux étaient jolies, chacune à sa manière. Anne avait des traits fins, de vives couleurs, de belles dents et une bouche charmante ; Brigitte avait tout cela, et, de plus, de l’expression. On ne pouvait rien voir de plus doux, de plus gracieux que la figure de Brigitte, au repos ; mais rien de plus enjoué, de plus folâtre, de plus ardent ou de plus tendre, suivant les impressions qui faisaient battre son jeune cœur. C’était Marc qu’on envoyait presque toujours chercher sa sœur, lorsqu’elle allait voir son amie, et il était naturellement admis en tiers dans leur intimité. D’abord, il fut convenu que Marc serait le frère de Brigitte comme il était celui d’Anne. Brigitte était fille unique, et il était bien juste de chercher à réparer les torts de la fortune. Brigitte déclara que de tous les jeunes gens de Bristol, Marc était celui qu’elle préférait avoir pour frère et puis c’était si gentil d’avoir le même frère qu’Anne. Malgré cette excursion dans le domaine du romanesque, Brigitte était pleine de raison, et susceptible du plus tendre dévouement, sans tomber dans l’exagération. Franche et vraie dans toute sa conduite, et adoptant Marc pour son frère, elle cédait à un mouvement de sympathie naturelle, sans en comprendre la portée ni l’origine. C’était avec Anne des dissertations à n’en pas finir sur leur frère, sur ce qu’il fallait qu’il fît, et sur l’appui qu’elles pouvaient lui donner. La véritable sœur était moins active que son amie, d’esprit et de corps ; et elle écoutait tous ces projets avec une douce tranquillité, qui n’était pas exempte d’étonnement.

Le résultat de toutes ces entrevues fut de faire naître entre Marc et Brigitte une passion beaucoup plus profonde qu’on n’aurait pu le croire dans d’aussi jeunes cœurs, passion qui devait se refléter sur toute leur vie. Marc comprit pour la première fois la force de cet attachement, quand il perdit les Caps de vue, et qu’il se figura la chère enfant parlant avec sa sœur de l’absence et des périls du jeune marin. Mais Marc avait trop l’esprit de corps pour se consumer en regrets ou pour négliger son service. Il n’avait pas encore doublé le cap de Bonne-Espérance, que son poste était dans les hunes, et quand le bâtiment entra dans les mers de Chine, il avait déjà été appelé au gouvernail.

Ces sortes de voyages duraient alors près d’un an, et le Rancocus ne fit pas exception. Si messieurs les Chinois avaient le quart de l’activité de nos Américains, il ne faudrait pas le quart de ce temps ; mais le transport du thé sur les canaux du Céleste Empire était loin de se faire avec la même rapidité que celui du froment sur les routes de la Grande République, même lorsqu’elles étaient encore aussi raboteuses qu’à l’époque dont nous parlons.

Le Rancocus était à peine de retour depuis vingt-quatre heures que Marc Woolston faisait l’envie de tous les garçons de Bristol, et l’admiration de toutes les jeunes filles. C’était alors un beau jeune homme de dix-sept ans, grand, bien fait, dégagé, qui avait doublé le Cap, qui avait vu des pays étrangers et qui avait dans chacune des poches d’une belle veste bleue, d’un drap superfin, un vrai foulard des Indes, dont le bout sortait coquettement, tandis qu’un autre foulard, noué négligemment autour de son cou, retombait sur sa chemise entr’ouverte. À combien de questions il lui fallut répondre sur les baleines, sur les pieds chinois, et sur ces « vagues qui sont autant de montagnes !  » Quoique Bristol soit situé sur une rivière navigable que des frégates ont parcourue dans tous les sens pendant la Révolution, ses habitants ne connaissaient, guère l’Océan. Ils se figuraient que les vagues de la mer étaient à la lettre aussi élevées que des montagnes. Il est vrai de dire qu’ils n’avaient pas non plus d’idées très-précises sur les montagnes ; car il n’y a pas dans cette partie du pays de butte même assez haute pour y établir un moulin à vent.

Marc répondait, à tout avec une patience héroïque. Il était heureux ! heureux d’être l’objet de tant d’attentions ; plus heureux encore au sein d’une famille dont il avait toujours été l’idole, et dont il était devenu l’orgueil mais surtout le plus heureux des hommes quand il avait pu dérober un baiser sur les joues rougissantes de Brigitte Yardley. Douze mois avaient opéré de grands changements dé part et d’autre, et la séduisante sœur de Marc ne pouvait concevoir qu’un voyage sur mer pût produire en si peu de temps des effets si merveilleux. Pour être restée à terre, Brigitte n’avait pas perdu son temps, et le bouton de fleur qui donnait de si riantes espérances, commençait à s’entr’ouvrir et à se colorer des teintes les plus gracieuses. Marc était ravi, hors de lui, et le, mois qu’il passa à Bristol lui suffit pour déclarer sa passion et pour surprendre l’aveu timide qu’il était payé de retour. Pendant ce temps les parents ne soupçonnaient pas plus ce qui se passait entre les jeunes amants que ceux-ci ne remarquaient le degré d’animosité où les deux confrères en étaient venus l’un contre l’autre. On ne se voyait plus même en consultation, ou, si l’on était obligé de se trouver ensemble dans la maison de quelque riche malade, c’était pour entamer des discussions qui dégénéraient toujours en querelles.

Enfin, au bout d’un mois trop court, Marc fut rappelé à son poste à bord du Rancocus, et il fallut s’arracher à ces délicieuses entrevues avec Brigitte. Anne était devenue leur confidente, et la chère enfant, ne voyant pas pourquoi le fils d’un respectable médecin n’épouserait pas la fille d’un médecin non moins respectable, les encouragea dans leurs promesses de constance, et reçut leur serment de devenir un jour mari et femme, et cela le plus tôt possible. Voilà qui est bien précoce, et surtout bien inconvenant vont s’écrier quelques rigides moralistes. Eh Messieurs, veuillez faire attention à l’état de société dans lequel nos jeunes gens ont été élevés, aux habitudes qu’ils ont dû prendre, au genre de vie qu’ils ont mené. Alors, comme aujourd’hui, les parents en Amérique, surtout dans la moyenne classe, s’inquiétaient peu des relations que formaient leurs enfants. Qu’on eût des mœurs, et qu’on n’eût pas fait parler de soi, qu’on fût à peu près dans la même position sociale c’était tout ce qu’ils demandaient ; ou, s’ils songeaient à demander davantage, c’était généralement lorsqu’il était trop tard, et après que les jeunes gens étaient devenus trop profondément amoureux pour écouter les conseils de la prudence.

Marc partit cette fois en laissant son cœur derrière lui, mais, néanmoins, rempli d’espérance. À son âge, on ne se laisse pas abattre et, tout en restant fidèle à son amie, il n’était pas parti depuis huit jours qu’il était le boute-en-train de tout l’équipage. Il n’allait pas directement à Canton, comme à son premier voyage. Le Rancocus portait une cargaison de sucre à Amsterdam ; de là il alla à Londres ; où il prit un chargement pour Cadix. C’était l’époque où le volcan de la Révolution française jetait ses premiers feux, et c’était par la marine américaine que se faisait la plus grande partie du commerce du monde. Le capitaine Crutchely avait pour instructions de faire le cabotage en Europe, jusqu’à ce qu’il eût réuni un nombre de dollars suffisant pour acheter une riche cargaison. Alors seulement il devait prendre la route de Canton. Comme il allait de port en port, Marc eut beaucoup d’occasions de voir le monde, autant du moins qu’on peut le voir dans les ports de mer. Grande en effet est la différence entre des villes qui ne sont que des entrepôts de commerce, et celles qui sont les capitales politiques de vastes contrées ! Il en est quelques-unes, Londres, par exemple, qui réunissent les deux avantages, et alors elles échappent à ce ton provincial, à cet esprit étroit, qui n’est que trop commun dans les simples résidences de cours. C’est ce qui rend Naples, malgré le peu d’importance de son commerce, supérieure à Vienne, et Gênes à Florence. Quoi qu’il en soit, si Marc, dans ses visites précipitées à Amsterdam, à Londres, à Cadix, à Bordeaux, à Marseille, à Gibraltar, et à quelques autres ports encore, que je pourrais nommer, n’eut pas le temps d’approfondir ce qu’il voyait et ce qu’il entendait, il n’en fit pas moins une ample récolte de connaissances, dont il fit son profit par la suite. Peu à peu il dépouillait la rouille de sa province, et ses idées s’agrandissaient. Avant de partir pour Canton, Marc se vit appelé du gaillard d’avant à la cabine. Les deux années qu’il avait passées sur mer l’avaient déjà formé, et l’éducation qu’il avait reçue lui avait facilité l’étude de la navigation. Les officiers de marine n’étaient pas alors communs en Amérique, et un jeune homme aussi heureusement doué que Marc, au physique comme au moral, ne pouvait manquer de faire rapidement son chemin, pourvu qu’il se conduisît bien. Il n’est donc pas étonnant que notre jeune marin ait été nommé second lieutenant du Rancocus avant d’avoir accompli sa dix-huitième année.

Le voyage de Londres à Canton, puis de Canton à Philadelphie, prit environ dix mois. Le Rancocus était un bon voilier, mais il ne pouvait communiquer sa vitesse aux bâtiments chinois. Aussi Marc allait-il avoir dix-neuf ans dans quelques semaines, quand son navire doubla le cap May. En arrivant le capitaine Crutchely lui promit qu’il serait son premier lieutenant dans son prochain voyage, et, tout heureux de cette promesse, Marc se hâta de remonter le fleuve jusqu’à Bristol.

Brigitte Yardley était alors dans tout l’éclat de la beauté, et, pour continuer la métaphore que nous avons déjà employée, cette tendre fleur s’était complètement épanouie. Lorsque Marc la vit, elle était en deuil de sa mère. Cette perte avait encore rapproché les deux filles, cette liaison innocente ne pouvant donner aucune alarme à leurs parents ; mais il n’en fut pas de même des visites du jeune marin. Il n’y avait pas quinze jours qu’il était de retour, et il était plus assidu que jamais auprès de l’amie de sa sœur, quand tout à coup le docteur Yardley lui chercha querelle et lui défendit de remettre le pied chez lui. D’où provenait cette colère subite ? Simplement de ce que Brigitte était devenue une héritière, et qu’elle avait une fortune indépendante du côté de sa mère. Or, penser que cette fortune irait enrichir le fils de son ennemi, c’était ce que le docteur ne pouvait supporter. Du moment qu’il avait appris que ce fils courtisait sa fille, il avait décidé de lui fermer sa porte ; aussi chercha-t-il la première occasion de lui faire une scène en présence même de Brigitte, étonnée et toute tremblante. Il n’épargna pas les insinuations les plus malveillantes contre les Woolston en général, en exceptant toutefois Anne qu’il ne confondait pas, disait-il, avec les autres. Marc se conduisit avec une modération admirable. Il n’oublia pas un moment que c’était un vieillard qui lui parlait, et que ce vieillard était le père de Brigitte. Brigitte ! et que lui importait sa fortune ? Savait-il seulement que sa mère lui eût laissé une ferme et des rentes assez considérables ? Ce qu’il aimait en elle, c’était sa franchise, sa douceur, son cœur si tendre et si dévoué ; jamais ses pensées n’avaient été plus loin. Marc écouta le docteur jusqu’au bout, puis quand il fut bien convaincu qu’il prolongerait inutilement sa visite, il saisit vivement son chapeau, et, à la manière brusque dont il sortit, Brigitte fut convaincue qu’il était décidé à ne plus les revoir. Mais telle n’était point l’intention de Marc, comme on le verra par la suite.