Le Cratère/Chapitre XXV

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Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne, Perrotin, Pagnerre (Œuvres, tome 29p. 312-321).
CHAPITRE XXV.


Sous la hache du blanc, dépouillée et tremblante
La forêt crie et tombe, — esclave obéissante,
La terre, pour le blanc prodigue de faveurs,
Lui livre ses moissons, et ses fruits et ses fleurs.
Paulding



Un pareil succès ne pouvait qu’ajouter à l’ardeur des colons pour une pêche qui était tout à la fois une source intarissable de plaisir et de profit. Ce fut bientôt un engouement universel qui gagna même les paisibles habitants du Pic, et Brigitte avait peine à comprendre qu’on quittât les délicieux ombrages de l’Éden, et ces vergers, chargés des plus beaux fruits, pour aller sur l’Océan braver un soleil ardent, et risquer sa vie à la poursuite d’une baleine. Mais un colon se serait cru perdu d’honneur s’il n’avait pas pris part à cette chasse si pleine d’intérêt et d’émotion, et le gouverneur comprit qu’il risquait de déchoir dans l’opinion publique s’il ne se signalait pas à son tour par quelque coup d’éclat.

Il semblait tout naturel que les hauts fonctionnaires de la colonie, Heaton, le ministre, et les deux jeunes frères du gouverneur, qui exerçaient des fonctions purement civiles, fonctions qui les obligeaient à une vie sédentaire, ne prissent point part à ces dangereux divertissements : ils avaient la main trop délicate pour manier convenablement l’aviron. Mais le gouverneur était un marin du premier ordre ; et, sans le dire, on s’attendait à le voir un jour ou l’autre frapper une baleine. Cette attente ne fut pas trompée. Avant la fin de la saison, le gouverneur était sorti quatre fois sur une des chaloupes de l’État, et chaque fois un monstrueux cétacé était tombé sous sa lance. Il n’en fallut pas davantage pour porter au plus haut degré l’enthousiasme des esprits ; ce fut à qui marcherait de plus près sur ses traces glorieuses ; de simples enfants demandaient à grands cris à être emmenés. Les Kannakas, qui faisaient partie des équipages, gagnèrent sensiblement dans l’opinion publique. Enfin, ce fut dans cette colonie, et non pas à Nantucket, comme on l’a supposé par erreur, que prit naissance la coutume qui ne permettait pas à un jeune homme de conduire la danse s’il n’avait pas tué sa baleine.

Les bâtiments ordinaires se trouvèrent bientôt insuffisants. La Jeune Poule venait de partir pour Hambourg avec un chargement de dix-sept cents barils d’huile. On s’arrachait les embarcations, et il fut décidé qu’on construirait deux bricks de cent quatre-vingts tonneaux. Six mois après, le Dragon et le Jonas étaient mis à l’eau ; mais dans l’intervalle l’ouvrage ne chômait pas, et Betts, en particulier, avait réalisé des profits si considérables qu’un jour il vint trouver son ami le gouverneur qui était à son bureau dans la salle d’audience de la Maison Coloniale. Il est bon de dire que le premier magistrat occupait alors une suite d’appartements dont l’ameublement et la décoration auraient été remarqués même à Philadelphie. L’île Rancocus fournissait un bois très-facile à travailler, et qui avait des veines admirables, et l’on en avait fait des meubles ravissants. Jamais un bâtiment n’était revenu de Chine sans rapporter au gouverneur des tables et des chaises en laque, des nattes du tissu le plus fin ainsi que des porcelaines de tout genre. Brigitte avait disposé tout cela avec le goût qui la caractérisait, et le gouverneur avait le faible de tous ceux qui viennent de s’enrichir : il aimait à s’entourer de toutes ces inventions délicates de la civilisation. C’était en même temps relever l’importance de ses fonctions aux yeux de ses administrés.

— Entrez, capitaine Betts, entrez, Monsieur, et veuillez vous asseoir, dit le gouverneur en présentant un siège à son vieil ami. Vous êtes toujours le bienvenu ici, car je n’ai pas oublié le temps passé, mon camarade !

— Merci, gouverneur, merci. Tout est diablement changé ici, depuis quelque temps ; il n’y a que vous qui soyez toujours le même. Pour moi, vous êtes toujours monsieur Marc et monsieur Woolston, comme au temps où je vous apprenais à distinguer un « nœud de vache » d’une « gueule de raie. »

— Et Marthe n’est pas changée non plus, je suppose ; un peu plus d’embonpoint peut-être que lorsque vous l’avez connue pour la première fois, mais toujours le cœur aussi jeune qu’à seize ans n’est-ce pas ?

— Oui, gouverneur. Voyez-vous ? Marthe a beau avoir quatre enfants à l’heure qu’il est, c’est toujours la Marthe d’autrefois, comme mistress Woolston est toujours la belle et fraîche miss Brigitte. Savez-vous que cela fait honneur au climat, gouverneur ?

— Il est vrai, ma femme se porte à merveille, mais, au surplus, comme toutes les femmes de la colonie. L’air est excellent, et tout prospère ici. Savez-vous que, d’après le rapport de M. le secrétaire, il est né ici près de deux cents enfants, sans compter ceux qui sont venus avec leurs parents, deux cents enfants du Cratère ?

— C’est un joli début, gouverneur, et qui promet pour l’avenir de la colonie, lorsque nous autres nous ne serons plus que de vieilles carcasses reléguées au chantier.

— Où est le temps où nous aurions été bien heureux d’avoir un toit pour nous couvrir, et où quelques herbes marines et un peu de limon étaient des trésors pour nous ! Il y a de quoi être reconnaissants envers qui de droit, et j’espère que vous ne l’oubliez pas plus que moi, Betts ?

— C’est ce que je m’efforce de faire gouverneur, quoique nous soyons toujours tentés de croire que nous méritons ce qui nous arrive, pourvu que ce ne soient pas des revers. Marthe surtout, y pense pour nous deux, et suit les préceptes des Amis. Pour moi, c’est plus difficile, parce que j’ai commencé tard, comme vous savez.

— Oui, vous avez raison, les semences qui viennent le mieux sont celles qui sont confiées de bonne heure à la terre. Mais nous avons payé trop cher les leçons de l’expérience pour ne pas en profiter.

— Soyez tranquille, gouverneur, je marcherai droit. Mais je m’aperçois que je vous fais perdre votre temps, qui est trop précieux pour que j’en abuse comme autrefois. Venons au but de ma visite. Je vous félicite des deux nouveaux bricks que vous venez de mettre à l’eau.

— Merci mon ami ; est-ce que votre visite a rapport à l’un de ces bricks ?

— Précisément : je me suis pris d’amitié pour le Dragon, et m’est avis que je voudrais l’acheter.

— L’acheter, y pensez-vous ! savez-vous qu’il est d’un prix considérable, huit mille dollars environ ? Où trouveriez-vous cette somme ?

— En espèces, ce serait difficile ; mais, si de l’huile vaut de l’argent, j’ai trois cents barils tout prêts, et cent, entre autres d’une qualité supérieure.

— Eh ! bien, tope, capitaine Betts, j’achète votre huile, et vous aurez le brick. Je suis charmé qu’il passe entre les mains d’un vieux camarade.

— Entre nous, gouverneur, ne croyez-vous pas qu’à la course il est capable de battre le Jonas d’un demi-nœud ? c’est mon impression à moi.

— C’est aussi la mienne, bien que je n’aie pas voulu la manifester, pour ne pas décourager les constructeurs du Jonas.

— Eh ! bien me voilà sûr de ne pas m’être trompé ; car vous avez un coup d’œil auquel on peut se fier, et le Dragon ne s’endormira pas entre mes mains, je vous en réponds !

Cette importante acquisition augmenta encore la considération dont Betts jouissait dans la colonie. Le brick justifia la bonne opinion qu’on avait conçue de lui. À ses qualités réelles vint se joindre bientôt une réputation de bonheur qui ne nuit jamais, et que chaque nouvelle croisière vint confirmer. Betts se voyait presque au moment de battre monnaie.

Le Jonas fut vendu à une société de négociants. La Marthe, reprise à Betts, commença à faire un service régulier, d’île en île. Deux fois par semaine, elle allait du Récif à l’Anse Mignonne, et, tous les quinze jours, à l’île Rancocus. Elle était chargée du transport des lettres.

Une loi relative au service de la poste fut rendue par le conseil et approuvée par le gouverneur. Ce n’était pas dans une société si simple et si pratique que les théories alambiquées sur les droits de l’homme pouvaient venir se jeter à la traverse de règlements qui étaient d’une utilité tout à fait incontestable pour le public.

Ce fut peu de temps après l’organisation de ce service, qui fut accueillie comme un bienfait, que le gouverneur, accompagné des principaux fonctionnaires, résolut de visiter tous les établissements de la colonie, afin de dresser une statistique générale et surtout d’avoir des données sur les lois qu’il pourrait être utile d’établir. Comme c’était en même temps un voyage de plaisir, les femmes furent de la partie, et nous nous proposons de suivre aussi les voyageurs pas à pas, puisque ce-sera un moyen de nous tenir nous-mêmes au courant des progrès qui avaient pu se réaliser.

La Marthe, qui appartenait au gouvernement, avait naturellement été choisie pour ce voyage. Elle partit de l’Anse Mignonne vers huit heures du matin, ayant à bord dix-sept passagers, sans compter deux ou trois colons qui allaient à l’île Rancocus pour affaires personnelles. Le sloop ne s’y rendit pourtant pas en ligne directe ; il commença par gouverner vers le volcan qui semblait n’avoir plus la même activité, et que le gouverneur était bien aise d’examiner de près. C’était un fin voilier, et la Marthe eut bientôt jeté l’ancre dans une petite baie, sous le vent de l’île.

C’était la première fois depuis son existence qu’on faisait l’ascension du Cratère. Les cendres et les scories s’étaient accumulées à la base en bien plus grande quantité qu’à la première, visite du gouverneur, et la lave commençait à couler en deux ou trois filets. L’île pouvait avoir alors deux milles de diamètre, et comme elle était à peu près ronde, six milles environ de circonférence. Le Cratère lui-même avait un demi-mille de diamètre, et il s’élevait alors de mille pieds au-dessus de la mer. Au centre de cette vaste vallée, les feux souterrains s’étaient frayé trois issues plus petites. De temps en temps, à un murmure sourd et prolongé succédait un sifflement aigu, semblable au bruit que fait la vapeur comprimée en s’échappant, puis on entendait une détonation accompagnée de fumée, et des pierres étaient lancées à une grande hauteur, puis retombaient dans la vallée. Mais ces explosions devenaient de moins en moins fréquentes.

Le résultat de toutes ces observations fut d’amener la conviction, que ces passages ouverts à la fermentation intérieure de la terre allaient bientôt se fermer, et qu’elle chercherait sans doute à se frayer une autre issue. Brigitte et Marthe n’avaient pas hésité à accompagner leurs maris dans cette ascension ; elles se trouvèrent récompensées de leur peine, et elles déclarèrent l’une et l’autre que les beautés comme les terreurs de ce lieu mémorable resteraient à jamais gravées dans leur mémoire.

En quittant le volcan la Marthe se dirigea vers l’île Rancocus, où elle arrivait au coucher du soleil. Elle jeta l’ancre dans le havre ordinaire et tous les passagers mirent pied à terre. Le fort était toujours gardé, dans l’intérêt du petit nombre d’habitants qui demeuraient dans l’île, quoiqu’une visite des Indiens fût peu à craindre. À l’exception des Kannakas qui étaient employés sur les différents bâtiments, de la colonie, aucun Indien ne s’était montré dans ces parages depuis le jour où le jeune Ooroony avait amené lui-même cinq cents travailleurs. Le nombre et la force des navires des blancs semblaient leur assurer pour jamais la domination de ces mers.

La population de l’île Rancocus n’était que de cinquante âmes, compris les femmes et les enfants. Veiller au moulin, tailler des planches de toutes sortes, faire des briques et de la chaux en quantité suffisante pour les besoins des deux autres îles, telles étaient leurs occupations régulières. Le sol eût été assez fertile, mais on ne songeait pas à le cultiver ; la Marthe apportait chaque semaine les fruits et les légumes dont on pouvait avoir besoin. Les visiteurs s’informèrent de la situation des troupeaux qu’on avait lâchés en liberté dans les pâturages. Tout croissait et prospérait à faire plaisir et l’on prévoyait même un temps où il faudrait faire une chasse générale pour arrêter cette exubérance de population, surtout en ce qui concernait les porcs.

De l’île Rancocus la Marthe se rendit au Récif, qui fut inspecté dans toutes ses parties. Le système adopté par le gouvernement de la colonie, relativement à l’extension des établissements, était bien différent de celui qui se pratique en Amérique, où la population se dissémine sur une surface immense, ce qui rend les progrès de la civilisation rapides, mais très-imparfaits. Si les habitants des États-Unis étaient concentrés sur la moitié du territoire qu’ils occupent aujourd’hui il est hors de doute qu’ils seraient plus heureux, plus puissants, plus civilisés et moins grossiers dans leurs manières et dans leurs sentiments, bien que ce soit un crime de haute trahison de laisser soupçonner qu’ils ne soient pas arrivés au plus haut point de la perfection dans tous les genres. Mais il y a un juste milieu à garder dans l’accumulation de la population ; Marc Woolston avait étudié avec profit ce qui se passe en Europe, et la pratique était d’accord avec la théorie pour lui démontrer ce que toute force gagne à être concentrée. Aussi avait-il décidé que les habitations seraient groupées les unes près des autres. Quelques exceptions avaient dû être faites sur trois ou quatre points, à cause surtout de la pêche de la baleine. Le plus considérable de ces établissements isolés était la baie, des Baleiniers, où s’étaient formés des ateliers de construction, de cordages, de serrurerie, etc. Il y avait sur ce point une cinquantaine d’habitations, dont un tiers environ étaient des fermes. Tout y dénotait l’activité, et il s’y faisait un commerce d’huiles considérable.

Le Rancocus était de retour de Hambourg, où il s’était défait de sa cargaison aux prix les plus avantageux, et il était dans la rade s’occupant déjà de faire un nouveau chargement de l’huile qui avait été préparée pendant son absence. Saunders était d’une activité qui tenait du prodige ; et mistress Saunders, qui était venue au-devant de lui, ne se lassait pas de montrer aux autres femmes de la Baie les charmants cadeaux que son mari lui avait rapportés.

Au Récif proprement dit, la petite ville, construite avec beaucoup de goût sur un plan uniforme, offrait un charmant aspect. Depuis que les opérations relatives au commerce de l’huile avaient été transportées à la Baie, l’ordre et la propreté avaient reparu dans ses rues et dans tes promenades publiques. À voir la fraîcheur des jardins, on n’aurait jamais pu croire qu’ils avaient pour couche première de la lave solide. Ils étaient alors en si grand nombre, que la ville semblait reposer sur un lit de verdure. Les rues étaient étroites, comme elles doivent l’être dans les climats chauds, pour donner de l’ombre et pour augmenter le courant d’air ; mais, par derrière, il y avait de l’espace pour aérer les bâtiments. Le nombre des habitations était alors de soixante-quatre, et, en comprenant les édifices publics, les magasins, boutiques, etc., de plus de cent. Toutes les maisons, sans exception, avaient des espèces de verandas, entourées de vigne-vierge et de plantes grimpantes, qui offraient des retraites délicieuses pendant les heures les plus chaudes de la journée.

La source la plus abondante avait été mise à contribution pour fournir de l’eau à toutes les maisons. On avait employé pour cela un procédé très-simple, en se servant de manches à vent, puis de conduits en bois qui traversaient les jardins.

En dehors de la ville, un système régulier avait été suivi pour développer la culture : dès qu’on avait besoin de pierres, on faisait sauter le roc, en ayant soin seulement de laisser un quai sur le bord de l’île. Quand il y avait une excavation suffisante, ou la remplissait de toutes les substances qui pouvaient contribuer à former le sol ; aussitôt on plantait, on ensemençait ; et déjà la distance qui séparait la ville du Cratère, et qui était d’un quart de mille, était une riante promenade, entourée d’arbustes et de gazon.

Quant au Cratère même, c’était là que la végétation déployait surtout toutes ses richesses. Le Sommet était couvert, sur quelques points, de bouquets d’arbres à travers lesquels on avait ménagé des percées sur des tapis de verdure aussi frais, toute l’année, que si l’on eût été à vingt degrés plus loin de l’équateur. Kitty, suivie d’un nombreux troupeau de descendants, y avait alors ses grandes entrées, et semblait y régner en souveraine. La plaine était devenue le jardin commun de la colonie. Chaque habitant était taxé à tant de journées de travail, moyennant quoi il avait une quantité déterminée de fruits et de légumes et les produits étaient si abondants qu’ils suffisaient, et au delà, à la consommation générale.

Nous avons déjà mentionné l’établissement de Dunks. Il y en avait un semblable à la baie de l’Est. C’était là que Marc était parvenu à gagner la pleine mer en s’engageant dans une passe étroite, et à peine visible ; et cette passe était devenue la route habituelle des pêcheurs, qui trouvaient très-commode de remorquer les baleines dans ce grand bassin, et de les dépecer. C’était ce qui avait donné naissance à cet établissement, qui commençait à prendre un air de civilisation.

À la baie de l’Ouest était une sorte de station navale pour observer les habitants des îles voisines. Sur ce point, il n’y avait qu’une ferme, une petite batterie qui commandait la rade, et une maison fortifiée qui était en même temps une taverne.

La population vraiment agricole s’était établie le long des différents canaux qui avoisinaient le Récif, à une lieue de distance. Un sentier, praticable pour les chevaux, conduisait d’une ferme à l’autre, mais les canaux étaient le grand moyen de communication, et ils étaient sillonnés continuellement par des bateaux.

La tournée se termina au Pic. Il méritait si bien le nom d’Éden par les beautés pittoresques que la nature y avait rassemblées, qu’il restait peu de chose à faire à la main des hommes. Les maisons, toutes en pierres, étaient peu élevées et n’occupaient pas un grand emplacement. Celle du gouverneur, qui était sa propriété privée, faisait seule exception. C’était là le séjour habituel de Brigitte, parce qu’il semblait convenir le mieux pour les enfants. L’air y était si pur et si frais que deux écoles y avaient été fondées, mais le gouverneur eut grand soin qu’on n’y enseignât que ce qui était véritablement utile, et l’amour de Dieu avant toutes choses. Il savait trop bien quel fléau c’est partout que les demi-savants, et il ne voulait pas en infecter sa colonie naissante.

Tel était, en résumé, l’état de la colonie à l’époque où nous sommes parvenus maintenant. Tout semblait aller à merveille. La Jeune Poule était arrivée, avait déposé sa cargaison pour en prendre une nouvelle, et elle venait de repartir emportant jusqu’au dernier baril d’huile. Tous ceux qui étaient intéressés dans la pêche de la baleine étaient dans la jubilation ; ils faisaient d’excellentes affaires, et leur ardeur n’en était que plus vive. En un mot, la colonie semblait avoir atteint le plus haut degré de prospérité, position toujours critique pour les États comme pour les individus, puisque c’est souvent alors qu’ils sont le plus près de leur ruine.