Le Croyant/LI

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Despret frères (p. 72-73).

Lorsque sur l’océan plane la froide brume,
Dans les champs de l’espace une étoile s’allume,
Et ses rayons amis qui tremblent sur les flots,
Ramènent l’espérance au cœur des matelots ;
Mais, hélas !… tout à coup l’étoile s’est éteinte ;
Le ciel s’est revêtu d’une funèbre teinte ;
En la voyant pâlir, le marin consterné,
Au cruel désespoir se sent abandonné :
Ainsi, quand disparut l’étoile de la Reine,
Qui sur nous épanchait sa lumière sereine,
Le Belge fut en proie au chagrin soucieux ;
Mais l’astre de son fils se levait dans nos cieux ;
Espoir de la patrie, un jour, de nos nuits sombres,
Ses rayons bienfaisants dissiperont les ombres.

Quand ce prince chéri plus tard nous régira,
Par sa piété sainte il nous réjouira,
Et, comme Éliacin élevé dans le temple,
Aux monarques du monde il servira d’exemple.
De son illustre mère ardent imitateur,
De son père il aura la sagesse et le cœur ;
Et si l’Europe, en proie aux passions serviles,
Déplorait le malheur des discordes civiles,
Ainsi que Léopold, frères, autour de vous,
De l’orage il saurait conjurer le courroux !
Les peuples, contemplant la Belgique prospère :
» Ce prince, diront-ils, est digne de son père ;
» Il est de l’indigent le protecteur, l’ami ;
» Par la postérité son nom sera béni. »

Alors ton souvenir, Louise, ô noble femme,
Venant les visiter et recréer leur âme,
Ils se rappelleront, ô Reine, que c’est toi
Qui sus par ton exemple inspirer ce bon roi.
Dès ses plus jeunes ans, mère pieuse et tendre,

Au milieu de ses jeux, tu sus lui faire entendre
Combien la vérité, les vertus ont d’appas,
Que seules elles font le bonheur ici-bas.


Lorsque tu traversais notre vallon de larmes,
Sur les jours de ton fils pour répandre des charmes,
Tu savais évoquer l’ombre de Saint Louis,
Qui venait rayonner à ses regards ravis.
Il se rappellera la forêt de Vincenne,
Et les vastes rameaux de ce célèbre chêne
Où, sous l’ombrage frais, venait siéger ce roi
Qui des tyrans du peuple était jadis l’effroi ;
Là, d’un seigneur hautain confondant la malice,
Aux manants opprimés il rendait la justice.
Ce jeune prince aura sa foi, sa charité ;
Avec lui régnera l’heureuse Liberté,
Non cette Liberté farouche, ensanglantée,
Qui longtemps désola l’Europe épouvantée ;
Cette femme au sein nu, qu’entourent des flatteurs,
Et l’échappé du bagne et de sots novateurs,
Liberté digne au plus de s’appeler Licence :
Mais la vierge au front pur qui défend l’innocence ;
La sœur de la prudence et des doux sentiments,
Qui rend prospère un peuple et calme ses tourments ;
De tous les malheureux c’est l’ange tutélaire ;
C’est la fille du Christ, du Sauveur de la terre ;
La fille de Celui qui, le premier, planta
L’arbre de Liberté, sur le haut Golgotha !
C’est elle, en ma jeunesse, elle que j’ai rêvée ;
Elle par qui mon âme est encor captivée ;
Le Belge la révère, il l’aimera toujours ;
Pour elle il donnerait le dernier de ses jours ;
Le fils de Léopold a grandi sous son aile ;
À ses enseignements il restera fidèle.

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