Le Croyant/XIII

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Détournons nos regards d’un tableau lamentable ;
Accordons notre luth sur un ton plus aimable.
Des vallons et des bois célébrons les attraits,
Et l’onde murmurant sous des ombrages frais ;
Dans nos riants jardins, où l’abeille bourdonne,
Le printemps a tressé sa brillante couronne.
Nous avons vu les maux de nos Flandres en pleurs,
Dissipons nos regrets dans nos vallons en fleurs ;
D’un bonheur sans remords ils nous offrent l’image ;
En ville est le plaisir, la paix est au village.
Le soleil, qui sourit à l’horizon lointain,
Colore les coteaux des flammes du matin ;
Le berger vigilant guide vers la campagne
Les joyeuses brebis, que le chien accompagne ;
La poudre sous leurs pas s’élève en tourbillon ;
Déjà le laboureur trace un premier sillon.
Du temple du hameau le vieux vitrail scintille ;
De son svelte clocher la croix d’or dans l’air brille ;
Au voyageur lassé souvent il rend l’espoir,
Lorsqu’à travers la brume il apparaît le soir.
Non loin est le séjour d’un vénérable prêtre ;
Providence du pauvre, il apprend à connaître
Ce Jésus qui mourut pour nous rendre immortels,
Et tous les jours expire encor sur les autels.

Ici s’offre l’école ; une cloche argentine
Appelle en cet instant la jeunesse mutine ;
Abandonnant ses jeux, cet essaim pétulant
Vers d’utiles plaisirs s’élance bruyamment.
Suivons-le ; contemplons ces faces rubicondes ;
Voyez tous ces enfants aux chevelures blondes.
À genoux sur leurs bancs, graves, silencieux,
Au Créateur du ciel ils adressent leurs vœux ;
L’ange qui les défend tous les jours sur la terre,
Aux pieds de l’Éternel va porter leur prière.
Que leur meilleur ami, que leur instituteur
Sache leur conserver l’innocence du cœur !…
Ah ! que toujours du Christ la morale l’inspire !
Que dans tous ses discours la sagesse respire,
Et que grandisse encor son noble dévoûment !
Incrédules, pour vous ce serait un tourment
De consumer vos jours en ce réduit humide,
Où toujours recommence un labeur insipide ;
D’y respirer un air de miasme infecté ;
Mais lui, dans cet asile il garde sa gaîté.
Au plus affreux séjour, en ce vallon de larmes,
Le Seigneur sait donner, quand il lui plaît, des charmes :
L’anachorète en trouve au milieu des déserts ;
Le marin qui naguère en traversant les mers,
Disputait sans espoir sa vie à la tempête
Qui déchirait sa voile et grondait sur sa tête,
Regrette dans le port les flots de l’océan ;
Le mineur, englouti dans un gouffre béant,
Sent quelquefois des pleurs humecter sa paupière
Quand du jour il revoit la limpide lumière ;
Ainsi l’instituteur, dans ce réduit obscur,
Trouve en ses dégoûts même un plaisir noble et pur.
Bienfaiteur du village, il nourrit l’espérance
Que sa pieuse tâche aura sa récompense.
Ce consolant penser, qui lui sourit toujours,
En ranimant son cœur vient embellir ses jours.

Frères, nous avons fait une loi bienfaitrice,
Une loi destinée à combattre le vice,

À détruire l’erreur, mère de tous les maux,
Et l’incrédulité, le plus grand des fléaux ;
Mais, si loin de l’école on repoussait le prêtre,
Le malheur en tous lieux s’érigerait en maître :
Si de la terre, hélas ! jamais fuyait la foi,
Qui pourrait contempler l’avenir sans effroi ?
Voyez ce beau pays, la France infortunée ;
Par son impiété la voilà condamnée
Sans relâche à lutter contre les novateurs
Qui faussèrent l’esprit de ses instituteurs ;
Ceux-ci, méconnaissant leur mission sublime,
Ont fait de leur école une école de crime :
Loin de les détourner de funestes penchants,
Ils égarent le cœur des candides enfants.
Mais vous, instituteurs de ma patrie aimée,
Votre âme par la foi toujours est animée ;
Le père de famille en vous met son espoir,
Vous êtes les amis de l’ordre et du pouvoir.
Et par vos soins toujours nous verrons la Belgique
Offrir aux nations le tableau magnifique
D’un peuple qui révère et le Ciel et les lois,
Et qui vit libre et fort sous le sceptre des rois.


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