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Le Désespéré/51

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A. Soirat (p. 259-271).


LI


Le lendemain, Marchenoir et Leverdier se retrouvaient, à cinq heures, au café Caron, à l’angle de la rue des Saints-Pères et de la rue de l’Université, en face de l’une des quarante mille succursales du Mont-de-Piété littéraire de Calmann Lévy. C’est un café de vieillards vertueux, qui paraît avoir voulu remplacer, dans ce quartier, l’ancien café Tabouret, inconnu de la génération nouvelle, où s’abreuvèrent, autrefois, tant de pinceaux et de porte-plumes illustres dont le nom même, depuis dix ans, est parfaitement oublié. Les deux amis se donnaient quelquefois rendez-vous dans ce café qu’ils préféraient à tout autre, à cause du parfait silence observé par les trois ou quatre journalistes centenaires qu’on est toujours assuré d’y rencontrer, et qui forment incompréhensiblement la base essentielle des opérations commerciales de l’établissement.

Leverdier, venu le premier, vit arriver Marchenoir, tel qu’il l’avait quitté quelques heures auparavant, pâle et mélancolique, mais visiblement détendu. La présence réelle de Véronique, si changée que fût la sainte fille, avait suffi pour pacifier le malheureux homme.

— Je me fais à ce nouveau visage, dit-il après un moment. Elle est belle encore, notre Véronique. Tu la verras bientôt du même œil que moi, cher ami. La première impression a été terrible, j’ai cru que j’allais mourir. Puis, je ne sais quelle vertu est sortie d’elle, mais il m’a semblé qu’un dôme de paix descendait sur nous. En un instant, toute angoisse a disparu et je pense que mes larmes ont emporté d’un seul coup toutes mes douleurs, tandis que je sanglotais sur elle, hier matin, la tenant dans mes bras. Aussitôt après, tu le sais déjà, j’ai dormi vingt heures pour la première fois de ma vie. C’était à croire que je ne me réveillerais jamais… Et quel sommeil du Paradis, rafraîchissant, béatifique, sans rêves précis, sans visions distinctes, lucide pourtant, à la manière d’un crépuscule de vermeil réfracté dans les eaux limpides d’un lac, au fond duquel s’ouvriraient les yeux ravis d’un plongeur ! J’ai eu comme la sensation confuse, délicieusement indicible, à la fois spirituelle et physique, d’être immergé dans une crique lunaire comblée de mes pleurs… À mon réveil, j’ai tout de suite rencontré le magnifique regard de ma chère sacrifiée qui jubilait de me voir dormir ainsi, et son aspect ne m’a causé ni surprise, ni douleur, mais, au contraire, une sorte d’attendrissement très doux, composé, j’imagine, de pitié fraternelle et d’enthousiasme religieux fondus ensemble en un seul transport intérieur, absolument chaste ! … Te rappelles-tu, Georges, ces mystérieux oiseaux qui nous firent tant rêver, un jour, au jardin d’acclimatation, et qu’on nomme exactement colombes poignardées, à cause de la tache de sang qu’elles portent au milieu de leur gorge blanche ? Nous fûmes très étonnés, tu t’en souviens, de ce pléonasme inouï de symbolisme, en l’exceptionnelle créature qui ne se contente pas de signifier l’Amour et qui s’ingère, par surcroît, d’en afficher le stigmate. Eh bien ! Véronique sera ma colombe blessée, telle que je l’ai vue ce matin, dans la surnaturelle clarté de mon âme renouvelée par la vertu de son sacrifice… Mais voilà que je fais des phrases et tu as, sans doute, beaucoup à me dire. L’as-tu découvert, enfin, ce trafiquant de laitance humaine ?

— Beauvivier ! oui, je le quitte à l’instant, répondit en riant Leverdier. Ce dernier mot me rassure plus que tout le reste, mon cher Caïn. Si tu retrouves ta verve méchante, nous ne sommes pas près de te perdre. Furieux de l’avoir manqué hier et ne me souciant pas de droguer indéfiniment dans sa boutique, j’avais mentionné sur ma carte, que je venais de ta part… J’ai été reçu immédiatement. Mon ami, l’affaire est sûre. Le Basile a besoin de toi. Beauvivier ne s’est même pas donné la peine de me le cacher. Au fond, j’ai cru démêler que tu étais surtout nécessaire, en ce moment, pour évincer quelqu’un, Loriot, peut-être, dont il m’a parlé incidemment, comme d’une ordure des plus encombrantes, mais d’un balayage instantané fort difficile, ayant été fientée par le trop copieux défunt, avec une attention particulière. Mais cela même est d’un bon augure.

Personnellement, je connais très peu Beauvivier, que j’ai vu aujourd’hui pour la troisième fois. Mais j’ai des informations. C’est le plus infâme des hommes et, pour tout dire, sa bienveillance est plus à craindre que son inimitié déclarée. C’est une espèce de Judas-don Juan, mâtiné d’Alphonse et de Tartufe. Sa vie est un tissu d’abominations et de trahisons. On est forcé de se désinfecter au phénol, comme un cadavre, quand on a été regardé par lui. Eh ! bien, il paraît que cet être a, néanmoins, une qualité, la plus rare en ce temps-ci. Il aime la littérature, et voilà ce qui le rachète. Peut-être a-t-il réellement le projet d’élever un peu la rédaction du Basile que Magnus avait abaissée jusqu’à lui, c’est-à-dire au-dessous de tout. — « J’ai lu tout ce que M. Marchenoir a écrit, m’a-t-il dit, je ne lui connais pas de supérieur, à l’heure actuelle, et je lui vois très peu d’égaux. C’est un grand écrivain, d’une originalité déconcertante. Je vous prie de lui répéter mes paroles. Je considère que le Basile ne peut être qu’honoré de sa collaboration et je la sollicite. J’aurais certainement couru moi-même jusqu’à son domicile, si je l’avais cru de retour. Je sais qu’on s’est mal conduit avec lui dans le journal, quand je n’y commandais pas. Je veux réparer cette injustice en donnant à votre ami carte blanche, etc., etc. » Prenons qu’il n’y ait de vrai que le quart de toutes ces merveilles, ce serait encore excellent et, quels que puissent être les dessous, il a fallu, tout de même, un sacré besoin de tes services pour faire sortir un tel boniment de cette gueule prudente !…

— Quelle a été la fin de cet entretien ? demanda Marchenoir.

— La plus nette possible. Marchenoir, lui ai-je dit, est extrêmement fatigué de son voyage et vous sera très obligé de lui faire crédit de quelques jours. M’autorisez-vous, cependant, pour gagner du temps, à lui dire de préparer, dès aujourd’hui, sans se mettre en peine de vous voir auparavant, un article quelconque ? Dans ce cas, il est nécessaire que je puisse l’assurer de l’insertion, car il a cessé, depuis des années, d’être un débutant et il ne veut plus travailler en vain. D’après ce que je viens d’entendre, le préalable concert, entre vous et lui, du choix d’un sujet, me paraît une formalité des plus inutiles. — « Et des plus injurieuses pour un écrivain de talent, ajoutez cela, monsieur. » Telle a été sa réponse immédiate. « Que l’auteur des Impuissants m’envoie ou m’apporte ce qu’il aura jugé convenable d’écrire. Je donnerai tout de suite son article à la composition et, pour le reste, qu’il veuille bien le croire, nous nous entendrons toujours. Tout ce que je lui demande, c’est de tirer hors du rang et de ne pas mitrailler nos propres troupes. »

— Aïe ! fit Marchenoir. Ce dernier mot me gâte le reste. Depuis que tu as commencé de parler, je l’attendais. Cette recommandation surérogatoire, qui n’a l’air de rien, ressemble à ces insignifiantes clauses jetées indifféremment au bout d’un contrat, en manière de paraphe destiné à vider la plume, et qui suffisent pour tout annuler. Tu devrais pourtant le savoir, mon vieux Georges. Ces gens-là sont la vermine de tout le monde et il est impossible de tomber sur la peau de n’importe qui, sans les atteindre. Or, je suis incapable, ceci est bien connu, de concevoir le journalisme autrement que sous la forme du pamphlet. Que diable veut-on que je fasse, alors ? Je ne peux pourtant pas me mettre à écrire des pastorales optimistes ou des psychologies de potache inspiré, genre Dulaurier !

— Mais, sacrebleu ! reprit Leverdier, tout le monde sait parfaitement ce que tu peux faire, et Beauvivier l’ignore moins que personne. S’il te sollicite, c’est qu’apparemment, il a besoin de ta virilité ou même de tes violences. J’ai trouvé un homme d’une politesse exquise, irréprochable, — une tranche de galantine pourrie, supérieurement glacée, — mais crispé, vibrant de je ne sais quoi. Il est clair qu’il veut étonner quelqu’un ou renverser quelque chose et qu’il prend en location ta catapulte, en vue de produire un effet de démolition ou de simple intimidation que nous n’avons aucun moyen de conjecturer. Qu’importe ? Cette canaille a trop d’esprit pour te demander jamais d’être son complice. Mais tes haines connues peuvent le servir à ton insu. Il arrivera, pour la millionième fois, que l’indignation d’un honnête homme aura favorisé les combinaisons d’un scélérat. Qu’importe encore ? La Vérité est toujours bonne à dire, n’y eût-il que Dieu pour l’entendre, puisqu’alors on l’appellerait Lui-même par un de ses noms !

Le résultat de cette conversation fut ce qu’il devait être. Les deux amis cherchèrent ensemble un sujet d’article. Marchenoir, sans objection dirimante, mais doutant infiniment de ces crises d’énergie qui secouent parfois le stérile figuier du journalisme, — pour l’invariable déception des chevaliers errants qui attendent faméliquement, sous son ombrage, la tombée des fruits, — décida, malgré les représentations de Leverdier qui aurait voulu qu’on allât moins vite, d’offrir, comme début, un article d’une véhémence inouïe.

— S’il passe, dit-il, renvoyant à son ami ses propres paroles, j’aurai l’honneur d’avoir écrit toute la vérité sur l’une des plus complètes ignominies de ce temps. On me glorifiera pour mon courage et les esprits lâches qui ne manqueraient jamais de m’accuser de cynisme, en cas d’insuccès, viendront alors pincer une laudative guitare sous mes gargouilles. S’il ne passe pas, ma situation reste exactement ce qu’elle était auparavant et je n’aurai pas même perdu l’occasion de devenir un heureux drôle, car je serais, dans tous les cas, inhabile à me prostituer. Je dégoûterais le client sans lui donner le moindre plaisir. Beauvivier le sait à merveille, comme tu viens de le remarquer. Il me veut tel que je suis ou pas du tout.

Ne savons-nous pas qu’il est toujours inutile de faire des concessions ? J’ai quelquefois essayé de m’éteindre un peu, dans l’espoir de récolter quelques misérables sous. Je me déshonorais sans parvenir à me faire accepter davantage. Je n’espère pas réussir le moins du monde au Basile. En supposant, une minute, que Beauvivier voulût réellement s’employer pour moi, il serait bientôt surmonté par toute la racaille coalisée de la maison. Ce serait l’aventure renouvelée de cette vieille charogne de Magnus, qui voulut me lancer, lui aussi, l’année dernière, pour de sales raisons que j’ignore, et qui, tout à coup, venant à découvrir que j’étais décidément « un homme haineux », m’en informa, sur-le-champ, par une lettre de congé. Je ne veux point réavaler ces couleuvres. Mon premier et, probablement, mon dernier article, donnera la mesure, la forme et la couleur de tous les autres. Ce sera à prendre ou à laisser.

Leverdier sentait très bien que Marchenoir avait raison. Il aurait fallu à ce corsaire une presse indépendante et littéraire qui n’existe plus en France, où la basse tyrannie républicaine est sur le point d’avoir tout asphyxié. Mais il importait de saisir l’occasion, quand même, fût-ce pour une seule fois et pour l’honneur seul de la justice. D’ailleurs, Marchenoir venait de trouver un sujet pour lequel il s’enflammait déjà. L’artiste et le chrétien dont il était la toute-puissante combinaison, simultanément exultèrent.

— Pourquoi, s’écria-t-il, ne profiterais-je pas de ce premier article, vraisemblablement unique, pour exécuter une effroyable charge sur la littérature et la publicité pornographiques, à l’occasion, par exemple, des affichages récents de la librairie anticléricale ? Tu as, sans doute, remarqué le monstrueux placard, annonçant les Amours secrètes de Pie IX, avec accompagnement du portrait du pontife et d’une série de médaillons, représentant les héroïnes, nommément supposées, de ce crapuleux libelle. Le salisseur de murs dont je demanderais pardon d’écrire le nom, le punais idiot Taxil, est un sous-abject qui ne vaut pas, je le sais bien, qu’on parle de lui, ni même qu’on y pense. Mais quand l’ordure est à son comble, quand ce qui devrait rester honteusement au pied des murs grimpe et s’étale sur les façades ; quand le guano, naguère immobile, devient un ennemi violent, casqué, cuirassé, empanaché et embusqué, pour l’agression lithographique de l’innocence, à chaque détour de nos rues, on est bien forcé de demander compte à toute autorité répressive de cette intolérable sédition de l’excrément !

Il est vrai que ce n’est qu’un crachat de plus sur la face ruisselante d’une société soi-disant chrétienne, qui en a déjà tant reçus et tant supportés. Les peuples, aussi bien que les gouvernements, n’ont jamais que les avanies qu’ils méritent, dans l’exacte mesure de leurs lâchetés ou de leurs crimes, et peut-être que c’est trop beau encore, aux yeux d’une rigoureuse justice, de n’être piétinés que par cet avorton.

Ce qui pourrait casser les bras à la colère, — en admettant la métaphore sans génie de ces inefficaces abatis d’airain, toujours invisibles, — c’est l’indifférence de la multitude. On passe devant l’obscène exhibition sans révolte, sans murmure, sans étonnement. Les pères n’en éloignent pas leur progéniture et trouvent tout simple que la face auguste du Père des pères soit ainsi conspuée pour la joie de quelques vidangeurs matutinaux que cela met en gaillarde humeur. Il y a deux ou trois générations à peine, le bourgeois se fût passionné pour ou contre ces éruptions de l’égout. Aujourd’hui, le même bourgeois, devenu un peu plus bête et un peu plus ignoble, les contemple avec la stupidité du désintéressement. Demain, sans doute, sa boueuse idiotie n’ayant plus de fond, il en sera tout attendri. Il se dira que l’héroïque indépendance d’un cœur brûlant pour la justice, est attestée par le jaillissement de ce pus et qu’il convient d’en arroser les jeunes fleurs écloses de son fertile giron. Nous assisterons, en ce jour, à l’apothéose de Tartufe espérée depuis deux cents ans !

Ah ! que ce sera complet, alors, et que l’hypocrite de Molière fera piètre figure ! Paraître homme de bien en répandant, avec de saints gestes, d’ostensibles actions de grâces au pied des autels, quoi de plus facile, même dans un siècle où la foi religieuse serait presque éteinte ? On aurait toujours pour soi l’inquiétude surnaturelle du cœur de l’homme et son inconsciente vénération pour les porteurs de reliques naïfs ou superbes. Mais obtenir un semblable triomphe en étalant l’ignominie absolue, en contaminant ces mêmes autels, en prostituant les regards de l’enfance, irréparablement déflorée au contact de ces porcheries, c’est un peu plus fort, et le dix-septième siècle est terriblement enfoncé !

Être Léo Taxil ou toute autre voyou de plume, Francisque Sarcey, par exemple, — car le Barnum de l’anticléricalisme ne doit être ici qu’un prétexte, — et ne pas crever sous d’adventices raclées toujours imminentes, maintes fois administrées déjà, sans le reculant dégoût de la trique épouvantée d’une telle approche, c’est fièrement beau, sans doute ! Que sera-ce de se faire adorer sous cette forme, d’y paraître un confesseur de la vraie foi et de s’envoler ainsi, avec des squames de maquereau et des ailes d’or, dans le paradis bréneux des élus de l’admiration républicaine ?… Tel est pourtant l’avenir présagé par l’indifférence universelle pour l’indicible attentat de cet affichage, aussi parfaitement délictueux que pourrait l’être un spectacle public de prostitution !

Eh ! bien, je veux l’évoquer une bonne fois, cet avenir, et le mettre en regard du troupeau de puants scribes qui nous le préparent et que j’assignerai en confrontation. Mon catholicisme n’apparaîtra que très vaguement dans cette étude où je n’ai que faire de le proclamer. On n’aura ni la consolation ni la ressource de me lancer des sacristies par la figure. La circonstance du Pape outragé ne sera que l’occasion d’avertir, bien vainement, je le sais, de la nécessité de désencombrer la voie publique des immondices qui la pestifèrent. Je les appellerai par leurs noms, ces immondices, — comme le Seigneur appela les étoiles, — je les ferai voir dans la plus indiscutable clarté, je dirai qu’un balai sanglant devient nécessaire quand l’administration de la voirie néglige, à ce point, son premier devoir et que tout devient préférable à ce choléra de goujatisme et d’irrémédiable imbécillité, qui menace de précipiter, demain, ce qui reste de la pauvre France dans le plus sinistre pourrissoir de peuple qu’un pessimisme dantesque pourrait rêver !…

Leverdier eût été, peut-être, un homme pratique, sans la rencontre du téméraire qui l’avait orbité, comme un satellite, dès le premier jour. En général, il exhibait tout d’abord quelques objections prudentes, — quelques rossignols d’objections, toujours écartées, — qu’il réintégrait dans le sous-sol de son esprit, aussitôt que Marchenoir commençait à invectiver contre l’univers. Alors, il s’installait volontiers sur l’arête des gouffres et s’offrait à piloter le délire. En cette occasion, il voyait à merveille que la manœuvre décidée par l’incorrigible casse-cou, allait le couler indubitablement. Il fallait, d’avance, renoncer à cette collaboration nutritive, un instant rêvée pour lui au Basile. Beauvivier publierait, peut-être, le coup de boutoir initial et ce serait fini. Mais le moyen de s’opposer à un forcené si éloquent ? C’était l’orgueil de Marchenoir de se couper lui-même par la racine, quand on voulait l’empoter. En conséquence, Leverdier prit son parti, comme toujours, temporisateur inconstant qui s’achevait en outrancier.

— Le sujet est superbe, en effet, dit-il, après un silence. Puisqu’il est décidément impossible de caser dans la presse un homme de ton caractère, ne ménage rien, assomme, égorge, extermine ce que tu pourras de ces lâches canailles, qui sauront toujours assez se venger, par le silence, des écrivains de talent dont la hauteur solitaire les épouvante et qu’ils peuvent sûrement affamer, en leur fermant toute publicité. Ce n’est, certes, pas moi, qui plaidaillerai pour eux. Mais, tout à l’heure, ne viens-tu pas de trouver le titre de ton article ? La Sédition de l’excrément ! Hé !… ce n’est pas trop mal, il me semble. Ta réputation de scatologue ne laisse plus rien à désirer depuis longtemps. Tout le monde est parfaitement certain que les ordures seules te plaisent et que tu es incapable de prendre tes images ailleurs que dans les latrines ou les dépotoirs, — où l’on soupçonne généralement que tu as ta serviette et ton rouleau. Ce titre, par conséquent, n’étonnera personne. Quant à moi, j’avoue qu’il me plonge dans le ravissement !

— Tu as peut-être raison, répondit en souriant Marchenoir. Mais il est temps de partir. Véronique s’est donné quelque mal, je crois, pour nous faire à dîner ce soir. Elle tenait à un repas de famille, comme elle appelle notre réunion, la chère créature. Vaugirard est loin et l’heure très précise. Gardons-nous de la faire attendre. Les deux amis se levèrent à l’instant et partirent.