Voyage de Marco Polo/Livre 3/Chapitre 27
Dans la province de Maabar, qui est la grande Inde, on conserve le corps de saint Thomas apôtre, qui a souffert le martyre en cette province pour l’amour de Jésus-Christ. Son corps repose dans une petite ville où il y a beaucoup de chrétiens et de mahométans, qui lui rendent l’honneur qui lui est dû. Il vient peu de marchands en cette ville-là, parce qu’il y a peu de négoce. Les habitants du pays disent que cet apôtre a été un grand prophète et ils l’appellent Avoryam, qui veut dire « saint homme ». Les chrétiens qui viennent de loin pour honorer son corps emportent avec eux quand ils s’en vont de la terre où l’on dit qu’il a été mis à mort, et en mêlent à la boisson des malades pour leur guérison, croyant que c’est un remède souverain.
Ils disent qu’en l’an 1277 il fut fait le miracle suivant à son tombeau : Le prince, ayant une grande moisson de riz à faire et n’ayant pas assez de place pour le serrer, s’empara de l’église et des maisons qui dépendaient de cette église dédiée à saint Thomas, et y serra son riz malgré ceux qui gardaient ces lieux. Or il arriva quelque temps après que le saint lui apparut la nuit, tenant une verge de fer à la main, et la lui présentant au gosier le menaçait de le tuer, en disant : « Si vous ne sortez au plus tôt de mes maisons, que vous avez témérairement occupées, vous mourrez d’une mort honteuse. » Lorsqu’il s’éveilla, il laissa, suivant le commandement de l’apôtre, son église ; de quoi les chrétiens furent fort consolés et remercièrent Dieu et son saint.