Le Dhammapada/II

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Traduction par Fernand Hû.
Ernest Leroux (Bibliothèque orientale elzévirienne, XXIp. 7-9).

CHAPITRE II




LA VIGILANCE


21 La vigilance est le chemin qui mène à l’affranchissement de la mort, la négligence celui qui mène à la mort[1]. Les hommes vigilants ne meurent pas, les négligents sont déjà comme des morts.

22 Ceux qui savent parfaitement cela, et qui ont appris à être vigilants, — ceux-là se réjouissent de leur vigilance, en marchant avec bonheur sur les traces des Aryas[2].

23 À l’aide de la méditation, de la persévérance et d’une infatigable énergie, les sages atteignent le Nirvâna, la béatitude suprême.

24 L’homme actif, instruit, se conduisant avec pureté et réflexion, continent, vivant selon la Loi, et vigilant, répand un éclat de plus en plus vif.

25 Au moyen du zèle, de la vigilance, de la paix de l’âme et de l’empire sur soi-même, le sage peut se faire une île que les flots n’inondent pas.

26 Les sots, étourdis comme ils le sont, se laissent aller à la négligence. Le sage, au contraire, conserve la vigilance comme le plus précieux des trésors.

27 Ne vous abandonnez point à la négligence, ni à un commerce quelconque avec l’amour et le plaisir. La vigilance et la méditation procurent une grande félicité.

28 Lorsque, grâce à la vigilance, le savant a cessé d’être négligent, il s’élève alors jusqu’au séjour de la Science ; et, de là, joyeux et sage, du même œil que celui qui est sur une montagne regarde ceux qui sont dans la plaine, il regarde la foule affligée et sotte.

29 Vigilant au milieu des négligents, éveillé au milieu des endormis, l’homme intelligent marche, laissant les autres aussi loin derrière lui qu’un rapide coursier laisse un cheval débile.

30 C’est grâce à la vigilance que Maghavan (Indra[3]) est arrivé au rang suprême parmi les dieux. La vigilance est préconisée, la négligence condamnée éternellement.

31 Le Bhixu, qui se complait dans la vigilance, qui voit le danger de la négligence, s’avance pareil au feu, brûlant ses liens, faibles ou forts.

32 Le Bhixu, qui se complait dans la vigilance, qui voit le danger de la négligence, n’est pas capable de manquer jamais à la sainteté, mais est près d’atteindre le Nirvâna.

  1. « La mort » considérée comme l’affligeant prélude de la renaissance.
  2. Arya, le noble, le distingué, le religieux qui est dans la voie du Salut.
  3. Indra, le feu céleste, par opposition à Agni, le feu terrestre.