Le Dhammapada/XIV

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Traduction par Fernand Hû.
Ernest Leroux (Bibliothèque orientale elzévirienne, XXIp. 45-48).

CHAPITRE XIV




LE BUDDHA (L’ÉVEILLÉ)


179 Celui dont la victoire ne devient point une défaite, que nul n’arrive à vaincre en ce monde, ce Buddha, au domaine infini, qui ne suit plus de voie, dans quelle voie l’entraîneriez-vous ?

180 Celui que n’entraîne plus nulle part le désir aux mailles serrées et au poison violent, ce Buddha, au domaine infini, qui ne suit plus de voie, dans quelle voie l’entraîneriez-vous ?

181 Ceux qui, plongés dans la méditation, fermes, se complaisent dans le calme de l’inaction, ces sages, ces savants, arrivés à la bodhi[1] parfaite, les dieux eux-mêmes envient leur sort.

182 Ce n’est point sans peine qu’on vient au monde. Ce n’est point sans peine que vivent les mortels. Ce n’est point sans peine qu’on entend prêcher la bonne Loi. Ce n’est point sans peine que se produisent les Buddhas.

183 S’abstenir de tout mal, faire le bien, purifier sa pensée, tels sont les commandements des Buddhas.

184 « L’indulgence est l’austérité par excellence ; la patience, le Nirvâna par excellence », disent les Buddhas. Celui-là n’est pas un Pravarjita[2], qui fait du mal à autrui. Celui-là n’est pas un Çramana qui fait de la peine à autrui.

185 S’abstenir de paroles mauvaises, et de mauvais traitements, se cantonner dans l’émancipation, être sobre en fait d’aliments, s’asseoir et se coucher à l’écart, se plonger dans la plus profonde méditation, tels sont les commandements des Buddhas.

186 Une pluie d’or n’assouvirait même pas la soif des jouissances. « Peu de douceur, beaucoup d’amertume, voilà leur fait ». Celui qui pense ainsi est un sage.

187 Ce n’est point même dans le désir des jouissances célestes, c’est dans l’anéantissement du désir qu’il place son bonheur, le disciple arrivé à la bodhi parfaite.

188 Les hommes tremblant de peur cherchent un refuge partout, dans les montagnes et dans les forêts, dans les jardins, et sous les arbres consacrés.

189 Ce n’est point là un refuge sûr. Ce n’est point là le refuge suprême. Ce n’est point dans ce refuge qu’on trouve l’affranchissement de toute douleur.

190 Celui qui cherche un refuge dans le Buddha, dans la Loi et dans la Communauté, celui-là voit, avec les yeux de la Science Parfaite, les quatre vérités sublimes :

191 La douleur, l’origine de la douleur, la cessation de la douleur, et la voie sainte aux huit embranchements qui mène à l’apaisement de la douleur.

192 Voilà un refuge sûr. Voilà le refuge suprême. Voilà le refuge où l’on trouve l’affranchissement de toute douleur.

193 Difficile à rencontrer est un homme au-dessus du commun, et cet homme-là ne naît point en tout lieu. Lorsqu’il naît, la prospérité de sa famille s’accroît.

194 C’est un bonheur, quand se produisent des Buddhas. C’est un bonheur que l’exposition de la vraie Loi. C’est un bonheur, lorsque l’accord règne dans la Communauté. C’est un bonheur que les austérités pratiquées dans une semblable communauté !

195 Celui qui vénère ceux qui sont dignes de l’être, Buddhas ou disciples, ceux qui évitent l’erreur, et qui ont traversé le courant douloureux ;

196 Celui qui vénère de tels hommes, désormais affranchis de tout, et sans crainte d’aucune sorte, — celui-là, personne ici-bas ne serait capable d’évaluer ses mérites.

  1. La bodhi, la science parfaite, l’état intellectuel de Buddha.
  2. Pravarjita, qui va de porte en porte (pour mendier). Çramana, qui vit purement.