Le Diable à Paris/Série 2/Le carnaval à Paris

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Le carnaval à Paris

par Gavarni
— Les rats couchés nous sommes venus. — Et… vos petits voisins de l’entre-sol… vous ne les avez pas débauchés ? — Eux ? des poules comme ça ! ça se couche à minuit en carnaval, et puis ça vient vous dire que le carnaval est triste. — Épiciers !

— Parbleu ! si vous deviez les épouser toutes, mauvais sujets ! les oncles n’y suffiraient pas.

— Ni les neveux non plus, mon oncle.

Pus qu’ça d’lorgnon !… Et du pain ? Bojour, ma’ame…

Qu’est-ce ? les gens de qualité se commettent-ils maintenant avec ceux de votre sorte ? Pandour !

Rue Coquenard au cinquième ; une porte jaune. Ton portier fait des chaufferettes et tu joues de la flûte… ainsi !

À sept heures ma fille se lève, le temps de faire ses quinze tours, il est bien huit heures ; faut travailler son piano ; on déjeune à neuf ; à dix, c’est son anglais ; ma fille chante sur les midi et puis sa mère veut qu’elle couse, qu’elle fasse un peu de cuisine, un peu de tout : bon ! la maîtresse de paysage arrive à trois heures et puis nous avons des serins, faut nettoyer ça, les fleurs des pots, n’importe quoi ; les uns et les autres viennent ; arrivent cinq heures et le soir, c’est mosieu Marritou qui lui fait repasser son orthographe. Et après ça vous croyez qu’une jeunesse a beaucoup le temps de s’amuser, vous !

— Tu vois bien la blonde d’Henri, là ! qui parle à ce grand avec une barbe… — Ça !… c’est la femme de Clément… — Eh bien, oui, c’est ça… tu vois, elle va souper avec le petit Russe… Eh bien, mon Nini, Chévrier l’attend au Café Anglais… un si brave garçon !. — Ça n’est pas gentil !

Qui diable ça peut-il être ? — Voyons, mon oncle : Ma cousine Claire a la migraine. Madame d’Astée est en deuil Ma sœur… ma sœur a horreur des bals masqués, d’abord. Madame Debry… Philippe défend à sa femme d’y venir. Ma tante Clémence… — Ta tante est couchée. Mais qui diable ça peut il être ?

— C’est un diplomate… — C’est un épicier… — Non. c’est un mari d’une femme agréable. — Non ! Cabochet, mon ami, vous avez donc bu… que vous ne voyez pas que mosieu est un jeune homme, farceur comme tout, déguisé en un qui s’embête à mort ?

— Il n’est pas ici, madame !

— Il y viendra madame !

Voilà la petite avec le brun qui l’amène toujours le blond qui la ramène toujours va venir.

Veux-tu te sauver, sauvage !
Tenez, Clara, je suis contrarié comme tout ! C’est ma bête de femme qui est partie avec le numéro de mon paletot et ma clef ! À présent faut que j’attende le jour et que j’aille aux Batignolles pour avoir ma clef… Je suis contrarié comme tout !

Réfléchissez, mon cher ange… une couchette de noyer, toute neuve ! et la commode… et quatre belles petites chaises… avec des rideaux jaunes et la flèche… c’est un avenir, ça ! Je ne dis pas, mosieu Cocardeau ! mais j’aime mieux Henri sans rien.

« On désire céder monsieur avec tous les avantages y attachés. S’adresser à monsieur. »

— Voyons ! trente et quinze, quarante-cinq, et dix, trois livres cinq, trois livres sept, trois livres dix-sept… c’est trente sous chacun ; nous n’aurions que dix-sept sous pour les rafraîchissements — … les fiacres et le déjeuner… Cré nom d’un chien ! si le plan n’était pas fermé, encore ! j’ai ma chaîne… cré nom d’un chien !

— Madame, une honnête femme a ses amants et ne prend pas ceux des autres ! — Madame ! — Madame, si je ne me respectais pas, je vous ficherais une drôle de trempée, comme il n’y a qu’un Dieu !

Méfie-toi, Cocardeau ! si tu ne finis pas de t’amuser comme ça, on va te fich’ au violon.

C’est vieux et laid, mon cher, tu es floué comme dans un bois…

… Elle était donc censée garder sa tante Grayet qui tenait le lit depuis les Rois, pour ses fameuses coliques, quand un soir je monte au Grand-Vainqueur pour voir un peu. Qu’est-ce que je vois ?… Mon épouse en garde française !  !  !

— J’ai un mal de tête de chien ! — C’est le champagne. — Ah Dieu ! je… ne bois jamais de vin. — C’est le rhum.

J’ai cancané que j’en ai pus de jambes, j’ai mal au cou d’avoir crié… et bu que le palais m’en ratisse… — Tu n’es donc pas un homme ?

— Prête-moi vingt francs, Guillemain, j’ai le domino rose à déjeuner.

— Je l’ai eu à souper, mon pauvre bonhomme, et je n’ai plus le sou.