Le Diable à Paris/Série 2/Les Enfants terribles
Les Enfants terribles
Papa, empêche donc Françoise de se moquer toujours de moi, parce que je lui dis que M. Ward a montré l’anglais à maman !
Ils t’ont dit de jouer tant que tu voudras dans la salle à manger ? et ta mère t’a donné… quatre sous ?… malheureux !…
Cette madame de Lieusaint est-elle bête ! puisque je suis Charles Dubourg, et que tu es mon papa, tu ne pourrais pas t’appeler Georges Dandin.
C’est vous qu’êtes le grand sec qui vient toujours pour dîner ?… Monsieur, papa n’y est pas.
— Le spectacle, était-ce bien ? et a-t-il été raisonnable. Lolo ?
— Lolo ! ne m’en parle pas… Je dis en entrant : « C’est un enfant de six ans et demi. » Voilà-t-il pas que mosieu s’en va : « Mon papa, j’ai sept ans passés, je ne suis plus un enfant… » Désagréable moutard ! Il m’a fallu payer place entière.
La tante Amélie qui disait l’autre jour à maman, qu’elle t’en ferait voir des grises si tu deviens son mari… Papa l’a fait taire… Des grises, quoi donc, dis ?
Qu’est-ce donc qui l’a inventée la poudre, Monsieur, que papa dit que ce n’est pas vous ?
Grand-papa s’a fiché de petite maman, parce que petite maman s’est fait des tétais avec du coton, na !
— Houp ! houp ! papa… Ah ! mais tu ne fais pas si bien le cheval que Janisset, dame
— Qu’est-ce que Janisset ? un de tes petits camarades ?
— Tu es farce, papa… Janisset, il est un officier des soldats du roi, qui venait tous les jours, tous les jours, tous les jours ici, pendant que tu n’y as pas été !… Houp ! houp !… Et quand il est parti pour l’armée des Bédouins… houp ! houp ! maman a joliment pleuré !… houp… Ah ! comme il faisait bien le cheval, celui-là !…
Adieu, Madame, à bientôt, puisque vous permettez que je vienne ainsi vous ennuyer quelquefois.
Oh ! Monsieur, vous ne m’ennuyez jamais.
Si, Maman, tu as dit, l’autre jour, qu’il était ennuyeux.
C’est pas vrai !… Ô bien ! maman, voilà monsieur Georges qui ment encore !… Maman a dit qu’il était bête et ennuyeux… Voilà.
— Petit Chérubin, j’ai apporté du bonbon pour vous, je vous le donnerai quand je m’en irai.
— Eh bien ! Mosieu, donne-le-moi tout de suite et puis va-t’en.
Maman dit que vous savez tous les secrets de Polichinelle, Mosieu d’Alby ; qu’est-ce qui peut donc lui avoir abîmé le nez comme ça… dites ?
N’est-ce pas, maman que le petit peigne à moustaches que Cornélie a trouvé ce matin dans ta chambre c’est pour moi ?
Oh ! c’est vrai ! t’as les yeux comme les lanternes de ton cabriolet !… Ah bien ! Clémence a joliment raison, par exemple.
Est-ce que c’est vrai Mosieu d’Alby, que tu couperais des liards en quatre ?… Sapristi !… comment donc que tu peux faire ?
N’est-ce pas, mosieu Prud’hom, qu’il ne faut pas mettre un H à omelette ?… là ! vois-tu, m’man !
Maman ! maman ! ce Monsieur du Luxembourg, que tu as dit (tu sais bien) que c’était un grand ami de papa !… il n’a pas salué !… Ah ! par exemple, en voilà un malhonnête !
Après dîner, maman, n’est-ce pas (j’ai été bien sage) ? nous irons chez mon bon ami.
La canne que papa a trouvée dans l’armoire de maman, le jour qu’il était si en colère, elle était bien plus belle que ça !
Mère, est-ce que c’est le crevé de ce matin, que t’as dit que ça serait toujours assez bon pour lui ?
— Petit amour, comment s’appelle madame votre maman ?
— Maman n’est pas une dame, monsieur : c’est une demoiselle.
— Voyons ! faites attention !
- Que doit-on faire lorsqu’on a péché ?
— Quand on a péché ?… Quand on a péché, tiens ! on revient à la Maison-Blanche avec tous les barbillons dans un panier, et ma bonne les mange avec Landerneau : (c’est un grand soldat qui a des bâtons blancs sur la manche)… Moi, j’en mange aussi, tiens !
Si tu touches encore à la bouteille du vin muscat, tu seras bien attrapée, parce que papa a fait une marque au bouchon et une marque au goulot.
… Un petit de la pension qui disait que t’étais renégat ; j’y ai fichu des gifles… N’est-ce pas, père, que t’es catholique ?
La rose que vous avez donnée à maman ?… Ah ! oui, oui !… que vous avez manqué de vous casser le cou pour l’avoir ?… Eh bien ! mon cousin Anatole l’a mise à la queue de Jacobin, l’âne à Mathieu… Maman a joliment ri !… Est-ce que vous en avez encore des noisettes ?
Maman a écrit à mosieu Prosper, et papa a vu la lettre… Oh ! il était joliment en colère, papa !… parce que maman avait fait une faute.
Mais pourquoi donc, monsieur Bachu, que tu viens toujours embêter papa comme ça, pour ta mécanique ?
Tu ne sais pas, petit papa ?… cet animal de Maurice, il n’a fait que faire pleurer maman… qu’est-ce que ça lui fait, à lui, que tu invites monsieur d’Albert à dîner ? tiens !
Ma bonne bisque, va, m’man, de se lever comme ça de bonne heure, depuis que t’es revenue… Dame ! quand tu étais à Arpajon, Amanda mangeait toujours son café dans son lit… c’était papa qui ouvrait au laitier, le matin, et qui allumait le feu… Ah ! mais il était joliment sucré le café !…
… M. Albert ? c’est un monsieur du Jardin des Plantes, qui vient tous les jours pour faire l’explication des bêtes à maman : un grand qui a des moustaches, que tu ne connais pas. Il n’est venu aujourd’hui qu’après qu’on a eu fermé les singes… Tu sais comme est maman, elle l’a joliment arrangé, va !… Oh ! comme tu n’en as presque plus sur le dessus, des cheveux, papa.
Ma tante Amélie le dit que t’es bien gentil, mais que c’est dommage que t’es trop bête…
Dis donc, Miroux… dis donc, Miroux, de quoi donc que madame Miroux te fait porter ?
— Tu ne sais pas ta leçon, ta tante va venir, tu seras grondé !…
— Ah ! oui ! ma tante… elle est avec la grosse femme pour les cheveux… Vous ne savez pas comme c’est long à ôter, vous, ce qu’on met dans les cheveux à ma tante pour qu’ils soient noirs après.