Le Diable au XIXe siècle/XXVII

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Docteur Bataille ()
Delhomme et Briguet (tome 2p. 69-95).

CHAPITRE XXVII

La mancique diabolique : l’astrologie.




Nous voici arrivés à celle des diverses mancies dans laquelle éclate et se déploie tout le machiavélisme de Satan ; je veux parler de l’astrologie. Là, en effet, nous nous trouvons en présence d’un art diabolique qui a toutes les apparences, — rien que les apparences, bien entendu, — d’une science véritable.

L’astrologie est la première manifestation de la magie. Les mages de l’antiquité, ces hauts initiés des époques lointaines, étaient astrologues. Au-dessus et en dehors de la fausse religion que les prêtres de l’idolâtrie enseignaient à la foule, ils avaient, pour eux seuls, une religion secrète, d’un ordre spécial, empreinte d’un certain mysticisme, et le voile qui recouvrait ces mystères diaboliques était la science des astres, laquelle est une vraie science lorsqu’elle est simplement l’astronomie, mais est une tromperie démoniaque lorsqu’elle dégénère en astrologie.

L’astrologie (ou art divinatoire fondé sur l’observation des astres et des phénomènes célestes) se confond donc, dans l’origine, avec la science de l’astronomie, dont elle n’est, je le répète, qu’une application essentiellement diabolique ; car Satan fait croire aux initiés de la magie qu’il a une action, une puissance sur les astres, et qu’il a écrit dans le firmament même le livre des destinées de l’univers. Il a poussé la tromperie à l’égard de l’homme détourné de la vraie religion, jusqu’à lui faire admettre qu’il y a, non aux enfers, mais au sein de l’immensité des cieux, des génies, ses prétendus anges de lumière, présidant aux diverses parties de la création.

C’est en vertu de ce mensonge satanique que les prêtres du paganisme ont donné à adorer aux peuples, sous le nom de dieux, des démons qui brillaient censément au firmament et distribuaient la lumière. C’est ainsi que les païens, fanatisés par les impostures du diable, ont adoré un génie imaginaire du soleil, appelé Baal, Osiris, Bacchus, Mythra, Phœbus-Apollon, suivant les lieux, suivant aussi ses attributions diverses et les légendes fabriquées par les prêtres inspirés du démon. Ils ont adoré un prétendu génie de la lune, appelé Beelsama, Atergatis, Dagon, Derceto, Cabar, Hécate, Isis, Astarté, Junon, Diane, suivant les circonstances diverses. Le génie imaginaire de la belle planète Vénus n’eut qu’un nom, celui de Vénus, mais une multitude de surnoms et des légendes à remuer à la pelle. Sirius, la plus brillante des étoiles, eut un génie appelé Adonis, Horus, Mercure, Anubis. Quant à Jupiter, qui, dans le paganisme grec et romain, avait sous sa direction toute la voûte des cieux, son génie avait été antérieurement le même que celui du soleil, et ce génie du soleil, chez les Perses, par exemple, n’était autre que le Tout-Puissant.

On la voit, ce n’est plus de l’astronomie, cela ; c’est du diabolisme tout pur ; la main du diable apparaît nettement dans cet enseignement mystique classant les astres et les soi-disant génies.

C’est ainsi que l’astrologie a conduit directement ses fervents au sabéisme, qui était le culte des astres.

Et lorsqu’on étudie les mythologies anciennes, lorsqu’on les compare les unes aux autres, en partant de la pseudo-science des mages égyptiens et perses jusqu’aux mystères abominables du paganisme grec et romain, on retrouve partout, en des analogies frappantes, le caractère de l’orgueil et de l’imposture du Maudit, de l’archange révolté et déchu.

C’est Lucifer qui se fait adorer chez les uns comme soleil, foyer de lumière, et chez les autres sous le nom de Jupiter.

Quoi ! dira en haussant les épaules quelque sceptique de notre fin de siècle, Jupiter, c’était Satan en personne ?… Allons donc ! vous voulez rire ?

— Je ne plaisante pas, et rien n’est plus vrai. Qui dit Jupiter dit Satan. Il a pris même le nom de l’Éternel, Jov. Il s’intitule le père des hommes ; Jupiter ou Jov-pater ne signifie pas autre chose. Son autre nom Zeus est le nom de Dieu. Deus. Qui, sinon Dieu, le vrai Dieu, a créé la lumière ? Qui a dit que la lumière soit ? Eh bien, Satan, chez les païens, se faisait appeler père de la lumière, Diespiter. Et quant au véritable Dieu, l’archange déchu le relègue à l’arrière-plan ; tous les théologiens qui ont étudié les fausses religions de l’antiquité sont d’accord pour reconnaître cette audacieuse imposture du prince des ténèbres. Selon lui, Dieu, notre Dieu, n’est plus l’Éternel, c’est le temps, Saturne, Kronos ; espèce de vieil imbécile, cruel et glouton, qui dévore ses enfants ; dieu aveugle et impuissant, qui est dominé par la fatalité, car Kronos ne fait pas ce qu’il veut, mais ce que veut le destin. Mais lui, Jupiter (lisez : Satan), échappé par fraude à la voracité de son père, il a bien su le mettre à la raison, prendre sa place et rétablir l’ordre dans l’univers ; c’est lui désormais qui règne sous la voûte des cieux, c’est lui qui assemble les nuages et lance la foudre ; allez l’adorer à l’Olympe ; c’est lui qui fait planer l’aigle au plus haut des airs et distribue à tous les êtres le mouvement et la vie. Ce n’est plus lui qui est l’orgueilleux, le jaloux, le révolté, écrit très judicieusement M. l’abbé Lecanu ; c’est au contraire contre lui que la révolte a eu lieu : les Titans voulaient escalader le ciel, mais il s’est armé de sa foudre et a renversé, ces fiers enfants de la terre. Prosternez-vous, mortels, et adorez Satan.

Chez les mages de la Perse, de la Babylonie, de la Chaldée, même imposture du Maudit. Là encore, il se pose orgueilleusement en rival de Dieu, en triomphateur même. À peine un souvenir pour le Créateur, relégué dans un océan de lumière inaccessible ; et alors, deux dieux dirigeant l’univers, tout en se combattant, Ormuzd, principe du bien, organisateur des choses créées, et Ahriman, principe du mal, désorganisateur, destructeur ; premier système du dualisme de la divinité. Ormuzd (quelques auteurs écrivent : Oromase) recevait des hommages et un culte, en tant que dieu bon, Ahriman, un culte tout différent et des sacrifices, dans le but d’apaiser sa colère, de détourner de l’adepte sa méchanceté.

Un grand nombre de théologiens sont d’avis qu’en inspirant cette fausse religion, Satan visait surtout à faire haïr le Christ, le Verbe divin, sous le nom d’Ahriman ; et ils partent de ce principe, généralement admis, que l’archange Lucifer s’est toujours posé plus spécialement comme l’adversaire du Verbe et que sa révolte a eu pour cause première l’insurrection de son orgueil, à la pensée qu’il aurait à adorer Dieu le Fils incarné ; c’est-à-dire, l’Homme-Dieu.

Dès lors, pour les mages de ces pays, Ormuzd (Lucifer), principe du bien et de la lumière, fut censé résider dans le soleil, foyer de la lumière en ce monde, tandis qu’Ahriman fut présenté aux foules comme le prince des ténèbres. En se faisant adorer sous le nom d’Ormuzd, le diable créa donc le culte rendu au soleil : adorations et prières, au lever de cet astre ; adieux et prières, à son coucher, pour le supplier de revenir distribuer le lendemain ses bienfaits au monde. Et, le soleil étant ainsi déifié, proclamé roi divin de tous les astres, l’astronomie devint chez les Perses la science religieuse par excellence. Il ne suffit plus aux prêtres du démon d’étudier les évolutions des astres au point de vue auquel se placent les savants ; mais, dans la pensée que le dieu-soleil était l’âme de l’univers, ils prirent ces évolutions, ainsi que le groupement des constellations et tout ce qui se voit au firmament, pour des manifestations de la pensée du Dieu-Bon.

Telle est l’origine de l’astrologie, c’est-à-dire une origine foncièrement diabolique, cela ne fait aucun doute.

C’est ainsi que l’on a pu écrire que l’astrologie se retrouvait dans les traditions païennes les plus antiques, et que les Chaldéens, adorateurs d’Ormuzd-Lucifer, sont cités comme les premiers astrologues. C’est chez eux que cette divination, toute spéciale, a pris naissance, pour se transmettre ensuite à l’Égypte, à la Grèce, à l’Italie. « Les Chaldéens, dit Diodore de Sicile, ayant fait de longues observations sur les astres, et connaissant plus parfaitement que tous les autres peuples leurs mouvements et leurs influences, prédisent aux hommes la plupart des choses qui doivent leur arriver ; ils regardent surtout comme un point important la théorie des cinq astres qu’ils nomment interprètes et que nous appelons planètes. »

Lucien, tout en constatant que de son temps la divination a perdu beaucoup de son prestige, rappelle qu’anciennement en Grèce on n’entreprenait rien sans avoir consulté le devin, « dont tous les oracles se rapportaient à l’astrologie. »

Les Romains ne furent pas moins passionnés que les Grecs pour l’astrologie ; on cite parmi ses sectateurs des hommes tels que Pompée, César, Vespasien, Marc-Aurèle. Cicéron, dans son Traité de la Divination, parle d’un de ses amis, Lucius Tarrutius, « qui consacra toute sa vie à la divination par les astres, et à relever des nativités au moyen de tables célestes dressées selon le style égyptien. » — « Aux kalendes de Janvier, disait l’empereur Adrien, je sais tout ce qui m’attend jusqu’au 31 décembre. »

Proscrite dans les premiers temps de l’Église par le Christianisme, l’astrologie trouva dans les conciles et les Pères des adversaires irréconciliables qui la combattirent à la fois comme un système portant atteinte à la liberté et à l’action de la Providence, et comme une science diabolique directement inspirée par l’enfer. En vain les astrologues et leurs partisans invoquaient en faveur de leur art la prétendue véracité de certains pronostics réalisés par l’événement, l’Église leur répondait avec saint Augustin : « Plus les astrologues disent vrai, plus il faut se méfier d’eux, attendu que leur entente avec le démon est évidente par cela même (la réalisation des pronostics) et que la preuve en est dans la manière dont ils finissent leur vie, c’est-à-dire, en compagnie des malfaiteurs et des empoisonneurs ; ce qui vous explique ce mot de Juvénal : « On ne saurait trouver un seul astrologue qui n’ait payé bien cher le secours de son génie. »

Dans maints endroits de ses ouvrages, le même saint s’élève avec force contre la criminelle erreur de l’astrologie. Dans son traité De Doctrina christianà en particulier, il nous représente la superstition des Mathéma ticiens, ainsi qu’on appelle les astrologues, comme une science vaine, une erreur pernicieuse, résultat « d’une société empestée de l’homme avec les démons, un art diabolique, que le chrétien doit absolument répudier et fuir. » — « Les astrologues, quoiqu’ils recherchent et découvrent quelquefois, à l’époque d’une naissance, la véritable position des astres, dès qu’ils s’efforcent d’en tirer des prédictions de nos actions ou du résultat de nos actions, tombent dans la plus grossière erreur, et vendent aux simples une misérable servitude. Quiconque, en effet, entre libre chez un de ces mathématiciens, lui donne de l’argent pour en sortir esclave de Mars ou de Vénus, ou plutôt esclave de tous les astres à la fois… Il est facile de noter, au moment d’une naissance, le mouvement des astres et l’état du ciel ; mais vouloir en déduire la prédiction du caractère, des actes et de la destinée de l’enfant, c’est une grande erreur et une grande folie… Consulter les mathématiciens et les aruspices, c’est forniquer avec les démons. »

Saint Augustin, dans ses Confessions (chap. iii), se repent amèrement d’avoir cherché dans sa jeunesse l’entretien des épieurs de planètes qu’on appelle Mathématiciens, que le christianisme condamne et rejette.

En dépit des condamnations et des anathèmes de l’Église, l’astrologie ne continua pas moins, dans tout le cours du moyen-âge, de recruter de nombreux adeptes ; les rois et les princes donnèrent eux-mêmes l’exemple. Charles V, roi de France, fait venir d’Italie un des astrologues les plus célèbres du temps, le père de Christine de Pisan, contre lequel Gerson a écrit son Traité contre les Astrologues. Au xvie siècle, le nom de Nostradamus est aussi célèbre que celui de Catherine de Médicis ou de Charles IX, dont il fut l’astrologue.

Jusqu’en plein xviiie siècle, l’astrologie a compté en France de chaleureux partisans ; un des plus savants hommes d’alors, le comte de Boulainvilliers, menait de front avec les études historiques celle des grimoires de l’astrologie[1], malgré les railleries de Voltaire, à qui il avait prédit, de concert avec un astrologue italien, Colonna, qu’il mourrait à l’âge de trente-deux ans. « J’ai eu la malice, écrivait Voltaire en 1757, de les tromper déjà de trente ans. Je leur en demande humblement pardon. »

Il était curieux de donner ici l’opinion de Voltaire, dont l’impiété était basée sur le scepticisme ; il est vrai que, s’il ne croyait pas au diable, c’était précisément par son incrédulité que le diable le tenait et finit par l’avoir tout à fait.

C’était sans en demander pardon aux astrologues de son temps, que l’astronome Bailly condamnait en bloc l’astrologie de tous les temps, comme une prétendue science « dont les fripons se sont servis pendant tant de siècles pour tromper les curieux et les faibles. »

Cependant, cette divination se distingue des autres dont nous avons parlé, en ce sens qu’elle n’est pas à la portée du premier charlatan venu, la science des horoscopes nécessitant de la part de ses adeptes une étude comparable à celle d’un mathématicien à la recherche d’un des problèmes les plus compliqués de l’algèbre.

Cette science des horoscopes, qui est la partie principale de l’astrologie, est si hérissée de calculs, de combinaisons et de formules hiéroglyphiques, qu’il est difficile d’en donner une idée nette en quelques pages. Je n’en dirai donc que peu de mots, en étant aussi clair que possible, bien que dans cette satanée science de l’astrologie il y ait souvent de quoi perdre la tête.

Pour dresser un horoscope, ou thème généthliaque, selon les règles exposées par le comte de Boulainvilliers, il faut faire deux choses : 1° observer, par le mouvement journalier, quelle était, au moment de telle naissance, la situation des étoiles fixes, et particulièrement les douze signes du zodiaque, et lequel desdits signes montait l’horizon, ou occupait le milieu du ciel, et ainsi des autres ; 2 examiner, par le cours particulier des planètes, en quels signes et en quels degrés elles se trouvaient alors et avec quelles étoiles fixes elles étaient jointes. C’est ce que les astrologues expriment en disant que telle étoile fixe est en telle « maison », c’est-à-dire « domiciliée » chez tel signe du Zodiaque.

« J’en ai vu, dit Boulainvilliers, une expérience signalée en un jeune garçon que je connais avoir l’âme noble et désintéressée au delà de sa condition et de sa fortune, et avec cela quelque ressemblance d’aigle au nez, aux yeux et au front, ce qui me donna la curiosité de lui demander l’heure de sa naissance et de faire son horoscope, où je découvris d’abord ces étoiles (les étoiles de l’Aigle) en son ascendant. »

La première règle à suivre, toujours d’après le comte de Boulainvilliers qui fait autorité, c’est d’établir la nature des douze signes du Zodiaque. Le Bélier, le Lion, le Sagittaire sont de la nature du feu. Le Taureau, la Vierge et le Capricorne composent le triangle de la terre. L’Écrevisse, le Scorpion et les Poissons appartiennent à l’eau. Les Gémeaux, la Balance et le Verseau, à l’air.

Puis, vient la nature des Planètes (2e règle).

Saturne est du tempérament de la Terre, sec et froid ou mélancolique.

Jupiter, de la nature de l’air, humide et chaud ou sanguin.

Mars tient du feu, chaud et sec, ou colère.

Vénus est froide et humide, comme l’eau, ou flegmatique.

Quant au Soleil et à la Lune, ils ont des naturels difficiles à réduire, et passent pour des causes universelles.

La 3e règle concerne l’aspect des étoiles, c’est-à-dire la distance qui se trouve entre elles, vers l’horizon, ou le méridien, ou la partie de fortune (l’endroit du ciel où se lève la lune). Le 1er  aspect (distance de 60 degrés) ou sextile, est bon. Le 2me (distance de 120 degrés) ou trin, est assez bon. Le 3me (distance de 180 degrés) ou opposition, est mauvais. Le 4me, en carré, est contraire. Le 5me, ou conjonction, est tantôt bon, tantôt mauvais.

La 4me règle définit « les dignités et faiblesses des planètes » ; la 5me, la nature des 12 maisons célestes.

Ces 12 maisons célestes sont les espaces du ciel occupés par les 12 constellations zodiacales que parcourt annuellement le soleil. Elles partagent le Zodiaque en 12 parties :

1. Maison du Bélier, appelée l’Angle oriental ; c’est la maison de la Vie.

2. Maison du Taureau, appelée Porte inférieure ; c’est la maison des richesses et des moyens de fortune.

3. Maison des Gémeaux, appelée la Demeure des Frères ; c’est la maison des héritages et des successions.

4. Maison de l’Écrevisse, appelée le Fond du Ciel, l’angle de la terre, la demeure des parents ; c’est la maison des trésors et des biens de patrimoine.

5. Maison du Lion, appelée la Demeure des Enfants ; c’est la maison des legs et des donations.

6. Maison de la Vierge, appelée l’Amour de Mars ; c’est la maison des chagrins et des maladies.

7. Maison de la Balance, appelée l’Angle occidental ; c’est la maison des mariages et des noces.

8. Maison du Scorpion, appelés la Porte supérieure ; c’est la maison de l’effroi, des craintes et de la mort.

9. Maison du Sagittaire, appelée l’Amour du Soleil ; c’est la maison de la piété, de la religion, des voyages et de la philosophie.

10. Maison du Capricorne, appelée le Milieu du Ciel ; c’est la maison des charges, des dignités et des couronnes.

11. Maison du Verseau, appelée l’Amour de Jupiter ; c’est la maison des amis, des bienfaits et de la fortune.

12. Maison des Poissons, appelée l’Amour de Saturne ; c’est la maison la plus funeste, celle des empoisonnements, des misères, de l’envie et de la mort violente.

C’est ce symbolisme zodiacal qui sert de base à toute l’astrologie. Toutes les aptitudes, toutes les passions, tous les vices, toutes les vertus se trouvent répartis censément dans les 12 constellations. Quant à l’influence des planètes, au dire des astrologues, elle résulte de trois facteurs : 1° la nature de chaque planète ; 2° ses aspects ; 3° la maison dans laquelle se trouvent les planètes au moment de l’horoscope.

Celui qui tire l’horoscope doit donc tenir compte de toutes les circonstances et de beaucoup d’autres, à n’en plus finir.

Au fond, tous ces calculs ne riment à rien ; les règles en vertu desquelles il s’agit d’opérer sont de la plus haute fantaisie ; et vraiment le diable, en inventant cette pseudo-science, s’est moqué, de la plus mirifique façon, de nos pauvres mathématiciens impies, qui s’imaginent qu’en dehors de leur arithmétique il n’y a rien de vrai. Ah ! oui, certes, quel trompeur cynique, et en même temps ironique parfois, que messire Satanas, quand il se moque de ses dupes !… Naïf incrédule, mathématicien stupide, tu passes tes veilles à résoudre des problèmes de chiffres, car tu n’aperçois rien au delà de tes chiffres ; tu pâlis sur tes équations, et tu oublies Dieu, tu n’y crois plus. Alors, le démon vient te souffler à l’oreille que l’avenir est écrit dans le firmament, et que tu déchiffreras cette écriture mystérieuse en observant le mouvement des astres. Et loi, qui dédaignes d’ouvrir la Sainte Bible, et qui tiens les prophètes de Dieu pour des rêveurs, débitants de sornettes, tu te plonges dans les grimoires des magiciens astrologues, tu étudies avec passion ces combinaisons idiotes d’étoiles et de planètes domiciliées tour à tour dans les prétendues maisons des signes du zodiaque, tu alignes sur ton papier des colonnes de chiffres, tu matérialises ton cerveau d’homme pensant, et tu finis par croire que tu as trouvé quelque chose, que l’avenir n’a plus de secret pour toi…

C’est ainsi que nombre de savants, dupés par le diable, se sont livrés à mille observations astrologiques, et que, cherchant rétrospectivement quel était, à tel jour, l’aspect du ciel, au moment de la naissance de telle personne, ils en ont tiré au sujet de cette personne des déductions absolument insensées, à titre de présage, sur la durée de la vie, sur les aptitudes, les passions, sur les événements et les maladies.

On est allé jusqu’à s’imaginer que les combinaisons des constellations avec les planètes permettent de prévoir les maladies et de faciliter leur guérison !

Des médecins n’ont pas craint de mêler aux pronostics de la science ceux de l’astrologie. En plein xixe siècle, un médecin de Lyon, M. Beckensteiner, voué à l’électricité, a obtenu, prétendent nos lucifériens modernes, des succès étonnants, en employant par des courants électriques l’or, l’étain, le cuivre, le fer ou l’argent, selon les principes de l’astrologie, c’est-à-dire pour des maladies dites du Soleil, de Jupiter, de Vénus, de Mars et de la Lune.

Non seulement les maladies, affirment ces détraqués, sont sous l’influence des constellations et des planètes, mais encore chaque maison préside à une partie spéciale du corps. La maison du Bélier, à les en croire, préside à la tête ; celle du Taureau, au cou ; celle des Gémeaux, aux bras, aux mains et aux épaules ; celle de l’Écrevisse, à la poitrine et aux poumons ; celle du Lion, à l’estomac, au cœur et au foie, ou encore au dos ; celle de la Vierge, au ventre et aux côtes ; celle de la Balance, aux aines et aux entrailles ; celle du Scorpion, aux reins et aux parties génitales ; celle du Sagittaire, au derrière ; celle du Capricorne, aux cuisses et aux genoux ; celle du Verseau, aux jambes ; et celle des Poissons, aux pieds. Vous seriez-vous jamais douté de cela, je vous le demande ?

En vérité, on est renversé quand on songe que des idées aussi biscornues ont pu être adoptées par des gens qui, sous d’autres rapports, ne manquaient pas de valeur ; et pour que l’astrologie ait ainsi pris pied, se soit fait admettre comme vraie science par des savants, il faut bien qu’elle soit essentiellement diabolique.

On pourrait dresser une longue liste des plus fameux astrologues dans les temps anciens et modernes.

Sans aller jusqu’aux astrologues de l’ancienne Étrurie, nous trouvons chez les anciens Plotin, Jamblique, Porphyre, Proclus, Artémidore de Daldys. Au viiie siècle, Albumazar, dont se réclament les Auger Ferrier, Morin de Villefranche, Jérôme Cardan, Képler. On cite encore, parmi les personnages adonnés à l’astrologie : les rabbins de Judée, les tolbas arabes, Alphonse X, roi d’Espagne, Charles V, roi de France, Rodolphe II, empereur d’Allemagne, Savonarole, Campanella, Raymond Lulle, Trithème, Guillaume Postel, Pierre Bungo, Adrien Sicler, etc.

Le plus fameux des astrologues de la fin du dernier siècle, fut Giuseppe Balsamo, dit Cagliostro, franc-maçon luciférien, tristement célèbre par l’audace de son charlatanisme et l’étrangeté romanesque de ses aventures : on peut dire qu’il est le père de l’occultisme, tel qu’il est pratiqué de nos jours, et, à ce titre, il doit nous arrêter un instant.



Cagliostro (1748-1795), comme tous les imposteurs renommés, s’est appliqué à envelopper de ténèbres son origine et ses premiers pas dans la vie. Si nous en croyons Goëthe, qui a fait de savantes recherches sur Cagliostro, en vue de son drame le Grand Cophte, Giuseppe Balsamo, après avoir d’abord pris à Naples l’habit des Frères de la Miséricorde, se serait fait recevoir dans l’ordre des médecins, d’où il se serait fait chasser par sa mauvaise conduite. Diverses escroqueries le firent ensuite expulser de Naples, une entre autres envers un certain Marano, orfèvre, à qui il avait extorqué soixante onces en lui promettant la découverte d’un trésor caché. C’est alors qu’il adopta la vie d’aventures et de charlatanisme qui lui acquit une si grande célébrité.

Quelle vie, en effet, que celle de cet homme énigmatique ! Enrichi par une multitude de vols et de larcins, qui lui permirent de tenir longtemps un rôle de grand seigneur, il promenait son faste, ses impostures et ses prestiges par toute l’Europe. Moitié charlatan, moitié sorcier, il vendait aux uns un prétendu élixir de longue vie et des remèdes mirobolants qui devaient toujours rendre la santé, et devant les autres il prédisait l’avenir, évoquait de prétendus morts qui étaient bel et bien des démons, ainsi que cela a été démontré par le tribunal de la Sainte Inquisition où il échoua finalement.

C’est en 1772 qu’il vint à Paris pour la première fois. On l’y retrouve encore en 1780, ainsi qu’à Strasbourg, bientôt mêlé à la mystérieuse affaire du collier et vivant aux dépens du cardinal de Rohan. L’abbé Georget, secrétaire de celui-ci, nous le représente, dans ses mémoires, se livrant à des orgies avec le baron de Planta, buvant à flots le vin de Tokay de son hôte.

La baronne d’Oberkirch, qui le vit à cette époque chez le cardinal, en constatant l’influence qu’il exerçait sur celui-ci, plus naïf que coupable, nous peint Cagliostro ainsi : « Il n’était pas absolument beau ; mais jamais physionomie plus remarquable ne s’était offerte à mon observation. Il avait surtout un regard d’une profondeur presque surnaturelle ; je ne saurais rendre l’expression de ses yeux ; c’était en même temps de la flamme et de la glace ; il attirait et il repoussait. » Ces dernières lignes sont à méditer.

Mais, pour achever de rappeler sa physionomie, je citerai encore ce portrait, tracé par le comte Beugnot, qui rencontra Cagliostro chez la comtesse de La Motte : « Il était d’une taille médiocre, assez gros ; il avait le teint olive, le cou fort court, le visage rond, orné de deux gros yeux à fleur de tête et d’un nez ouvert et retroussé. Il avait tout l’extérieur et l’attirail d’un charlatan et faisait sensation, surtout sur les dames, dès qu’il entrait dans un salon. Sa coiffure était nouvelle en France ; il avait les cheveux partagés en plusieurs petites cadenettes qui venaient se réunir derrière la tête et se retroussaient dans la forme de ce qu’on appelait alors un catogan. Il portait ce jour-là un habit à la française, gris de fer, galonné en or, une veste écarlate brodée en large point d’Espagne, une culotte rouge, l’épée engagée dans les basques de l’habit, et un chapeau bordé avec une plume blanche ; des manchettes de dentelle, plusieurs bagues de prix, et des boucles de souliers assez brillantes pour qu’on les crût de diamants fins. »

Tel était l’homme. Arrêté le 23 août 1755, accusé par Mme  de la Motte, d’avoir reçu le fameux collier des mains du cardinal de Rohan, et de l’avoir dépecé, enfermé de ce chef pendant neuf mois et demi à la Bastille, il fut renvoyé de l’accusation par arrêt du Parlement, mais dut quitter Paris dans les vingt-quatre heures. »

Mais ce qui nous intéresse, ce sont surtout les prestiges de ce bizarre personnage, qui sut, pendant plusieurs années, concentrer l’attention publique sur lui d’une manière exclusive.

Personne n’ignore qu’il joua un grand rôle dans la franc-maçonnerie. Initié à plusieurs rites, il en fonda un sous le titre de Rite Égyptien, qui est absolument diabolique. Dans ses loges, il prêchait à ses adeptes ce qu’il appelait la régénération physique et morale de l’homme. Pour se régénérer physiquement, il fallait se soumettre à des jeûnes, à des purgations ; quant à la régénération morale, on l’obtenait censément par des prières et des sacrifices au prétendu Grand Architecte, et Cagliostro disait quand ces sacrifices avaient été agréés par sa divinité. Avec cela, il donnait un grand éclat aux tenues des ateliers de son rite, faisant alterner brusquement les plus vives lumières avec les ténèbres les plus profondes ; il parodiait les cérémonies du culte catholique ; les chants sacrés étaient psalmodiés avec des interprétations obscènes, par exemple, le Veni Creator ; il mêlait la fantasmagorie au vrai satanisme.

Il avait une manière à lui de prédire l’avenir. Il ne se contentait pas de débiter verbalement ou par écrit ses oracles ; mais il faisait voir les choses futures dans l’eau d’une carafe.

Parmi ses prédictions à la mode ordinaire, on cite sa lettre au peuple français, datée de Londres le 20 juin 178, dans laquelle la destruction de la Bastille est nettement prophétisée. Mais cette prédiction ne s’est réalisée qu’en partie, et au surplus on a dit que la lettre était, non de Cagliostro qui la signa, mais du sieur d’Espréméail, conseiller au Parlement, l’un des plus ardents ennemis de la cour, l’un des plus chauds partisans de Philippe-Égalité. Quoiqu’il en soit, l’un et l’autre étaient au nombre des initiés les plus avancés dans les loges maçonniques, et, au surplus, la lettre en question pouvait être écrite en dehors de toute inspiration surnaturelle.

Elle disait, en effet : « La Bastille sera détruite de fond en comble, et le sol sur lequel elle s’élève deviendra un lieu de promenade. » Or, cette mesure avait été arrêtée dans les loges, le fait est aujourd’hui avéré ; donc, rien de merveilleux comme prophétie. En outre, les prédictions suivantes, contenues dans la même lettre, ne se réalisèrent nullement, mais montrent bien quels avaient été les projets de la secte : « Il règnera en France un prince (Philippe-Égalité), qui abolira les lettres de cachet (il les redoutait à juste titre), convoquera les États Généraux (ils le furent par Louis XVI), et rétablira la vraie religion » (la religion des loges maçonniques).

Par contre, la vision des choses futures dans la carafe est bien le fait d’un prestige infernal. Pour cela, il fallait à Cagliostro un jeune garçon, qu’il appelait Pupille, ou une jeune fille, qu’il appelait Colombe. La carafe, devant servir à l’expérience, était placée entre neuf bougies consacrées diaboliquement. Les jeunes enfants, vêtus de blanc, avaient été d’abord consacrés par Cagliostro, qui leur soufflait sur le visage et leur imposait les mains. Et à ce propos, il est bon de dire que Cagliostro est formellement reconnu par l’Église comme ayant possédé l’imprégnation satanique, et ayant eu la faculté de la communiquer. Donc, il est hors de conteste que ces Pupilles et ces Colombes du diable, qui, au commandement du grand Cophte, regardaient les carafes et y voyaient des scènes lointaines, ou des scènes qui devaient censément avoir lieu le lendemain ou plusieurs jours après, subissaient une influence démoniaque et n’étaient aucunement des compères.

Il est absolument certain que Satan aidait Cagliostro dans une grande partie de ses opérations. Mais on sait aussi que le prince des ténèbres finit par se moquer de lui, ou, tout au moins, fut impuissant, quand notre coquin osa tenter de bouleverser Rome par ses prestiges.

Les chefs de la haute maçonnerie d’alors s’étaient partagé la besogne révolutionnaire. Les uns firent la révolution à Paris ; Cagliostro s’était chargé de Rome, et mal lui en prit. Il institua d’abord en secret des loges dans la Ville-Sainte. Un jour, il avait promis à ses fidèles de leur montrer des apparitions de génies du feu, qui devaient surgir aussi beaux que les anges du Dieu des chrétiens. La cérémonie mystique eut lieu, et, au lieu de beaux anges, ce furent des singes qui parurent.

Lorsque ses menées furent sues de la police pontificale, Cagliostro fut mis en état d’arrestation, ainsi que sa compagne d’impiété, Lorenza Féliciani. Le démon lui avait juré protection. Le grand Cophte, confiant en ce serment, avait toujours sur lui un flacon d’une liqueur qui, par sa seule absorption, devait le rendre instantanément invisible. Aussi, lorsque les gendarmes parurent, il essaya, mais vainement, de se dérober par ce moyen surnaturel. Comme il avait aussi, dit-on, le pouvoir de passer au travers des murs, il tenta alors de disparaitre dans la muraille de son appartement ; ce fut encore peine perdue ; le mur ne s’ouvrit point, pour lui donner passage.

Décidément, son démon protecteur l’abandonnait, et les hommes de la police virent alors Cagliostro, pris de colère, blasphémant, et frappant, furieux, à coups redoublés, cette muraille qui pour la première fois était rebelle à ses prestiges.


Décidément, son démon protecteur l’abandonnait. Ne pouvant se rendre invisible ni traverser la muraille, il frappait celle-ci, furieux, à coups de poing redoublés.

Le Saint-Office le fit emprisonner au château Saint-Ange ; son procès commença le 21 mars 1791.

Rien n’est plus convaincant que cette procédure de l’Inquisition romaine contre Giuseppe Balsamo, dit Cagliostro. Voilà ce que devraient lire les demi-catholiques qui hochent la tête quand on leur parle des choses extraordinaires accomplies par bon nombre de suppôts du diable.

Il est démontré, en effet, par les pièces authentiques de cette procédure que dirigèrent des prêtres éminents, pleins de vertu et de science, que Cagliostro a poussé le diabolisme au moins aussi loin que nos palladistes d’aujourd’hui.

Les sceptiques ont ri, à gorge déployée, quand j’ai raconté l’arrivée subite de Philéas Walder dans le temple secret de la San-ho-hoeï, à Tong-Ka-Dou. Evidemment, cette arrivée était incompréhensible, stupéfiante, puisqu’à Pointe-de-Galle, tandis que j’avais pris le courrier de Chine allant dans la direction de l’Extrême-Orient, le vieux Walder m’avait quitté le même jour pour prendre le paquebot rentrant en Europe. Il était donc tout à l’opposé de moi, à des centaines de lieues, quand je me trouvai à Shang-Haï ; et pourtant, tout à coup, il fut là. Était-ce bien lui ? me suis-je demandé souvent ; ou bien était-ce un démon qui avait pris sa forme ?

Le procès de Cagliostro, dont j’ai lu plus tard les documents, devait m’apprendre que les mages, sous l’action du diable qui entre en eux comme dans son plus agréable domicile, peuvent, dans certains cas, — Dieu permettant même cela, — jouir du don d’ubiquité.

Et il est impossible à un catholique de soutenir le contraire, sans renier sa foi. Il est établi, par la Sainte Inquisition romaine, jugeant, en 1791, que Cagliostro avait la faculté, tout en étant dans une ville, de paraître dans une autre, au sein des réunions des sectaires qui avaient adopté son rite égyptien. Parfois, il se faisait accompagner par des démons, lesquels prenaient la forme soit du patriarche Énoch, soit du prophète Élie, soit même de l’archange saint Michel. Ces prestiges diaboliques sont dûment constatés ; le don d’ubiquité, possédé par Cagliostro, est un fait acquis.

Parmi les preuves sur lesquelles le tribunal du Saint-Office s’est basé pour condamner à mort Giuseppe Balsamo comme ayant été volontairement en commerce avec le diable et en ayant reçu imprégnation et puissance, figure une lettre qui fut saisie chez l’accusé au nombre de ses papiers secrets. C’est une lettre adressée de Lyon au grand Cophte par le Frère Ainé (président) de la loge égyptienne qu’il avait fondée en cette ville ; elle vaut la peine d’être reproduite en entier :

« Monsieur et Souverain Maitre,

« Rien ne peut égaler vos bienfaits, si ce n’est la félicité qu’ils nous procurent.

« Vos représentants se sont servis des clefs que Vous leur avez confiées ; ils ont ouvert les portes du Grand Temple, et nous ont donné la force nécessaire pour faire briller Votre grande puissance.

« L’Europe n’a jamais vu une cérémonie plus auguste et plus sainte ; mais, nous osons le dire, Monsieur, elle ne pouvait avoir de témoins plus pénétrés de la grandeur du Dieu des dieux, plus reconnaissants de Vos suprêmes bontés.

« Nos Maîtres ont développé leur zèle ordinaire et ce respect religieux qu’ils portent toutes les semaines aux travaux intérieurs de notre Loge. Nos Compagnons ont montré une ferveur, une piété noble et soutenue, et ont fait l’éducation de deux Frères qu’ils ont eu l’honneur de Vous présenter.

« L’Adoration des Travaux a duré trois jours, et, par un concours remarquable de circonstances, nous étions réunis au nombre de vingt-sept dans le Temple ; sa bénédiction a été achevée le 27 (juillet), et il y a eu cinquante-quatre heures d’adoration.

« Aujourd’hui, notre désir est de mettre à Vos pieds la trop faible expression de notre reconnaissance.

« Nous n’entreprendrons pas de Vous faire le récit de la cérémonie divine dont Vous avez daigné nous rendre l’instrument ; nous avons l’espérance de Vous faire parvenir bientôt le détail par un de nos Frères, qui Vous le présentera lui-même.

« Nous Vous dirons, cependant, qu’au moment où nous avons demandé à l’Éternel un signe qui nous fit connaître que nos vœux et notre Temple lui étaient agréables, tandis que notre Maitre était au milieu de l’air, a paru, sans être appelé, le premier philosophe du Nouveau Testament. Il nous a bénis après s’être prosterné devant la nuée dont nous avons obtenu l’apparition, et s’est élevé sur cette nuée, dont notre jeune Colombe n’a pu soutenir la splendeur, dès qu’elle est descendue sur la terre.

« Les deux grands prophètes et le législateur d’Israël nous ont donné des signes semblables de leur bonté et de leur obéissance à Vos ordres. Tout a concouru à rendre l’opération complète et parfaite, autant qu’en peut juger notre faiblesse.

« Vos fils seront heureux si Vous daignez les protéger toujours et les couvrir de Vos ailes. Ils sont encore pénétrés des paroles que Vous avez adressées du haut de l’air à la Colombe qui Vous implorait pour elle et pour nous : Dis leur que je les aime et les aimerai toujours.

« Ils Vous jurent eux-mêmes un respect, un amour, une reconnaissance éternels, et s’unissent à nous pour Vous demander Votre bénédiction. Qu’elle couronne les vœux de Vos très soumis, très respectueux fils et disciples.

« Vallée du Rhône, orient de Lyon, le 1er  août 556 (E∴ V∴ 1785).

« Le Frère Aîné:
« Alexandre T***».

Ainsi, par cette lettre faisant partie du dossier du procès et qui a constitué une charge accablante contre Cagliostro, il est facile de voir que ce haut maçon luciférien, chef de rite, était doué d’une puissance supra-humaine, incontestable.

D’après cette lettre, en effet, on peut reconstituer très aisément ce qui s’est passé dans la loge égyptienne de Lyon.

Cagliostro était alors à Paris. Ses disciples lyonnais l’ont invoqué, et aussitôt il leur est apparu, descendant de la voûte du temple, porté par une nuée éblouissante. C’est bien de lui qu’il s’agit, lorsque le président de la loge s’exprime en ces termes : « Tandis que notre Maître était au milieu de l’air », puisqu’il dit plus loin : « Vos fils sont encore pénétrés des paroles que Vous avez adressées du haut de l’air à la Colombe qui vous implorait pour elle et pour nous. » Cagliostro a donc pu, par l’effet de son imprégnation satanique, entendre à Paris l’appel qui lui était adressé de Lyon, et il s’est transporté instantanément de Paris à Lyon ; il était donc ubiquiste, c’est-à-dire qu’ayant la faculté de locomotion instantanée, il lui était possible, non pas d’être, mais de paraitre être en plusieurs endroits à la fois.

Il est certain encore que, dans ces voyages instantanés à travers l’espace, Cagliostro obtenait des démons que ceux-ci se livrassent de leur côté à des prestiges de nature à le faire paraître au surplus comme un personnage divin. C’est dans une nuée éblouissante qu’il descend dans la réunion de ses disciples lyonnais. Des démons apparaissent auprès de lui, sous la forme d’Énoch, de Moïse, d’Élie, respectueux envers lui, se déclarant toujours prêts à obéir à ses ordres, et bénissant l’assemblée. Un autre démon ose paraître sous les traits de saint Jean-Baptiste (le « premier philosophe du Nouveau Testament », en style maçonnique), se prosterne devant la nuée où est Cagliostro, qui se donne ainsi comme rival du Christ, et bénit l’assemblée, lui aussi, tandis que le grand Cophte dit à la jeune luciférienne qualifiée de colombe : Dis-leur que je les aime et les aimerai toujours. Puis, tout disparaît, et Cagliostro se retrouve à Paris.

Est-ce que tout cela n’est pas vraiment satanique ? Et qui pourrait blâmer le tribunal du Saint-Office d’avoir condamné le magicien à mort ?

Voilà quelles étaient les œuvres, les « opérations » de Cagliostro. Son commerce avec le diable est certain. Il a été l’instrument volontaire de Satan, son dévoué représentant sur terre, le prédécesseur d’Albert Pike et d’Adriano Lemmi.

On sait que, chez les occultistes, on se plaît à évoquer les personnages bibliques et même certains saints ; ainsi les démons vont jusqu’à emprunter la figure des patriarches, des prophètes et des saints de Dieu, pour mieux tromper leurs dupes. Mais on sait aussi que, chaque fois que des occultistes, franchissant toutes les limites de l’audace, ont osé évoquer le Christ, jamais il n’est apparu, ce qui revient à dire que Dieu ne tolère pas que le diable aille jusqu’à prendre la forme du Verbe incarné. Et les francs-maçons, qui ont l’audace de mêler le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ à leurs abominables mystères, en sont réduits à le faire figurer dans des peintures ou des gravures, comme l’a fait, par exemple, le F∴ Clavel, pour le frontispice de son Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie. Voir la reproduction de ce frontispice , où notre Divin Maitre est représenté en franc-maçon, faisant le signe d’ordre au grade d’Apprenti.


Frontispice de l’Histoire Pittoresque de la Franc-Maçonnerie, par le F∴ B. Clavel.

Même, si l’on ne connaissait pas, par la renommée, les prestiges de Cagliostro, il serait impossible de se méprendre sur le caractère satanique de ce qu’il appelait « sa mission sur terre ».

Il faisait, pour son rite, des choix dans les loges, exactement comme les palladistes d’aujourd’hui procèdent. Il avait une légion d’agents inconnus, qui observaient attentivement les membres des ateliers de la maçonnerie ordinaire et recrutaient ceux qui paraissaient bons pour les arrière-loges égyptiennes.

Lors de l’initiation, on donnait à l’adepte à choisir entre un tas d’or et une épée, qui étaient sur une table. Dans le discours de circonstance, le président flétrissait l’or, corrupteur des hommes, et proclamait avec enthousiasme que l’épée seule donnerait l’égalité ; aussi le récipiendaire choisissait-il l’épée avec empressement. Alors, une draperie rouge était entr’ouverte, et le néophyte apercevait un autel, où figurait un Christ représenté grotesque, cloué sur la croix. « Jure, disait le président au nouvel initié ; jure, au pied de cette croix, qui te révèle comment meurent les traîtres, jure haine aux trônes et aux usurpateurs de la terre ! » Le serment de l’adepte, écrit sur un parchemin et signé avec du sang tiré de son bras gauche par une légère piqûre, était jeté sur un brasier par le président, avec cette sentence comminatoire : « Si tu mens à ta foi, que ton cœur soit brûlé ainsi, et que ses cendres se mêlent à la poussière du chemin que suivent les hommes libres ! »

Cagliostro fut donc condamné à mort ; mais, le 7 avril 1791, le pape commua la peine en celle de la prison perpétuelle. Il la subit, au château de Saint-Léon (duché d’Urbino), où il mourut.

La condamnation du grand Cophte, reconnu magicien par le tribunal du Saint-Office, s’étendait aussi à la franc-maçonnerie et, particulièrement, au Rite Égyptien qu’il avait fondé.

« Le livre qui a pour titre Maçonnerie Égyptienne, est-il dit dans la sentence, est solennellement condamné comme contenant des rites, des propositions, une doctrine et un système qui ouvrent une large route à la sédition et comme destinés à détruire la religion chrétienne, le tout superstitieux, blasphématoire, impie et hérétique ; et ce livre sera brûlé publiquement par la main du bourreau, ainsi que les instruments appartenant à cette secte.

« Par une nouvelle loi apostolique, seront confirmés et renouvelés, non seulement les lois des Pontifes précédents, mais encore les édits du Conseil d’État qui défendent les sociétés et conventicules des francs-maçons ; et mention particulière sera faite de la secte Égyptienne et d’une autre vulgairement appelée les Illuminés ; et seront établies les peines les plus graves, principalement celles des hérétiques, contre quiconque s’affiliera à ces sociétés ou les protégera. »

Le procès de Cagliostro, qui s’est terminé par la condamnation de toutes ses doctrines astrologiques et magiques, montre, à plusieurs reprises, le commerce de l’accusé avec le démon. Mais le grand Cophte, essayant d’en imposer aux juges, avait une curieuse façon de se défendre. Il repoussait l’accusation d’avoir été l’instrument d’une autre puissance que de Dieu, et il allait même jusqu’à prétendre que c’était sur l’enfer même qu’il exerçait son pouvoir surnaturel.

Sa femme, qui fut impliquée dans l’affaire, déposa en substance, au cours des interrogatoires, que plusieurs des pupilles ou médiums que Cagliostro mettait en œuvre dans ses opérations magiques n’avaient pu opérer qu’en vertu d’un art diabolique. « L’ayant prié plusieurs fois, dit-elle, de lui communiquer le principe de ses opérations, il avait toujours refusé de la contenter, disant qu’elle n’avait pas assez de courage ni assez de force pour supporter ce mystère. » Elle ajoutait qu’il lui avait seulement appris à opérer en disant : « Par le pouvoir que je tiens du grand Cophte », et en frappant trois fois la terre du pied droit.

Pour poursuivre l’histoire des astrologues modernes jusqu’à nos jours, il me faudrait citer à peu près tous les noms de ceux qui, plus ou moins sérieusement, ont essayé de ressusciter, tout au moins en théorie, les sciences occultes de l’antiquité et du moyen-âge. Parmi ces arts infernaux qu’ils essaient de faire revivre, l’astrologie, chez la plupart d’entre eux, occupe le premier rang.

Au nombre de ces astrologues spéculatifs, nous rencontrons des noms de philosophes, tels que celui du savant Ph. Lebas, de l’Institut, et de grands écrivains romanciers, comme Balzac. La malice, l’astuce du démon est si grande, qu’il en est arrivé à brouiller sur ce point les idées de M. de Mirville, qui était cependant un homme clairvoyant et un catholique convaincu.

En effet, tout en répudiant de toutes ses forces l’ancienne théorie fataliste des astrologues, tout en refusant de voir dans l’astrologie une influence physique ou morale des globes célestes sur le physique et le moral de l’homme, M. de Mirville a cru à l’existence d’une communication spirite entre l’homme et des puissances célestes ou angéliques présidant à chacun de ces globes. Si je ne me trompe, c’est là une erreur, condamnée par l’Église. Il est vrai que M. de Mirville distingue, sur cette question, deux parties bien tranchées dans cette science mystérieuse, et il donne à chacune une inspiration tout opposée, celle de Dieu et celle du diable ; mais il oublie que l’Église n’a jamais enseigné que Dieu ait écrit dans les astres le livre des destinées : ceux qui sont inspirés par Satan sont seuls à croire à l’écriture des étoiles. Si l’on met donc, comme de juste, sur le compte du diable tout ce qu’il y a d’obscur et d’incompréhensible dans le grimoire hermétique des astrologues, il demeure évident que c’est lui, Satan, qui est l’auteur de cette pseudo-science, et l’on ne saurait y adjoindre, même pour la part la plus minime, la collaboration de Dieu, dont parle M. de Mirville.

Ce qu’il y a de sûr aussi, c’est que la résurrection de ces difficiles grimoires n’est pas de nature à avoir la moindre influence sur le commun des esprits qui n’auront jamais ni le temps ni la patience de les déchiffrer ; en quoi, ils feront acte de bon sens.

L’astrologue Cardan, par exemple, a laissé un calcul au moyen duquel chacun peut prévoir la bonne ou la mauvaise fortune de toutes les années de sa vie. Rien assurément ne serait plus précieux et suivi avec plus d’empressement qu’un pareil calcul ; oui, mais à condition que ce calcul soit exact et intelligible. Or, le voici, tel qu’il nous est donné dans une de ces revues d’occultisme, où l’astrologie joue un si beau rôle (l’Initiation) : « Pour savoir la fortune d’une année, il faut résumer les événements de celles qui l’ont précédée par 4, 8, 12, 19 et 30. Le nombre 4 est celui de la réalisation ; le nombre 8, celui de Vénus ou des choses naturelles ; le nombre 12, qui est celui du cycle de Jupiter, correspond aux réussites ; le nombre 19, au cycle de la Lune et de Mars ; le nombre 30 est celui de Saturne ou de la Fatalité. » Nous n’avons pas de peine à comprendre, après cet oracle, comme le dit sagement l’auteur de l’article cité, « que Cardan était un homme mal équilibré, et que dans son œuvre il y a beaucoup à prendre, et encore plus à laisser.

Le même jugement peut être porté au sujet de tous les astrologues qui nous ont laissé par écrit leurs systèmes et leurs rêveries, y compris les horoscopes qu’ils ont tirés. Ces horoscopes ressemblent tous plus ou moins, en valeur, à celui qu’un rabbin juif, nommé Bechaï, avait osé tirer du Fils de Dieu lui-même. « Jésus-Christ, disait-il, est ressuscité le dimanche, jour destiné au Soleil, et, ayant été un homme tout à fait solaire, il était très beau, d’une face blanche et resplendissante, d’une humeur éveillée et grandement hardie, témoin l’acte de chasser tant de vendeurs du temple et de disputer à l’âge de douze ans contre les docteurs de la Loi. » Cardan, de son côté, croyait Jésus-Christ né sous l’influence de Saturne, ce qui, disait-il, le rendait triste et pensif et le faisait sembler plus vieux qu’il n’était. Il ajoutait que cette même planète, s’étant rencontrée avec Vénus, lui avait causé les taches rousses au visage, dont parle l’historien Josèphe.

Exemple frappant de l’accord qui règne entre les révélations des différents astrologues !…

Mais, à ces deux horoscopes, dont le but est évidemment de rapetisser le Divin Maître, de le ridiculiser en quelque sorte en le faisant servir à des démonstrations d’astrologie, comme on reconnaît bien la griffe de Satan, dont la haine contre le Christ est formidable !

Aujourd’hui, en dehors des charlatans vulgaires qui font métier de tirer des horoscopes, l’astrologie est en grand honneur dans les triangles ; et cela seul suffirait à en démontrer le caractère diabolique. Albert Pike laissait, il est vrai, l’astrologie au second plan, sans doute parce qu’il avait ses révélations d’une façon directe et constante par le roi de l’enfer ; mais Lemmi, ce n’est pas un secret, se livre passionnément aux calculs de cette mancie.

Lemmi est bien le type accompli du renégat, qui en veut non seulement aux prêtres dont il a reçu la première instruction, mais à Dieu qu’il a adoré dans son enfance. Le plus souvent, le catholique qui abandonne sa foi devient surtout un sceptique ; il néglige Dieu, la religion ; il ne s’en préoccupe plus. S’il est un ambitieux, s’il rêve de devenir quelque chose par la politique, il flatte les mauvais instincts des foules ; alors, il devient anticlérical ; il va parfois jusqu’à nier Dieu, mais c’est surtout le clergé qu’il combat. Lemmi, lui, est allé plus loin encore dans la voie du mal. Il ne s’est pas contenté de renier son baptême ; il a tenu à l’effacer. Par la circoncision, il s’est fait juif ; par le baptême du feu, il s’est fait maçon et luciférien. Il a voulu être juif, parce que c’est chez les juifs cabalistes qu’on trouve les haines les plus vivaces contre le catholicisme. Et, dans sa juiverie, il est devenu un des plus exaltés parmi les fanatiques. Naturellement, il a étudié, avec une sorte de rage, cette cabale maudite, que le F∴ Ragon dit être « la clef de toutes les sciences occultes » ; il en a été, il en est un adepte fervent ; et sachant bien, lui, ce qu’est Lucifer, ne craignant pas de lui donner son nom de Satan contrai rement aux instructions d'Albert Pike, se vouant corps et âme au prince des ténèbres, au point de lui porter des toasts publics, il est vraiment le palladiste démoniaque à la plus haute expression.

Pourtant, il n'est pas « honoré » des apparitions de Satan en personne ; il n’a pour « daimon familier » qu’un diable de troisième ou quatrième ordre. Ce qui donne le droit de penser que le territoire de la Ville-Sainte, bien qu’envahi par l’usurpation piémontoise, est interdit au chef des milices infernales, Dieu humiliant ainsi son orgueil et l’obligeant à reconnaitre qu’il ne peut rien sans sa permission. Le diable qui est autorisé à conférer avec Lemmi est le sire Sybacco, démon de peu d’importance, comme le sire Beffabuc, l’ami et conseiller de Pessina, autre grand-maitre italien.



Sybacco
démon familier du grand-maitre Lemmi
Beffabuc
démon familier du grand-maitre Pessina

Sybacco apparait à Lemmi dans les grandes occasions, mais chez lui, et non au Suprême Conseil. Il a trois yeux, dont un au milieu du front ; ses oreilles sont pointues et plantées au sommet du crâne, tandis qu’il a deux cornes de bélier plantées à l’endroit où les oreilles se trouvent sur une tête humaine ; sa bouche est très large et sans dents. Il est de haute stature, poilu comme un orang-outang, et ses pieds, palmés et immenses, font l’effet de monstrueuses pattes d’oie ; au lieu d’avoir des ailes dans le dos, il les a fixées à la partie supérieure du bras. Lemmi n’a jamais décrit comment est son démon familier ; mais Albert Pike, dans son Livre des Révélations, parle de Sybacco et de quelques-uns de ses hauts faits, il le cite comme esprit du, feu opérant spécialement en Italie, et il en détaille le portrait plus longuement même que je viens de le faire. Or, d’autre part, j’ai eu communication d’un document palladique où Lemmi s’exprime ainsi : « Après avoir consulté le génie Sybacco, que l’Être Suprême a daigné commettre à la garde de ma personne et qui n’a jamais manqué de répondre à mon appel », etc. Il ne saurait donc y avoir erreur sur l’identité du démon familier du grand-maître de Rome.

C’est évidemment sous l’inspiration de ce diable ami que le banquier de la via Nazionale se livre à ses calculs d’astrologie ; car c’est là une des distractions favorites de Lemmi. Quand il est las des chiffres relatifs à ses opérations financières, alors qu’il a le cœur joyeux à la pensée des bénéfices plus ou moins frauduleux réalisés par l’agiotage ou les pots-de-vin, il s’enferme, après diner, dans son cabinet de travail du deuxième étage du palais Pascucci, et il pioche un horoscope quelconque, généralement celui d’un personnage en vue, à lui sympathique ou antipathique, ami ou adversaire. Il s’imagine qu’il découvrira ainsi la destinée de l’homme qui pour le moment l’intéresse.


Adriano Lemmi, se livrant, dans son cabinet de travail, à ses calculs d’astrologue cabaliste.

Il fit, de la sorte, l’horoscope de Léon XIII, au lendemain de la publication de l’encyclique Humanum Genus.

À ce seul titre, c’est un document curieux, et je crois qu’on ne m’en voudra pas de le reproduire. Point n’est besoin de dire qu’il n’y a lieu d’attacher aucune importance aux prétendues découvertes d’Adriano sur la vie passée et future du Souverain Pontife. J’ai même le devoir de rappeler, en y insistant, que, l’avenir étant expressément réservé à Dieu seul, toute cette fantaisie diabolique est, d’un bout à l’autre, un gros mensonge, habilement combiné par le démon pour ce qui concerne le passé et audacieusement inventé pour ce qui a trait à l’avenir. Quant aux termes irrespectueux employés par Lemmi à l’adresse du pape, le lecteur ne s’en étonnera point ; l’astrologue est un sectaire haineux, pétri de boue et de fiel ; mais il est bon de le faire connaître, en donnant sa prose de magicien, sans y changer un iota. Au surplus, je suis d’une incompétence absolue, ou, pour mieux dire, d’une ignorance complète en cette pseudo-science ; j’ai eu grand’peine à en comprendre les grandes lignes, afin de pouvoir en donner un aperçu ; aussi, sans chercher à approfondir, je me suis borné à recopier.

Voici donc les appréciations cabalistiques et les calculs généthliaques du vicaire de Satan sur le vicaire de Jésus-Christ :


HOROSCOPE DE PECCI dit LÉON XIII

Gioacchino Vincenzo Pecci, né sous le 13e degré des Poissons, en une année de la Lune, du cycle de Vénus, la lune éyant décroissante et à son 20e jour.

Gioacchino 
 128
Vincenzo 
 151
Pecci 
 71

Calcul de nativité diurne sous le 13e degré des Poissons, en une année de la Lune dépendant du cycle de Vénus, un jour de la Lune, la lune décroissante étant à son 20e jour.

Échelle Généthliaque
Sommet 
 1843
Nom de famille 
 171
2e  prénom 
 151
1er  prénom 
 128
Degré 
 13
Signe zodiacal 
 12
Année de nativité 
 1810


Observations :

Etant né sous le deuxième décan des, Poissons : — esprit élevé, amour de la renommée, audace en entreprises. — En outre, les Poissons étant signe double, tous les présages intellectuels sont doublés.

Etant né sous le vingtième jour de la Lune : — tempérament bilioso-nerveux ; présage qui est d’ailleurs confirmé par la conjonction de Saturne et de Mars, qui le prédispose aux maladies bilioso-nerveuses.

L’aspect trigone de Jupiter et de Mercure, situés l’un dans la Vierge, l’autre dans le Capricorne, présage rectitude de jugement, fortitude d’esprit et de caractère.

Déduction :

Adversaire très dangereux pour nous ; ennemi irréconciliable ; à craindre à la fois sous le rapport de l’habileté et de l’audace.




Tout, dans l’horoscope de Pecci, concorde pour présager la plus haute élévation sacerdotale (adonaïte), par conséquent, le souverain pontificat dans la superstition romaine. Cela est présagé par la quadrature de Jupiter et Mars, par la position de Vénus dans les Poissons, et par Saturne et Mars dans la maison X. — Cela se voit encore par la trigonocratie des signes royaux, qui a sa pointe au sommet de l’horoscope et qui n’est débilitée par aucun aspect fâcheux. — Il est, en outre, prédit que cette suprême élévation sera le résultat d’une élection (par Saturne, qui, maître de la maison XI, est au sommet de la figure généthliaque) ; ce qui, dans le cas observé, annonce bien l’accès au plus élevé siège de l’Église d’Adonaï (Saturne protecteur), lequel poste est, en effet, le seul obtenu par une élection faite par les pairs. — Donc, dès la naissance de Pecci, cette prédiction pouvait être faite.

Le deuxième décan des Poissons, sous lequel est placée la nativité présage d’un esprit supérieur, d’une âme fortement trempée, d’un caractère redoutable aux adversaires, méprisant la critique de ceux qui ne pensent pas comme lui, opiniâtre dans ses idées, bravant les obstacles, voulant aller jusqu’au bout dans la voie qu’il s’est tracée, croyant avoir raison même contre tous. — Ce présage est renforcé par le signe même des Poissons, qui est un signe double, et qui accentue ces dispositions intellectuelles, qui en multiplie leur puissance. — L’ennemi est donc indomptable, et il n’y aura rien à espérer de lui.



La trigonie de Jupiter et de Mercure donne une merveilleuse rectitude de jugement dans les résolutions à adopter (de la fortitude morale, fortitudo animi, selon Maternus et Junetin de Florence) ; l’individu, en ses décisions, marche droit devant lui, fermement, et sans se préoccuper s’il compromet des intérêts ; dans les affaires ordinaires de la vie, c’est une certitude de succès ; en politique religieuse, c’est le maintien des prétentions superbes de la domination sur la conscience des autres. L’individu ne perdra jamais de vue son but ; c’est un tyran de haute intelligence, clairvoyant dans les difficultés de sa situation ; chef, il juge, décide et entreprend aussitôt, ne prenant conseil des autres que pour la forme.

Jupiter dans la Vierge confirme encore ces présages. Il est regrettable que l’individu soit dans l’autre camp. Ses aptitudes, ses qualités de cerveau, son énergie de caractère, sa promptitude de décision, qui n’exclue pas un examen approfondi des situations, lui donnent de grands avantages pour nous combattre.

Sa volonté ferme, énergique, d’une force peu commune, est présagée aussi par Vénus dans le Sagittaire ; son examen du pour et du contre, dans les circonstances difficiles, est dénoté judicieux et appuyé sur la volonté, par Vénus dans les Poissons qui occupent la maison I. De là, il faut conclure que, dans le milieu où il gouverne, il finit toujours par avoir raison des opposants. C’est là l’indice du triomphe, non pour l’Église elle-même, mais pour lui personnellement parmi les individus de l’Église ; il s’impose à eux par un ascendant incontestable, et il leur est supérieur non pas seulement de fait, mais par ces qualités essentielles d’un esprit dominateur, Chez les siens, il vaincra donc les contradictions et les obstacles.

Vénus dans la maison I et Mercure dans la maison III dénotent un goût prononcé pour la musique. Si ce n’est un artiste, c’est un dilettante.

Jupiter dans la maison III, lui donne une prudence de premier ordre, une astuce diplomatique qui nous rend encore l’adversaire très dangereux, et une habileté consommée à s’attacher ceux qui l’approchent.

La situation de la Lune, qui, au moment de la naissance, était à son 20e jour, et, par conséquent, dans le Sagittaire, donne à Pecci un tempérament bilioso-nerveux. .

La santé est bonne, exempte de graves maladies ; cependant, il y a, dans l’enfance et dans la vieillesse, une certaine maladivité, mais sans danger ; c’est ce qu’annonce Mercure dans le Capricorne. En même temps, Saturne dans la maison IV le prédispose à quelques maladies de l’estomac (dyspepsie, gastralgie, etc.), et la conjonction de Saturne et de Mars au sommet de la figure céleste, présage une maladie bilieuse. — La vieillesse doit être exempte de lourdes infirmités, dit la maison VI et ses aspects, malgré la situation de son maître, le Soleil, qui est en éclipse sur le thème de nativité. — En somme, c’est un valide à l’aspect chétif, un faux chétif ; il est solide, et il viendra vieux.

Sa mort, qui semble devoir être de nature violente ou subite, ne parait pas inscrite avant la 85e ou la 88e année, selon que la nativité a été diurne ou nocturne. Le signe de chance de longévité, qui se place dans la maison II, a pour maitre Mars, lequel est favorablement situé au sommet de l’horoscope et accorde sa protection. Sa mort aura lieu pendant une époque de guerre ou de troubles publics.

Les années mauvaises de sa vie, celles où on lit pour lui des disgrâces, des deuils, des maladies, etc., sont celles dans lesquelles la révolution d’horoscope donnera le Bélier ou la Vierge dans l’ascendant ; ce sont, par conséquent, les années 1811, 1816, 1823, 1828, 1835, 1840, 1847, 1852, 1839, 1864, 1871, 1876, 1883, 1888, 1895 et 1900, si toutefois il parvient à ces trois dernières années.

L’année 1884 est marquée par un présage de grave danger, lequel pourtant s’éloigne de lui et dont il n’a qu’un vague soupçon. En effet, sa révolution d’horoscope en 1884 lui donne le Taureau en maison I (et par conséquent : les Gémeaux en maison II, le Cancer en III, le Lion en IV, la Vierge en V, la Balance en VI, le Scorpion en VII, le Sagittaire en VIII, le Capricorne en IX, le Verseau en X, les Poissons en XI, et le Bélier en XII).

Une menace de danger de mort est formellement inscrite ; car le Verseau, signe dangereux, de nature saturnienne, est en maison X, cette année-là, et domine la figure généthliaque. Il s’agit bien d’un danger de mort, attendu que Saturne est en VIII, maison de la mort, avec Mars, qui dit mort par le fer. Mais, autre signe des plus caractéristiques, présage non moins certain, Vénus est entre eux et se trouve maîtresse du signe du Taureau, placé en maison I qui protège Pecci pendant tout le cours de 1884.

D’autre part, ce danger de mort paraît provenir d’un acte d’hostilité, acte prémédité pour être accompli par une personne seule, ainsi que le dit formellement le Bélier en XII, maison des ennemis, dont Mars, le maitre, est encore en VIIII.

Mais l’arcane du glaive, qui, en horoscope de nativité, était en maison XI, maison des amis, est passé en maison IX dans la révolution d’horoscope pour 1884 ; ce qui signifie : retard, danger qui vient de loin, qui s’éloigne, péril qui n’aboutit pas.

L’acte d’hostilité, constituant le danger de mort, doit avoir lieu sous le 2e décan des Gémeaux, qui est gouverné par Verasua, esprit planétaire de Mars. Or, le 2e décan des Gémeaux comprend : 11e degré, 30 mai ; 12e degré, 31 ; 13e degré, 1er  juin ; 14e degré, 2 ; 15e degré, 3 ; 16e degré, 4 ; 17e degré, 5 ; 18e degré, 6 ; 19e degré, 7 ; 20e degré, 8 juin. Ce ne peut pas, pourtant, être sous les 11e, 12e et 13e degrés, qui sont privilégiés par influence directe. Donc, l’acte d’hostilité, constituant danger de mort, se produira sous le 13e degré, ou sous le 14e, ou sous le 16e, ou sous l’un des quatre suivants. Mais il n’y aura aucun résultat, c’est-à-dire Pecci ne mourra pas en 1884 ; car il a son signe de chance de mort qui de la maison IX passe en VII et qui reçoit de la Lune une influence favorable pour lui, né en une année de la Lune.

Un autre signe indique le péril mortel sous forme de menace que Pecci doit courir au cours de sa 75e année : c’est la trigonocratie des signes dangereux (Gémeaux, Balance, Verseau) qui a sa pointe au sommet de la figure généthliaque. Mais, de même, la trigonocratie des signes royaux qui le protège (Bélier, Lion, Sagittaire) a son sommet en maison VIII et le protège pleinement.

Il y a encore, sur l’existence de Pecci, au début surtout, l’influence d’une femme, — la mère, sans doute, — qui a joué un rôle important sur son avenir ; c’est ce qu’affirme l’influence du 13e degré des Poissons, sous lequel se place la nativité.

La Lune dans le Scorpion et Saturne dans le Sagittaire annoncent un péril de submersion, qui aujourd’hui doit être échu depuis longtemps ; et aussi la mort prématurée de la mère. — Mars dans le Verseau signale la mort d’un très proche parent, à laquelle il sera fort sensible, et qui surviendra en une année où le Capricorne sera dans l’ascendant de la révolution d’horoscope, et le signe de chance de mort, dont Mars est le maitre, dans la maison XI.

Dans l’horoscope de nativité, Mercure, maître de la maison IV, étant dans la maison XI, présage un héritage d’un ami, héritage moral ou matériel, ayant une grande influence sur l’avenir.

Saturne, maitre de la maison XII, étant en maison X, révèle l’inimitié d’un homme au pouvoir, qui arrête l’élévation.

Le signe du Capricorne, qui est en maison XI, dénote des amitiés devenant des inimitiés, de faux amis qui se manifesteront au moment d’une disgrâce.

L’arcane LXXII, qui est en maison IX, fourni par les chiffres de la maison XII, présage des difficultés pour une question pécuniaire, difficultés soulevées dans un pays éloigné.

Saturne et Mars dans la maison X ont promis, dès la naissance, les plus hautes dignités et la plus grande élévation dans le sacerdoce adonaïte ; mais la quadrature de Saturne et de Jupiter dit les obstacles rencontrés par Pecci dans sa carrière, Personnellement, il est protégé par la Lune, dans la maison XII, qui, cependant, ne peut pas détourner de l’Église elle-même la marée montante des droits humains, sous laquelle elle sera submergée ; mais Pecci n’assistera pas au désastre final de sa religion.

En résumé, l’individu est adversaire irréductible, opposant son opiniâtreté énergique et toutes les ressources de son esprit supérieur, comme une barrière, au progrès de l’humanité aspirant à s’émanciper du joug des prêtres et des moines. Il laissera dans l’histoire le nom d’un volontaire et d’un habile, et Mercure dans la Balance promet à sa mémoire une longue célébrité parmi les papes de la superstition.


Si mes lecteurs comprennent quelque chose aux calculs qu’ils viennent de lire, ils auront de la chance. Quant à moi, j’avoue que je préférerais avoir à déchiffrer de l’hébreu. Mais, sans chercher à vérifier comment Lemmi s’y est pris pour établir ses calculs et ses combinaisons astrologiques auxquelles je n’entends pas grand’chose, j’ai tenu à donner au public un spécimen de ses talents de mage cabaliste ; ce travail généthliaque d’Adriano fera juger le personnage sous un de ses aspects, qui n’est pas le moins curieux.

Le lecteur aura vu aussi, par là, à quel point le démon se joue des hommes qui prennent l’astrologie pour une science. Cette mancique diabolique clôt la série des superstitions que je m’étais proposé de faire connaître dans cette partie de mon ouvrage. Je n’ai pas tout dit sur la magie divinatoire ; car nous avons encore à passer en revue la Nécromancie, à laquelle, dans mon plan d’étude, j’ai réservé ma VIe partie, et qui participe à la fois de la magie divinatoire et de la magie opératoire. Ici, nous allons voir le démon lui-même à l’œuvre, se manifestant aux évocateurs de trépassés.

  1. Il a laissé manuscrit un grand ouvrage intitulé : La Pratique abrégée des jugements astrologiques sur les nativités, pour lequel il avait réuni plus de 200 volumes sur la philosophie hermétique et les sciences occultes. C’était, comme on le voit, un fervent luciférien de son époque.