Le Docteur Quesnay/5

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Félix Alcan (p. 297-352).


LA PHYSIOCRATIE




I. La Philosophie rurale. La liberté du commerce des grains. Choiseul. Mort de Mme de Pompadour. — II. Le dauphin, fils de Louis XV. Le Journal de l’agriculture. Le libre échange. — III. Le droit naturel. — IV. Le despotisme légal et Le Mercier de La Rivière.


I.


Les détails dans lesquels nous sommes entré au sujet du Tableau économique nous dispensent de parler longuement de la Philosophie rurale qui n’en est que le développement et que les Physiocrates ont eux-mêmes condamnée à l’oubli, malgré l’assistance que Quesnay avait donnée au marquis de Mirabeau pour la confection et la publication de cet ouvrage. Signalons que dans la Préface, le disciple développa sur un ton religieux une pensée empruntée à Malebranche :

« L’amour de l’ordre n’est pas seulement la principale des vertus morales ; c’est l’unique vertu, la vertu mère, fondamentale, universelle. Rien n’est plus juste que de se conformer à l’ordre, rien n’est plus juste que d’obéir à Dieu. » On verra plus loin cette pensée reparaître dans les écrits de Quesnay.

Signalons aussi que, dans la Philosophie rurale, se retrouvent les idées du docteur sur l’intérêt de l’argent, sur les rentes d’État, sur les impôts.

Grimm, toujours acerbe, a dit de cet ouvrage : « On m’a assuré que c’est un galimatias fort chaud et très hardi. » Et ensuite : « C’est un recueil d’idées communes énoncées d’une manière énigmatique. On peut dire que rien n’est plus obscur que cet ouvrage si ce n’est la préface qui est en tête. » Les disciples de Quesnay ont été presque aussi sévères.

On a vu déjà ce qu’a dit Mirabeau parlant au margrave de Bade ; précédemment, en 1767, dans les Éphémérides, le Marquis avait écrit que son livre « était chargé des fautes et de la surabondance de son auteur, de la bizarrerie de son style avec celui du principal fondateur[1] qui y avait fourni toutes les parties d’étude approfondie et toutes les inversions et opérations du Tableau, chargé encore des fautes innombrables de l’imprimeur… »

La même année, Baudeau avait reconnu que la Philosophie rurale n’était « point un ouvrage de pur agrément. »

Préparée par Mirabeau et complétée par Quesnay pendant la période de silence forcé qui avait suivi l’envoi du Marquis à Vincennes, elle avait été imprimée après la paix de 1763[2], lorsque la publication de brochures de Roussel de la Tour, de Du Pont de Nemours[3] et d’autres sur la Richesse de l’État avait fait penser que le gouvernement se relâchait de sa sévérité au sujet des écrits où il était implicitement ou non question de finances. Cependant elle fut supprimée et ne fut rendue publique qu’au commencement de 1764[4].

L’année précédente, avait paru la Déclaration du 25 mai 1763 qui donnait à tout sujet de quelque qualité ou condition qu’il fût le droit de vendre des grains et d’en mettre en magasin sans être astreint à aucune formalité, sauf en ce qui concernait l’approvisionnement de Paris[5] ; était annoncée en outre, l’abolition des droits de péage, de passage, de pontonnage, de travers perçus sur les grains et farines, ainsi que Quesnay l’avait demandé dans l’Encyclopédie : « Ceux à qui ces droits appartiennent, avait dit le caustique docteur, seront suffisamment dédommagés par leur part de l’accroissement général des revenus des biens du Royaume. »

Lorsque la Déclaration fut envoyée pour enregistrement au Parlement, l’opposition fut vive. Joly de Fleury, avocat général, fit l’éloge des anciens règlements et constata avec regret qu’il s’était élevé un nouveau système, qu’un grand nombre de personnes, « dans des vues désintéressées sans doute », signalaient les lois existantes comme des entraves au progrès de l’agriculture et du commerce. L’abbé Terray, rapporteur, fut aussi peu favorable, mais il conclut en disant : « Essayons de la loi nouvelle ; si, comme il y a lieu de le craindre, l’expérience en prouve les inconvénients, on reviendra aux anciennes lois. »

L’enregistrement fut voté à deux ou trois voix de majorité, le 22 décembre, huit mois après le dépôt. Le contrôle général venait d’être donné à Laverdy[6]. Bertin à demi sacrifié, restait ministre, mais sans grandes attributions ; il n’avait plus à s’occuper du commerce extérieur, « Je suis ministre en pied, mais je n’ai rien à faire », lui a fait dire un chansonnier.

Le Gouvernement n’était pas disposé pourtant, au sujet des grains, à retourner en arrière. Une loi plus générale encore que la Déclaration de mai était en préparation. La Cour le savait ; elle avait été mise en garde contre les tendances libérales de l’administration par Joly de Fleury dans son réquisitoire.

La loi nouvelle fut bientôt connue ; elle était précédée d’un préambule conçu en termes tout autres que ceux de la Déclaration ; les vieux préjugés n’étaient plus ménagés[7].

Les principes du libre échange y étaient indiqués ; il y était reconnu que les mesures de protection nuisaient à la fois à la production et à la consommation ; il était signalé que les permissions particulières de circulation ou d’exportation engendraient le monopole. La rédaction, due à Trudaine, avec la collaboration de Turgot et de Du Pont de Nemours, était entièrement conforme aux idées de Quesnay[8].

Le dispositif de l’édit confirmait que tous les sujets du roi, même nobles et privilégiés, pourraient faire librement le commerce des grains et que l’exportation et l’importation seraient entièrement libres ; il défendait à quiconque de mettre des obstacles à la circulation et abrogeait toutes les lois contraires, sauf pour l’approvisionnement de Paris.

De faibles droits de douane étaient mis à la frontière, mais la sortie n’était autorisée que par les grand ports ; l’exportation était réservée, dans l’intérêt de la marine marchande, aux vaisseaux français, commandés par un capitaine français, dont les deux tiers de l’équipage étaient français, selon le système de Colbert. Enfin, pour le cas où « contre toute attente et malgré les espérances légitimes que donnait la libre entrée des blés étrangers », les prix atteindraient 12 livres 10 sols le quintal sur un point de la frontière pendant trois marchés consécutifs, l’exportation devait être suspendue sur ce point de plein droit, non jusqu’à ce que les prix eussent baissé, ce qui eût été logique, mais jusqu’à ce qu’il en eût été ordonné autrement par arrêt du Conseil.

Ces restrictions qui formaient un singulier contraste avec le préambule, avaient été introduites par le nouveau contrôleur général Laverdy, « plus entraîné que convaincu » et si peu favorable aux économistes qu’il fit interdire, par une Déclaration du 28 mars 1764, presque au lendemain de la distribution de la Philosophie rurale, de rien écrire et publier sous peine de la vie sur la réforme ou l’administration des finances. La stupide rigueur de cette loi en empêcha l’exécution.

C’était Choiseul qui avait fait nommer Laverdy pour contenter le Parlement. Choiseul détestait Quesnay au point de dire à Du Pont : « Vous pouvez choisir ; les amis de M. Quesnay ne sont pas les miens. » Pour balancer le crédit du principal ministre auprès des Parlementaires, Mme  de Pompadour fit instituer une Commission prise parmi eux en vue d’examiner l’état des finances et de rédiger des mémoires sur chacune de leurs parties. Quesnay était vraisemblablement l’instigateur de cette mesure ; Du Pont fut désigné comme secrétaire de la Commission. Mais la lutte engagée contre Choiseul fut courte. Mme  de Pompadour tomba gravement malade ; grâce aux soins de son fidèle médecin, elle entra bientôt en convalescence et put recevoir Du Pont de Nemours à qui elle parla de la Commission des finances ; puis elle eut une rechute. Alors Choiseul décria les avis médicaux de Quesnay, le traita de « vieux fou », prétendit que son attachement pour la malade lui avait fait tourner l’esprit et obtint du roi que le docteur Richard, qu’il avait amené, déciderait du traitement à appliquer.

Mme  de Pompadour se soumit ; son mal empira ; elle se sentit mourir. Elle dit à plusieurs reprises à Quesnay : « Que voulez-vous, mon pauvre ami, nous ne sommes pas les maîtres ». Le 15 avril 1764, elle expira.

Quesnay, désespéré, attribua l’événement à la violence du traitement que Richard avait prescrit et se persuada que ce médecin en avait prévu les effets.

On ne doit point assurément attacher plus d’importance qu’il ne convient à cette accusation. Du Pont de Nemours pensa que Richard était tout simplement un ignorant ; mais Quesnay garda sa conviction toute sa vie ; et peut-être l’exprima-t-il publiquement, car Choiseul parla d’envoyer le mécontent dans une citadelle et de mettre en même temps Du Pont à la Bastille. Ces menaces, sincères ou non, furent rapportées à Quesnay par ses amis, le Mis de Scépeaux, M. d’Angivillers et la Marquise de Montmort. Choiseul sentit enfin qu’en persécutant le médecin qu’il avait fait écarter, il donnerait un fondement à des soupçons odieux qui se répandaient déjà et se tint tranquille.

La mort de Mme  de Pompadour ruina le crédit de Quesnay. Si la favorite n’avait pas été considérée comme perdue, Laverdy n’aurait pas osé, observe Du Pont à qui nous empruntons tous ces faits[9], proposer sa loi contre les écrits financiers.

Et le disciple ajoute que Quesnay fut abandonné de tout le monde : quatre personnes seulement continuèrent à le voir, Mirabeau, Du Val, chirurgien au palais de Versailles, la Mise de Montmort et Du Pont de Nemours ; ce dernier seul le vit tous les jours. « Les événements font un beau triage des amis, dit Quesnay ; mais ceux qui restent deviennent bien plus chers, ils héritent de tous les autres. »


II


On a vu que Quesnay avait conquis la confiance du Dauphin, en le soignant de la petite vérole en 1752. Un biographe[10] a recueilli quelques-unes de ses conversations avec le fils de Louis XV.

Comme Quesnay entrait un jour chez le Prince, celui-ci s’écria :

« Ah ! monsieur Quesnay, c’est chasser sur vos terres, nous parlons économie, nous nous promenons dans les champs. — Vous vous promenez dans votre jardin, répondit le docteur, c’est là que poussent les fleurs de lys. »

Un autre jour, le Dauphin avançait modestement que la charge d’un roi était bien difficile à remplir : « Je ne trouve pas, répondit Quesnay. — Et que feriez-vous, si vous étiez roi ? — Je ne ferais rien. — Et qui gouvernerait ? — Les lois. »

Le Dauphin se vantait de savoir par cœur l’Ami des hommes, qu’il appelait le bréviaire des honnêtes gens[11] ; il étudiait « sérieusement » les finances et avait recueilli des renseignements sur l’état des diverses provinces et sur leurs productions agricoles et industrielles. Il avait rédigé des notes sur des questions financières et économiques. Dans l’une d’elles, il avait écrit :

« Toute imposition est injuste lorsque le bien général ne l’exige pas. Le monarque n’est que l’économe des deniers de l’État[12]. »

Le Dauphin disait aussi qu’il préférait être aimé des paysans que de l’être des courtisans ; il protégea les sociétés d’agriculture et consulta les hommes compétents ou passant pour tels en administration. Il voulut s’attacher Forbonnais sous le ministère de Silhouette. On ne saurait donc s’étonner qu’il ait aimé à s’entretenir avec un homme tel que Quesnay.

Cependant le docteur ne l’assista pas à ses derniers moments[13]. Peut-être l’explication de son absence se trouve-t-elle dans une anecdote rapportée par un biographe :

« Après une consultation sur une tête précieuse, un médecin fameux dont l’avis avait prévalu quoique avec beaucoup d’opposition, alla trouver Quesnay, retenu chez lui par la goutte, afin de s’appuyer sur son opinion. Quesnay, sentant l’esprit de cette déférence et n’approuvant pas l’avis qui avait passé, répondit : Monsieur, j’ai mis à la loterie quelquefois, mais jamais quand elle était tirée. »

Il est possible aussi que la mort de Mme  de Pompadour ait enlevé à Quesnay la confiance de la famille royale.

Mais s’il avait perdu son crédit à la Cour, il avait vu se grouper autour de lui de nombreux disciples ; c’est à cette époque que l’École physiocratique se fonda.

L’un des hommes qui aidèrent le docteur à défendre ses idées fut Trudaine. À ses attributions d’Intendant des finances, chargé du détail des Ponts et Chaussées, il avait joint « le détail » du commerce. Il avait autrefois soutenu Gournay ; il était le principal rédacteur de l’édit de juillet 1764 et était acquis au système financier de Quesnay. « Il était fermement convaincu et il m’a souvent dit, rapporte Turgot, qu’en dernière analyse tous les impôts retombent sur les propriétaires des terres en augmentation de dépense ou en diminution de revenu. » Il avait enfin attaché à ses travaux depuis 1759 son fils, Trudaine de Montigny, plus physiocrate encore que lui-même.

Le Mercure, auquel Quesnay avait songé jadis comme instrument de propagande, lui avait échappé. Le Journal économique sur lequel il avait pu compter aussi un moment, puisque les réponses aux Questions intéressantes devaient y être insérées, était encombré d’annonces et de descriptions de procédés agricoles.

La Gazette du commerce, fondée le 1er  août 1763, sous la surveillance de l’administration des finances, avec un privilège de 30 ans qui supprimait par avance tous les ouvrages périodiques qui pouvaient y avoir quelque rapport, servit pendant quelque temps d’organe aux disciples de Quesnay : Le Trosne, Saint-Peravy, Du Pont de Nemours. Mais elle devait fournir au public des renseignements « sur le commerce en gros, en détail et la banque, tant à Paris que dans les principales villes du royaume et de l’étranger » ; on ne pouvait y insérer de longues dissertations.

Une combinaison dont on ne connaît pas exactement l’origine, mais à laquelle Trudaine a dû prendre part, permit de créer « sous la protection sage et éclairée du ministère », pour défendre les mesures prises au sujet du commerce des grains, le Journal de l’agriculture, du commerce et des finances, qui eut les mêmes éditeurs que la Gazette et qui en fut nominalement le supplément en raison, sans doute, du privilège de celle-ci.

Cette nouvelle revue, dont la lecture fut recommandée aux sociétés d’agriculture et dont Du Pont de Nemours fut le directeur, à la recommandation de Morellet, devint, de septembre 1765 à novembre 1766 et malgré ses propriétaires, la tribune de l’école de Quesnay. Le Journal a contribué, dit modestement Du Pont, à répandre quelques bons principes dans les provinces. Il eut un autre résultat, celui d’amener Quesnay et ses disciples à préciser leurs doctrines.

C’est à cette feuille que Quesnay a donné son Traité de droit naturel, le plus vigoureux de ses ouvrages, et les articles curieux et parfois spirituels où, sous l’aspect de l’avocat du diable, il a présenté les arguments contraires à son système, avec une remarquable impartialité.

Ses articles purement économiques sont signés, ou de la lettre H, ou de la lettre N, ou encore du faux nom de De l’Isle. Ils sont tous relatifs à la classe stérile.

Dans l’un d’eux, après avoir expliqué que la prospérité d’un pays provient en grande partie de ses échanges, autrement dit de son commerce, et, dans ce mot, sont compris le commerce proprement dit, l’industrie et les moyens de transport, Quesnay soutient, comme dans ses écrits précédents, que l’agriculture donne seule des richesses renaissantes, des richesses qui ne sont pas consommées à mesure qu’elles sont produites.

Et, pour démontrer sa proposition, il pose ce problème :

Un artisan qui vend son ouvrage, — un cordonnier par exemple, qui vend une paire de souliers, vend tout à la fois de la matière première et du travail. La valeur de son travail est égale à la dépense qu’il a faite pour sa subsistance, pour son entretien, pour la subsistance et l’entretien de sa famille pendant qu’il a travaillé. Elle représente dès lors des consommations et non pas une production. Mais, dira-t-on, ajoute Quesnay, il y a eu production d’une paire de souliers. — Non, il y a eu transformation d’une matière première par un travail, dont la valeur représente des frais de subsistance, etc. La production est une richesse renaissante ; une consommation est l’anéantissement d’une richesse.

Quesnay soutenait un sophisme, tiré d’une fausse conception de la valeur, qu’il supposait égale aux frais de production ; mais le sophisme était habilement présenté.

Le docteur posait cet autre problème :

Dix habitants de Nîmes achètent en Italie et en Espagne 50 millions de cocons qui leur coûtent un million de livres. Avec la soie des cocons, ils fabriquent 25.000 douzaines de paires de bas qu’ils vendent aux Portugais et aux Allemands à cent livres la douzaine, ce qui fait 2.500.000 livres. Par cette opération, la France a gagné 1.500.000 livres, au dire des partisans du système mercantile. Nous allons voir, répond Quesnay. Si nous vendons pour 2.500.000 livres de bas de soie à l’étranger, nous en consommons bien le double. Notre commerce total en bas de soie à l’intérieur et à l’extérieur est donc de 7.500.000 livres, et ce commerce a nécessité au préalable un achat de 3 millions de livres de cocons. Nous avons donc donné à l’étranger 3 millions et nous lui avons pris 2 millions 500.000 livres. Et pour travailler les bas de soie, nos fabricants, entrepreneurs, commerçants, ont dépensé 4.500.000 livres en consommations. Où est le profit ?

Nous ne nous attarderons pas à discuter ces subtilités, bien qu’on en rencontre d’analogues chez les écrivains modernes qui ne connaissent pas ou ne comprennent pas la théorie de la valeur. Nous croyons plus utile de signaler les parties des doctrines du docteur qui lui ont survécu, en nous gardant d’effacer les erreurs de détail qu’elles contenaient.

Au sujet du libre échange, il s’est exprimé dans le Journal de l’Agriculture avec autant de fermeté que dans ses précédents écrits.

« Ceux qui excluent de leur commerce les étrangers, dit-il, seront, par représailles, exclus du commerce des nations étrangères. Tous les avantages attachés à l’exclusion sont anéantis par l’exclusion même.

» A-t-on plus besoin d’acheteurs que de vendeurs ? Est-il plus avantageux de vendre que d’acheter ? Tout achat fait par un commerçant dans un pays suppose une vente dans un autre…

» Plus il y a de commerçants pour exporter et voiturer, plus il y a de concurrence de voituriers, plus ceux-ci sont forcés de mettre leurs gains au rabais, non seulement dans le pays de leur résidence, mais dans les autres pays où s’étend le commerce, soit pour y acheter, soit pour y vendre. Les frais du commerce diminuent, ce qui multiplie les ventes et étend la faculté de dépenser…

» Cessez d’envisager le commerce entre les nations comme un état de guerre et comme un pillage sur l’ennemi. Persuadez-vous qu’il ne vous est pas possible d’accroître vos richesses et vos jouissances aux dépens d’autrui par le commerce…

» Il faut favoriser le commerce par la liberté, par la sûreté, par la franchise, par toutes les facilités possibles. Les prohibitions, les privilèges exclusifs, les prétendus faveurs de cette espèce accordées à des négociants soi-disant nationaux, peuvent leur assurer des profits excessifs. Il n’y a que le commerce libre qui puisse faire fleurir l’agriculture…

» Tout achat est vente et toute vente est achat. Si vous consentiez à vendre à l’étranger des productions qu’il ne payerait point, c’est alors que vous auriez plus vendu qu’acheté…

» Vous voulez acheter de l’argent avec vos produits ; mais l’étranger ne vous donnera pas une somme d’argent plus forte que la valeur de vos produits. L’argent de l’étranger ne vaudra pas pour vous mieux que vos marchandises ; car, s’il valait mieux, l’étranger, qui n’est pas plus dupe que vous, ne vous le donnerait pas en échange.

» Voudriez-vous avancer qu’il y a avantage à donner 100.000 écus de marchandises contre 50.000 écus en argent ? L’étranger, dites-vous, consommera les marchandises tandis que votre argent durera. N’est-ce donc rien que de satisfaire à l’emploi final de toute richesse qui est de jouir ? Si vous ne voulez pas dépenser votre argent, on pourra vous dire :

Mettez une pierre à la place
Elle vous vaudra tout autant[14].

» L’avantage de la libre franchise donnée au commerce ne serait pas égale de part et d’autre ? Non. Il serait favorable au pays qui donnerait la franchise, car il attirerait le commerce…

» Devenez riche par la liberté de votre commerce, votre marine marchande s’étendra. Toute nation riche qui a des ports a toujours une grande marine marchande…

» Une nation doit protéger ses commerçants, mais il est plus intéressant pour elle de protéger son commerce…

» Nulle richesse ne peut appartenir exclusivement à aucun peuple. Le ciel a voulu qu’aucune nation, comme aucun particulier, ne puisse jouir de la totalité des biens de la nature qu’en les échangeant contre les productions et les travaux de ses semblables. Par une loi physique, irrévocable, bienfaisante et sacrée, l’Être suprême, dans la vue d’unir fraternellement toutes les créatures raisonnables, a fait de l’abondance des richesses, du bonheur de la population, le prix de la liberté du commerce, et de la misère des hommes présents, de l’anéantissement des races futures, la peine des prohibitions.

» Commerçons-nous avec une nation ? Il n’y a pas de mal à l’enrichir ; car, si ceux avec lesquels nous commerçons n’étaient pas riches, nous ferions un pauvre commerce ! »

Et Quesnay n’est pas moins précis au sujet de la liberté du commerce colonial que de la liberté du commerce international :

« Un privilège exclusif augmente les frais de transport, diminue pour les colonies les moyens d’être bien fournies et à bas prix, restreint les marchés de la métropole. »

Enfin il, avance cette proposition où est formulée la loi du moindre effort, déjà indiquée dans les Questions intéressantes :

« Obtenir la plus grande jouissance possible avec le moins d’efforts possible, c’est la perfection de la conduite économique. »

Plus encore que Vincent de Gournay, le docteur avait toujours eu pleine confiance dans le laissez faire, laissez passer. On rencontre même une fois cette formule dans ses écrits, dans une lettre au directeur des Éphémérides d’octobre 1767 :

« Vous, Monsieur, avec les auteurs que vous appelez vos maîtres et avec tous les économistes leurs disciples, vous prétendez que la liberté et la facilité du commerce de toute espèce doivent toujours être parfaites, entières, absolues, afin qu’il en résulte la plus grande concurrence possible ; c’est (pour me servir de vos propres termes) de laisser passer et de laisser faire tous les acheteurs et tous les vendeurs quelconques ; vous soutenez que, par cet unique moyen, on est assuré d’acheter toujours au meilleur marché possible tout ce qu’on achète et de vendre tout ce qu’on vend au meilleur prix possible[15]. » Et Quesnay a traduit la formule libérale de Gournay en un distique suggestif placé en tête de la Physiocratie, ainsi qu’on le verra plus loin.

Près de dix ans auparavant, en 1758 ou 1759, à une époque voisine de celle où il était entré en relations avec Vincent de Gournay, il avait mis en marge d’un manuscrit de Mirabeau : « Il ne faut que faciliter le débit et laisser faire. »

Les principaux disciples que la création du Journal de l’Agriculture, du Commerce et des Finances groupa autour du docteur furent Du Pont de Nemours, directeur de cette revue, Mirabeau, Abeille, que son Corps d’observations sur la Bretagne avait fait connaître, Le Trosne, écrivain de mérite, toujours clair et souvent spirituel, Butré, Saint-Peravy et Le Mercier de la Rivière ; mais en même temps, les adversaires de la nouvelle école se multipliaient.

Le principal était Forbonnais, qui mettait dans sa réfutation du Tableau économique une aigreur que des considérations d’ordre scientifique ne suffisent pas à expliquer.

Vauban et Boisguilbert, disait-il, sont les seuls auteurs que l’inventeur du Tableau semble avoir lus. Il dénature les faits, il prend ceux qui sont favorables à sa thèse et écarte les autres ; ses calculs sont viciés par des erreurs et des omissions. Son évaluation de la richesse agricole possible de la France est un « roman » où, après avoir évalué les récoltes en blé à 37 millions de setiers, il suppose qu’elles pourront augmenter de 24 millions sans tenir compte de l’avilissement des prix qui serait la conséquence de cet énorme accroissement. Forbonnais trouvait « regrettable d’entendre donner des leçons à la nation sans avoir aucune connaissance », et de prétendre faire de la philosophie en mettant tous les faits à l’écart.

Il est incontestable que, sur les détails, Forbonnais triomphait ; sa supériorité disparaissait pour les théories.

Partisan du régime réglementaire, bien qu’il eût toujours le mot de liberté à la bouche, il se refusait à voir les effets funestes de l’intervention gouvernementale dans les questions économiques.

La seule de ses critiques théoriques qui frappait juste portait sur le luxe que Quesnay condamnait inconsidérément. Au sujet de la classe stérile, Forbonnais avait senti que le système du médecin de Mme  de Pompadour reposait sur une erreur ; mais il ne voyait pas d’où elle provenait. Il acceptait même la proposition fondamentale du système : « Les travaux de l’industrie ne multiplient pas les richesses », et ne savait plus, dès lors, comment en combattre les conséquences. Il était plus faible encore lorsqu’il parlait de l’argent et de la balance du commerce.

« La confiance enthousiaste dans un système de liberté générale et indéfinie » le troublait sans qu’il trouvât des arguments contre elle. À propos du commerce des grains, il distinguait entre les vérités générales et les « vérités locales » dont « l’administration doit suivre le cours et l’instabilité. »

Ses critiques étaient celles d’un érudit, soucieux des points sur les i, et négligent des vues d’ensemble. Elles étaient d’ailleurs à peu près aussi obscures que le Tableau économique. « Ce sera, dit plaisamment Grimm, le seul côté par lequel l’auteur se fera estimer de son adversaire. »

Les Éléments du commerce avaient valu à leur auteur une place d’Inspecteur général des monnaies créée pour lui en 1756. Choiseul en arrivant au pouvoir l’avait consulté. Silhouette lui avait offert, sans le connaître personnellement, une place de premier commis aux finances. Forbonnais avait refusé, mais sur l’ordre du roi, il avait prêté son concours au ministre sous le titre de garde du dépôt du contrôle général. Il avait alors proposé des réformes dont une partie fut mise à exécution[16].

Mais le Dauphin lui demanda des mémoires ; Silhouette apprit le fait, s’imagina que son subordonné voulait le supplanter et se fâcha. Forbonnais dut s’éloigner.

De retour à Paris, à la chute de Silhouette, il fut de nouveau consulté par Choiseul ; en 1763, après la paix, le ministre lui demanda un plan de finances dont il se servit pour harceler Bertin. Le contrôleur général se défendit ; Mme de Pompadour fut hostile à Forbonnais qui fut exilé dans ses terres.

Ainsi, après avoir été considéré comme l’homme le plus compétent en économie politique, et après avoir pris part aux affaires, Forbonnais avait été frappé par la favorite et par Bertin. Les économistes ne l’avaient pas d’ailleurs ménagé ; le marquis de Mirabeau avait dit des adversaires de la nouvelle école qu’ils bêlaient.

On est en droit de se demander si ces divers faits qui sont à rapprocher de la conduite de Choiseul à la mort de Mme  de Pompadour n’expliquent pas l’âpreté avec laquelle Forbonnais réfuta l’œuvre principale de Quesnay, quand celui-ci eut perdu sa protectrice.


III


Nous n’avons fait que citer en passant l’article donné par Quesnay au Journal de l’Agriculture sur le Droit naturel. Il convient d’en parler avec quelques détails, car il est l’embryon d’où est sortie la philosophie sociale des Physiocrates.

En 1757, fut publié un Essai sur l’histoire du droit naturel du Danois Hubner[17]. Il est possible que cet ouvrage ait inspiré Quesnay.

En tout cas, aucun système de Droit naturel ne l’avait satisfait ; tous lui semblaient exacts par certains côtés, mais tous incomplets, faute par leurs auteurs d’avoir considéré à la fois l’homme « dans ses différents états de capacité corporelle et intellectuelle et dans ses différents états relatifs aux autres hommes », c’est-à-dire dans ses qualités d’être individuel et dans ses qualités d’être social. Quesnay essaya alors d’en déterminer lui-même les bases.

« Le droit de l’homme « aux choses propres à sa jouissance », dit-il, ainsi qu’on peut « définir vaguement » le droit naturel, est limité de toutes parts. Voici un enfant, il a droit à la subsistance fondée sur le devoir indiqué par la nature à ses parents. Que devient ce droit quand ses parents meurent ? Il disparaît, il s’annule, de même que l’usage des yeux s’annule dans un lieu inaccessible à la lumière.

» Hobbes a supposé que « tous ont droit à tout », et il en a conclu que les hommes sont naturellement en état de guerre. Or, le droit de tous à tout est aussi illusoire que le droit de chaque hirondelle à tous les moucherons qui voltigent dans l’air. Le droit de tout être est borné à la jouissance de ce qu’il peut obtenir ; celui de tout homme, à ce que la nature produit spontanément et à ce qu’il peut se procurer par des recherches, c’est-à-dire par du travail. Dans l’état de nature, son droit est indéterminé, puisque la possession des choses n’est assurée par rien. Dans l’état social, le droit de l’individu est encore borné par les moyens dont il dispose.

» Les lois physiques lui fournissent un appui, mais lui opposent des obstacles. Il est un être libre, mais il peut faire de sa liberté un mauvais usage. Il est soumis à des lois positives, mais ces lois peuvent être bonnes ou mauvaises ; elles peuvent avoir été provoquées par des motifs dont la raison éclairée ne reconnaît pas la justice. La multitude des lois contradictoires et absurdes établies successivement chez les nations prouve que le droit positif s’écarte fréquemment de l’ordre le plus avantageux au genre humain.

» Cependant, la recherche de cet ordre est possible. Il doit y avoir des conditions à remplir pour assurer l’ordre.

» Comment les déterminer ? Ce n’est pas en classant, avec Montesquieu, les gouvernements en monarchiques, aristocratiques et républicains ; ce n’est pas en se basant sur des formes adoptées ici et là. Les lois positives varient tellement qu’on ne saurait y trouver les fondements du droit naturel. Il faut remonter à la source du bien ou du mal physique et moral de l’homme social. Si l’on connaît avec évidence les conditions nécessaires du bien, autrement dit les lois naturelles, on connaît l’ordre le plus avantageux.

» En considérant abstractivement l’homme « dans sa solitude », on le voit chargé de sa conservation sous peine de souffrance. « Dans l’état de multitude », c’est-à-dire dans l’état social, on voit tous les hommes avoir le même devoir à remplir. La Société a donc pour fondements « la subsistance des hommes et les richesses nécessaires à la force qui doit les défendre. »

» Pour connaître l’ordre des temps et des lieux, pour régler la navigation et assurer le commerce, il a fallu observer et déterminer les lois du mouvement des corps célestes. On peut de même chercher et découvrir les lois constitutives du meilleur gouvernement possible.

» Et ces lois sont physiques ou morales. « La loi physique est le cours réglé de tout événement physique de l’ordre naturel, évidemment le plus avantageux au genre humain. La loi morale est la règle de toute action humaine de l’ordre moral conforme à l’ordre physique, évidemment le plus avantageux au genre humain. » L’ensemble de ces lois forme ce que l’on a appelé la loi naturelle. Elle est la base du gouvernement le plus parfait.

» Les lois positives doivent être « des règles authentiques établies par une autorité souveraine pour fixer l’ordre de l’administration, du gouvernement, pour assurer la défense commune, pour faire observer régulièrement les lois naturelles, pour réformer ou maintenir les coutumes, pour régler les droits particuliers des sujets relativement à leurs différents états, pour déterminer l’ordre positif dans les cas douteux, réduits à des probabilités d’opinions ou de convenances, pour asseoir les décisions de la justice distributive. » En termes plus simples, la législation positive consiste surtout dans la déclaration des lois naturelles, dont la connaissance peut seule assurer la tranquillité et la prospérité. »

On a résumé cette thèse en disant : « Un homme se demanda si la société n’obéissait pas à certaines lois naturelles, indépendantes de la forme des gouvernements, que tout pouvoir devait respecter et toujours semblables à elles-mêmes sous le gouvernement d’un seul aussi bien que sous l’autorité de plusieurs. » Ce n’est pas tout à fait exact. Quesnay n’est pas le premier qui se soit occupé des lois naturelles. Depuis Pope on en parlait beaucoup en morale. On en parlait en sociologie depuis Montesquieu. Mais Quesnay est le premier qui ait considéré l’organisation sociale au point de vue économique, qui ait regardé les sociétés comme destinées à assurer la subsistance des hommes ou, autrement dit, la satisfaction des besoins individuels.

Ainsi qu’il l’avait déjà fait dans l’Essai physique sur l’Économie animale, il écartait les abstractions qui avaient fait jusque-là la base des théories sociales : « Il en a été, dit-il, des discussions sur le droit naturel comme des disputes sur la liberté, sur le juste et l’injuste. On a voulu concevoir comme des êtres absolus, ces attributs relatifs dont on ne peut avoir d’idée complète et exacte qu’en les réunissant aux corrélatifs dont ils dépendent nécessairement et sans lesquels ce ne sont que des abstractions idéales et nulles. »

Il remontait maintenant, par une induction hardie, jusqu’à l’objet des sociétés, et abandonnant dès lors la méthode a posteriori qu’il avait toujours préconisée, il tendait à faire de la science sociale une science déductive.

L’expression de lois naturelles qu’il n’a pas toujours appliquée au même objet, celle de droit naturel dont il n’osa se débarrasser, obscurcissent quelque peu son exposé. Elles le conduisent à une fausse notion du droit et du devoir. Au lieu de voir dans le droit un rapport entre des activités, il en a fait un concept abstrait, quoiqu’il repoussât les abstractions, absolu et spécial à chaque individu. Tout homme en venant au monde aurait un droit naturel, variable selon ses facultés et selon les circonstances, le droit de faire ce qui lui est avantageux. On pouvait tirer de ce concept le droit de vivre, le droit au travail, revenir en quelque sorte au droit de tous à tout de Hobbes, ce qui n’était pas assurément dans le sentiment du docteur.

Il aurait dû mieux définir les lois naturelles, montrer comment elles peuvent avoir pour fin le développement le plus grand possible des satisfactions individuelles, tout en assurant l’existence des corps sociaux et la conservation de l’espèce.

C’était une œuvre de longue haleine qui est bien loin d’être achevée aujourd’hui. Mais c’était déjà beaucoup de comprendre que le perfectionnement économique, individuel et social, n’est ni l’effet du hasard, ni celui de l’arbitraire légal, et que la recherche des conditions à remplir pour l’assurer, constitue une étude distincte de celle du droit positif. C’était poser les bases de la science sociale, car une science existe non quand elle a été formée tout entière, ce qui n’arrive jamais, mais quand son objet a été nettement indiqué.

Le Traité de Droit naturel était trop concis pour que les lecteurs ordinaires en pussent saisir la portée. Purement spéculatif, il n’était pas de nature à satisfaire la curiosité du public qu’agitaient déjà les discussions sur les problèmes constitutionnels.

Il avait paru dans le Journal de l’agriculture de septembre 1765. Un an plus tard, Baudeau se convertissait aux idées de Quesnay, et, au commencement de 1767 transformait les Éphémérides du citoyen qu’il avait fondées, pour en faire, avec le sous-titre de « Bibliothèque des sciences morales et politiques », l’organe de la nouvelle école. Dès le début, des théories de politique générale y furent exposées.

Dans l’Avertissement, Baudeau distingua entre les lois positives et les lois primitives, qui, dit-il, peuvent seules assurer l’ordre moral et politique, et il expliqua que la recherche de ces lois primitives est l’objet de la science « morale et politique[18] ». Il reprit la même idée dans des articles relatifs à l’ouvrage de Hubner, à la Théorie des Lois civiles de Linguet et à d’autres livres, puis dans les Vrais principes du droit naturel qu’il fit imprimer séparément sous le titre d’Exposition de la loi naturelle.

Mirabeau parla de l’ordre social à propos de l’instruction publique[19]. Quesnay développa enfin des vues politiques dans une série d’articles sur le Despotisme de la Chine[20].

Poivre, dans les Voyages d’un philosophe, avait fait un tableau enchanteur de l’état de l’agriculture de la Chine et en avait attribué le mérite au gouvernement de ce pays « dont les fondements profonds et inébranlables avaient été posés par la raison seule », à ses lois dictées par la nature et conservées précieusement de génération en génération.

Hubner avait trouvé aussi que la Constitution de l’Empire du milieu était conforme à la loi naturelle. Quesnay, partageant cette opinion ou s’en servant pour couvrir sa pensée, entreprit de démontrer dans ses articles que la monarchie absolue n’est pas toujours redoutable.

« Despote, dit-il, signifie maître ou seigneur. Ce titre peut s’étendre aux souverains qui exercent un pouvoir absolu réglé par les lois et aux souverains qui ont un pouvoir arbitraire qu’ils exercent en bien ou en mal sur des nations dont le gouvernement n’est pas assuré par des lois fondamentales… Il y a donc des despotes légitimes et des despotes arbitraires et illégitimes. »

Le despote légitime, le bon despote, envisagé par Quesnay, ressemblait beaucoup au monarque dont le docteur avait un jour parlé au Dauphin, celui qui n’aurait eu rien à faire : « En gros, de quoi s’agit-il pour la prospérité d’une nation ? » lit-on dans les Éphémérides ; « de cultiver la terre avec le plus grand soin possible et de préserver la société des voleurs et des méchants… Or la première partie est ordonnée par l’intérêt. » Le gouvernement n’a donc guère à s’occuper que de la seconde : « Oserait-on assujettir définitivement la théorie et la pratique de la médecine à des lois positives ? » Alors pourquoi vouloir réglementer ce qui peut s’organiser de soi-même quand on se conforme aux lois naturelles ?

Le despotisme de Quesnay ressemblait beaucoup à l’individualisme. Pour l’auteur du Traité de Droit naturel, l’ordre social était mieux assuré par le développement de l’instruction des citoyens et par leur bonne volonté que par des combinaisons constitutionnelles. L’aristocratie donnait des privilèges aux grands propriétaires de terres ; la démocratie était dangereuse en raison de l’ignorance et des préjugés du bas peuple ; les gouvernements mixtes ne l’étaient pas moins, parce que « l’autorité est alors dévoyée et troublée par les intérêts particuliers exclusifs des différents ordres de citoyens qui la partagent avec le monarque. »


IV


Le dernier article de Quesnay figure dans les Éphémérides de juin 1767. Dans le numéro suivant, Baudeau annonça l’apparition du livre de La Rivière, l’Ordre naturel et essentiel des Sociétés politiques.

Un peu plus tard, en décembre, le même journal signala à ses lecteurs que la Physiocratie ou Constitution naturelle du Gouvernement le plus avantageux au genre humain[21] venait de paraître. En tête de ce recueil d’articles écrits par Quesnay pour le Journal de l’Agriculture, Du Pont de Nemours avait placé un Discours préliminaire où il avait paraphrasé le Traité de Droit naturel. Le premier volume renfermait le texte du Traité, l’Explication du Tableau économique, les Maximes et les notes complémentaires des Maximes, tous amendés[22] de manière à les mettre en harmonie avec les vues politiques exposées dans les Éphémérides et dans le livre de La Rivière.

Enfin Du Pont fit de l’Ordre naturel et essentiel une analyse sous le titre d’Origine et progrès d’une science nouvelle.

Sur la première page de la Physiocratie était placé ce distique :

Ex natura, jus, ordo et leges ;
Ex homine, arbitrium, regimen et coercitio.


Il était ainsi indiqué nettement que le gouvernement le plus avantageux au genre humain était issu non de l’arbitraire, de la réglementation et de la contrainte des hommes, mais du droit, de l’ordre, des lois de la nature (φὐσις).

L’épigraphe était signée F. Q., c’est-à-dire François Quesnay. Le mot Physiocratie était peut-être aussi de la fabrication du docteur, sans qu’on puisse l’affirmer[23]. Il montrait très bien en tout cas le caractère individualiste du système dont les membres du petit cénacle où présidait Quesnay, exposaient la partie politique.

Le langage des disciples différait toutefois dans la forme de celui du maître. Quesnay était dogmatique avec simplicité ; la sécheresse de son style excluait l’emphase. Les disciples avaient pris un ton prophétique ; La Rivière était solennel[24], Mirabeau, Baudeau, Du Pont de Nemours, enthousiastes. Sous leur plume, les idées les plus ordinaires avaient pris un aspect pompeux. La « justice » était la « justice par essence » ; la connaissance des lois physiques de l’ordre social devait aller jusqu’à « l’évidence » ; la monarchie héréditaire était le « despotisme légal » ; leur système était la « science ». C’était à qui donnerait aux vues de l’école le plus de majesté, à qui prodiguerait au maître les louanges les plus outrées. Si Quesnay était un Socrate, chaque disciple semblait vouloir en être le Platon.

De tous les écrits politiques qui s’étaient ainsi succédé, l’ouvrage de La Rivière était le plus important.

Voltaire qui l’a combattu écrivait à ses amis :

« J’ai lu une grande partie de l’Ordre naturel et essentiel[25]. Cette essence m’a porté à la tête… Qu’un seul homme soit le propriétaire de toutes les terres, c’est une idée monstrueuse et ce n’est pas la seule de cette espèce dans ce livre qui d’ailleurs est profond, méthodique et d’une sécheresse désagréable. » — « J’ai lu le livre de La Rivière[26], j’ai peur qu’il ne se trompe avec beaucoup d’esprit. »

L’ouvrage de La Rivière ne renferme pas seulement en effet, une théorie politique, il contient un exposé du système économique de Quesnay.

« L’homme est un être social, explique l’auteur, la société est d’une nécessité physique ; sans elle, la reproduction des subsistances et par conséquent la multiplication des hommes eût été impossible. La connaissance de cette nécessité physique ou des lois de l’ordre physique social conduit à la connaissance des devoirs et des droits des hommes, c’est-à-dire de la justice sociale. Ces droits et devoirs consistent dans l’existence et le rapport de la propriété personnelle, mobilière et foncière ; l’inégalité des conditions est un fait nécessaire.

» Une société doit être organisée conformément aux lois de l’ordre physique et non en vertu de l’arbitraire d’une législation. « La raison des lois est antérieure aux lois ; les lois naturelles sont antérieures aux lois positives. »

» La distinction des trois pouvoirs politiques est illusoire.

» L’ordre social n’est assuré que si le prince n’a pas des intérêts contraires à ceux des sujets, que si les sujets connaissent et respectent leurs droits et leurs devoirs réciproques.

» Tout antagonisme peut disparaître entre le prince et les sujets, lorsque le monarque est intéressé à la prospérité matérielle, lorsque l’impôt est unique et uniquement foncier ; car alors le prince, co-propriétaire du produit net, voit son revenu augmenter à mesure que croît le produit net.

» Tout antagonisme entre les sujets doit disparaître quand ils sont suffisamment instruits des lois de l’ordre et quand les lois positives assurent l’existence et le maintien de la propriété personnelle et de la propriété matérielle.

» Les élus du peuple ne peuvent être plus soucieux de respecter la liberté et la propriété qu’un monarque héréditaire et absolu intéressé directement au développement de la richesse. Le seul contrôle auquel il convienne de le soumettre est celui du pouvoir judiciaire, en chargeant à la fois ce pouvoir d’administrer la justice et de vérifier la concordance des ordres du souverain avec les lois naturelles ; les attributions du souverain sont alors limitées au maintien de la sécurité. »

On a insinué qu’en menant leur campagne politique en 1767, les Physiocrates ont été poussés par des vues ambitieuses, et que s’ils se prononcèrent pour la monarchie héréditaire et absolue, ce fut dans le but de flatter les princes avec qui ils étaient ou voulaient être en relations.

La Rivière fut, en effet, appelé à la cour de Russie en juillet 1767. Baudeau fut envoyé en Pologne au mois de mars 1768 avec un canonicat, pour donner des conseils à Poniatowski, alors aux prises avec les dissidents de son royaume. Et précédemment, quand les Éphémérides étaient devenues l’organe des économistes, Quesnay avait voulu placer ce journal sous le patronage du nouveau Dauphin, le futur Louis XVI. Baudeau avait déclaré qu’il voulait rester libre. Lorsqu’il partit en Pologne et céda son privilège des Éphémérides à Du Pont, Quesnay reprit le projet ; une épître dédicatoire fut rédigée et agréée par le Dauphin ; mais le marquis de Mirabeau, principal commanditaire du journal, déclara que « les princes devaient mériter les économistes par des faits ou du moins par des sentiments hautement professés », et qu’il désavouerait les Éphémérides si elles prenaient une enseigne de cour[27]. Le duc de Saint-Mégrin, fils du duc de la Vauguyon, gouverneur des petits-fils de Louis XV, qui était en relations avec Du Pont, revint à la charge. Mirabeau tint ferme et, dans le même temps, avec une insolence toute aristocratique, « malgré les trembleurs », il dédia ses Économiques au grand duc de Toscane[28].

Ces divergences de vues dans la conduite à tenir envers le Dauphin prouvent déjà que l’insinuation à laquelle nous faisons allusion n’avait guère de fondement. Mais il importe de préciser et il importe aussi de savoir si la paternité de la théorie du despotisme légal appartient à Quesnay.


Le livre de La Rivière ne renfermait rien de subversif, au contraire, puisqu’il était favorable à la monarchie absolue ; le censeur refusa néanmoins le permis d’imprimer. Sartine, lieutenant de police, communiqua le manuscrit à Diderot pour avoir confidentiellement son avis ; Diderot conclut nettement pour l’autorisation. Il fit plus. À cette époque, il avait des relations suivies avec les représentants de Catherine II à qui il avait vendu la nue propriété de sa bibliothèque moyennant une pension. L’envoyé de la tsarine en Espagne voulait, en passant à Paris, consulter un homme versé dans la pratique des affaires coloniales. Diderot désigna La Rivière, qui avait été deux fois intendant de la Martinique. Le prince Galitzin, ambassadeur de Russie fut enchanté de ses entretiens avec le publiciste dont il trouvait l’ouvrage fort au-dessus de celui de Montesquieu[29]. Aussi résolut-il de l’envoyer à Moscou pour collaborer à la rédaction d’un code que Catherine faisait préparer par une grande commission. Lorsque le voyage fut décidé, Galitzin avança 12.000 livres à La Rivière qui partit huit jours après la publication de son livre[30]. Diderot, si l’on en croit Grimm, connaissait les intentions de l’ambassadeur lorsqu’il répondit à Sartine, mais il était si convaincu du mérite de l’ouvrage et de celui de l’auteur qu’il écrivit au sculpteur Falconnet, installé auprès de la tzarine :

« Nous envoyons à l’impératrice un très habile, un très honnête homme. Nous vous envoyons à vous un galant homme, un homme de bonne société. Ah ! mon ami, qu’une nation est à plaindre lorsque des citoyens tels que ceux-ci y sont oubliés, persécutés et contraints de s’en éloigner et d’aller porter au loin leurs lumières et leurs vertus…

» Lorsque l’impératrice aura cet homme-là, à quoi lui serviraient les Quesnay, les Mirabeau, les Voltaire, les D’Alembert, les Diderot ? À rien, mon ami, à rien. C’est celui-là qui a découvert le secret, le véritable secret, le secret éternel et immuable de la sécurité, de la durée et du bonheur des empires. C’est celui-là qui la consolera de la perte de Montesquieu. »

Et dans une autre lettre, quand La Rivière fut arrivé à Saint-Pétersbourg :

« Le Montesquieu a connu les maladies, celui-ci a indiqué les remèdes[31]. »

Diderot enfin engagea Du Pont de Nemours à résumer l’Ordre naturel et essentiel pour le rendre accessible à tout le monde.

Le Mercier de La Rivière de Saint-Médard[32] avait déjà eu une existence mouvementée ; membre du Parlement, il s’était, à deux reprises, mêlé activement des querelles entre la Cour et le Gouvernement et avait facilité le succès d’arrangements préparés par les ministres. Pour ce motif et aussi parce qu’il avait déjà la réputation d’être versé dans les questions financières et commerciales, il avait été nommé en 1758 intendant des îles du Vent de l’Amérique. Mme  de Pompadour et De Bernis le protégeaient, peut-être aussi Quesnay avec qui il était alors en relations.

La Rivière arriva à la Martinique lorsqu’elle venait d’être assiégée par les Anglais ; il fit, pour sauver la colonie, un emprunt hypothéqué sur ses biens personnels, et il n’en fut ensuite remboursé qu’en partie. En 1762, les Anglais revinrent ; la colonie capitula. La Rivière fit preuve cette fois encore d’énergie et de désintéressement.

Après la paix avec l’Angleterre, il fut renvoyé à la Martinique et y rendit de nouveaux services. Mais, partisan de la liberté commerciale, il permit aux négociants d’apporter de la Nouvelle-Angleterre, sous pavillon quelconque, les produits indispensables, avec faculté pour les importateurs de faire les retours en tafias et gros sirops de la colonie. Les protectionnistes de la métropole organisèrent une cabale contre lui et allèrent jusqu’à l’accuser d’avoir fait le commerce pour son propre compte. Il fut disgracié.

C’est alors qu’il fit de l’économie politique, collabora au Journal de l’Agriculture et rédigea son Ordre naturel et essentiel.

Il est possible que sa disgrâce ait contribué à lui faire penser que le pouvoir monarchique devait être tempéré par le Parlement ; rien ne prouve qu’il ait prévu les intentions du prince Galitzin et qu’il ait écrit son livre jour flatter Catherine II. La théorie du despotisme légal a attiré les princes du côté des Physiocrates, elle n’a pas été inventée pour leur plaire[33].

Le langage de Diderot, familier de l’entresol de Quesnay, indique en outre que La Rivière en est bien le principal auteur.

Sans doute, d’après ce que Mirabeau a raconté, « il travailla six semaines en robe de chambre dans l’entresol pour fondre et refondre son ouvrage et ensuite renier son père et sa mère »[34].

Sans doute aussi l’Ordre naturel et essentiel ne parut qu’après le Despotisme de la Chine, de Quesnay et Beaudau n’en a parlé dans les Éphémérides qu’au mois de juillet, en signalant que les opinions de l’auteur étaient conformes à celles du docteur.

Mais les disciples de celui-ci étaient trop enthousiastes de son mérite pour ne point lui attribuer la paternité de toutes les idées qui sortaient de l’entresol. Baudeau n’a pas fait allusion aux retards causés par la censure, et Mirabeau était disposé à croire que tous les physiocrates étaient des disciples aussi dociles que lui-même ; lorsqu’il entreprit de convertir J.-J. Rousseau, il ne lui conseilla pas de lire le Despotisme de la Chine ; il lui envoya l’Ordre naturel et essentiel.

Du Pont de Nemours, dans sa Notice abrégée, a d’ailleurs écrit[35] : « M. Baudeau se proposait de donner aux lecteurs des Éphémérides l’analyse complète et raisonnée de l’Ordre naturel et essentiel. Il a été détourné de ce travail… Au reste, la meilleure analyse qu’il soit possible d’en présenter se trouve faite d’avance dans la dernière partie de l’ouvrage intitulé Despotisme de la Chine, partie qui parut en juin 1767, en même temps que le livre de la Rivière. »

Et Mably, s’adressant à Baudeau, a dit de son côté, dans les Doutes proposés aux Économistes : « C’est pour préparer à la lecture de l’Ordre naturel des Sociétés que vous avez inséré dans votre journal un morceau sur le Despotisme de la Chine. »

Or Mably savait ce qui se passait dans l’entourage de Quesnay. « Il y a longtemps, monsieur, dit-il au début de son livre, que je suis comme vous, le disciple des philosophes célèbres que vous appelez vos maîtres. Combien de vérités ne leur devons-nous pas sur la nature des impositions, sur les moyens de faire fleurir l’agriculture et sur le commerce ? »

Grimm enfin a écrit que l’ouvrage de La Rivière, « magnifiquement annoncé » était le premier ouvrage politique des Physiocrates. « Messieurs du mardi[36] avaient annoncé ce livre comme une production merveilleuse. À la vérité, ils s’en attribuaient d’avance toute la gloire ; ils disaient qu’il contenait leurs idées, leurs principes et leurs vues… Baudeau a voulu annoncer et prévenir l’Ordre essentiel avec l’Exposition de la loi naturelle. »

On peut donc laisser à La Rivière la paternité du despotisme légal ; et il est même possible que la campagne menée dans les Éphémérides ait eu pour but d’aider Diderot à triompher des obstacles opposés par le censeur, à la publication du livre.

En tout cas, l’Ordre naturel et essentiel a eu, malgré son mérite, sur les destinées de l’École physiocratique une action fâcheuse, en attirant sur elle l’arme terrible du ridicule.

Se fiant aux récits de la tsarine sur le séjour du publiciste en Russie, on raconta qu’il y avait joué un rôle comique. Dès qu’il fut arrivé[37], son premier soin aurait été de louer trois maisons contiguës dont il aurait changé précipitamment toutes les destinations, convertissant les salons en salles d’audiences et les chambres en bureaux… Il aurait écrit en gros caractères sur la porte de ses nombreux appartements : département de l’intérieur, département du commerce, département des finances, etc. L’impératrice serait arrivée et aurait tiré le législateur de ses rêves.

Ces récits ne concordent nullement avec ceux de la baronne d’Obertkich et avec les documents que M. Tourneux a publiés récemment.

Des difficultés de tout genre furent opposées à La Rivière par la bureaucratie russe. Les commissaires que la tsarine avait chargés de la rédaction d’un code ne tinrent nullement à mettre un Français dans leur confidence et Catherine ne tint pas non plus à ce qu’il pût pénétrer ses véritables intentions. Le despotisme des Physiocrates ne pouvait ressembler à celui de l’éminente autocrate. La Rivière quitta dignement la Russie et Choiseul dut reconnaître que sa conduite avait été irréprochable.

Mais Voltaire, pour combattre l’impôt territorial, avait écrit l’Homme aux quarante écus où il s’était moqué des gens qui, « se trouvant de loisir, gouvernent l’État au coin de leur feu et décrètent que la puissance législatrice et exécutrice, étant née de droit divin copropriétaire de la terre, a droit à la moitié de ce qu’on mange[38] ». L’abbé Galiani, qui pérorait dans les cercles philosophiques, et Grimm poursuivaient les économistes de leurs épigrammes.

Mais Mably[39] avait discuté leurs théories générales et Graslin avait, non sans talent, cherché à réfuter leur système d’impôt unique, tout en reconnaissant qu’il était presque universellement accepté[40].


  1. Quesnay refit alors le Tableau économique, en prenant pour point de départ un revenu de 2 000 livres.
  2. Février.
  3. Réflexions sur la Richesse de l’État.
  4. Grimm.
  5. « L’approvisionnement de la capitale est un objet trop important pour qu’on y touche sans de nouvelles ressources », lit-on dans le Préambule.
  6. 12 décembre 1763.
  7. Voir le texte dans Du Pont de Nemours et l’École Physiocratique.
  8. À la même époque, 25 août 1763, Thomas obtint le prix d’éloquence pour son éloge de Sully. Son discours fit grand bruit ; des retranchements nombreux y furent faits pour l’impression.
  9. L’Enfance et la jeunesse de Du Pont de Nemours.
  10. De Romance. — Ces anecdotes ne se trouvent pas dans les autres Éloges de Quesnay.
  11. Lucas Montigny.
  12. Proyer, Vie du Dauphin. — Thomas, Éloge du Dauphin.
  13. Le Dauphin mourut le 20 novembre 1765.
  14. On retrouve ici Boisguilbert.
  15. Lettre sur le langage de la science économique.
  16. En 1758.
  17. Londres, 2 in-8o. — 2e édition 1767, 2 in-2. Baudeau a rendu compte longuement de cette 2e édition dans les premiers volumes des Éphémérides du citoyen.
  18. Janvier 1767.
  19. En 1767, il commença aussi à publier dans les Éphémérides ses Éléments de la Philosophie rurale.
  20. Mars et juin 1769.
  21. 2 vol. Le premier porte par erreur la date de 1769.
  22. M. Oncken, dans son édition des Œuvres de Quesnay, a souligné les modifications apportées au texte primitif du Traité de droit naturel.
  23. Baudeau s’en était déjà servi dans l’un de ses articles des Éphémérides ; mais, à ce moment, la publication de Du Pont était probablement en préparation.
  24. Emphatique et plat, dit Grimm.
  25. Octobre 1767.
  26. Décembre 1761.
  27. Lettre de Mirabeau, du 30 mars 1767, dans Lucas Montigny.
  28. Autre lettre du 6 mars 1769.
  29. C’est ce qu’il manda à Voltaire. Lettre de Voltaire, du 8 août 1767.
  30. Il est daté de Londres, et fut imprimé sans privilège.
  31. Tourneux, Premières relations de Diderot et de Catherine.
  32. Il était le fils d’un intendant de la généralité de Tours et était né à Saumur en 1719.
  33. Quérard attribue à Galitzin un ouvrage sur l’Esprit des économistes ou les économistes justifiés d’avoir, par leurs principes, préparé la Révolution française, 1796. Cet ouvrage n’a pas été trouvé à la Bibliothèque nationale.
  34. Lettre à Longo, 1788.
  35. Éphémérides de 1769.
  36. Il s’agit des dîners économiques chez le marquis de Mirabeau. Quesnay y assista quelquefois, ainsi qu’il résulte du passage d’un discours d’ouverture à l’année 1774, prononcé par Du Pont de Nemours, remplaçant Mirabeau, qui faisait ordinairement les discours d’ouverture.
  37. Mémoires de Ségur, copiés par J.-B. Say.
  38. Le roman de Voltaire est de 1768.
  39. Les Doutes proposés par Mably aux philosophes économistes sur l’ordre naturel et essentiel des Sociétés politiques, sont datés du 29 octobre 1767.
  40. Essai analytique sur la richesse et l’argent, 1767.