Le Feu-Follet/Chapitre IX

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Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne (Œuvres, tome 21p. 114--).


CHAPITRE IX.


« Maintenant, au milieu des ardeurs de midi, la mer tranquille et brillante se soulève lentement, car les vents errants qui la couvraient d’écume sont morts. Le vaisseau solitaire roule pesamment, et les voiles battent contre les mâts. Le plus léger son n’est pas perdu pour l’oreille, et les moindres choses attirent l’œil observateur.
Richardson.



Ainsi se termina cette mercuriale, comme la plupart de celles du capitaine Cuff, qui finissaient toujours par son retour à la bonhomie et à la raison. Le maître-d’hôtel reçut ordre de mettre un couvert de plus sur la table pour M. Griffin, et le capitaine suivit son second lieutenant sur le pont. Il y trouva tous ses officiers, les yeux fixés sur le Feu-Follet avec admiration, tandis que le lougre était immobile sur le miroir de la Méditerranée, sous les deux voiles légères que nous avons désignées, et qui ne servaient alors qu’à le maintenir stationnaire.

— C’est un serpent sous l’herbe régulièrement construit, grommela le maître d’équipage, M. Strand, regardant le lougre par dessus les hamacs du passe-avant, en se tenant debout sur le pied d’un mât de hune de rechange. Je n’ai jamais vu un vagabond à l’air plus déterminé.

Cette remarque était une sorte de soliloque ; car Strand n’avait pas tout à fait le privilège d’adresser la parole, en pareille occasion, à des officiers du gaillard d’arrière, quoiqu’il y en eût plusieurs à ses côtés, et il se croyait un homme trop important pour communiquer ses réflexions à ses subordonnés. Il fut pourtant entendu par le capitaine Cuff, qui arrivait en ce moment sur le passe-avant pour examiner lui-même ce bâtiment.

— C’est plutôt un serpent hors de l’herbe, Strand, dit-il, car il pouvait, lui, parler à qui bon lui semblait, sans être présomptueux et sans se dégrader. S’il était resté dans le port, il serait maintenant sous l’herbe, et nous en ferions ce que nous voudrions.

— Un bâtiment anglais, par exemple, ce serait une heureuse métapsycose, n’est-ce pas, capitaine ? Je crois que nous allons avoir un calme plat ce matin. Nos canots sont en excellente condition, et je crois que nos jeunes officiers aimeraient à faire une promenade sur l’eau.

Strand était un marin à tête grise, qui avait servi avec le capitaine Cuff depuis le temps où celui-ci était midshipman, et il avait été chef de hune avant d’être maître d’équipage. Il connaissait mieux que personne le caractère du capitaine, et ses suggestions réussissaient souvent, quand l’opinion de Winchester et des autres lieutenants ne pouvait prévaloir. Le capitaine se tourna brusquement vers lui, et le regarda attentivement en face, comme s’il eût été frappé de l’idée que Strand n’avait exprimée qu’indirectement. Ce mouvement fut remarqué, et, à un signe que Winchester fit secrètement, tout l’équipage poussa trois acclamations. C’est la seule manière dont l’équipage d’un bâtiment de guerre peut faire connaître ses désirs à son commandant, les acclamations y étant toujours tolérées, quand les hourras peuvent passer pour une preuve du courage de l’équipage. Cuff retourna vers l’arrière d’un air pensif, descendit dans sa chambre, et fit dire ensuite au premier lieutenant qu’il désirait lui parler.

— Je ne me soucie pas beaucoup de risquer une attaque par des canots en plein jour, Winchester, dit le capitaine en lui faisant signe de s’asseoir. La moindre faute peut tout gâter, et alors il y a dix contre un à parier que votre équipage ne sera pas remis au complet avant un an, à moins que vous n’exerciez le droit de presse à bord des bâtiments charbonniers et des neutres.

— Mais nous nous flattons, capitaine, qu’aucune faute ne sera commise dans rien de ce que la Proserpine entreprendra. Un bâtiment de guerre anglais réussit neuf fois sur dix, quand il fait attaquer hardiment par ses embarcations un de ces écumeurs de mer. Ce lougre est si ras de l’eau, qu’il sera aussi aisé de monter sur son pont que de passer d’un cutter[1] à bord d’un autre ; et alors je suppose que vous ne doutez pas de ce que des marins anglais peuvent faire ?

— Non, Winchester, je ne doute pas qu’une fois sur le pont, vous n’emporteriez le bâtiment ; mais le tout est d’y arriver, ce qui ne sera peut-être pas aussi facile que vous vous l’imaginez. De tous les devoirs d’un capitaine, celui d’ordonner une attaque par ses canots est le plus désagréable ; il ne peut là commander lui-même ; et si l’alaire tourne mal, il ne peut jamais se le pardonner. C’est une chose toute différente dans un combat où la chance, bonne ou mauvaise, est égale pour tous.

— Vous avez raison, capitaine ; et cependant c’est le seul moyen qu’aient les lieutenants pour obtenir de l’avancement un peu avant que leur tour arrive régulièrement. J’ai entendu dire que vous même vous avez été nommé commandant pour avoir coupé quelques bâtiments côtiers au commencement de la guerre actuelle.

— Vous n’avez pas été mal informé, Winchester ; et nous avions couru diablement de risques. Notre bonheur nous a sauvés, et voilà tout. Un coup de plus tiré par une maudite caronade nous aurait donné notre compte ; car, ayez une fois un peu le dessous, et vous êtes comme le gibier dans une bateau. — Le capitaine Cuff voulait dire une battue, mais son mépris pour les langues étrangères faisait que, lorsqu’il voulait en emprunter quelques mots, il les estropiait toujours, quelque connus qu’ils fussent. — Ce Raoul Yvard est un diable incarné dans un abordage, et l’on dit que, d’un seul coup de sabre, il fit sauter la tête d’un aide du master[2] du Thésée, quand il reprit une prise faite par ce vaisseau, — ce qui arriva à l’affaire qui eut lieu l’hiver dernier à la hauteur d’Alicante.

— Cet aide de master avait sans doute le cou long et mince comme celui d’une grue : il aurait mieux fait de rester chez lui et de l’allonger pour regarder les filles sortant de l’église le dimanche. — Je voudrais bien voir ce Raoul Yvard, ou quelque autre Français que ce soit, me faire sauter la tête d’un seul coup !

— Et moi, pour vous parler franchement, Winchester, je ne le voudrais pas. — Vous êtes un excellent premier lieutenant ; c’est une place dans laquelle un homme ordinairement a besoin de toute la tête qu’il a, et je ne crois pas que vous en ayez un pouce de trop. Mais, dites-moi, croyez-vous qu’on puisse trouver à louer à Porto-Ferrajo une felouque ou quelque autre bâtiment plus grand que nos canots ? Nous pourrions, par ce moyen, jouer à cet infernal corsaire un tour qui vaudrait mieux qu’une attaque par nos canots à découvert et en vrais bouledogues.

— Il n’y a pas le moindre doute, capitaine. Griffin dit qu’il se trouve dans ce port une douzaine de felouques qui n’osent en sortir de peur de rencontrer ce maudit Raoul Yvard. L’une d’elles, ayant l’air de chercher à s’échapper le long de la côte, serait un appât pour lui, et alors nous pourrions joliment le harponner.

— Je crois en avoir trouvé le moyen, Winchester. On ne nous a pas encore vus avoir des communications avec la ville, et heureusement nous sommes restés toute la matinée sous pavillon français. Nous avons le cap tourné vers la ville, et nous nous laisserons porter vers l’est à la dérive, de sorte que, dans quelques minutes, le lougre, dans la position qu’il occupe en ce moment, ne pourra voir tout au plus que le haut de nos mâts. Alors, vous vous rendrez à terre avec quarante hommes d’élite ; vous louerez une felouque, et vous sortirez du port en longeant les rochers au plus près possible, comme si vous aviez peur de nous. Nos canots vous donneront la chasse ; vous vous approcherez du lougre, qui est encore sous pavillon anglais, comme pour vous mettre sous sa protection ; et quand il sera placé entre vous et nos canots, vous viendrez à bout de maître Yvard, de manière ou d’autre, je vous en réponds.

Winchester fut enchanté de ce projet, et, cinq minutes après, les ordres furent donnés pour qu’on choisît et qu’on armât quarante hommes ; il eut ensuite une autre conférence avec le capitaine pour prendre tous les arrangements de détail, et quand le promontoire cacha la frégate au lougre, des canots conduisirent à terre le premier lieutenant et ses quarante hommes. Une demi-heure après leur départ, à l’instant où la Proserpine, après avoir viré vent arrière, approchait d’un point où elle allait redevenir visible pour le lougre, les canots revinrent, et furent hissés à bord. Les deux bâtiments furent bientôt de nouveau en vue l’un de l’autre ; tout, à bord de chacun d’eux, paraissant être resté in statu quo. Jusque-là, le stratagème avait été certainement bien conduit. Pour aider d’autant mieux la ruse, les batteries tirèrent dix à douze coups de canon contre la frégate, en ayant grand soin de ne pas l’atteindre ; et la Proserpine, toujours sous pavillon français, y riposta, en prenant la précaution plus sûre encore de ne tirer qu’à poudre. Tout cela se fit d’après un arrangement pris entre Andréa Barrofaldi et Winchester, dans la seule vue de faire croire à Raoul Yvard que le digne vice-gouverneur était encore persuadé qu’il était Anglais, et que la frégate au large était française. Une légère brise du sud, qui dura de huit à neuf heures, permit à la Proserpine d’avancer un peu plus au large, et de paraître par là vouloir se mettre hors de la portée des batteries.

Pendant la durée de cette brise, Raoul Yvard ne jugea à propos de toucher ni à amure ni à écoute, comme disent les marins. Le Feu-Follet resta tellement stationnaire, que si l’on eût relevé au compas sa position d’un point quelconque du rivage, sa direction n’aurait pas varié d’un degré pendant tout ce temps. Mais quelque faible que fût cette brise d’une heure, elle mit Winchester en état de sortir du havre sur la Divina Providenza, nom de la felouque qu’il avait louée, et de doubler le promontoire, sous la protection, à ce qu’il paraissait, de la batterie qui s’y trouvait, et il arriva en vue du lougre, au moment où l’on y relevait l’homme qui était au gouvernail, jusqu’à dix heures. On voyait huit ou neuf hommes sur le pont de la felouque, tous vêtus en matelots italiens, portant un bonnet et une chemise rayée de coton ; mais trente-cinq autres étaient cachés sous le pont. Tout favorisait jusqu’alors les projets du capitaine Cuff. La frégate était alors à environ une lieue du lougre, et à la moitié de cette distance de la felouque. Ce petit bâtiment s’était avancé en mer, et arrivait lentement dans une situation où il paraissait raisonnable que la frégate mît ses canots à la mer pour lui donner la chasse ; tandis que la manière dont elle approchait graduellement du lougre n’était de nature ni à exciter sa méfiance, ni à paraître avoir un dessein prémédité. Le vent alors était devenu si léger, qu’il favorisait les vues des Anglais.

On ne doit pas supposer que Raoul Yvard et ses compagnons n’observassent pas tout ce qui se passait. Il est vrai que Raoul retardait volontairement son départ, en alléguant qu’il était plus sûr de garder l’ennemi en vue pendant le jour, parce qu’il serait plus facile de lui cacher sa marche pendant la nuit ; mais le fait est que le désir de garder Ghita sur son bord le plus longtemps possible y était pour beaucoup, et il avait, pendant la matinée, passé une heure délicieuse auprès d’elle dans sa chambre. Mais il n’en était pas moins vrai que son œil intelligent ne laissait pas le moindre incident lui échapper, et qu’il était toujours prêt à donner les ordres que les circonstances pourraient exiger. Il n’en était pas tout à fait de même d’Ithuel. La Proserpine était l’objet de sa haine invétérée, et même en déjeunant, ce qu’il fit tout exprès sur le pied du beaupré, ses yeux ne s’en écartèrent pas une minute, si ce n’est pendant le court intervalle qu’elle fut cachée par le promontoire. Personne à bord du lougre ne pouvait dire si l’on savait à Porto-Ferrajo ce qu’elle était ; mais les feux de conserve allumés la nuit à une fenêtre de la maison du vice-gouverneur, et que l’Américain avait vus de ses propres yeux, rendaient probable, pour ne rien dire de plus, qu’on en était instruit, et qu’il fallait plus de précaution qu’on n’en aurait pris sans cela. Quant à la felouque, on ne voyait en elle rien qui inspirât la méfiance, et l’air de confiance avec lequel elle s’approchait du lougre, semblait donner lieu de croire qu’elle ignorait que le Feu-Follet fût un bâtiment ennemi.

— Cette felouque est celle qui était à l’ancre près de l’escalier, dit tranquillement Raoul, qui était venu sur le gaillard d’avant pour causer avec Ithuel ; elle se nomme la Divina Providenza, et elle fait un commerce de contrebande entre Livourne et la Corse ; où elle va probablement en ce moment. Elle a été bien hardie de se mettre en route dans de pareilles circonstances.

— Livourne est un port libre, dit Ithuel, et l’on n’a pas besoin d’y porter de la contrebande.

— Libre pour les pays amis, mais non libre pour aller et venir entre des pays ennemis. Nul port n’est libre dans ce sens, et un bâtiment commet un acte de trahison quand il entre dans un port ennemi, — à moins qu’il ne lui arrive d’être le Feu-Follet, ajouta Raoul en riant ; car nous avons nos privilèges, mon brave.

— Qu’elle veuille aller en Corse ou à Capraya, elle n’y arrivera pas aujourd’hui, à moins qu’elle n’ait plus de vent. Je ne conçois pas comment elle a mis à la voile sans avoir plus d’air qu’il n’en faut pour agiter un mouchoir de poche.

— Ces felouques, comme notre petit lougre, glissent sur la mer, même quand il n’y a pas un souffle de vent. D’ailleurs elle va peut-être à Bastia, et dans ce cas, elle a raison de chercher à gagner le large avant que le zéphyr arrive dans l’après-midi. Qu’elle gagne une lieue ou deux au large, un peu plus au nord-ouest, et elle peut faire route droit à Bastia, quand elle aura fait sa sieste.

— Ah ! les voilà après elle, ces Anglais affamés ! Je m’y attendais. Qu’ils voient la chance de gagner une guinée, et ils ne voudront pas la laisser échapper, quand ce serait contre la loi et la conscience. Qu’ont-ils à dire à une felouque napolitaine, puisque l’Angleterre est alliée avec Naples ?

Raoul ne répondit rien à cette observation, mais il examina avec grande attention le mouvement qui s’opérait. Le lecteur comprendra aisément ce qui avait causé la remarque d’Ithuel. La frégate venait de mettre à la mer cinq canots, et ils faisaient force de rames, en se dirigeant vers la felouque.

Il peut être à propos maintenant de faire connaître la situation relative de toutes les parties, et l’état exact du temps pour donner au lecteur une idée claire des événements qui vont suivre. Le Feu-Follet n’avait guère changé de place depuis le moment où il avait mis en panne, en portant son écoute de foc au vent. Il était à environ une lieue un peu au nord-ouest et en pleine vue de la résidence d’Andréa Barrofaldi, une baie profonde lui restant au sud et par le travers. Nul changement n’avait eu lieu ni dans sa voilure ni à sa barre, ses voiles étant toujours sur leurs cargues pour la plupart, et sa barre dessous. Le cap de la frégate ayant été maintenu à l’ouest depuis une heure, elle s’était avancée à quelque distance dans cette direction, et elle était alors aussi près du lougre que du promontoire, quoiqu’elle fût à près de deux milles de la terre. Ses voiles basses étaient carguées à cause de la légèreté du vent, mais toute sa voilure haute était établie, surveillée et orientée avec soin, afin de profiter du moindre souffle d’air qui gonflait de temps en temps les cacatois. Au total, elle pouvait se rapprocher du lougre à raison d’environ un nœud par heure. La Divina Providenza était tout juste hors de portée des canons de la frégate, et à environ un mille du lougre, quand les canots de la Proserpine furent mis en mer, quoiqu’elle longeât la côte de très-près, et qu’elle fût sur le point d’arriver à la baie dont il a été si souvent parlé. Les canots, comme de raison, marchaient en droite ligne de la frégate qu’ils venaient de quitter, vers la felouque qu’ils semblaient menacer.

Il était alors onze heures du matin, partie des vingt-quatre heures pendant laquelle la Méditerranée, dans les mois d’été, est ordinairement aussi unie qu’un miroir, et aussi calme que si jamais elle n’avait essuyé une tempête. Pendant toute la matinée, il y avait eu quelque irrégularité dans les courants d’air, la brise du sud, généralement légère et inconstante, ayant montré encore plus de légèreté et d’inconstance que de coutume. Cependant, comme on l’a vu, il y avait assez d’air pour donner du mouvement à un navire, et si Raoul eût voulu en profiter, comme les équipages des deux autres bâtiments, il aurait pu avoir alors doublé l’extrémité occidentale de l’île d’Elbe et se trouver à l’abri de tout danger. Quoi qu’il en soit, il s’était borné jusqu’alors à surveiller ce qui se passait, pour voir quel en serait le résultat, et il avait souffert que les autres bâtiments s’approchassent de lui.

Il faut convenir aussi que la ruse de la felouque avait été bien combinée, et elle paraissait sur le point d’être admirablement exécutée. Si Ithuel n’avait pas si positivement reconnu la Proserpine, s’il n’avait eu la certitude complète que c’était son ancienne prison, comme il l’appelait avec amertume, il est assez probable que l’équipage du lougre aurait été la dupe d’un tour si bien concerté. Les opinions étaient même encore divisées sur ce sujet, et Raoul lui-même était plus d’à demi disposé à croire que l’Américain se trompait pour cette fois, et que la frégate qu’on avait en vue était véritablement ce qu’elle prétendait être — un croiseur de la république française.

Winchester, qui était à bord de la felouque, et Griffin, qui commandait les canots, jouèrent leurs rôles à ravir. Ils connaissaient trop bien l’adresse et l’expérience de l’ennemi auquel ils avaient affaire pour négliger les moindres détails d’un plan bien concerté. Au lieu de s’avancer en droite ligne vers le lougre, dès que la chasse commença, la Divina Providenza parut disposée à entrer dans la baie, et à y chercher un mouillage sous la protection d’une petite batterie qui avait été établie dans ce dessein près de l’entrée. Mais la distance était si grande, que cette tentative aurait évidemment été inutile ; et après avoir marché quelques minutes dans cette direction, le cap de la Divina Providenza fut mis au large, et elle parut faire tous les efforts possibles pour se placer sous la protection du lougre. Tout cela se passa sous les yeux de Raoul, qui ne quittait pas un instant sa longue-vue, et qui épiait le moindre mouvement avec inquiétude et méfiance. Winchester, heureusement pour son projet, avait le teint basané, une taille moyenne et de gros favoris, comme cela arrive souvent à un marin qui néglige de les tailler pendant une longue croisière ; et avec son bonnet rouge phrygien, sa chemise rayée et ses pantalons de coton blanc, il ressemblait à un Italien aussi bien qu’il pouvait le désirer. Le choix des hommes qui se montraient sur le pont avait été fait en grande partie d’après leur mine : la plupart étaient des étrangers nés sur les bords de la Méditerranée ; car il est rare que l’équipage d’un bâtiment de guerre anglais ou américain n’offre pas quelques représentants de la moitié des nations maritimes de tout l’univers. Ces hommes avaient soin de montrer un degré convenable d’alarme et de confusion ; on les voyait courir çà et là sur le pont, et s’agiter beaucoup, mais sans ordre ni concert. Enfin, le vent ayant manqué tout à fait, ils prirent deux avirons, et se mirent à ramer de toutes leurs forces, avec le désir aussi réel qu’apparient de s’approcher du lougre autant qu’il leur serait possible.

— Peste ! s’écria Raoul, tout cela semble de bon jeu. Si c’était une frégate française, après tout ? Les hommes qui sont dans les canots paraissent ressembler à mes braves compatriotes.

— Il n’y en a pas un qui ne soit un vrai John Bull, répondit Ithuel d’un ton positif, et cette frégate est l’infernale Proserpine. Quant à leurs chapeaux français, et à leur manière de ramer, c’est un jeu pour nous tromper. Faites seulement tomber au milieu d’eux un boulet de six livres, et vous les verrez se défaire de leurs airs français et redevenir de vrais Anglais.

— Je n’en ferai rien, car cette épreuve pourrait être fatale à un ami. — Mais que font-ils à présent sur la felouque ?

— Ils ont un petit canon — oui, c’est une caronade de 12 sous le prélard, en avant de leur misaine, et ils se préparent à s’en servir. — Nous les verrons faire quelque chose avant la fin de la semaine.

— Comme vous le dites, et voilà qu’ils pointent leur pièce contre les canots.

Tandis que Raoul parlait ainsi, la felouque disparut à demi dans un nuage de fumée, et l’on entendit ensuite la détonation. On vit le boulet faire des ricochets sur l’eau, assez loin du premier canot pour ne pas risquer de le toucher, mais assez près pour faire croire qu’on en avait l’intention. Ce canot était la launch[3] de la Proserpine ; elle portait sur l’avant une caronade semblable, et il ne se passa pas une demi-minute avant que le coup eût été rendu. Les canonniers étaient si adroits, et toutes les parties de cette ruse de guerre avaient été si bien calculées, que le boulet, traversant l’air en sifflant, arriva en ligne directe à la felouque, et en brisa la grande vergue à demi-distance du pied du mât à son extrémité supérieure.

— Humaine nature ! s’écria Ithuel ; c’est payer tout ce qu’on a promis, dollars et cents. — Capitaine Roule, ils tirent mieux quand c’est pour rire que quand c’est pour tout de bon.

— Cela a partout l’air d’être tout de bon, répondit Raoul ; personne ne couperait la grande vergue de son ami de propos délibéré.

Dès que les équipages des cinq canots virent tomber le bout de la vergue, ils cessèrent de ramer, et poussèrent trois grandes acclamations ; Griffin, debout sur l’arrière de la launch, leur en donna lui-même le signal.

— Ah ! s’écria Raoul, il n’y a plus l’ombre d’un doute ; ce sont des Anglais ! Qui a jamais entendu nos républicains crier ainsi, comme des fantoccini italiens mus par un fil d’archal ? — Messieurs les Anglais, vos gosiers infernaux vous ont trahis. Maintenant, écoutez bien ! Vous nous entendrez bientôt conter le reste de l’histoire.

Ithuel se frotta les mains de joie ; car il était convaincu que Raoul ne pouvait plus se laisser tromper, quoique les boulets fussent échangés entre la felouque et la launch avec assez d’activité pour faire honneur à un combat bona fide. Pendant tout ce temps les avirons de la felouque frappaient l’eau sans discontinuer, car les canots gagnaient sur elle deux pieds contre un. La Divina Providenza pouvait être alors à cent cinquante brasses du lougre, et la launch, celui des canots qui était le plus près de la felouque, s’en trouvait à peu près à la même distance en arrière. Dix minutes de plus devaient certainement placer les deux combattants bord à bord.

Raoul ordonna qu’on bordât les avirons de galère du Feu-Follet, et qu’on y plaçât du monde. Les canons, — caronades de 12, — furent démarrés et amorcés. Il y en avait quatre de chaque côté, et les deux de 6 sur le gaillard d’avant furent préparés de la même manière. Quand tout fut prêt, les douze avirons du lougre tombèrent dans l’eau comme par un instinct commun, et un puissant effort poussa le lougre en avant. Au même instant le foc et le tape-cul furent cargués. Il ne fallut qu’une minute à Winchester pour être convaincu qu’une poursuite par la felouque, et peut-être même par les canots, n’offrirait aucun espoir, si le lougre tentait de leur échapper de cette manière ; car, seulement à l’aide de leurs avirons, les hommes de son équipage étaient en état de lui faire filer de trois nœuds à trois nœuds et demi par heure. Mais il ne paraissait pas songer à fuir, car il avait le cap tourné vers la Divina Providenza, comme s’il eût été trompé par l’artifice des Anglais, et qu’il eût dessein de protéger un bâtiment ami et d’en empêcher la capture.

En faisant une telle supposition, on aurait pourtant été bien loin de deviner le projet de Raoul. Il commença par placer le Feu-Follet en ligne avec la Divina Providenza et les canots ; car, dans cette position, il aurait moins à craindre le feu de ces derniers, qui avaient toujours soin de pointer leurs canons assez haut pour ne pas risquer de nuire à leurs amis ; et il aurait en outre l’avantage d’avoir tous ses ennemis en ligne directe avec ses canons. Pendant ce temps, la felouque et les canots non-seulement continuèrent à faire usage de leurs caronades, mais commencèrent même un feu de mousqueterie bien nourri. La felouque n’était plus alors qu’à une cinquantaine de brasses du Feu-Follet, et avait l’air d’être pressée de très-près par ses ennemis. Il ne faisait plus le moindre vent en ce moment, le peu qu’il y en avait en ayant été abattu par la canonnade. La mer se couvrait peu à peu d’un nuage de fumée, qui s’agglomérait surtout autour de la felouque, car on avait soin de brûler beaucoup de poudre sur diverses parties de ce bâtiment, précisément pour produire cet effet. Ithuel remarqua pourtant qu’au milieu de cette confusion et de cette fumée, le nombre des hommes de l’équipage de la Divina Procidenza augmentait au lieu de diminuer : on y avait bordé quatre avirons ; trois hommes avaient été placés à chacun d’eux, et l’on put bientôt en apercevoir une vingtaine d’autres sur le pont, courant çà et là, et criant entre eux dans une langue qu’ils auraient voulu faire passer pour de l’italien, mais qui, aux oreilles exercées de l’Américain, sonnait comme de l’anglais bâtard. La felouque n’était plus guère qu’à vingt-cinq brasses du lougre, quand ces clameurs atteignirent leur plus haut degré, et l’instant de la crise arrivait. Les acclamations qui partaient des canots à peu de distance en arrière proclamaient l’approche rapide de Griffin, et la Divina Providenza, avec une sorte d’empressement aveugle, suivit une ligne qui la portait directement sur l’avant du Feu-Follet.

— Mes enfants, s’écria Raoul, soyez calmes ! — Feu !

Cinq bouches à feu vomirent aussitôt la mitraille au milieu de la fumée qui couvrait la felouque, et les cris qui s’y élevèrent annoncèrent suffisamment l’effet que cette décharge avait produit. Un silence solennel, causé par la surprise, régna parmi les Anglais, mais il y succéda un cri général indiquant leur résolution de braver tous les dangers. Les canots contournèrent la poupe et la proue de la felouque, et firent feu sur leur véritable ennemi de leurs deux caronades, qui, pour cette fois, furent chargées et pointées avec des intentions meurtrières. Mais il était trop tard pour pouvoir espérer de réussir. Lorsque Griffin, sur la launch, sortit du sein de la fumée qui couvrait la Divina Providenza, il vit toutes les voiles du lougre déployées et gonflées par un dernier effort du vent du sud expirant Mais le Feu-Follet était si léger, qu’un canard aurait eu peine à se soustraire au fusil du chasseur avec plus de rapidité que n’en mit ce petit esquif à s’élancer en avant, à traverser un nuage de fumée, et à augmenter d’une cinquantaine de brasses la distance qui le séparait de ses ennemis. Comme ce faible vent semblait devoir durer assez longtemps pour mettre ses canots dans le plus grand danger sous le feu des Français, Winchester leur ordonna d’abandonner la poursuite et de se rallier autour de la felouque. Griffin obéit à cet ordre, quoique à contre-cœur, et l’on eut de part et d’autre un moment pour réfléchir.

Le Feu-Follet n’avait souffert aucune avarie, mais les Anglais n’avaient pas moins d’une douzaine d’hommes tués ou blessés ; Winchester lui-même était du nombre de ces derniers, et comme il voyait que si l’on obtenait quelques succès postérieurs, on en ferait honneur à l’officier qui lui était subordonné, il s’en trouvait d’autant moins disposé à poursuivre une entreprise qui, dans le fait, n’offrait aucun espoir. Raoul était occupé d’idées fort différentes. Voyant que la frégate recevait le vent aussi bien que lui, et qu’elle s’avançait peu à peu dans la direction des combattants, il résolut de se venger de la tentative audacieuse qui avait été faite contre lui, avant de se remettre en route.

Le lougre vira donc vent devant et passa au vent de la felouque, lui envoyant une bordée chemin faisant. La Divina Providenza riposta, mais son feu cessa bientôt, et quand le Feu-Follet en fut à quelques brasses, il vit que tous les Anglais l’avaient abandonnée en emportant leurs blessés. Les canots faisaient force de rames à travers la fumée pour gagner la baie, prenant une direction opposée à celle vers laquelle le cap du lougre était tourné. Il aurait été facile aux Français de les atteindre, et peut-être de les couler à fond ou de les capturer ; mais il y avait dans le caractère de Raoul Yvard une sorte de sentiment chevaleresque qui le porta à déclarer que, comme le stratagème avait été ingénieusement conçu, et que l’exécution en avait été tentée avec courage, il ne voulait pas poursuivre plus loin son succès. Peut-être l’apparition sur le pont de Ghita, qui le conjura d’être miséricordieux, eut-elle quelque influence sur lui ; mais, au total, il est certain qu’il ne permit pas qu’on tirât un coup de canon de plus. Au lieu de profiter ainsi de son avantage, le lougre amena ses voiles de l’arrière, vira vent arrière en pivotant sur son talon, revint au vent sous le vent de la felouque, fila les écoutes des voiles de l’avant, et lofa si près de ce qu’on peut appeler sa prise, que les deux bâtiments s’abordèrent, mais si doucement qu’ils n’auraient pas, comme on dit, cassé un œuf. Un seul cordage amarra la felouque au lougre, et Raoul, Ithuel et quelques autres y passèrent.

Le pont de la Divina Providenza était couvert de sang, et la mitraille était incrustée par poignées dans les bois de ce bâtiment. Trois corps morts furent trouvés dans la cale, mais on ne rencontra nulle part un seul être vivant. On découvrit une chaudière pleine de goudron, on la plaça sous le panneau, on la couvrit de toutes les matières combustibles qu’on put trouver, et l’on y mit le feu. La flamme prit une telle activité dans cette saison de sécheresse et de chaleur, que Raoul regretta un instant de l’avoir allumée avant d’en avoir éloigné son lougre ; mais le vent du sud continuant, il fut en état de se mettre à une distance convenable avant qu’elle atteignît le gréement de la felouque et qu’elle en dévorât les voiles.

Dix minutes furent ainsi perdues, et elles suffirent pour conduire les canots en sûreté dans la baie, et pour amener la frégate à presque une portée de canon du Feu-Follet. Mais bordant toutes ses voiles, Raoul fut bientôt loin de sa prise embrasée, et il se dirigea ensuite vers l’extrémité occidentale de l’île d’Elbe, marchant, comme c’était sa coutume par un vent si léger, à raison de trois nœuds par heure, tandis que la frégate n’en tirait que deux. Cependant l’heure n’était pas favorable à la continuation de la brise, et au bout de dix autres minutes les sens les plus subtils n’auraient pu découvrir le moindre courant d’air sur la surface de l’eau. La brise qu’on avait eue par courts intervalles était comme la lueur d’une lampe qu’on voit briller à l’instant où elle va s’éteindre ; et Raoul fut certain qu’il n’y aurait plus de vent de la journée avant l’arrivée du zéphyr. Il ordonna donc qu’on carguât toutes les voiles, fit dresser une tente sur le gaillard d’arrière, et permit à tout son équipage de s’occuper comme il plairait à chacun. La frégate aussi sembla sentir que c’était l’heure de la sieste pour les bâtiments comme pour les hommes, car elle amena ses perroquets et ses cacatois, mit sur les cargues son foc et sa brigantine, cargua ses voiles basses, et reposa sur l’eau aussi immobile que si elle eût été arrêtée sur une pointe de rocher. Les deux bâtiments n’étaient à la distance l’un de l’autre que d’une longue portée de canon, et, dans des circonstances ordinaires, le plus grand aurait pu faire attaquer le plus petit par ses canots ; mais les Français venaient de donner à leurs ennemis une leçon qui ne leur laissait aucune crainte d’un renouvellement soudain d’hostilités, et à peine firent-ils à leur voisin l’honneur de le surveiller. Une demi-heure après, quand Winchester revint à bord, boitant par suite d’une blessure à la jambe, on apprit que cette expédition avait coûté la vie à sept bons matelots, et occasionnerait une suspension temporaire de service à quinze autres.

Le capitaine Cuff avait compris que sa tentative allait échouer, quand il avait vu le lougre, sous voiles et maître de ses mouvements, faire feu indifféremment sur la felouque et sur les canots ; mais quand il vit ceux-ci se retirer à la hâte vers la baie, il ne douta plus qu’ils n’eussent été maltraités, et il s’attendit à une perte sérieuse, quoique moins considérable que celle qui avait été faite. Il ne voulut pas interroger son premier lieutenant avant que sa blessure eût été pansée ; mais dès que les canots eurent été hissés à bord et mis à leur place, il fit venir Griffin dans sa chambre.

— Eh bien, monsieur Griffin, vous m’avez mis, vous tous, dans un chien d’embarras en voulant attaquer avec des canots un Fiou-Folly et un Raoul Yvard. Que dira l’amiral, quand il viendra à apprendre que vingt-deux hommes ont été tués ou blessés, et que nous aurons à payer la valeur d’une felouque pour une matinée d’amusement que vous avez voulu avoir ?

— Réellement, capitaine Cuff, nous avons fait de notre mieux ; mais il serait aussi facile de chercher à arrêter une éruption du mont Vésuve avec des boules de neige, que de résister à la mitraille de cet infernal lougre. Je crois qu’il n’y avait pas sur toute la felouque un espace de trois pieds carrés qui n’en fût criblé. Jamais nos hommes ne se comportèrent mieux, et jusqu’au dernier hourra que nous poussâmes, je me crus aussi sûr de prendre le Feu-Follet que de l’avancement que cette prise me vaudrait.

— Oui, ils n’ont plus besoin de l’appeler le Fiou-Folly, le Grand-Folly serait un nom qui lui conviendrait mieux. — Et pourquoi diable avez-vous crié hourra ? Avez-vous jamais entendu beugler ainsi à bord d’un bâtiment français ? Vos chiens de hourra vous ont fait reconnaître pour Anglais avant que vous fussiez assez près pour les aborder. Il fallait crier — vive la raipublic ! — comme le font les équipages de tous les bâtiments de cette nation que nous attaquons. Un hourra anglais régulier fendrait le gosier d’un Français.

— Je crois qu’à cet égard nous avons fait une méprise, capitaine ; mais je n’ai jamais assisté à un combat sans entendre des hourras, et quand l’affaire entre les canots et la felouque commença à devenir chaude, ou, pour mieux dire, à le paraître, j’avoue que je m’oubliai un peu moi-même. Mais, malgré tout cela, nous aurions pris le lougre si n’eût été une seule chose.

— Et quelle est cette chose, Griffin ? Vous sentez qu’il faut que j’aie quelque chose de plausible à dire à l’amiral. Il ne conviendrait pas qu’on lût dans la gazette que nous nous sommes fait battre pour avoir crié hourra mal à propos.

— Ce que je voulais dire, capitaine, c’est que si le lougre n’avait pas tiré si tôt sa première bordée, et qu’il nous eût laissé le temps de nous mettre hors de portée, nous serions revenus sur lui avant qu’il eût en le temps de recharger, et nous l’aurions pris à l’abordage, en dépit de la brise qui le favorisait. Ajoutez que cette bordée blessa trois hommes de la launch, ce qui paralysa trois de nos avirons à l’instant le plus critique. Vous savez que tout dépend de la fortune en de pareils moments, et elle se déclara contre nous.

— Umph ! — Je ne peux pas écrire à Nelson : « Tout allait au mieux, Mylord, jusqu’au moment où trois de nos avirons furent frappés de paralysie ; ce qui nous retint en arrière. » Non, non ; cela ne peut se lire dans la gazette. — Voyons, Griffin ! — Après tout, le lougre s’est éloigné de vous, et vous l’auriez pris s’il fût resté stationnaire, au lieu de faire voile au plus près du vent ?

— Sans contredit. S’il fût resté stationnaire, comme vous le dites, rien ne nous aurait empêchés de l’aborder.

— Fort bien. — Il prit donc la fuite. — Le vent le favorisait. — Il fit force de voiles. — Toute tentative pour l’aborder fut inutile. Nos hommes ont montré leur bravoure ordinaire et se sont comportés au mieux ! — Oui, cela ne sonne pas mal, cela pourra passer. Mais cette maudite felouque, qu’en dirons-nous ? Vous voyez qu’elle est brûlée jusqu’à fleur d’eau, et elle va couler à fond dans quelques minutes.

— Sans doute, capitaine ; mais songez que pas un Français n’a osé monter à bord tant que nous y sommes restés.

— Bien. Je vois ce qu’il faut dire. — La felouque étant trop lourde pour se mettre en chasse, nous avons fait passer tout le monde sur les canots pour poursuivre l’ennemi ; mais nos efforts pour l’atteindre n’ont pu réussir ! — Ce Nelson est un diable, et j’aimerais mieux entendre tonner dix mille tempêtes que de recevoir une de ses lettres en style d’ouragan. Eh bien, je crois comprendre toute l’affaire à présent ; en en rendant compte, je parlerai de vous tous comme vous le méritez. L’affaire a été bien conduite, et vous méritiez d’obtenir du succès, quelle que soit la cause qui l’a empêché.

En parlant ainsi, le capitaine Cuff était plus près de la vérité que dans tout ce qu’il avait dit auparavant sur ce sujet.

Illustration


  1. Nom que l’on donne à bord des bâtiments anglais aux canots ordinaires du bord.
  2. Master ; nom que reçoit, dans la marine anglaise, un officier chargé principalement de la route du bâtiment, des appareillages et des mouillages. Ce grade n’existe pas dans la marine française.
  3. La chaloupe.