Le Feu-Follet/Chapitre VIII

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Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne (Œuvres, tome 21p. 100-114).


CHAPITRE VIII.


« Dans notre baie, par une nuit orageuse, nos insulaires virent des barques s’avancer vers le rivage, et l’on y remarquait çà et là une lumière vacillante qui brillait sur les rames et sur les rameurs. Quand on les héla, les rames s’arrêtèrent, et tout fut ténèbres. — Ah ! on se cache ! — Rentrons chez nous. Ce sont des requins.
Dama.



Il faisait nuit quand Raoul sortit de la maison du gouverneur, laissant Vito Viti avec Andréa Barrofaldi dans la bibliothèque de celui-ci. Dès que le jeune marin eut le dos tourné, le vice-gouverneur, qui était en train de faire parade de ses connaissances, reprit une conversation qui avait vivement flatté son amour-propre.

— Il est aisé de voir, voisin Viti, que ce jeune Inglese est de noble naissance, quoiqu’il n’ait pas reçu une éducation très-libérale. Son père, milord Smit, a sans doute une famille nombreuse, et les usages d’Enghilterra sont différents des nôtres en ce qui concerne les droits que donne la naissance. Là, le fils aîné hérite seul des biens et des honneurs du père, et les cadets sont placés dans la marine ou dans l’armée, pour qu’ils puissent y acquérir de nouvelles distinctions. Nelson était fils d’un prêtre, à ce que j’ai entendu dire.

Cospetto ! d’uno padre ! s’écria le podestat. C’est une honte d’en convenir. Il faut qu’un prêtre soit possédé du démon pour avouer qu’il a un fils, quoiqu’il puisse certainement en avoir un.

— Il n’en est pas des luthériens comme de nous autres catholiques, Vito. Il est bon que vous vous rappeliez que les prêtres anglais peuvent se marier, quoique les nôtres ne le puissent pas.

— Je n’aimerais pas à me confesser à un pareil prêtre : il ne manquerait pas de tout dire à sa femme, et les saints savent seuls jusqu’où peut aller ce qui est une fois confié à une femme. — Pas un honnête homme, pas même une honnête femme ne pourrait rester à Porto-Ferrajo ; il y ferait trop chaud.

— Mais faites donc attention que les luthériens ne se confessent jamais.

San Stefano ! Comment donc espèrent-ils entrer dans le ciel ?

— Je ne sais pas s’ils l’espèrent, mais, dans tous les cas, nous savons que ce serait un vain espoir. — Pour en revenir à sir Smit, on aperçoit dans son air et ses manières la finesse de la race anglo-saxonne, qui est un peuple tout à fait distinct des anciens Gaulois, tant par son histoire que par son caractère. Pietro Giannone, dans son voyage intitulé Storia civile del regno di Napoli, parle des Normands, qui étaient une branche de ces aventuriers avec beaucoup d’intérêt et en grand détail ; et je crois retrouver dans ce jeune homme quelques-unes des particularités qui sont si admirablement dépeintes dans son ouvrage fort bien écrit, mais avec trop de liberté. — Eh bien, Pietro, ce n’est pas de toi que je parlais ; c’était d’un auteur qui portait le même nom ; de la famille Giannona, un historien de Naples, plein de mérite et d’érudition. — Et toi, que me veux-tu ?

Ces dernières phrases s’adressaient un domestique, qui entrait en ce moment tenant à la main un morceau de papier qu’il remit à son maître en disant :

— Il y a dans l’antichambre, signor Andréa, un cavalier qui demande l’honneur d’une audience, et dont Votre Excellence verra le nom sur ce papier.

Le vice-gouverneur prit le papier, et lut tout haut : — Edward Griffin, tenente della marina inglesa.

— Ah ! c’est un officier qui nous apporte quelques nouvelles du Ving-y-Ving, ami Vito. Je suis charmé que vous soyez encore ici pour entendre ce qu’il a à nous dire. — Faites entrer le tenente, Pietro.

Un seul coup d’œil aurait suffi à un homme qui aurait connu les Anglais mieux qu’Andréa Barrofaldi, pour être convaincu que celui qui se présentait était réellement né en Angleterre. C’était un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans, ayant le visage rond, les joues vermeilles et un air de bonne humeur, portant le petit uniforme du service auquel il disait appartenir, et dont l’air et les manières annonçaient la profession aussi bien que le pays. Il s’exprimait en fort bon italien, car cette langue lui était familière, et c’était pour cette raison qu’il avait été choisi pour la mission qu’il remplissait. Après avoir salué le vice-gouverneur, il lui dit en lui présentant une feuille de parchemin :

— Si vous savez l’anglais, Signor, vous allez voir que je suis réellement ce que je me dis être.

— Sans contredit, signor tenente : vous appartenez au Ving-y-Ving, et vous servez sous les ordres de sir Smit.

Le jeune homme parut surpris, et même disposé à rire, mais un sentiment de décorum le mit en état de résister à ce désir.

— J’appartiens au bâtiment de Sa Majesté britannique la Proserpine, Signor, et je ne sais ce que vous voulez dire par le Ving-y-Ving, répondit-il d’un ton un peu sec. Le capitaine Cuff, commandant cette frégate que vous avez vue ce matin à la hauteur de votre havre, m’a envoyé à bord de la felouque qui vient d’y entrer ce soir, pour vous apporter des nouvelles du lougre auquel nous avons donné la chasse vers le sud, ce matin à neuf heures, et que je revois en ce moment tranquille et mouillé dans votre baie. La Proserpine était à l’ancre derrière Capraya quand je l’ai quittée, mais elle sera ici pour me reprendre et savoir les nouvelles avant le point du jour, pour peu qu’il y ait de vent.

Andréa Barrofaldi et Vito Viti se regardèrent en ouvrant de grands yeux, comme si un messager sorti des régions inférieures fût arrivé pour les enlever et leur faire subir la peine de leurs méfaits. Le lieutenant parlait parfaitement l’italien pour un étranger, et ses manières annonçaient tant de droiture et de franchise, qu’elles portaient toutes les apparences de la vérité.

— Et vous ne savez ce que je veux dire par le Ving-y-Ving ? dit le vice-gouverneur avec un ton d’emphase.

— Je vous le dis franchement, Signor, je ne le sais pas. Ving-y-Ving n’est pas anglais, et je ne sache pas que ce soit de l’italien.

Cette assertion fit perdre beaucoup de terrain à M. Griffin, car elle impliquait un doute des connaissances d’Andréa dans les langues étrangères.

— Vous dites, si je vous comprends bien, signor tenente, que ving y ving n’est pas anglais ?

— Je le dis, Signor ; du moins c’est de l’anglais que je n’ai jamais entendu ni sur terre ni sur mer ; car nous autres marins nous avons une langue à nous.

— Me permettrez-vous de vous demander ce que signifie ala e ala, mot pour mot ?

Le lieutenant réfléchit un instant, sourit malgré lui, et répondit en reprenant sur-le-champ un air de respect et de gravité :

— Je crois vous comprendre à présent, signor vice-gouverneur. Nous avons une phrase nautique pour désigner un bâtiment à voiles en pointes, ayant deux voiles qui se balancent, une de chaque côté ; mais nous l’appelons wing and wing[1].

— C’est cela même, Signor, — ving y ving, — et c’est le nom du lougre de votre roi, qui est en ce moment à l’ancre dans notre baie.

— Ah ! c’est ce que nous pensions, Signor. Le drôle vous a trompé comme il en a trompé une centaine d’autres avant vous, et comme il en trompera encore une centaine, à moins que nous ne le prenions cette nuit. Ce lougre est un célèbre corsaire français, et nous avons en ce moment six croiseurs qui le cherchent, nous compris. Il s’appelle le Feu-Follet, ce qui signifie en anglais, non wing and wing, mais will o’the wisp, ou Jack o’Lantern ; — ce que vous appelleriez en italien il Fuoco-Fatuo. Son commandant se nomme Raoul Yvard, et jamais corsaire plus déterminé n’est sorti des ports de France, quoiqu’on lui accorde quelques bonnes qualités et même de la noblesse d’âme.

À chaque mot que prononçait le lieutenant, une page d’histoire s’effaçait de la mémoire du vice-gouverneur. Il avait entendu parler du Feu-follet et de Raoul Yvard, et au milieu de l’amertume causée par une guerre acharnée, on avait peint ce dernier sous toutes les couleurs qui caractérisent un pirate. La pensée qu’il avait été la dupe d’un corsaire, qu’il l’avait accueilli avec hospitalité, et qu’il n’y avait pas encore une heure qu’il causait amicalement avec lui, avait quelque chose de trop humiliant pour sa philosophie pour qu’elle pût se rendre à la première sommation. Il était donc naturel qu’avant d’ajouter une foi entière à ce qu’il venait d’entendre, il fit les objections qui se présentèrent à son esprit.

— Tout cela doit être une méprise, dit-il ; il y a des lougres anglais aussi bien que des lougres français, et celui qui est en ce moment dans cette baie est du nombre des premiers. Son commandant est un noble anglais, fils de milordo Smit ; et quoique son éducation ait été un peu négligée, tout ce qu’il dit et tout ce qu’il fait prouve sa noble origine et son caractère national. Le Ving-y-Ving est commandé par sir Smit, jeune officier plein de mérite, comme vous devez l’avoir vu vous-même ce matin, Signor, par ses évolutions. — Vous avez sûrement entendu parler du capitaine Smit, fils de milordo Smit ?

— Nous ne nions pas qu’il ne se soit échappé ce matin d’une manière fort adroite, vice-gouverneur. Le drôle est marin jusqu’au bout des ongles, brave comme un lion, mais impudent comme le chien d’un mendiant. Il n’y a aucun sir Smit, aucun sir que ce soit ; qui commande un de nos lougres. Nous n’avons pas un seul croiseur de cette espèce dans la Méditerranée, et les deux ou trois lougres que nous avons ailleurs sont commandés par de vieux loups de mer qui ont été élevés à bord de pareils bâtiments. Quant aux sirs, ils sont assez rares dans la marine, quoique le combat du Nil en ait fait quelques-uns. Vous ne trouveriez pas aisément le fils d’un lord sur un petit bâtiment de cette espèce, car les jeunes gens de cette classe passent rapidement du gaillard d’arrière d’une frégate au commandement d’une corvette, et après un an de service, ou environ, retournent à bord d’une frégate comme capitaines.

Une partie de ce discours fut de l’hébreu pour Barrofaldi ; mais Griffin, étant exclusivement marin, croyait que chacun devait prendre le même intérêt que lui à tout ce qui concernait la marine et l’avancement dans cette profession. Mais quoique le digne Andréa ne comprît guère que la moitié de ce que le jeune officier venait de lui dire, cette moitié suffisait pour le mettre fort mal à l’aise. D’une autre part, le ton de franchise du lieutenant portait la conviction avec soi, et il sentit renaître ses anciens soupçons contre le lougre.

— Qu’en dites-vous, signor Vito Viti ? dit-il ; vous avez été présent à toutes mes entrevues avec sir Smit.

— Je dis, vice-gouverneur, que nous avons été trompés par la langue la plus mielleuse qui se soit jamais trouvée dans la bouche d’un homme, s’il est vrai que nous ayons été trompés. Hier soir, j’aurais pu croire tout cela ; mais après le retour du lougre, j’aurais juré que nous avions dans notre baie un ami, et un excellent ami.

— Vous avez communiqué par signaux avec ce lougre, signor tenente, reprit le vice-gouverneur, et c’est un signe de bonne intelligence et d’amitié.

— En voyant le pavillon anglais flotter sur le lougre, nous lui avons montré notre pavillon ; car nous ne supposions pas qu’un bâtiment français osât venir jeter l’ancre tranquillement dans un port appartenant à la Toscane ; mais nous ne pûmes rien comprendre aux réponses qu’il nous fit, et nous nous rappelâmes ensuite que Raoul Yvard avait joué de pareils tours tout le long de la côte d’Italie. Une fois sur sa piste, il n’était pas facile de nous la faire perdre. Cependant vous avez vu la chasse, et vous en connaissez le résultat.

— Il doit y avoir quelque erreur dans tout cela. — Ne feriez-vous pas bien, Signor, de vous rendre à bord de ce lougre, d’en voir le commandant, et de vous assurer ainsi par vous-même si vos soupçons sont bien ou mal fondés ? Il ne faudrait que dix minutes pour éclaircir tous les doutes.

— Pardon, vice-gouverneur, mais si je me rendais à bord du Feu-Follet, je pourrais rester prisonnier jusqu’à la paix, et je voudrais avancer encore de deux grades avant de courir volontairement un pareil risque. Quant à faire connaître à Yvard ma présence ici, cela ne servirait qu’à lui donner l’alarme, et l’oiseau pourrait s’échapper avant que nous eussions eu le temps de tendre nos filets. Mes ordres positifs sont de ne laisser connaître à personne, si ce n’est aux autorités supérieures, mon arrivée ici et les motifs qui m’y amènent. Tout ce que nous vous demandons, c’est de retenir ce lougre ici jusqu’à demain matin ; alors nous prendrons nos mesures pour en débarrasser les côtes de l’Italie.

— Nous avons des batteries, Signor, répondit le vice-gouverneur avec un peu de hauteur et de fierté, et nous saurions comment traiter un pareil bâtiment, si nous étions certains qu’il fût ennemi. Donnez-nous-en la preuve, et à l’instant même nous le coulerons à fond sur ses ancres.

— C’est précisément ce que nous vous prions de ne pas faire, Signor. D’après ce qui s’est passé ce matin, le capitaine Cuff a jugé probable que M. Yvard, pour des raisons que lui seul connaît peut-être, reviendrait ici dès que nous l’aurions perdu de vue ; ou que, se trouvant au sud de l’île, il entrerait à Porto-Longone ; et si je ne l’avais pas trouvé ici, je devais monter à cheval, courir de l’autre côté de l’île, et y prendre les arrangements convenables. Nous désirons employer tous les moyens possibles pour nous mettre en possession d’un bâtiment qui, sur une eau tranquille, est le plus fin voilier de toute la Méditerranée, et qui nous rendrait de grands services. Nous pensons que la Proserpine aurait l’avantage sur lui par une bonne brise ; mais, par un temps modéré, le Feu-Follet filera six nœuds contre nous cinq. Or, si vous faites feu sur ce bâtiment, ou il s’échappera, où il sera coulé à fond, car Raoul Yvard n’est pas homme à amener son pavillon par crainte des batteries d’une ville. Tout ce que je vous demande, c’est que vous me permettiez de faire des signaux cette nuit, — j’ai tout ce qu’il me faut pour cela, dès que je croirai la frégate assez près pour les voir, — et que vous apportiez tous les délais et obstacles possibles à son départ jusqu’à demain. Nous vous répondons du reste.

— Je ne crois pas qu’il y ait grand risque que le lougre mette à la voile cette nuit, signor tenente ; son commandant nous a à peu près annoncé l’intention de passer quelques jours avec nous, et c’est précisément cette confiance qui me porte à croire qu’il ne peut être le corsaire pour lequel vous le prenez. Pourquoi Raoul Yvard et le Feu-Follet seraient-ils entrés dans ce port ?

— Qui peut le savoir ? C’est l’habitude de cet homme, et sans doute il a ses raisons pour cela. On dit qu’il est entré jusque dans Gibraltar. Un fait certain, c’est qu’il a intercepté plusieurs bâtiments de nos convois ayant de bonnes cargaisons, qui s’y rendaient. Je vois qu’il y a dans votre havre un bâtiment autrichien qui prend un chargement de fer. Peut-être attend-il qu’il l’ait terminé ; et il trouve plus commode de rester à l’ancre ici, que de le guetter en courant des bordées au large.

— Vous autres marins, vous avez des manières qui ne sont connues que de vous, et tout ce que vous venez de dire est possible. Mais tout cela me semble une énigme. — Avez-vous d’autres preuves de ce que vous êtes, signor tenente, que la commission que vous venez de me faire voir ? Car sir Smit, — comme j’ai coutume d’appeler le commandant de ce lougre, — m’en a montré une qui a l’air aussi authentique que la vôtre, et il porte un uniforme qui paraît anglais. Comment puis-je juger entre vous deux ?

— Cette difficulté a été prévue, signor vice-gouverneur, et j’arrive nanti de toutes les preuves nécessaires. J’ai commencé par vous montrer ma commission, parce que l’absence de cette pièce pourrait rendre toutes les autres suspectes. Maintenant en voici une autre, émanée des autorités supérieures de Florence, qui nous recommande à la protection et aux bons offices des gouverneurs de tous les ports de la Toscane. Elle est écrite en italien et vous la comprendrez facilement. Voici encore plusieurs pièces qui m’ont été remises par le capitaine Cuff, et je crois que leur lecture ne vous laissera rien à désirer.

Andréa Barrofaldi examina tous ces documents avec le plus grand soin. Ils étaient de nature à écarter tous les doutes, et il était impossible de se méfier de l’officier qui les présentait. C’était un grand pas de fait pour convaincre sir Smit d’imposture ; le vice-gouverneur et le podestat dirent pourtant qu’il pouvait se faire que le capitaine Cuff se trompât sur l’identité du lougre.

— Cela est impossible, Signori, répondit le lieutenant ; nous connaissons tous les croiseurs anglais qui se trouvent dans ces mers, par nom et signalement, et même la plupart de vue. — Ce lougre n’en fait point partie ; et tout ce que j’y vois, mais surtout son allure, trahit son véritable nom. On nous a assuré qu’il se trouve dans son équipage un homme qui a déserté du nôtre, un certain Ithuel Bolt, qui…

Cospetto ! s’écria le podestat, ce sir Smit n’est donc qu’un imposteur, après tout. — C’est l’homme que nous avons vu hier chez Benedetta, vice-gouverneur ; — un Américain, n’est-il pas vrai, signor tenente ?

— Le drôle prétend l’être, du moins, répondit le jeune lieutenant en rougissant, car il lui répugnait d’avouer l’injustice qui avait été faite au déserteur. Mais la plupart des matelots anglais qu’on rencontre aujourd’hui se disent Américains, afin de se dispenser de servir Sa Majesté. Je crois plutôt qu’il est né dans le Cornouaille ou le Devonshire, car il a l’accent nasal et chantant de cette partie de notre île. Mais quand il serait Américain, nous aurions plus de droits à ses services que les Français, puisqu’il parle la même langue que nous, et qu’il est issu de la même souche d’ancêtres. Il est contre nature qu’un Américain serve une autre puissance que l’Angleterre !

— Je ne savais pas cela, vice-gouverneur, dit Vito Viti ; je croyais que les Américains étaient un peuple généralement très-inférieur à nous autres Européens, et qu’ils ne pouvaient prétendre à être nos égaux sous aucun rapport.

— Vous ne vous trompez pas, Signor, s’écria le lieutenant anglais avec vivacité. Ils sont tout ce que vous les croyez être, et il ne faut qu’un coup d’œil pour le voir. — Nous les appelons, dans notre service, des Anglais dégénérés.

— Et pourtant vous les y recevez volontiers, dit Andréa d’un ton sec ; et j’ai appris de cet Ithuello que vous les forciez même fréquemment à y entrer contre leur gré.

— Que pouvons-nous y faire, Signor ? Le roi a droit au service de tous ses sujets, et il en a besoin ; et la presse se fait tellement à la hâte qu’on peut quelquefois commettre une méprise. Ensuite ces Yankees ressemblent tellement aux Anglais, que je défierais le diable de les en distinguer.

Le vice-gouverneur pensa qu’il y avait dans tout cela quelque chose de contradictoire, et il le dit ensuite à son ami le podestat. Mais cette discussion en resta là pour le moment, probablement parce qu’il sentait que le lieutenant Griffin ne faisait que se servir de ce qu’on pourrait appeler un argument national, le gouvernement anglais protestant constamment qu’il était impossible de distinguer un peuple de l’autre dans la pratique de la presse, quoique rien ne l’offensât davantage que d’entendre dire qu’il y eût entre eux la moindre analogie au moral ou au physique.

Le résultat de cette discussion fut néanmoins que les deux fonctionnaires adoptèrent, quoique fort à contre-cœur, l’opinion du lieutenant anglais, et convinrent que le lougre ne pouvait être que le corsaire redouté, connu sous le nom du Feu-Follet. Une fois convaincus de ce fait, la honte, la mortification et l’esprit de vengeance s’unirent à leur devoir pour les disposer à aider de tout leur pouvoir l’exécution des projets du capitaine Cuff. Il fut peut-être heureux pour Raoul et ses compagnons que le capitaine-anglais eût un désir si prononcé de prendre le lougre « en vie, » comme dit le lieutenant Griffin ; car, en changeant de place deux ou trois pièces d’artillerie, et en les transportant derrière quelques remparts naturels parmi les rochers, rien n’eût été plus facile que de le couler à fond où il était. Il est vrai que la nuit était obscure, pas assez cependant pour rendre un bâtiment tout à fait invisible à la distance où se trouvait le Feu-Follet, et la première volée aurait certainement suffi.

— Dès que toutes les parties furent d’accord sur le véritable caractère du petit bâtiment à l’ancre dans la baie, on discuta les détails de la marche qu’il convenait de suivre. Une fenêtre de la maison du gouvernement donnait du côté de Capraya, par où la Proserpine était attendue, et elle fut mise à la disposition de Griffin. Le jeune lieutenant s’y posta vers minuit, prêt à allumer des feux bleus[2] dès qu’il pourrait distinguer les signaux de sa frégate. La position de cette fenêtre convenait parfaitement au secret qu’on voulait garder ; car la lumière serait complètement cachée du côté de la ville, tandis qu’on la distinguerait parfaitement du côte de la mer ; il en était de même des signaux que ferait la frégate, les hauteurs situées entre elle et les maisons en intercepteraient la vue ; enfin il y avait encore une plus grande impossibilité physique à ce qu’un bâtiment qui avait jeté l’ancre dans la baie pût apercevoir un navire au large au nord du promontoire.

Ainsi se passèrent les heures. Une légère brise de terre se fit sentir, mais elle entrait si directement dans la baie, que Raoul ne voulut pas lever l’ancre. Ghita et son oncle, Carlo Giuntotardi, étaient arrivés à bord à environ dix heures, mais on ne voyait encore aucun signe de mouvement sur le lougre. Pour dire la vérité, Raoul n’était nullement pressé de mettre à la voile, car il n’en jouirait que plus longtemps du bonheur d’avoir près de lui l’aimable Ghita, et il était presque certain que le zéphyr du lendemain conduirait le Feu-Follet à la presqu’île formant le promontoire de Monte-Argentaro, sur lequel s’élevaient les tours dont Carlo était le gardien, et dans l’une desquelles il demeurait. Qu’en pareille circonstance il ait oublié l’arrivée de la brise de terre, ou qu’il n’ait pas voulu en profiter, on ne doit pas en être surpris. Il resta longtemps assis près de Ghita sur le pont, et ce ne fut qu’après minuit qu’il put consentir à ce qu’elle se retirât dans la chambre qui lui avait été préparée. Dans le fait, Raoul comptait avoir si bien réussi à tromper tout le monde à terre, qu’il n’avait aucune crainte de ce côté, et, désirant prolonger son bonheur le plus longtemps possible, il résolut de ne mettre à la voile que lorsque le vent du sud soufflerait dans la matinée, comme de coutume, ce qui suffirait pour le conduire dans le canal, où le zéphyr ferait le reste. L’audacieux corsaire ne se doutait guère de ce qui s’était passé à terre depuis qu’il l’avait quittée, et il ignorait que Tommaso Tonti était aux aguets sur le havre, prêt à donner avis du premier symptôme de départ qu’il apercevrait à bord du lougre.

Mais tandis que Raoul ne songeait à rien moins qu’au péril qu’il courait, Ithuel Bolt était bien loin de partager sa sécurité. La Proserpine occupait toujours toutes ses pensées, comme l’objet d’une haine implacable. Il en détestait non-seulement les mâts, les voiles et tout le gréement, mais chaque individu, officier ou matelot, qu’elle portait, le roi au service duquel elle était, et la nation sous le pavillon de laquelle elle naviguait. Une haine active est la plus infatigable de toutes les passions ; et ce sentiment tenait sans cesse l’attention d’Ithuel fixée sur toutes les chances qui pouvaient rendre la frégate dangereuse pour le lougre. Dans cette situation d’esprit, il lui parut possible que la Proserpine revînt chercher son ennemi à Porto-Ferrajo ; et, la tête pleine de cette idée, il ne se coucha à neuf heures qu’après avoir donné ordre qu’on l’éveillât à une heure et demie, afin d’être à temps sur le qui vive.

À peine fut-il levé, qu’il appela deux hommes de confiance qu’il avait avertis la veille, et descendant avec eux dans un léger canot qui avait été préparé d’avance, il s’éloigna du lougre en se servant d’avirons fourrés aux dames pour qu’ils fissent moins de bruit dans l’eau, et il se dirigea vers la partie orientale de la baie. Quand il fut assez loin de la ville pour être à l’abri de tous les yeux, il changea de route afin de prendre le large. Il ne lui fallut qu’une petite demi-heure pour arriver à la distance qu’il jugea convenable, et il fit cesser de ramer. Il était alors à environ un mille au delà du promontoire, et un peu à l’ouest, de sorte qu’il avait en vue la fenêtre près de laquelle Griffin avait pris son poste.

La première chose qui frappa l’Américain, comme paraissant extraordinaire, fut la forte lumière d’une lampe placée à une fenêtre du second étage de la maison du gouvernement, et donnant sur la mer. Ce n’était pas la fenêtre près de laquelle le lieutenant anglais s’était établi ; c’en était une qui était précisément au-dessus. Cette lampe y avait été placée pour avertir la frégate que Griffin était arrivé, et qu’il s’occupait de sa mission. Il était alors deux heures, et dans une couple d’heures l’aurore devait commencer à paraître. La brise de terre était alors assez forte pour qu’un bâtiment bon voilier, et dont la toile des voiles avait été resserrée par l’humidité de la nuit, pût filer environ quatre nœuds ; et comme Capraya était à moins de trente milles de Porto-Ferrajo, la Proserpine avait eu tout le temps d’arriver à l’endroit où elle était alors, ayant levé l’ancre dès que le soleil s’était couché et que les vapeurs du soir avaient couvert la mer.

Ithuel, ordinairement si bavard dans ses moments de loisir, devenait observateur silencieux quand il était occupé d’une affaire sérieuse. Ses yeux étaient encore fixés sur la croisée où une lampe pleine d’huile d’olive la plus pure répandait une vive et forte clarté, quand il vit une lumière bleue briller à une autre fenêtre en dessous de la première, et il y aperçut un instant le corps d’un homme. Un mouvement d’instinct lui fit aussitôt tourner la tête vers la mer, et il était encore temps pour qu’il vît une autre lumière paraissant descendre dans l’eau comme une étoile qui file : c’était un fanal de la Proserpine, servant de signal, et qu’on amenait du haut d’un mât.

— Ah ! de par le diable ! s’écria Ithuel, grinçant les dents, et secouant le poing du côté où cette lumière momentanée venait de disparaître ; je sais qui vous êtes, et je reconnais vos anciens tours avec vos fanaux et vos signaux de nuit. Mais voici ma réponse.

À ces mots, il toucha la mèche d’une des fusées dont il avait eu soin de prendre plusieurs avec lui, du bout allumé d’un cigare qu’il fumait. Elle prit feu et s’éleva assez haut pour être visible du pont du Feu Follet avant de faire explosion. Griffin vit ce nouveau signal avec surprise, et le capitaine Cuff ne sut qu’en penser ; car il le voyait fort en avant de la lampe. Tommaso lui-même crut devoir quitter son poste pour aller en faire son rapport au colonel, qu’il avait ordre d’informer de tout ce qu’il pourrait voir d’extraordinaire. L’idée générale fut qu’un second croiseur était arrivé du côté du sud pendant la nuit, et qu’il faisait ce signal pour en avertir la Proserpine, qu’il s’attendait à trouver à la hauteur de cette île.

L’effet qu’il produisit à bord du Feu-Follet fut tout différent. La brise de terre d’Italie est un vent de travers pour les bâtiments qui sortent de la baie de Porto-Ferrajo, et, deux minutes après l’explosion de la fusée, le lougre filait presque imperceptiblement, quoique à raison d’un ou deux nœuds, sous son foc et son tape-cul, vers le côté extérieur du port, le long des bâtiments près desquels il avait passé la veille. Ce mouvement commença précisément à l’instant où Tommaso Tonti venait de quitter son poste, et les sentinelles ordinaires du port avaient des consignes différentes. Ce petit bâtiment était si léger, qu’un souffle d’air le mettait en mouvement, et rien n’était plus facile que de lui faire filer trois ou quatre nœuds sur une eau tranquille, surtout quand les replis comparativement vastes de ses deux voiles majeures étaient déployés ; ce qu’on fit dès qu’il fut hors de vue de la ville et sous les murs de la citadelle, les sentinelles qui étaient sur les remparts entendant le battement des voiles sans savoir d’où venait ce bruit. En ce moment, Ithuel fit partir une seconde fusée ; et le lougre y répondit en allumant un fanal à bâbord, après avoir pris les précautions nécessaires pour que la lumière n’en fût visible que d’un seul côté, celui d’où la fusée était partie. Cinq minutes après l’Américain était sur le pont, et le léger canot fut hissé à bord aussi facilement que si c’eût été un ballon rempli d’air. Trompée par cette seconde fusée, la Proserpine signala son numéro avec des fanaux, dans l’intention d’obtenir celui du bâtiment nouvellement arrivé, croyant que le promontoire cacherait ce signal aux bâtiments qui étaient dans la baie. Raoul apprit ainsi la position exacte de l’ennemi, et il ne fut pas fâché de voir qu’il en était déjà à l’ouest, ce qui lui permettait de doubler l’île encore une fois d’assez près pour être caché par les rochers. À l’aide d’une excellente longue-vue de nuit, il put même voir la frégate. Elle était à environ une lieue de distance, sous toutes ses voiles depuis ses cacatois jusqu’à ses basses voiles, et elle s’avançait vers l’entrée de la baie bâbord amures ; ayant fait ses calculs assez exactement pour se trouver au vent à l’entrée du port avec la brise régulière de terre. Raoul sourit à cette vue, et fit carguer sa grande voile. Une demi-heure après, il fit aussi carguer sa misaine, border tout plat le tape-cul, et mettre la barre dessous et l’écoute de foc au vent.

Lorsque ce dernier ordre eut été exécuté, la clarté du jour commençait à poindre au-dessus des montagnes de Radicofani et d’Aquapendente. Le Feu-Follet était alors à environ une lieue à l’ouest du promontoire, et par le travers de la baie large et profonde qui se trouvait de ce côté de la ville, comme nous l’avons déjà dit : il était déjà, de beaucoup, hors de la portée des batteries. Cependant le vent de nuit manqua, et il y avait toute apparence qu’il y aurait un calme le matin. Il n’y avait rien d’extraordinaire à tout cela dans cette saison, les vents qui viennent du sud étant habituellement légers et de peu de durée, à moins qu’ils ne soient accompagnés d’une rafale : il est vrai qu’à l’instant où le soleil parut, le vent du sud arriva ; mais il était si faible, qu’il était à peine possible de maintenir le lougre en panne avec le cap sud-ouest.

La Proserpine continua sa route jusqu’à ce que le soleil se fût assez avancé sur l’horizon pour permettre aux vigies de la frégate d’apercevoir le Feu-Follet, qui la bravait en quelque sorte, à la distance d’environ une lieue et demie. Cette nouvelle mit tout l’équipage en mouvement ; et ceux qui se trouvaient sous le pont y remontèrent à la hâte, pour voir encore une fois un bâtiment si renommé par l’adresse avec laquelle il savait échapper à la poursuite de tous les croiseurs anglais dans cette mer. Quelques minutes ensuite, Griffin arriva à bord, décontenancé et désappointé. Le premier regard qu’il jeta sur son capitaine lui annonça un orage ; car le commandant d’un bâtiment de guerre n’est pas moins sujet à être déraisonnable, quand il ne peut obtenir ce qu’il désire, que tout autre potentat. Le capitaine Cuff n’avait pas jugé à propos d’attendre sur le pont le retour de son second lieutenant ; car, dès qu’il avait appris qu’il arrivait sur un bateau parti du rivage, il s’était retiré dans sa chambre, en laissant ordre à M. Winchester, son premier lieutenant, de lui envoyer M. Griffin dès qu’il aurait fait rapport de son retour.

— Eh bien ! Monsieur, dit le capitaine à Griffin, sans lui offrir une chaise, dès qu’il entra dans sa chambre, nous sommes ici ; et là-bas, à trois ou quatre lieues de nous, est cet infernal Fiou-Fully ! car c’était ainsi que la plupart des marins anglais prononçaient les mots : Feu-Follet.

— Je vous demande pardon, capitaine, répondit le lieutenant, forcé de se défendre comme un coupable, quelque injuste qu’il fût de le placer dans cette situation ; mais ce n’est pas ma faute. Je suis arrivé en temps convenable, et j’ai eu une conférence avec le vice-gouverneur et un vieux magistrat aussitôt après mon arrivée. Mais Yvard m’avait prévenu, et j’ai eu à prouver qu’il leur avait fait cent mensonges avant de pouvoir entrer en besogne.

— Vous parlez italien comme un Napolitain, Monsieur, et je comptais sur vous pour agir comme il le fallait.

— Pas tant comme un Napolitain, j’espère, capitaine, que comme un Toscan ou un Romain, répondit Griffin en se mordant la lèvre. Après une heure d’argumentation, comme si j’eusse été un homme de loi, et après avoir exhibé tous mes documents, j’ai enfin réussi à leur faire comprendre qui j’étais, et ce qu’était ce lougre.

— Oui, et pendant que vous jasiez comme un avocat, maître Raoul Yvard a levé l’ancre fort à son aise, comme s’il entrait dans son jardin afin d’y cueillir un bouquet pour sa maîtresse.

— Il n’est rien arrivé de cette sorte, capitaine. Quand j’ai eu convaincu le signor Barrofaldi, le vice-governatore…

— Au diable tous les vitché et tous les governe-a-torré ! Vous êtes à bord d’un bâtiment anglais, Monsieur ; parlez-moi donc anglais, quand même votre italien serait du toscan.

— Eh bien ! capitaine, quand j’eus convaincu le vice-gouverneur que le lougre était français, et que notre frégate était anglaise, tout marcha au gré de mes désirs. Il voulait couler le lougre à fond sur ses ancres, mais…

— Et pourquoi diable ne l’a-t-il pas fait ? Deux ou trois boulets de fort calibre auraient été une dose trop forte pour que ce lougre pût la digérer.

— Vous savez, capitaine, que vous avez toujours désiré prendre le lougre, au lieu de le couler à fond ; j’ai pensé qu’il serait honorable pour notre frégate d’avoir à dire qu’elle avait capturé le Feu-Follet ; et, d’après ces deux raisons, je m’y suis opposé. Je savais, d’ailleurs, que M. Winchester désirait être chargé d’en prendre le commandement pour le conduire en Angleterre.

— Oui, et que par ce moyen vous deviendriez premier lieutenant sur mon bord. Eh bien ! Monsieur, fallait-il donc le laisser échapper, pour ne pas le couler à fond ?

— Nous n’avons pu l’empêcher, capitaine. J’avais fait surveiller tous les mouvements du lougre par le meilleur marin de Porto-Ferrajo, comme tout le monde vous le dira ; j’ai fait les signaux convenus avec la lampe et les feux de conserve, et la frégate y ayant répondu, j’étais convaincu que tout allait bien, quand…

— Et qui a fait partir ces fusées ici — à l’endroit où nous sommes en ce moment ? Elles m’ont trompé ; car j’ai cru que c’étaient des signaux de présence que me faisait, soit le Weasel, soit le Sparrow. Quand je vis ces fusées, je me crus aussi sûr du Fiou-Folly que je le suis de ma propre frégate.

— Oui, capitaine, ce sont ces fusées qui ont fait tout le mal ; car j’ai appris ensuite que, dès que la première eut été lancée, Raoul Yvard leva l’ancre, et sortit de la baie à aussi petit bruit que lorsqu’on sort d’un salon sans vouloir déranger la compagnie.

— Oui, il prit congé à la française, le sans-culotte, s’écria le capitaine, dont ce sarcasme adoucit la mauvaise humeur. Mais vous, Griffin, n’avez-vous rien vu de tout cela ?

— Je n’appris cette affaire, capitaine, qu’en voyant le lougre filer le long des rochers, et en étant si près qu’on aurait pu y sauter ; mais il était trop tard. Avant que ces fainéants de far-nientés eussent eu tout le loisir de charger, bourrer, amorcer et pointer leurs pièces, il était hors de portée du canon.

— Fainéants quoi ? demanda le capitaine.

Far-nientés. Vous savez que c’est un sobriquet que nous donnons à ces faiseurs de sieste.

— Je ne sais rien de cela, monsieur Griffin, et je vous serai fort obligé de me parler toujours anglais. C’est une langue que je me flatte de savoir, et elle suffit à tous mes besoins.

— Et à ceux de tout le monde, capitaine. Je regrette de savoir l’italien, car sans cela je n’aurais pas eu ce déboire.

— Bon ! bon ! Griffin ! quand une chose se présente par le mauvais bout, il ne faut pas la prendre tant à cœur. Venez dîner avec moi aujourd’hui, et nous causerons à loisir de cette affaire.


  1. En français, voiles en ciseaux. (Notre du traducteur.)
  2. Dits feux de conserve.