Le Fleuve (Southey)

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Rayons et reflets, Texte établi par Chevalier de ChatelainRolandi (p. 333-334).

Le Fleuve.


Oh ! fleuve ! oh ! charmant fleuve ! oh ! charmant petit fleuve !
Tu miroites gaiement en faisant ton chemin,
Dansant sur les cailloux comme un malin gamin,
Qui joue insouciant, sans soin du lendemain,
                  Et sans que rien jamais l’émeuve !


Oh ! fleuve ! oh ! jeune fleuve ! oh ! capricieux fleuve !
Qui te gonfles sans cesse, en suivant ton chemin,
Et rapide et strident, écrasant tout enfin
Et la rose et le roc, le cytise et l’airain
                  Comme la jeunesse trop neuve !

Fleuve ! oh ! fleuve à bords plein ! oh ! large et profond fleuve !
Ainsi que le vieux Temps tranquille, et cependant
Toujours en mouvement, toujours, toujours tendant
Vers l’océan sans borne, y marchant tout ardent
                  Comme l’homme cherchant l’épreuve !

Oh ! fleuve turbulent ! oh ! trop rapide fleuve !
Tu t’en vas maintenant, tu t’en vas à l’écueil.
Aussi vif, aussi prompt que le vif écureuil,
Ainsi que l’homme aussi court après le cercueil
                  En quête d’existence neuve !

“ Oh ! fleuve impétueux ! oh ! casse-cou de fleuve
Tu t’en vas en courant, tu t’en vas à la mer,
Un abîme insondé, dont le flot est amer,
Et que l’on peut nommer la porte de l’enfer…
                  Oh l’Espérance même est veuve !