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Le Folk-lore de l’Île-Maurice/Histoire du loup qui voulait brûler sa femme

La bibliothèque libre.
Maisonneuve et Cie, éditeurs (Les Littératures populaires, tome XXVII) ((Texte créole et traduction française)p. 154-161).

XIV

HISTOIRE DU LOUP
QUI VOULAIT BRÛLER SA FEMME

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Il y avait une fois une demoiselle qui devait se marier avec un monsieur très riche. Le frère de la jeune fille était un garçon malingre, laid comme un pou ; il louchait, il avait la gale, il avait les jambes torses, il avait sur le dos une bosse énorme ; mais c’était un malin chien, vous dis-je, une fine lame. Au moment où l’on part pour l’église, il tire sa sœur par sa robe et lui dit : « Ma sœur, n’épouse pas cet homme-là : c’est un sorcier. » La jeune fille lui répond tout en colère : « Eh toi, galeux ! veux-tu bien lâcher ma robe ! » On part, le mariage se fait.

Le frère suivit la sœur chez son mari ; mais on ne veut pas lui donner une chambre dans la mai son de peur de la gale, et on le fait coucher à la cuisine.

Quelque temps après, un jour que son mari changeait de linge, la jeune femme le regarde et demeure interdite : son mari avait une longue longue queue velue comme la queue d’une maque malgache. Elle lui demande ce que c’est : « Rien du tout, dit le mari, c’est un présent de ma marraine. » La femme a peur. Le soir, quand ils sont couchés, le mari sort du lit, ouvre la porte sans faire de bruit, et va dans la cour.

Le lendemain matin, la femme va causer à la cuisine avec son frère, et son frère lui dit : « Ton mari est un sorcier, toutes les nuits il fait le sabbat avec ses amis. Ce soir, si tu veux, je t’attacherai au bout du pied un long fil ; quand ils commenceront leurs pratiques je tirerai sur le fil et tu verras. »

Au coup de minuit, la femme sent qu’on tire le fil ; elle se lève et regarde par le trou de la serrure. Au milieu de la cour il y avait un grand feu. Son mari et huit autres loups, ses amis, étaient assis autour. Voilà un des loups qui tire du feu un charbon ardent, et le met à part ; un second loup prend un autre charbon et le met avec le premier, et tous les loups font la même chose. Quand tous les charbons forment un tas, un des loups dit au mari : « Il faut brûler ta femme ! » Et tous les loups de crier : « Il faut brûler ta femme ! il faut brûler ta femme ! » La malheureuse, derrière la porte, est sur le point de s’évanouir, tant elle a peur. Le mari répond aux autres loups : « Attendez ! dans trois jours. »

Le lendemain de grand matin au chant du coq, la femme va à la cuisine. Elle raconte à son frère ce qu’elle a vu et lui dit en pleurant ; « Mon frère, mon bon petit frère, sauve-moi ! » Son frère répond : « Écoute : il faut que nous retournions chez nous. Dis à ton mari que papa et maman doivent donner un grand bal demain soir, et qu’il faut que nous y allions ; tu ajouteras que lui et tous ses amis sont invités également. » Le loup est tout joyeux. Il dit à sa femme d’aller devant avec son frère, que lui et ses amis arriveront au coucher du soleil.

Une fois rendue chez sa mère, la jeune femme fond en larmes et raconte à son père et à sa mère quelle espèce de mari elle a épousé. Son père la console et lui dit : « Laisse-les venir ! ils verront comment je les arrangerai ! »

Le loup arrive avec ses amis. Le bal commence, et tous dansent tant et tant qu’ils n’en peuvent plus. Quand l’heure arrive d’aller se coucher, la femme du loup lui dit : « Je vais prendre la moitié du lit de ma petite sœur. Papa a fait préparer un pavillon pour vous et vos amis ; on a mis des moustiquaires aux lits de peur des moustiques, on a mis de l’huile de pétrole de peur des punaises ; allez dormir, demain matin je vous porterai à tous votre café. »

Tous les loups vont se coucher ; le sommeil cloue leurs paupières. Le pavillon était partout enduit d’huile de pétrole, et sous chaque lit il y avait des paquets de poudre. Quand les loups sont dedans, on cloue sur eux portes et fenêtres, et on met le feu au vétiver du toit. Soudain on entend : boum ! boudoum ! boum ! boumm ! c’était le loup qui sautait avec ses amis. Et la femme de dire : « Jamais paquets de pétards ne m’ont autant amusée à tirer. »[1]


  1. Les nos XIII et XIV sont deux versions de la même histoire. Nous les donnons toutes les deux rapprochées à dessein, pour que le lecteur voie à l’œuvre le conteur créole recréant le conte qu’il ne peut retrouver intégralement dans sa mémoire.