Le Grand Esclairsissement/Texte entier

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LE GRAND ESCLAIRSISSEMENT
DE LA PIERRE PHILOSOPHALE
Pour la transmutation de tous les metaux
Par N. Flamel
Avec Privilège du Roy.
A Paris,
Chez Louys Vendosmes, Marchand Libraire
ruë de la harpe à la roze rouge.
1628



A
MONSEIGNEVR,

MON SEIGNEVR
Gayant, Seignevr de Varastre, & de la Bourdiniere, Conſeiller du Roy en ſes Conſeils d’Estat & Priué, & en ſa Cour de Parlement Preſident és Enquestes d'icelle.

JE n'aurois iamais pris la hardieſſe de vous preſenter ce liure ,de la Philoſophie, ou, Tranſmutation des Metaux, si ie n'eſtois bien aſſeuré, que vous cheriſſiez tellement toutes les sciences en general, qu’elles n’ont rien de si caché, qui ne vous soit manifeste. Car avec ce que par la merveilleuse vivacité de vostre esprit, accompagnée d’un solide jugement, & d’une grande Memoire, vous en avez acquis la Theorie parfaite, vous la sçavez si bien reduire en practique, qu’en tous vos Conseils, & en vos discours il s’y remarque je ne sçay quoy d’extraordinaire, qui dans le bon sens se joinct tousjours à l’eminence de la doctrine. Mais ce qui vous faict le plus admirer, Monseigneur, c’est que les ornemens du sçavoir, se rehaussent en vous par les vertus Morales & Chrestiennes, qui dans l’integrité de vostre vie se proposent à tous pour estre imitées. Par elles aussi vos actions sont à l’espreuve de l’envie ; Par elles vostre Ame n’apprehende ny les injures du temps, ny celles de la fortune, & par elles mesme vous avez l’honneur d’estre assis sur les fleurs de Lys, d’où comme d’un lieu Sacré, vous rendez les Oracles de Themis, sans que les considerations humaines, quelques fortes qu’elles soient ; vous puissent esbranler tant soit peu, ny vous faire égarer des choses justes & raisonnables ; En cela semblable à ces grands hommes de la Republicque Grecque & Romaine, qui malgré les brigues, & les faveurs dont leur probité estoit plutost fondée que corrompuë, conservoient tousjours l’innocence entiere, & l’integrité toute pure. Ces qualitez excellentes, Monseigneur, sont de vrays effets de la bonté de vostre Esprit, & de la beauté de vostre Ame, qui m’obligent à Vous dedier ceste œuvre, avec d’autant plus de raison, que la Science n’en est deüe qu’à ceux, qui comme vous sont eminens en vertu, & sçavans en la cognoissance de la Nature. Recevez là donc, s’il vous plaist comme un tesmoignage du devoir, & de l'obeyssance que vous rendra toute sa vie,


MONSEIGNEUR,

Votre tres-humble, & tres-
obeyssant serviteur,
P. Beravd.


PREFACE
AV LECTEUR.


CE n’a pas esté sans sujet que tous ces grands Philosophes, dont les escripts se font admirer de ceux qui sont veritablement sçavans ont appellé l’homme un Microcosme, c’est à dire un petit monde, pour nous apprendre qu’il contient en soy toutes les grandeurs & les merveilles de l’Univers. Mais ces qualitez eminentes ne se treuvent point dans ce corps materiel & terrestre, qui n’est proprement que le Tombeau où est ensevelie la meilleure partie de l’homme. Elles agissent seulement dans l’esprit, qui est comme la lampe de Dieu, avec laquelle il recherche les profonditez de les secrets. S’il est donc vray qu’il n’y a rien de si grand, dequoy l’esprit de l’homme ne soit capable, de ce fondement il s’ensuit, que s’il luy arrive par sa foiblesse de se jetter hors des bornes qui luy sont prescriptes, cela ne procede ny de la proportion, ny de la quantité de la Science, mais simplement de sa qualité. Car c’est elle qui plus ou moins feconde, cause d’estranges degasts, si elle est prise sans correction, & qui produit une espece de venin fort contagieux, dont les effets sont pleins d’erreur & de vanité.

Il se treuve neantmoins un certain Correctif, si amy de la Science, & de si grande vertu, que par son meslange il l’esleve incontinent au poinct où elle doit estre. Or ce Correctif n’est autre que la Charité, que l’Apostre Sainct Paul faict suivre ìmmediatement par ces parolles ; La Science enfle, mais la Charité edifie : Ce qu’il nous confirme encore en un autre endroit où il dit ; Si je parle le langage des hommes & des Anges, & que je n’aye point de Charité, ce n’est rien qu’un son de cymbales bruyantes. Par où il nous veut monstrer, que pour grande que soit l’excellence qu’il y peut avoir à parler le langage des hommes & des Anges, tout cela neantmoins n’est qu’une vaine cajollerie, & une gloire tumultueuse, si la Charité n’y est joincte, & si on ne le rapporte au bien du prochain. Cette seule consideration, Lecteur, m’a obligé à vous donner charitablement cette œuvre de la science des Philosophes, où sont esclaircies de point en point toutes les choses qui appartiennent à la transmutation des Metaux. Si je voy que vous l’ayez agreable, j’espere, aydant Dieu, qu’en suitte de ce Traicté, j’en feray imprimer quelques autres, que vous ne treuverez pas moins utiles que cetuicy. C’est le fruict de tout le travail que pût faire durant sa vie un des plus grands hommes de son siecle, qui vivoit il y a deux cens ans. Le bon-heur ayant donc voulu pour moy que ses Livres me soient tombez entre les mains ; Je me suis advisé de leur faire voir le jour, pour le contentement des vrays Philosophes, & pour remettre dans le droit chemin ceux qui en estant egarez, à faute d’entendre les Livres, se jettent hors de la Nature universelle des choses, & treuvent, comme dit Salomon, Que ce n’est qu’inquietude d’esprit, qui procede de la science, pour-ce qu’ils n’en cognoissent point les vrays Principes. Ce qui ne leur arriveroit pas asseurement, s’ils ne se forgeoient eux mesmes des conclusions à leur mode, & si consumant leur Esprit & leur biens apres des operations qu’ils n’entendent pas, ils ne se figuroient par là de foibles craintes, des desirs superflus & des esperances inutiles. Dequoy vous serez exempt, si travaillant methodiquement, & selon les regles de l’Art, qui vous sont données dans ce livre, vous demeurez ferme dans les bornes de l’humaine cognoissance, & ne presumez point par la contemplation de la Nature, de penetrer dans les secrets mysteres de Dieu. Qu’il vous suffise que vostre œuvre ne sera jamais si grande que lors que vous la rapporterez a sa gloire. Car c’est le vray moyen, comme dict sainct Paul, d’empescher que vous ne soyez jamais seduit par une Vaine Philosophie.   Adieu.


EXTRAICT DV
Privilege du Roy.


PAR grace & Privilege du Roy, il est permis à Pierre Beraud de faire imprimer, vendre, & debiter un Livre intitulé, Le grand Esclaircissement de la Pierre Philosophale, pour la transmutation de tous Metaux, & ce jusques au temps & terme de six ans consecutifs, à compter du jour & datte qu’il sera achevé d’imprimer ; faisant pour cet effect tres-expresses inhibitions & deffences à tous Libraires & Imprimeurs de nostredit Royaume, & à toutes autres personnes de quelque qualité & condition qu’elles soient, d’imprimer ou faire imprimer, vendre, ou distribuer ledit Livre, sans le congé dudit Beraud, sur peine aux contrevenans d’amende arbitraire, despens, dommages & interests, & confiscation des exemplaires qui se trouveront imprimez & mis en vente au prejudice des presentes. Voulons en outre qu’en mettant au commencement ou à la fin aucunes desdites presentes, ou extraict, qu’il soit tenu pour signifié & venu à la co- gnoissance de tous, ainsi que plus amplement est contenu esdites lettres de Privilege. Donné à Paris le 3. jour d’Avril 1628.

Signé,     Par le Roy en son Conseil,

Fardoil.



Et ledit Beraud a faict transport de sondit Privilege a Louys Vendosmes, marchand Libraire, pour en joüyr aux conditions accordées entr’eux, suivant le contract qu’ils en ont faict pardevant Perier Notaire. Ce jourd’huy sixiesme Aoust 1628.


REMARQVES, ET
definitions Philosophiques.


1. La premiere & principalle matiere des Metaux est, l’humide de l’air meslé avec chaleur que les Philosophes appellent Mercure.

2 Et la seconde est la chaleur seche de la terre, laquelle ils appellent Souphre.

Au grain mesme de froment, il n’y a de semance que la huict cens vingtiesme partie.

La vie des Metaux est le feu, tandis qu’ils sont encore en leurs minieres ; Mais le feu de fusion est leur mort.

La semance n’est autre chose qu’un air congelé en tout corps, ou bien une vapeur humide, lequel s’il n’est resout par une vapeur chaude, il ne sert de rien.

Le Mercure Vulgaire ayant en luy sa propre semance, n’est pas la semence des Metaux, comme le Vulgaire pense.

La vertu se finit tousjours au troisiesme, & se multiplie au second.

L’eau est celeste, & ne moüille point les mains.

La chaleur se joinct facilement à la chaleur & le sel au sel.

Il faut une eau plus blancbe que la nege, de laquelle il faut dix parties contre une d’or.

Le fourneau philosophique selon Flamel, qu’il nomme triple vaisseau, y ayant trois vaisseaux, & quelquefois maison & habitacle, est nostre Tour de terre, qui s’ouvre par dessus, ayant au milieu un estage, sur lequel se met une escuelle plaine de cendres tiedes, qu’il nomme ailleurs la paille du poulet, dans lesquelles est assis le poulet ou œuf Philosophique, qui est un matras de verre plain des confections de l’air, comme de l’escume de la mer rouge, & de la graisse du vent mercurial ; Et tel fourneau ou vaisseau triple les Envieux l’ont appellé Athanor, Crible, fumier, bain marie, fournaise, sphere, Lyon Verd, Prison, Sepulchre, Urinal Phiole, Curcubithe, & d’infinis autres noms, pour embroüiller les esprits.



Les Semences de l'or ſont dans
l'or meſme, & Vulcan est
vne seconde Nature.



LE GRAND
ESCLAIRCISSE-
MENT DE LA PIERRE
Philosophale.


Pour la tranſmutation de tous Metaux.


Chapitre premier

A


LA Miſericorde infinie du vray Dieu a voulu pour rachepter le genre humain enuoyer ſon Fils vnique répãdre ſon Sãg en l’Arbre de la Croix. O Fontaine de Miſericorde, donnez nous la grace de paruenir à cette grande Oeuure, car ſans voſtre ayde nous n’y pouuõs paruenir. Voſtre volonté ſoit faicte.

Amen.

Chap. II.

B


PRenez de fort bon vin qui ne ſoit braſſé, ni ſophiſtiqué, lequel mettrez putrifier par douze ou quinze iours dans vn vaiſſeau de verre fort ample, & bouchez auec le ſeau d’Hermes, afin qu’il ne reſpire aucunement. Il le faut mettre dedans le bain-Marie, n’eſtant plongé plus auãt que la hauteur du vin. Apres l’auoir tiré le mettrez en vn vaiſſeau de verre net auec ſon chapeau, & luterez bien les iointures, & eſtans bien cloſes le mettrez en bain leger, auquel y ait tãt d’eau, qu’elle couure toute la Lunaire, puis le diſtilerez petit à petit iuſques à ce que verrez les veines par la teſte du chapiteau ; ce que vous continuerez tant que vous verrez leſdites veines ou ſigne, leſquelles ſeront comme larmes ou gouttes de ſang coulant, mais claires comme criſtal, & ainſi vous continuerez tant que verrez leſdites veines ou signe ; Et comme ſa mort commencera à venir, laquelle tient mortifiée le ſuſdit eſprit, les larmes commenceront à ſe faire rondes, & ne coulleront plus par le chapeau, ayant figure de perles. Alors oſtez le recipient, & le bouchez bien qu’il ne reſpire, & le gardez en lieu le plus froid que vous pourrez. Ainſi vous aurez ſeparé ſon ame, combien qu’il y ait encore de ſa mort. De cette façon vous pourſuiurez leſdites diſtillatiõs. Apres que vous aurez receu ſa mort, c’eſt à dire son phlegme, lequel ſera odoriferant. Ainſi vous continuerez tant que la matiere demeure au fonds comme vn gros miel ou poix fonduë noire[1], gardez bien qu’elle ne s’eſſuye, ſinon auec ce ſigne, & apres vous ſeparerez les Elemens de noſtre B. ou vin. Ainſi aurez tiré la forme ſelon que ie vous ay dit, & de meſme façon la pourrez tirer de tout Indiuidu, à ſçauoir des animaux et des vegetables.


La manière de séparer la forme de sa mort.
C

PRenez l’Ame gardée en lieu froid en un vaisseau, & la mettez à distiller au baing, et en prenez la moitié, ou bien tant que verrez venir ces tres-precieuses veines, & ainsi vous la rectifierez dix fois, vous gouvernant toujours par les signes susdits, & à la trois ou quatriesme fois comme les veines susdites apparoistront, levez votre distillation, sans plus distiller, mais regardez si elle brusle le drapeau, & si elle ne le brusle recommencez le magistère, tant que vous ayez le signe susdit, & comme elle bruslera le drapeau, vous la distillerez à par-elle quatre ou cinq fois, & ainsi vous avez la manière pour rectifier la matière, à savoir l’Ame susdite signifiée par C laquelle est de si grande vertu que la langue humaine ne sauroit exprimer le secret que Dieu a mis en icelle, partant la faut garder bien bouchée en lieu le plus froid qui se pourra trouver.


Les préparations & réduction en quintessence du Rayon de Miel.
DD

AYant déclaré la manière de séparer notre esprit ardent de sa mort, empeschant sa puissance, sachez qu’il n’a néanmoins puissance de dissoudre les deux luminaires, & les réduire en effet s’il n’est aiguisé, comme nous vous enseignerons, jaçoit que la préparation se fera au Chapitre que nous ferons en général de E. Mais à celle fin que vous ne perdiez point votre temps, il faut incontinent que vous aurez notre Esprit, prévoir l’heure que soudain vous la mettiez en pratique, & pour ce sujet nous l’avons signifié en ce Chapitre par deux lettres, à sçavoir par DD. vous signifiant par l’un son aiguisement simple, & par l’autre son royal aiguisement, ou bien sel tiré du Rayon de Miel, duquel aiguisée vous serez asseuré de ne perdre point votre peine et despense.

Prenez donc le Rayon de miel de jeunes mouches, lequel sera blanc, et le mettez en putrefaction en un grand vaisseau au bain avec son chapeau, & faites que tous les jours il boüille une heure. Après vous lui ferez un feu tempéré, & ainsi vous le laisserez par quinze jours naturels, puis vous mettrez tant de C. par dessus qu’il surnage de quatre doigts la matière. Après fermez avec son antenos, & le mettez en putrefaction l’espace de trois jours ; puis mettez le chapeau avec le recipient, & les jointures étant bien bouchées le laisser distiler par le baing, & quand il sera distilé, ou bien que de huict parties les sept seront distilées. Toutefois le plus infaillible signe est que vous verrez venir les veines comme larmes selon que nous avons dit au Chapitre de B. Alors vous osterez la partie larmeuse en cette seconde opération, & comme la partie larmeuse vient ostez votre recipient, & le bouchez bien qu’il n’ait point d’air, & le mettez en lieu froid, il sera propre pour estre aiguisé. Mettez après un autre recipient, & laisser distiller par cette chaleur, & comme il n’y voudra plus distiler, n’augmentez le feu, ainsi ostez le recipient, & le tenez bien bouché, car cette eau deuxiesme, ou bien flegme vous servira pour tirer son précieux sel. Mettez par apres en cendres, & distillez avec feu du troisiesme degré : & quand par ce feu vous aurez l’huille, vous la laisserez refroidir, puis broyerez la matiere, & la mettez en un vaisseau de terre qui ne soit plombé, & qui endure le feu de reverberation par huict jours, ou quand la matière vous semblera calcinée, laquelle vous trouverez en couleur de cendre, sur laquelle vous versez tant de son flegme, qu’il surnage de deux doigts, et le bouchez avec son antenos, et le mettez au bain par trois jours. Apres le versez doucement en un autre vaisseau qui soit net, puis reversez dessus de nouveau flegme, bouchez avec son antenos ; Remettez au bain comme auparavant et ainsi ferez tant de fois, qu’ayez tout tiré son sel precieux, lequel sera plus blanc que neige, et c’est lui le sel avec lequel nous aiguisons notre C simple, c’est lui qui baille commencement de faire vegeter les deux luminaires, et les reduire en quintessence, Avec cetuy vous pourrez aussi aiguiser & augmenter son eau, laquelle à puissance de faire vegeter tous les terrestre métaux, et avec cela seul vous pouvez subvenir à vos necessitez. Soyez secret, & remerciez Dieu. Après faut prendre toutes vos versures que vous mettrez en un vaisseau net à distiller par un baing leger, & au fond vous restera votre sel blanc comme neige, lequel par après vous redissouderez, réïtererez, & congelerez par trois fois, & par ce moyen il sera pur pour faire toutes vos opérations.

Maintenant pour aiguiser, prenez une once du tres-precieux sel tiré du rayon de miel, lequel vous broyez et mettez dans un vaisseau, & par dessus luy quatre partie de C, c’est à dire son premier esprit que vous boucherez avec son antenos, & tres-bien les jointures d’iceluy, puis le mettrez en putrefaction par deux jours naturels. Apres vous osterez son antenos, & lui mettrez son chapeau & recipient, & ferez distillez à feu de cendre leger, & quand il aura cessé, sçachez le poids du sel demeuré au fond du vaisseau, & versez dessus quatre parties dudit C simple, puis putrefiez & distillez par cendre, & ainsi recommencez le magistaire tant que tout le sel soit passé avec son esprit céleste, ou bien C. & par ce moyen vous le pourrez aiguiser & augmenter tant que vous voudrez, mais soyez averti qu’un peu de tres-precieux sel, comme une dessus quatre partie de C. à sçavoir de premier esprit suffit[2], et ainsi vous en pourrez faire tant que vous voudrez, et ceci est la vrai et droite pratique qu’il faut celer aux ignorants.


La manière de Circuler, & former notre quintessence, c’est à dire, Ciel vegetable simple
E

PRenez un grand vaisseau de verre et en icelui mettez une livre ou deux de C[3]. bouchez bien comme vous sçavez et mettez à circuler au baing ou au fient. Mais soyez averti quand vous changerez votre fient que vous n’interrompiez point trop la circulation, & ainsi faut circuler par 30. jours naturels, au bout desquels vous trouverez votre matière blanche comme un cristal, avec une hypostasie au fond du vaisseau, comme un peloton de coton, que vous verserez doucement en vn autre vaiſſeau, & le garderez au bain bien bouché, & ainſi vous aurez noſtre menſtruë vegetable & noſtre ciel ſimple, qui a tant de vertu que la langue humaine ne ſçauroit dire. Auec iceluy nous faiſons vraye calcination & diſſolution des deux luminaires par conſeruation de leur humiditez radicales, car il reduit de puiſſance en effect tous les metaux parfaicts & imparfaicts.

Ie ſcay bien, mon fils, que tu trouueras eſtrange que ie n’ay point eſcript la forme du vaiſſeau : mais i’ay laiſſé en voſtre maiſon pluſieurs de mes vaiſſeaux & circulatoires : vn d’iceux y ſera propre.


La maniere de preparer & examiner noſtre terre, tant du Vegetal, Mineral, qu’Animal
F


LE[4] merueilleux principe de tous les autres principes de ceſte ſcience eſt du glorieux Mercure vegetable, c’eſt à dire la preparation & lauemens de ſa pretieuſe terre plaine de toute vertu. Pour cét effect, prenez la matiere qui vous est demeuree au fonds, comme gros miel espais ou comme poix noire[5], comme avons dit au Chapit. de B. & sur icelle mettez tant de sa mort à sçavoir flegme, qu’il nage de quatre doigts, & continuez ainsi tant que sa teinture ou partie onctueuse superfluë, se dissolve & sorte toute par distilation comme auparavant, puis laissez refroidir en lieu humide, il s’y produira des pierrettes rousses au fonds du vaisseau : puis versez doucement par inclination, & prenez lesdites pierrettes, apres reversez sur la matiere du flegme nouveau, & continuez la distillation jusqu’à tant qu’il ne face plus de pierrettes, Et mesmes meslez & dessechez tousjours tant que vous, ayez tiré la teinture, & alors vous demeurera une terre blanche, comme de diamant, laquelle vous essuyrez au Soleil ou chaleur semblable : Laquelle par apres, vous broyerez & mettrez en un vaisseau avec tant de son eau ou bien C. qu’il surnage de quatre doigts, puis bouchez avec son antenos, & faictes putrifier par trois jours, puis distillez legerement par cendre, & ainsi par ce regime de feu, vous ne laisserez de distiller tant qu’il ne face plus de veines, & commençant à faire des veines, levez votre recipient, & le bouchez et y en mettez un autre, et continuez la distillation avec un feu un peu plus fort, tant que sa mort passe, puis laissez refroidir le vaisseau, et vous trouverez la matiere dure, laquelle vous tirerez cautement du vaisseau, & la broyez puis remettez en son vaisseau, et par dessus de son C. surnageant de trois doigts, & bouchez avec son antenos, puis mettez en putrefaction par trois jours, & lui baillez son chapeau, et distillez comme devant, jusqu’à ce qu’il face les veines au chapeau. Alors changez de recipient & continuez vos operations, tant que la matiere demeure blanche, & qu’elle ne face point de fumée, en la mettant sur une lame de fer fort chaude. Par apres ayez un verre en forme de pomme, ou boule ronde, en laquelle vous mettrez la susdite terre, luy sellant bien la bouche, & le mettrez en digestion de cendre, ou bien calcination. Et par ainsi vous aurez la terre tres-pretieuse, laquelle sera propre à recevoir son ame, ou bien esprit avec la conservation de l’humidité radicale, & nutriment d’icelle ; Sçachez mon fils qu’avec ce seul moyen[6], & le ferment copulatif, c’est à dire l’ame du corps susdit organisé d’iceluy, comme nous vous montrerons en particulier, à sçavoir à la composition des medecines, tout est fait.


La manière d’exuberer le suc des deux luminaires, & avec iceux faire vostre precieux composé
G

PRenez une once d’argent de copelle & calcinée, signifiée en cet endroit par Q. selon qu’il se dira au chapitre de H. prenez deux once d’or signifié par P pareillement calciné suivant le contenu audit chapitre, et chacun d’iceux vous mettrez à part soy en vaisseau, lors prenez de nostre E, circulé ou bien quintessence simple. Et en versez sur ladite chaux, tant qu’il surnage de quatre doigts, bouchez avec son antenos, & mettez au bain par deux jours, & par autre deux jours en cendre ; & comme vous verrez les eaux prendre couleur quelque peu, vous les vuiderez chacun à part soi indifféramment, et mettez cette dissolution au bain les vaisseaux bien bouchez : par apres sur les chaux qui ne sont point dissoutes y reverserez de nouveau E. le bouchant avec son antenos, puis le mettrez en cendre comme avez fait auparavant, & cecy continuerez, tant que ce corps solaire et lunaire soit réduit en eau. Par apres prenez le composé de l’or et de l’argent & mettez chacun à part soy en son urinal, et distillez par le bain. Alors les corps demeureront au fond du vaisseau en huile[7]. Lors prenez les eaux distillées par les deux luminaires, & mettez en icelle tant de souphres vegetables, que sont les poids d’or et d’argent[8] : puis posez par deux jours au bain pour bien dissoudre le sel. Estant dissout, mettez chacun à part soy, à sçavoir chacune desdites eaux sur les metaux demeurez au fond du vaisseau en huille : mais soyez adverty que le soulphre que vous aurez dissoust dans les susdites eaux, est celuy que nous vous enseignerons au chapitre L.[9] à sçavoir celui qui est tiré du vin, & ainsi vous les mettrez en putrefaction par huit jours ; puis tirerez l’eau par le bain chacune à part soy. Après vous en mettrez tant qu’elle surnage de deux doigts, & boucherez avec son antenos, & par après mettrez le chapeau & distillerez en cendre : & comme vous verrez que les eaux seront passées avec petit feu, augmentez lui un peu son feu, & passera l’air en son eau : laissez après refroidir le vaisseau, & versez dessus de l’eau nouvelle, bouchant avec l’antenos & au bain par une nuit, ostant alors l’antenos, mettez le chapeau & récipient, & distillez par cendre comme dessus, & ainsi ferez jusque à tant qu’ayez tiré le suc des deux luminaires, à sçavoir de l’or & de l’argent. Prenez par après la terre & la gardez ; Mais le signe infaillible sera quand vous mettrez un peu de cette terre sur une lame fort chaude, & qu’elle ne donnera poinct de fumée. Ce sera asseurance que les terres auront été bien examinées, lesquelles vous garderez en palle ou boule de verre toutes deux ensemble en digestion de cendres. Alors elles seront disposées à recevoir leur Mercure, selon que nous enseignerons au Chap. L. Après vous prendrez les deux sucs que vous conjoindrez en un alambiq, [10] & les ferez passer ensemble une fois par la cendre, & s’il demeuroit quelque peu de limositez ou terre, il la faut mettre avec la susdite terre gardée, & ainsi ferez par six fois : & ayant tiré toutes ces limosités qui demeureront avec la terre, vous les mettrez tousjours, comme dessus. Par après prenez un grand vaisseau, ou bien une de nos nastes de verre, qui soit forte & haute au moins de deux paumes, en icelle vous mettrez votre menstruë composé, & le bouchez bien, & son petit trou aussi avec un bouchon de verre, puis après avec de glaire d’œuf, du papier broüillassé & chaux vive, vous l’envelopperez en le laissant seicher, & puis vous le boucherez encor par dessus avec notre Cire, faicte de poix & masticq. ana[11], & faites circuler eu bain Philosophale, que nous vous monstrames, quand nous fismes la circulation de menstruë simple étant à Venise, & laissez circuler par quarante jour, & quand il sera à peu près du terme vous verrez ce menstruë ou mercure qui sera luysant & odoriferant plus que nulle autre chose de ce siecle. Cela mon fils, a la puissance de dissoudre les deux luminaires, & les réduire de puissance en effect. Sçachez mon fils, que de luy seul, avec son ferment rouge ou blanc, vous pouvez par leur circulation faire des branches de grande projection. C’est ce que traite Raymond Lulle en son Epistre accurtatoire, quand il dit qu’apres la dissolution faite du Soleil, & levant après l’eau par le bain à feu tres-lent, que cét or est faict spirituel, lequel jamais ne se pourra réduire en corps. Et si en iceluy vous mettez cents parties de Mercure vulgaire, il se congelera en or ou en argent selon son ferment. Davantage que cet or soit meslé en eau convenable, & le baillant à boire au malade de quelque infirmité que ce soit, en peu de temps reviendra en son premier temperament. Sçachez, mon fils, que c’est cela qui faict tomber les poils chenus de quelque Vieillard que ce soit, le contregardant jusqu’au terme qui lui est ordonné de (Dieu) mais pour parvenir à la transmutation, car il suffit pour la santé que l’or soit dissout avec ce Menstruë, il faut chacune livre mettre dedans deux once de Mercure, comme nous enseignerons au Chapitre signifié par X. Sçachez qu’avec lui se fait la putrefaction, Mais soyez averti que depuis qu’il sera calciné, il n’en faut pas user pour le corps humain : ains seulement pour la transmutation des metaux, comme vous verrez au Chapitre suivant. Croyez que je vous ai enseigné tout ce qui est compris au livre de Raymond Lulle, & avec cette pratique que je vous montre, il est impossible de faillir : partant je vous prie de vouloir tousjours avoir le Dieu Eternel devant les yeux.


La Calcination des deux Luminaires, & de tous autres métaux
H

MOn fils, nous tenons que la calcination ou bien discontinuation des metaux est fort nécessaire : autrement leur dissolution serait fort fascheuse à faire, & pour parvenir à icelle, prenez du mercure vulgaire, & le lavez avec du sel & vinaigre, puis le mettez dans un croiset, faisant un amalgame avec de l’or ; à sçavoir une partie d’or & six de Mercure : autant en ferez vous du corps lunaire ; toutefois il est bien certain que le corps lunaire veut plus de Mercure pour le réduire, qu’il n’en faut pour le solaire, estant bien amalgamé comme un morceau de beurre, tellement que l’estendant sur la paume de la main, vous ne sentirez rien de ferme. Mettez le lors en un drapeau de lin ou bien en chamois, le pressant tant que vous pourrez. Après ayez le double de sel commun preparé, & les broyez ensemble, puis mettez en une cornuë, si voulez conserver votre Mercure, sinon mettez en un vaisseau de terre large. Et respondant & estendant par tout, & lors vous le mettrez au feu, lui donnant petit à petit tant que le Mercure s’exalle. Apres ce, il faut laver vostre chaux avec de l’eau commune distillée deux fois, par tant de réïtérations que tout le sel soit dehors. En fin de quoi vostre or vous demeurera rouge & impalpable : apres avez votre eau vegetable, où sa mort ne soit point, & en mettez dessus, tant qu’il surnage de quatre doigts, puis lui donnez le feu, ainsi ferez quatre fois, Alors demeurerons votre Soleil & Lune parfaictement calcinez : Sçachez que ceste façon de calciner est excellente sur toutes autres, étant utile au corps humain, & à la transmutation des métaux.

Le Cuyvre se calcine avec du sel commun preparé, faisant lict sur lict, & le mettant au four de réverbération par trois jours ; puis le lavant en eau chaude, l’adoucissant comme dessus est dict.

Le fer se calcine avec du soulphre, & vinaigre, qui est signifié par S.

L’estain se calcine avec du sel préparé, & est signifié par V.

Le plomb, comme l’estain, signifié par T.

Voilà la doctrine de la calcination, assation, ou subtiliation à la dissolution, avec conservation de l’humeur radical.


La dissolution Phisique, ou fermentation, laquelle nous faisons en notre Menstruë composé
I

La dissolution des Métaux est necessaire à la première partie du Magistere. Pour ce prenez le corps du Soleil ou de la Lune calcinez : puis ayant autant de mercure Vegetable sublimé, comme nous le dirons au Chapitre L. Et que susdict Vegetable soit reduict en eau avec E. A savoir ciel Vegetable simple, selon que nous avons dict au Chapitre precedent, & estant reduict en eau prenez la susdite chaux, & l’abreuvez en un vaisseau de verre, tant qu’elle surnage de deux doigts : puis mettez l’antenos bien scellé à feu de cendre par douze heures à lente chaleur. Après ostez l’antenos, mettez l’alambicq, & tirez par le bain toute l’humidité que pourrez tirer : puis quand la matiere sera essuyée ostez la du vaisseau, & la broyez bien fort en un mortier de verre, avec le pilon de mesme, en lavant votre mortier avec l’eau, ou bien huille de souphre susdit, & abrevant encore une fois votre chaux comme dessus, digerez, distillez, & broyez, tant qu’elle ait acquis les trois part de la substance sulphurée vegetable susdite. Mais notez encore que le susdit l’huille se peut faire avec la terre preparée vegetable, c’est à dire quand leurs huilles seront séparée, & quand cette terre demeurera blanche comme neige, selon que nous vous avons enseigné au Chapitre signifié par F, c’est à dire en faisant l’ouvrage, comme il est déclaré. Or retournons à notre faict. Incontinent que vous aurez acquis les trois parts de la substance sulphurée, comme dict est, alors versez dessus la matiere, si grande quantité de menstruë composé, signifié par H. qu’il surnage de trois doigts : puis mettez l’antenos, & bouchez bien les jointures, & mettez en bain boüillant lentement par l’espace de deux jours naturels, & par après deux autre jours au feu de cendres. Et ainsi vous verrez que le tout ou la plus grande part se dissoudra dedans le corps susdit, ou bien le composé. Après la décantation, vous séparerez bien acortement, de peur que les fesces ne se troublent, en un vaisseau net qui se puisse bien boucher, & le gardez en bain qui soit bien bouché ; le reste du corps qui vous est demeuré pour n’estre pas bien dissout, vous le desseicherez au vaisseau à une chaleur legere, comme celle du Soleil. Après vous ferez toutes les susdites opérations, tant qu’il soit achevé de dissoudre, à sçavoir en mettant le Menstruë qu’il ne prenne plus de couleurs, & il vous demeurera une terre inutile, laquelle est celle qui tient liée cette escorce, ou bien peaux petites qui tiennent la vertu vegetative enfermée des deux luminaires. Ce fait mettez la composition ou corps dissout en putrefaction, selon que vous verrez en son Chapitre suivant signifié par K. Et afin que ne puissiez faillir, ayant faict ladite dissolution, Et voulant venir à la medecine des corps humains, n’est besoin d’y mettre du Mercure, comme nous avons dict. Mais desirant proceder à la transmutation, il y est necessaire lors que vous aurez dissout le composé solaire. Apres le faut mettre circuler vingt jours au bain, & vingt en cendre, & ladite circulation se doit faire en vaisseau tel que nous avons dit ci-devant, c’est à dire en une nasse ou bien cucurbite ; & comme il sera circule les quarante jours, ainsi comme la premiere eau monstre couleurs en la couleur de son ferment, quand elle viendra à ce point elle ne se montrera plus que blanche, & demeurera au fond une gomme rouge, comme un fin rubis, & l’eau instrumentale, laquelle est demeurée sur la gomme sera blanche, laquelle verserez acortement, & puis vous mettrez ladite gomme au bain, c’est à dire estant au mesme vaisseau, & le bain doit estre quelque peu bouillant, & il se dissoudra en quatre ou cinq jours, en huille tres-rouge : puis vous le mettrez deux jours en cendres, & il se congelera en la mesme gomme comme auparavant. Ainsi vous fairez par trois fois, dissolvant & congelant. Et par ce moyen vous aurez reduict notre médecine, ou grande composition majeur, pour guerir toute maladie corporelle de quelque corruption que ce soit, comme de lepre & autre maladie. Et c’est le vrai or potable, duquel a parlé Raymond Lulle en plusieurs lieux. Il a la propriété de conserver l’humidité radicale, contregarde de putrefaction, & ne laisse venir l’homme chenu. Cet or se dissout en eau ou potage pour le faire boire : mais le plus seur est que le dissolviez en nostre eau vegetable, Mais voulant proceder à la transmutation, ou bien à la branche, il faut que le Mentstruë soit calciné, & faire toutes les susdites opérations, à sçavoir le fermentant & circulant comme dessus, & estant reduit en huille, vous le verserez sagement, en un vaisseau rond avec long col. Après, vous ferez la projection en cette maniere, à savoir une partie de cette huille, & cent parties de Mercure lavé avec vinaigre, & le mettez au susdit vaisseau, & le bouchez bien ; puis au feu de cendres par vingt jours. Apres il le faut affiner par une forte cendrée : chacune livre du susdit metal congelé veut une livre de Saturne, & ainsi vous aurez or ou argent selon qu’aura été votre ferment.


La putréfactiondes deux Luminaires dissouts au grand Menstrue, chacun à par soy, que nous signifions par
K

Prenez un vaisseau qui soit long & estroit, selon la quantité du métail dissout, & en icelui mettez votre dissolution : puis le sigillez du seau d’hermès. Après ayez un grand vaisseau de cuivre avec son couvercle, et qu’il y ait au milieu un plancher troüé à un des costez un tuyau pour y pouvoir mettre de l’eau, lequel tuyau faictes qu’il soit dessous ledit plancher, & sur icelui plancher posez & asseyiez ledit vaisseau droitement sans pencher. Alors couvrez-le avec son couvercle, & donnez un chaleur tempérée, tant que la matière monte & descende par quarante jours naturels, au bout desquels vous trouverez vostre composition de Soleil en couleur de rubis avec quelque chose pendente en noir : quelquesfois il demeure à jour obscur, cette variation advient de l’argent qui sera ou ne sera pas purgé. Ainsi vous cognoistrez en votre esprit la necessité de cette putrefaction.


La vivification & sublimation de nostre vegetable Mercure ; l’examination des deux luminaires, & la maniere de les sublimer & vivifier, la pratique de la voie animale en laquelle gist tout nostre fondement.
D’avantage, nous dirons la manière par laquelle les deux luminaires sont plutost réduits en première matière, et aussi tous les autres Métaux imparfaits, & aussi le Mercure vulgaire, selon notre expérience, comme vous verrez au Chapitre X.
L.

Prenez cette composition putrifiée de Soleil & de la Lune, par la maniere que nous avons enseignée au Chapitre de K. & mettez à distiller au bain, les jointures du vaisseau bien bouchées, & ainsi continuerez votre distillation, tant que votre matière de l’un & l’autre composé demeure en huille. Après levez le Chapeau & sur la matière mettez tant de leurs eaux qu’elles surnagent de deux doigts : bouchez avec son antenos, & après son Chapeau & recipient, & faites distiler par cendres legeres, & ne distillant plus par ce degré de chaleur augmentez le feu, & l’air passera en son eau : puis laissez refroidir le vaisseau, & gardez ce qui est au recipient bien bouché, & mettez le à part. Après versez eau nouvelle dessus les fesces qui sont demeurées au fond, & n’ont sceu passer à la distillation, & soudain elles se résoudront : bouchez soudain avec l’antenos comme dessus, à sçavoir qu’il soit par douze heure au bain. Puis distillez les jointures estant bien closes, & gardez la distillation avec l’autre eau animéee. Et ainsi vous recommencerez ce magistere jusqu’à quinze fois, tant que la terre ne rende aucune fumée, combien qu’à la septiesme fois, elle n’en rendra aucune, mais nous faisons autant pour rendre la terre plus subtile, à celle fin que la partie d’icelle vienne à s’unir avec son ame & se sublime avec icelle. Et sois adverty que pour recommencer tant de fois ce magistere, il pourrait advenir que l’eau ne suffise, partant prend toutes les distillations faites par les cendres, & les distille par le bain, & en prends les deux tiers, desquels vous travaillerez en la susdite inhumation si l’eau vous défailloit : ainsi vous aurez réduit notre Soleil & notre Lune à la vraie éclipse. Par après prenez la terre susdite, & la quantité d’icelle, soit la jaune ou la blanche, chacune à part soi, bien lutée et bouchée, que mettrez au feu de reverberation, telque le verre ne se fonde point, & l’y laissez par quatre jours, au bout desquels laissez refroidir le vaisseau, & en icelui trouverez vos terres preparée à recevoir leur Mercure : Mais sois adverty que la terre du vegetable sera blanche, la terre du Soleil noire, & celle de la Lune chasteignier approchant à noirceur. Ayant tiré ces terres les faut piller & broyer en un mortier de verre, chacune à part, & les reduire en poudre impalpable, lesquelles vous garderez en vaisseau de verre sur cendre chaudes, chacune à part, tant qu’ayez rectifié votre ame. Prenez le composé de la Lune[12], & la rectifiez par sept distillations en cendre legeres, & toutes les limositez ou terres qu’elle laissera seront mises avec sa terre calcinée ; semblablement vous rectifierez l’eau composée du Soleil, combien que sa rectification soit differente de celle de l’argent. Pour ce prenez cet eau en laquelle soit son ame, & la faictes distiller par cendres, & ce qui restera au fond sera le feu lequel vous garderez : ainsi vous la rectifierez par sept fois, remettant toujours la limosité avec le feu, lequel vous garderez, & ainsi vous aurez fini la rectification de l’eau. Prenez après le feu qui vous est demeuré au fonds, qui sera comme safran, lequel vous calcinerez, comme vous avez fait la terre, à sçavoir y mettant de son eau qu’elle surnage de deux doigts, le bouchant bien avec son antenos, & le mettant par apres au bain par douze heures, puis le distillant en fin par cendres. Ainsi faisant par sept fois vous aurez votre feu calciné & subtilé, qui sera propre pour rubifier son souphre.

Or retournons à notre terre preparée & reservée. Prenez la terre comme dessus, une ou toutes deux à part & sçachez le poids & les abreuvez avec la dixiesme partie avec laquelle la Lune est rectifiée, & la bouchez avec son antenos, & mettez au bain : A sçavoir que le vaisseau ne touche point l’eau à deux doigts pres[13], & le laisser ainsi tant que vous voyez l’eau congeler sur la terre bien animée. Après ostez l’antenos, & luy mettez son chapeau, & faites exaler son humidité par cendres legeres, à sçavoir comme chaleur du Soleil. Après abreuverez de rechef avec la dixiesme partie, & boucherez avec l’antenos, mettrez en digestion, & comme verrez l’eau congeler dessus, levez l’antenos, mettez le chapeau, & tirez son humidité, & pour la troisiesme fois donnez lui sa dixiesme partie, & faictes comme devant, & à la quatriesme donnerez la septiesme partie, & ferez comme dessus. Alors l’Arbre fleury commencera à paroistre, à sçavoir par la quatrieme imbibition vostre terre noire apparoistra, & ainsi apparoissent toutes les couleurs, qu’on se peut imaginer, & au dernier vous verrez arrester en la couleur blanche pasle, & ainsi vous recommencerez votre magistere comme dessus, luy baillant la huictieme, la septiesme, la sixiesme, la cinquiesme, & là vous arresterez, & tant de fois recommancerez cette œuvre, jusqu’à ce qu’elle ait beu toute l’eau de la Lune. Alors l’espervier aura pris ses ailes, & sera prest à voler, c’est à dire à sublimer. Alors vous en prendrez un peu sur une lame fort chaude, & regarderez si la plus grande part s’en ira en fumée, ce sera le signe certain que notre oyseau sera prest à voler. Alors tirez le hors du vaisseau, & le broyez en un mortier de verre avec le pilon de mesme, puis mettez en vaisseau de verre qui ait le col long, & la pense etroicte, & qu’il soit long & estendu comme le bras, bouchez & mettez en cendre les trois parts de la bosse seulement couverte, & baillerez petit feu par trois heures, & trois autres apres plus fort. Et ainsi continuerez par trois jours. Alors nostre enfant sera nay, qui s’appelle matiere ou bien ferment en feuille, & de plusieurs autres noms. Mais sois adverty qu’au susdit vaisseau, il est de nécessité que le chapeau entre au dedans du col de la bosse. Il doit estre bien bouché avec du coton, à celle fin que le merle ne vole en son chapeau, ains qu’il demeure au fond du vaisseau, & ce qui montera plus haut, ce sera une poudre tres blanche, ce qui montera à la moitié dudit vaisseau, sera comme fueille de talch, & ainsi vous aurez tous les signes par lesquels il vous sera impossible de faillir. Je suis bien certain que n’estes pas ignorant qu’il faut faire dissolution, le souphre vegetal & animal. Prenez la terre vegetable preparée, selon que nous l’avons declaré au Chapitre F. Et icelle abreuvez avec son esprit animé la huictiesme partie, & bouchez avec son antenos, & mettez au bain comme nous vous avons enseigné des mineraux, & la laissez par huict jours.[14] Après levez l’antenos, & luy tenez le chapeau dessus & mettez en cendre legere comme chaleur de Soleil, & laissez sortir son humidité, laquelle sera sans aucun goust à la façon d’une eau chaude, & de rechef l’imbibez avec la septiesme partie, mettez au bain, puis distillez par cendre, alors imbibez encores avec la sixiesme partie digerant & distillant par cendre comme dessus, puis l’abreuvant avec la cinquiesme partie, & la quatriesme faisant comme dessus : Mais en cette quatriesme partie tu t’arrestera & l’imbiberas tant qu’il ait beu les deux part d’elle, laquelle vous tirerez par apres du vaisseau, & l’ayant broyée en mettrez un peu sur une lame chaude, la plus grande partie s’en ira en fumée, alors vous aurez un signe certain que la terre est propre. Partant vous la mettrez en un vaisseau propre à sublimer. Comme nous vous avons dit cy dessus, en ce Chapitre des mineraux. Et tenez le mesme regime de feu, il se sublimera le sel armoniac des Philosophes & le nostre. C’est celuy qui te donne commencement pour faire vegeter les deux luminaires, sçachez pour certain que sans icelui vegetable & animé, il ne se fait rien en ce magistere ; laissez tous ces ignorans qui presument avec leur amalgames vulgaires reduire les deux Luminaires en première matière. Nous accorderons bien neantmoins que le mercure vulgaire est pere de tous les metaux : mais s’il n’est pas reduit en première matiere par le moyen du vegetable ou de l’animal, & que lui soit tirée cette moyenne substance de laquelle plusieurs fois je vous ai parlé, il est inutile : mais preparé, il est alors fort propre à recevoir toute forme, c’est à dire ferment de l’or ou de l’argent avec toutes ses operations. Mais gardez vous de vous tromper en lui baillant un ferment : car le ferment doit estre auparavant calciné & dissout avec le grand Mercure majeur, selon que nous vous avons dict cy devant, puis l’imbiber avec la moyenne substance cet estre à l’aspreté du feu, & depuis que verrez qu’il y resistera, donnez lui feu de bois par l’espace de huict jours, & alors vous regarderez s’il fluë comme cire sans fumer. C’est celuy duquel a parlé Arnault de Villeneufve en son Rozier, & n’est point blasmé comme sont certains gros ignorans & escervelez, quand il disent qu’en un seul vaisseau & un seul fourneau se peut faire & finir ce magistere, & que le Mercure vulgaire avec son ferment : à sçavoir l’or & l’argent, ou l’un & l’autre, se sublime soy mesme, & soy mesme se tire & vivifie. Et sur ce propos croient aucuns Philosophes, que le Soleil, la Lune & Mercure suffisent à faire la bonne paste. Mais ce bestial inepte n’entend point dire des Philosophes, comme nous vous avons dit plusieurs fois : Que celui qui est privé de cette partie menstruale, ne doit point priser ny estimer. Et retournant à leur dire, mon tres-cher fils, il est vray que quand ils disent que le Soleil, la Lune & Mercure suffisent à faire la bonne paste, c’est lors que les susdits corps sont reduits en leur première matière par le moyen du vegetal ou animal : mais il s’entend qu’en un seul vaisseau s’acheve & accompli tout notre magistere, & davantage depuis qu’il est tourné en première matière, on en peut faire & travailler plusieurs sortes, & vous montrerons la pratique de composer la Médecine. Maintenant mon fils, je vous veux déclarer le secret de tous les secrets, lequel pas un Philosophes Modernes, ny anciens n’a voulu mettre par escript & lumiere, & toujours en leurs paroles ont dict, que notre pierre se tire du petit monde, que notre pierre se convertit en eau salée, & qu’elle est la meilleure médecine. Or je vous prie, mon fils, de considerer l’amour que je vous porte mettant mon ame, ad ultimum terribilium, par ce que nous mettrons la pratique au premier apertive de tout nous livres. Sçachez que c’est icy certainement la clef de tous nos livres, & celle des Philosophes Anciens & Modernes, Combien que notre pere Raymond ait beaucoup exalté sa lunaire. Et notez qu’encore qu’il s’en soit servy à la santé du corps humain, qu’avec elle se peut faire la vraie & certaine transmutation des metaux, mais elle se fait habillement avec celle que je vous revelerai ; & qu’il soit vrai nostre Duc Raymond, ayant revelé cette matiere au livre qu’il appelle le livre des secrets cachez, auquel ce Docteur a illuminé la matière[15], gardant entièrement la pratique au livre intitulé Vade mecum, & en une infinité de Volumes, lesquels ne sont cogneus à un chacun. Maintenant donc parvenez au secret des secrets. C’est que vous preniez urine d’enfants de huict, dix, ou douze ans, lequel boive vin & meine vie esgalle, qu’il soit sain & bien disposé de nature, laquelle vous recueillerez en un vaisseau de verre, & gardez qu’il n’y tombe de la poudre, de laquelle vous prendrez bonne & large quantité, laquelle vous mettrez en plusieurs vaisseaux de verre les deux tiers plains seulement, à celle fin qu’elle puisse mieux circuler, Par apres vous mettrez en tous les vaisseaux demy bocal de nostre C ; comme avons enseigné au Chapitre dudit C. A sçavoir qu’il soit sans mort, par après bouchez bien le vaisseau avec cire gommée, & mettez en putréfaction par quinze jours, au bout desquels vous trouverez la matiere noire, comme vin vermeil séparée de sa terrestréité, & sçachez que tant plus elle se tient en putrefaction, tant plus devient noire, & sçachez aussi qu’il faut changer le fient de cinq jours en cinq jours. Après vous le mettrez en un vaisseau : c’est nostre Urinal descript au vegetable avec son chapeau & recipient, ses joinctures bien bouchées & ferez distiller jusqu’au signe que nous avons décrit au Chapitre B. Mais nous vous baillerons encore un signe plus ample, distillez en deux part, puis ostez le recipient, & poursuivez votre distillation jusqu’à ce qu’il vienne en forme d’un miel ou bien de poix fonduë au fond du vaisseau. Prenez par après ces deux parts, que vous avez gardées, & les distillez derechef par le mesme bain. Prenez des quatre parts les trois, & jetez le reste, & distiller derechef, & à la troisiesme fois prenez des quatre parties les trois, & derechef distillez les trois autres parties, pour ce qui vous est resté vous le devez jetter, & derechef distiller pour la quatrième fois, & prendre des quatre parties, les deux, à la troisième fois, & des quatre parties, prenez en trois, & icelles trois distillez à part soy deux fois. Et ainsi vous aurez votre feu rectifié, d’avec lequel nous extrairons le vinaigre très-aigre de sa terre bien aymée. Prenez après la terre qui est demeurée en forme de gros miel ou poix fondue, sur laquelle vous mettrez tant de fleur qu’elle surnage de trois doigts, & le couvrez avec son antenos, les jointures bien bouchées avec cire gommée, & le mettez en putrefaction par trois jours naturels : mais prenez garde qu’incontinent que le vaisseau sera bien fermé, il faut demeurer & vaquer, à celle fin que le sel & vinaigre viennent à se dissoudre, puis ostés l’antenos & mettez le chappeau & recipient : mais prenez garde qu’en ostant l’antenos que ce vinaigre ne vous donne aux yeux avec son acateze, faictes distiller par cendre leger, & quand par cette chaleur vous aurés tiré son eau, augmentez le feu à force de bois, à celle fin que son huille & son ame passent ensemble avec son eau distillée, dont une partie se sublimera, & une partie demeurera en poudre sur la terre. Après laissez refroidir le susdit vaisseau & recueillez ce qui est sublimé que vous mettrez en son eau, & ayant bien bouché le vaisseau par ce que c’est la fleur animée, tirés après sa terre, laquelle vous sera demeurée au fond, seche, broyez la bien sur le prifice, puis la remettez en son vaisseau, sur laquelle vous verserez tant de sa fleur qu’elle surnage de deux ou trois doigts, le bouchant avec l’antenos & mettant en putrefaction par trois jours naturels. Apres distillez & augmentez luy le feu comme dessus, avec du bois, & ainsi vous recommencerez tant de fois ce Magistere que la terre demeure comme beurre claire, laquelle vous calcinerez en feu de reverberation, comme nous vous avons enseigné au vegetable & au mineral ; Et par ce moyen vous aurez la terre animée preparée, laquelle est pleine de telle vertus qu’on ne la peut assez exprimer. Et nous vous disons qu’avec cette seulle chose, & son ferment, à savoir l’or ou l’argent dissoud vous pourrés vous ayder largement, comme nous vous enseignerons à la fin des particuliers en leur composition.

Prenez la susdite fleur animée, & la rectifiez par trois fois, & faite tout passer, & la terre qui vous restera jetez la, apres distillez par le bain, & prenez des quatre parties les trois, distillez de rechef, & les prenez toutes, & ainsi vous aurez la fleur animée rectifiée : prenez après un grand vaisseau de la longueur d’un bras, & y mettez la susdite fleur rectifiée, puis bouchez avec l’alambiq, & mettez le chappeau & son recipient, mais le bec du chappeau veut estre large & court, puis vous luy donnerez feu de cendre léger tant que tout ou la plus grande partie soit sublimée ou bien qu’elle passe en son récipient, en forme de sel tres-precieux ; duquel si vous voulez travailler, la voye de mixtion suffit avec cetuy cy, pour aiguiser notre C. & circulant par après selon le chapitre DD & par après vous ferez toutes les operations que nous vous avons enseignées au chapitre precedent. Ainsi que soyez certain de le faire plus vistement ; Mais desirant venir au soufre de la nature de l’animal, il est de necessité que fassiez sublimer soudain que vous aurez rectifié la fleur animée, imbibez la terre selon l’ordre que nous vous avons donné, à sçavoir avec la huictiesme, septiesme, sixiesme, cinquiesme & quatriesme partie : puis sublimez, & vous ferez de ce second dont vous estes servi au vegetable, à sçavoir dissolvant l’un des deux luminaires ou tous deux ; sçachez mon fils qu’avec cetuy en un seul vaisseau nous avons fait cette branche que nous vous avons dicte, & repliquerons plusieurs fois, en la composition des medecines : maintenant je croy qu’il est impossible faisant les operations susdites de faillir. Et est vrai que la transmutation avec l’animal est plus briefve, & de moindre danger que la vegetable. Mais n’oubliez point que soudain que vous aurez rectifié la premiere fleur, vous en devez faire deux parts, l’une pour tirer l’ame ou bien le vinaigre tres-aigre de sa terre comme il est dict cy dessus, l’autre pour aiguiser & créer son tres-precieux menstrüe & pour le circuler, apres calciner, dissoudre, putrifier, puis tirer la partie mercuriale des deux luminaires or & argent, & après créer le menstruë majeur, comme avons enseigné au vegetable & en ce chapitre nous vous en avons plus dit, que les autres philosophes n’ont fait par leur gros volumes.


Pour rubifier le souffre de la nature minéral

PRenez & recueillez la sublimation susdicte, tant celle qui est montée au chappeau, comme celle qui est demeurée au milieu du vaisseau, & voulant proceder au blanc & au rouge, faites en deux parts, & prenez l’une, & la mettez rubifier en un vaisseau que nous vous avons monstré en la creation du souffre susdit, & iceluy imbibez avec l’eau de soleil, en laquelle soit dissoult l’element du feu substanciellement & essenciellement puis sur ledit souffre versez la quatriesme partie le bouchant avec son antenos, & le mettant au bain par un jour naturel, apres aux cendres par une chaleur legere comme du soleil celeste, faisant exhaler ceste petite humidité, qui sera sans aucune couleur, & ainsi vous recommancerez votre magistere avec la quatriesme partie, tant que voyez nostre souffre rouge comme un fin rubis, & ainsi vous aurez ample doctrine pour faire le souffre en nature & pour le rubifier, lequel vous garderez dans un œuf à col long, sigillé hermétiquement, comme nous vous avons montré cy-devant en digestion de cendre, jusqu’à ce que nous vous montrions la composition des medecines.


La manière de faire l’huille pour inserer tous les susdits souffres tant des parfaits qu’imparfaicts metaux, comme verrez en leurs chapitres, ou bien des compositions des medecines, tant au blanc comme au rouge
M.

Ayant enseigné au chapitre precedent la manière de réduire en première matiere les deux luminaires, Or & argent, il reste d’enseigner l’huille pour insérer les souffres susdicts, je vous ai dit plusieurs fois que l’huille se peut faire de plusieurs sortes, & si elle est faicte de l’une, elle sera propre pour insérer le souffre de T. & V. a sçavoir plomb & estain, & si faicte d’or, elle sera propre pour insérer le souffre de R. & S.[16] à sçavoir cuyvre & fer, comme vous pouvez voir à la composition des medecines ou bien inceration. Alors mon intention est, que vous preniez le souffre de mesme dont vous voudriez faire l’huille[17]. Et iceluy dissoudrez avec sept parties de menstruë majeure. Et autant d’autre souffre Vegetable, ou Animal, qui monte le susdict souffre mineral, & le mettez à circuler en l’une de nos nasses, comme est dit cy devant, durant trente jours en cendres, au bout desquels vous trouverez au fond du vaisseau une huille tres blanche ou rouge selon que sera le souffre que vous aurez mis à dissoudre & à circuler, & quand vous verrez ce signe, tirez le lors du circulatoire, & mettez à distiller par bain la petite humidité laquelle sera volatile, & au fond du vaisseau demeurera notre huille tres-blanche ou tres-rouge selon que sera le souffre. Avec cetuy, mon tres cher fils nous incerons la grande medecine, laquelle incerée avec cette huille a puissance de transmuer tous les metaux, & l’argent vif vulgaire lavé & non lavé ; en une autre maniere vous pouvez faire l’huille susdict, & bien plustost & plus digne, combien qu’en la transmutation, il n’y ayt poinct si large authorité, nonobstant il est fort facile : retournons au poinct, prenez la chaux de quelque metail que vous voudrez, à sçavoir des deux luminaires, avec iceluy accompagnez autant de la moyenne substance comme nous declarerons au chapitre de X. & la torturez en un mortier de verre avec longue contrition, puis versez dessus si grande quantité de menstruë simple qu’il surnage de trois doigts, & après le mettez en digestion au bain par trois jours, puis par trois autres jours mettez au feu d’alteration, c’est à dire en cendre, & ce qui sera dissout, vous le verserez sagement en un autre vaisseau, de peur que les fesces ne se troublent, laquelle dissolution vous faut garder dedans le bain, & versez dessus les fesces qui n’ont esté dissoutes de nouveau menstruë comme dessus ; & vous recommancerez tant de fois que tout ou la plus grande partie se dissolve, puis mettez en putrefaction, & après distillez par cendre leger. A la fin augmentez le feu quelque peu, puis laissez refroidir le vaisseau, & estant froid, ostez le chappeau & son eau distillée, puis sur la matiere ou corps qui vous est demeurée en l’Urinal, vous y devez verser de son eau distillée tant qu’elle surnage de deux doigts ; bouchez avec son antenos & mettez au bain par deux jours, & ce qui s’y sera dissout versez le sagement, & ce qui ne sera dissout, achevez sur la cendre en feu leger, par apres versez de rechef de son eau distillée, puis bouchez avec l’antenos & mettez au bain, & ainsi faictes tant de fois, que tout ce qui sera dissoluble, se dissolve ou bien toute la partie mercurialle ; Mais à celle fin que vous soyez bien advisé en tous vos signe infaillibles, ce sera quand l’eau ne prendra plus de couleurs de sa terre, ou bien quand ladite terre bien essuyée en mettant un peu sur une lame chaude ne fera poinct de fumée, alors vous serez certain qu’elle est privée de son ame ou bien de son Mercure. Après mettez circuler par vingt jours en cendre en une de nos nasses ; le temps estant passé, tirez l’eau menstruale par le bain, de ladite huille, & si en ladite eau estoit demeurée quelque couleur ou substance metallique, vous y devez verser de sa mort, tant qu’il vous semble qu’il y en ait assez pour debiter son menstruë ; apres vous distillerez par le bain : ou sa substance, ou bien sa partie Mercurialle, vous demeurera au fonds du vaisseau, ce que vous mettrez avec celle qui vous est demeurée auparavant ; & par ce moyen vous aurez la deuxiesme maniere de faire huille pour inserer tous les metaux imparfaicts, ce que verrez en la composition des medecines. La troisième huille est celle qui se faict en la separation des elements, asçavoir des deux luminaires, lequel vous voudrez ; apres mettez en putrefaction par huict jours, puis distillez l’eau par le bain, & sur la matiere qui vous est demeurée en forme d’huille, ou d’un miel épais, & versez tant de son eau qu’elle surnage de deux doigts, la bouchant avec son antenos, & la mettant après en son alambicq, pour distiller par cendre legere, augmentant le feu à la fin, & par apres laissant refroidir le vaisseau : derechef versez y de la nouvelle eau, le bouchant avec l’antenos, distillant apres en cendre legere, & ainsi vous recommancerez tant de fois qu’avez extraict toute son ame, ou bien son tres precieux mercure. Le signe certain sera en mettant de cette terre sur une lame rougie ; si elle ne fume point, signe qu’elle sera privée de son ame. Paraprès sur les distillations faites par les cendres, versez y le double de sa mort, puis distillez par le bain ; & au fond vous restera une liqueur ou huille de royal corps, lequel vous accompagnerez d’autant de Mercure vegetable ou animal, qui vaut autant réduit en eau, comme sçavez : & le fixant par après, & le circulant comme nous avons dit cy-devant, & pour vous advertir en toute partie de cette eau ; il faut que toutes sortes d’huilles qu’on veut épandre sur leur Mercure où soulphres, soient fixés auparavant, & d’avantage vous devez savoir qu’il y a plusieurs sortes d’huilles, comme il vous a esté manifesté au premier Chapitre.


La division des soulphres en général, du Minéral, Végétal, & Animal. Item de la fermentation des dits soufres
N

Vous ayant adverty, & donné le moyen au Chapitre precedent, de faire les soulphres de chacun individu, à savoir du Vegetal, Animal & Minéral, je sçay qu’en suivant ce que je vous ay enseigné cy devant, il vous sera impossible de faillir, & partant ne sortez hors des termes de notre doctrine. Et combien que nous ayons mis ce present Chapitre, neantmoins par l’experience formelle, il vous sera plus facile de suivre la maniere qui vous a été donnée au Chapitre de L. que la manière qui vous a été baillée en ce present Chapitre, parce que je recognois votre impatience, dont je vous ai repris plusieurs fois. Revenons au poinct. Il faut que vous preniés ce composé putréfié lequel vous plaira le plus, & le mettez à distiller par le bain. Continuant ce regime tant que toute l’eau soit distillée, & cela s’appelle élements de l’eau, laquelle vous garderez avec grande diligence bien bouchée, & pareillement vous continuerez l’œuvre susdit, & en tirerez le second élement appelé air ; vous verserez sur la matiere demeurée au vaisseau, tant de sa propre eau qu’elle surnage de quatre doigts, & la bouchez avec son antenos, mettez au bain par l’espace de trois jours, & par après ayant mis le Chapeau distillés legerement par cendres, & quand vous aurez distillé toute l’humidité de la susdite matiere, & qu’elle sera bien essuyée & seichée laissez bien efroidir le vaisseau en cette première distillation, & cela fait vous verserez tant de sa propre eau sur ladite matiere qu’elle surnage de quatre doigts, comme cy devant : puis mettant au bain trois jours en digestion, le distillez par cendres legeres, & si l’eau instrumentale vous deffaut prenez la distillation faicte par cendres & la distillez par le bain, de laquelle vous travaillerez en vosdites operations, afin que vous acheviez la dixième révolution suscdite. Et prenez garde qu’au fond du vaisseau l’air sera demeuré, lequel il faut garder bien bouché, à celle fin que vous ayez la parfaicte & entiere doctrine de ce magistere ; nous vous dirons que quand tout l’element de l’eau sera distillé par feu leger, à la fin augmentés le feu un peu d’avantage, à celle fin que cet air ou partie d’iceluy distillée se conjoingne & entre en son element de l’eau, par apres vous separerez l’un de l’autre comme nous vous avons dict cy-devant. Maintenant il reste la separation des élements du feu, sçachez qu’a vouloir separer lesdits élements, il vous faut faire toutes les imbibitions, inhumation & distillation sur la matiere qui est demeurée, laquelle vous avez faicte cy-devant en tirant l’élément de l’air : vray est qu’aux distillations faictes par cendres, vous devez accroistre le feu d’un poinct plus, & vous avertissons d’avantage que si en la dixième revolution vous avez tiré l’element de l’air pour extraire l’element du feu, il y en a quinze & non point moins, & ayant achevé toutes les dites révolution & operations, vous prendrez toutes les distillations par cendres, & les distillerez ; & au fonds du vaisseau vous demeurera l’element du feu en farine seiche, & sur ledict élement de feu vous verserez l’element qui tient en soy ledict élement de l’air tous deux ensemble : puis vous mettrez dedans un col long & tors pour distiller par cendre honneste, & quand vous verrez les élements conjoints en la susdite distillation, au fond du vaisseau vous demeurera comme un gros miel, que vous continuerez tant à distiller à feu honneste que vous voyez la matiere congelée : sçachez que c’est notre élement de feu. Alors cessez du tout la distillation, & sçachez qu’en ses deux distillations vous aurez l’élément de l’air deuxiesme, lequel on appelle le thresor physique en une vraye huille pour inserer les medecines, mais qu’il vous souvienne que du premier air on s’en sert encore, & qu’on en travaille aux compositions des susdites medecines : qu’il vous souvienne aussi comme cet huille ou air deuxiesme participe beaucoup de la substance corporelle, partant il faut que vous le rectifiez sept fois par alambicq, & par ce moyen il sera parfaict, lequel vous garderez bien bouché, & les terres que vous aurez aux rectifications des deux airs, les conjoindrez avec l’élément du feu, parce qu’elles font partie d’iceluy : après vous prendrez l’élément de l’eau & de nouveau le distillerez sept fois par le bain, & mettrez les terres qui vous sont demeurées aux susdites distillations avec l’élement de la terre. Après prenez l’élement du feu & le calcinez, à sçavoir en jettant sur ledit feu cinq parties ou plus de l’élément de l’eau rectifiée, & recommencerez cela par distillation en façon d’infusion par sept fois, & par ce moyen vous aurez la vraie calcination de l’élément feu, & pourrés par mesme moyen calciner l’élement de la terre avec son eau rectifiée : Sçachés mon fils que l’élément de cette terre, & l’élement feu s’accordent en une pareille sorte : que si vous voulez sçavoir les vrays signes quand la terre sera calcinée, vous le pourrez par le Chapitre de L. Or mon fils vous avés une ample cognoissance & instruction de la séparation & rectification des élements, laquelle manière est universelle tant aux mineraux qu’aux vegetables & animaux, & encores qu’aux individus vegetables & animaux, il ne soit besoin de si longues preparations comme aux individus des corps metalliques : la raison est que l’élement n’est pas si fort lié en ces individus vegetables & animaux, ni si uny comme ils sont au corps d’œuvre metallique : de maniere que nous vous vous avons baillé ample cognoissance & instruction de cette separation d’élements, & revelé beaucoup de secrets, tellement je crois que vous avez bonne intelligence de la nostre, & de tous les anciens & modernes Philosophes qui ont eu connaissance de cette science, de laquelle je vous prie vouloir user pour votre nécessité, & des pauvres de Jésus Christ.


LA FERMENTATION


MOn fils nous vous monstrerons en ce present chapitre la fermentation de notre precieux soulfre, rubifié & non rubifié, selon la qualité qu’il sera, comme nous vous avons monstré au chapitre de L. Mais il faut premierement vous advertir en tout cas ; & pour ce, il faut que vous preniez du Mercure vulgaire & le sublimiez avec sel commun & Vitriol. Et prenez un vaisseau auquel il y aye trois bon doigts d’eau Vegetable sans sa mort, comme nous avons enseigné cy devant, & mettez en iceluy vostre sublimé, & par dessus votre antenos, puis en putrefaction par trois jours naturels, & qu’il bouïlle legerement : puis ostez l’antenos, & y mettez son chappeau : puis distillez par cendre legere, augmentant le feu sur la fin, tant que le Mercure passe vif en son recipient, lequel vous separerez sagement de l’eau, & derechef le sublimerez avec nouvelles matieres des dessus nommées, ce que vous réitererez jusqu’à trois fois, mais la derniere vous l’essuyerez sagement, & ainsi aurez le mercure preparé, avec lequel vous accompagnerez le Soleil & la Lune, selon a nature du soulfre que vous voudrez fermenter. Or au quel que vous voudrez faictes de cette façon. Prenez un croiset que vous ferez rougir au feu, puis mettez l’or & le faites chauffer tant qu’il ne fonde point, puis le tirez du feu, & mettez dessus les six parts de mercure preparé comme dessus, le remuant avec un baston, & le mettant soudain en un vaisseau d’eau claire, le maniant après avec la main, & regarderez que s’il y avoit quelque partie qui ne fut pas bien reduicte en forme de paste ou beure, il la faut par necessité remettre au feu, tant qu’il soit reduict en forme de beure, après l’essuyez avec un drapeau net : puis le passerez avec le mesme drapeu, tant qu’il ne reste seulement que les trois parts de mercure & une d’or ou d’argent. Il faut qu’il soit en lames battu bien menu : après vous prendrez une part du tres precieux soulfre que vous voudrez au blanc ou rouge, & le triturerez avec l’amalgame susdict, à sçavoir une partie de soulfre, & quatre parties d’Amalgame susdict d’or d’argent moulu. Mais à celle fin que vous ne failliez point je dis qu’il faut une partie de souffre, trois partie de Mercure, & une d’or ou d’argent amalgamé comme dessus : triturez par après en un mortier de verre avec son pilon, par deux ou trois heures, puis mettez le tout en un vaisseau de verre haut d’un paume, qui ait le fond un peu rond en façon d’un œuf, & le haut du vaisseau estroit tant qu’il puisse entrer que le petit doigt, le bouchant avec son antenos, puis le mettez au trepied des secret à feu leger de trois fils, mais il faut prendre garde que le vaisseau ne soit point couvert de cendre fine, à la hauteur de la matière, & continuez le feu par l’espace de six heures, ce temps fait, ésteindrez vos lumières, & laisserez refroidir le vaisseau de lui mesme, & trouverez toute votre matiere en une poudre tres blanche ou rouge, laquelle il vous faut imbiber, ou nourrir avec son eau rouge ou blanche, selon la qualité de son soulfre, lui en baillant la 4. partie, le mettant par deux jours en digestion, c’est à dire au bain de la façon que vous usés en la création de son soulfre, comme vous avons enseigné au chapitre de L. Puis le retirez du bain, & par deux autres jours le tenez en cendre légère. Après faut oster l’antenos, & mettre son chappeau, pour faire exaler ceste humidité mediocre : puis bouchez le vaisseau avec un peu de coton, comme vous avez fait quand vous avez sublimé son précieux souffre, luy baillant feu de sublimation, & ce qui se sublimera vous le remettrez en bas, & de rechef vous imbiberez avec les quatre parts, mettant au bain comme dessus, puis en cendre, faisant après exaler son humidité comme dessus. Et ainsi vous recommencerez tousjours, tant que le souffre ne sublime plus. Alors vous retirerez hors du vaisseau, & le mettrez en autre vaisseau qui soit rond en forme d’un œuf, qui ait le col long comme le bras, puis le mettrez, in tripode arcanorum, de cinq fils, & ainsi vous continuerez le feu par 4. jours, au bout desquels le retirerez de dessous le vaisseau, & le dissoudrez avec son eau blanche ou rouge, selon que sera le souffre. Puis vous leverez l’eau par le bain, puis le congelerez en cendre, ainsi vous ferez par trois fois, à savoir dissoudant, congelant, & en la dernière congelation, vous luy augmenterez le feu de sublimation. Et si quelque partie se sublimoit, vous la remettrez bas comme devant, le sublimant tant de fois, & le mettant à bas jusqu’à ce qu’il demeure fixe. Sçachez mon fils qu’en ce Chapitre nous vous avons montré la maniere de la fermentation & multiplication, dequoy jamais Philosophe ne parla par si grand amour ; & tenant cét ordre soyez asseuré que vous aurez medecine qui marchera dessus une infinité sopra rotte de sopra a conquis une si grande vertu que langue humaine ne la sçauroit dire, & vous asseurons que tout consiste en la sublimation remerulation, ou bien vegetation : Laissez ceux qui travaillent d’une autre maniere. Maintenant nous vous voulons advertir qu’il faut au moins dix huict mois au blanc, & vingt quatre au rouge, dont il ne faut pas s’estonner ains poursuivre jusqu’à la fin. Pour revenir à nostre point, la medecine estant dissoute, & congelée trois fois, vous devez tenir en lieu chaud, parce qu’il n’y reste plus rien à faire, & n’a besoin sinon de l’inceration, comme nous enseignerons en son Chapitre. De façon que vous n’aurez plus occasion de dire que je ne vous porte point d’affection, puis que vous voyez avec quel amour paternel je vous ai enseigné la vérité.


Inceration de la grande Medecine, avec sa projection
O

Vous ayant dict au Chapitre precedant la vrai sublimation du soulphre avec tous les principaux magisteres d’iceux, pareillement fermentations, rubifications & fixation d’iceux, il reste à present à vous declarer l’inceration, que nous vous disons estre necessaire, & vous disons que pour deux raisons elle a été trouvée. La premiere, parce que la Médecine depuis sa fixation est quelque peu dure à la fusion : La deuxiesme, parce qu’estant la terre sulphurée, sublimée, rubifiée, & fermentée, elle est preste à recevoir son ame ou huille, laquelle lui baille liquefaction auparavant que le fuitif s’en aille. Or venons au poinct. Prenez un vaisseau haut comme une pomme, ou plus, lequel vous luterez avec du fort lut de sapience, à savoir la troisiesme partie dudit urinal, & puis vous le ferez sécher, & étant sec vous triturerez vostre soulphre en un mortier de verre, le pilon de mesme d’un longue trituration, puis vous le mettrez en vostre urinal, & versez dessus la huictiesme partie de votre huille, lequel nous avons designé au Chapitre de M, à sçavoir cestuy-là, qui est faict selon la première maniere, le bouchant avec son antenos, le mettant in tripode arcanorum, & l’urinal dedans : nous faisons cela à celle fin, que la fermeture & boucheure n’apparoisse point, & de cette sorte vous le laisserez continuer par trois jours, jusques à ce que vous verrez nostre huille estre congelée en son soulphre ; puis l’imbiberez comme dessus, & ainsi vous continuerez vostre magistère, tant que vostre soulphre se fonde avec tres-petit feu. Mais pour vous donner un signe plus ample, c’est qu’il vous faut prendre fort peu, & en mettre sur une lame chaude de fer ou d’airain, & s’il coule sans fumée, alors vous aurez en la loüange du Dieu tout-puissant votre Magistere. Mais si la lame fumoit il faut recommencer le magistere, & lui augmenter un petit feu, jusques à ce que vous ayez atteint les signes susdits. Maintenant il reste à faire sa projection, & ne vous esmerveillez point si je ne la vous monstre point parce que nous en avons vu plusieurs qui l’on ignorée, & la façon de la faire, encore avons nous veu ceux qui avoient sublimé ce soulphre de nature, des metaux, qui ont ignoré sa fixation, ou bien la maniere de faire ladite projection. Et à celle fin que cela ne vous advienne, je vous dirai la manière, qui est que vous preniez une once de ladite medecine, & la mettiez sur cent onces de Mercure vulgaire lavé ou non lavé, mais il le faut mettre en un vaisseau de terre qui résiste au feu. Car quand il commencera à griller ou fumer, alors jettez votre medecine, & tout le Mercure sera reduit en medecine : & derechef prenez une partie de la dite medecine, & la jettez sur cent autre de terre, & tout sera medecine, & apres prenez encore une partie de cette medecine dernière, & la jettez sur cent parties de Mercure, ou de quelque autre metail, il se convertira tout en or ou argent, selon que sera la medecine. Maintenant vous avez ample congnoissance de la multiplication, en vertu & quantité. La multiplication en vertu est celle que je vous ai faite en la dissolution du soulphre fermenté & fixé, c’est à dire, en dissoudant & congelant par trois fois, & tant plus qu’il se dissout & congele, tant plus il augmente sa vertu, & chacune fois est pour gaigner le centuaire, à sçavoir en dissoudant & congelant, & sçachez que chacune fois la médecine a puissance de transmuter cent partie de Mercure en poudre : puis une partie de ces 100. parts en convertit 100. autres en bon metail. Et à celle fin qu’en cét endroit vous ne puissiez faillir, nous vous monstrerons une maniere generale. Sçachez que toutes les fois que vostre Medecine ou particulier en transmuera une en poudre en jettant sur du Mercure cette poudre, elle a puissance de transmuer cinquante parts, & ainsi de main en main d’un jusques au nombre parfait de dix parts, & s’il y avoit xv, il a puissance de transmuer 150. parts, & ainsi faut aller multipliant jusqu’au nombre de 100. Alors vous aurez certaine congnoissance qu’il aura puissance d’en transmuer 1000. Et par ce moyen vous aurez les signes par lesquels vous la pourrez garder à l’infiny. La multiplication en quantité est celle que nous vous avons monstré cy dessus avec le Mercure. A present vous pouvez cognoistre la largueur et estendue de notre magistere, & tous ses fondemens, lesquels il me semble qu’il est impossible de vous enseigner plus facilement. Et pour cette cause, je vous prie ne point faillir à vous taire, autrement vous ferez tomber l’ire de Dieu sur vous. Et pource que nous vous avons appellé juge des particuliers ou bien d’abreuviation, nous vous les declarerons cy apres, avec l’ayde de Dieu. Je vous envoye la pratique, laquelle je vous recommande.


S’ensuivent aucuns particuliers, & abbreges Premier au Blanc.

PRenez de la terre vegetable preparée tant qu’il vous plaira, puis ayez autant de la moyenne substance comme nous vous enseignerons au Chapitre de X, que vous triturerez longuement en un mortier de verre, tant qu’il semble une mesme chose, puis ayez son ferment dissout, selon que nous vous avons enseigné au Chapitre de G, lequel ferment soit dissout avec E. Après ostez l’eau par le bain & son ferment dissout, qui entre l’argent restera en huille. Il est bien vray que vous que vous ne devez tirer de l’humidité sinon des quatre parties les trois, & nous disons cela à celle fin que ledit ferment vous demeure en huille, & non pas en gros miel. Puis prenez vostre dite composition, & la mettez en vaisseau de verre semblable comme nous vous avons enseigné en la rubification du soulphre, puis lui donnez la huictiesme partie du ferment susdit, c’est à dire, argent dissout réduit en huille, le bouchant avec son antenos, le mettant en cendres par douze heures. Après ostez le & mettez la chape, & faite exhaler ceste petite humidité qui se pourra esleuer, augmentant le feu tant qu’il sublime ce qui se pourra sublimer, puis laisser refroidir le vaisseau, ce qui sera sublimé, remettez le bas, & derechef l’imbibez comme dessus auec huille nouvelle, & bouchez avec son antenos, mettez en cendre, ostez le par apres, & mettez la chappe, & faits exhaler les humiditez ; puis augmentez le feu, & sublimez, comme dessus. Ainsi vous recommencerez tant de fois, que voyez vostre moyene substance demeurée au fond fixe ne se sublimant plus, & qu’elle ait receu la moitié du poids d’huille d’argent, comme si la moyenne substance & le soulphre estoiet d’une once de metail simple sans avoir passé par le bec de l’alambiq ; mais seulemenr dissout, & ostés le quart de l’eau de dessus. Il y doit avoir une demie once, & comme elle sera fixée vous luy baillerez feu de charbon tant que vous puissiez considerer que la matiere soit liquefiée, ou qu’elle soit en huille, & ainsi vous continuerez ce feu par trois jours naturels ; puis laissez refroidir vostre vaisseau, & en retirez vostre medecine laquelle sera blanchie, participant un peu de la viridité, laquelle vous broyerez en un mortier de verre, puis mettrez en vaisseau distilatoire, & par dessus mettrez du mesme menstruë, que vous avez tiré de dessus par le bain, le bouchant avec son antenos, puis mis en cendres qu’il bouille legerement, puis vous le verserez en un autre vaisseau sagement, de sur la matiere qui vous sera demeurée au fonds, y verserez de nouveau menstruë, recommençant partant de fois qu’elle soit toute dissoute ; par apres tirez l’eau par le bain, c’est à dire le menstruë simple, le mettant à congeler en cendre legere auec son chapeau : laissant exhaler cete petite humidité qu’il avoit en soy, puis augmentant le feu de sublimation, laissant en fin refroidir le vaisseau, & derechef broyez la matiere ; & s’il y avoit quelque partie sublimée, faictes là encores sublimer ensemble avec celle qui est demeurée dessoubs. Et derechef dissoudez auec le mesme menstruë que vous luy avez trié par le bain leger ; & congelez derechef, dissoudant, congelant & sublimant comme dessus, & de cette façon renouvelez par trois fois le magistere, & à la derniere fois donnez luy feu de sublimation, & s’il s’en sublimoit quelque partie, remettez-là bas : par apres resublimez, & recommencer ceste sublimation partant de fois que la matière ne se sublime plus, mais demeure fixe en huille. Apres vous ferez la projection de cette façon. Prenez Mercure lavé, comme l’avons enseigné en la fermentation, & le mettez en vaisseau rond de verre, à sçavoir une partie de ladite medecine, & une partie dudit Mercure, & faut que le dit Mercure soit mis le premier au vaisseau, & puis la medecine. Mettez apres au feu de cendres, bouchez le vaisseau avec du coton, & le laissez ainsi par quinze jours, puis ayez votre cendre ou copelle, de grandeur selon la quantité de votre medecine que vous vous voudrez reduire. Et prenez garde qu’il faut pour une once trois livre de plomb, & il vous donnera 60. onces d’argent meilleur que celui de la mine. Mon fils, c’est icy la branche qui est appellée la premiere ayde[18]. Et de cette mesme sorte vous pourrez pratiquer avec l’or, excepté qu’au lieu là ou vous mettez tant de terre preparée, mettez autant de moyenne substance, & après vous ferez toutes les susdites operations qu’avez faictes au blanc, & de mesme façon aussi vous ferez la projection, & aussi la reduction.


Deuxiesme Particulier qui se compose avec le Soulphre sublimé Vegetable, ou Animal

PRenez trois once de soulphre sublimé vegetable, que nous vous avons enseigné au Chapitre de L, & une once d’or ou d’argent calciné, lequel vous voudrez, & demy-once de Mercure, ou bien de nostre moyenne substance. Puis incorporez tout cela ensemble en un mortier de verre par longue contrition : puis dissolvez avec le menstruë simple, & quand il sera reduit en eau, qu’il semble estre une mesme chose à voir de couleur verte ou azurée, le composé estant d’argent & estant d’or d’un rouge obscur : apres tirez l’eau par le bain, c’est à dire son menstruë, & le corps demeurera au fond en forme d’un gros miel, lequel vous mettrez en un vaisseau rond, ayant le col long d’une brasse, & seulement estroit comme à mettre le bout du petit doigt, que sellerez hermetiquement, puis mettez au feu de cendre leger par 20. jours. Apres augmentez le feu tant qu’il se sublime, & ce qui sera monté remettez le bas, & ainsi recommencez par tant de fois que tout demeure fixe au fonds. Apres faictes proceder à la dissolution & congelation, selon que nous vous avons enseigné à la médecine en particulier du premier & de mesme façon faictes la profection, & aussi la reduction.


Troisiesme particulier, ou bien la Royne des branches, qui se faict avec le Mercure majeur, & son ferment

PRenez lequel que vous voudrez des deux luminaires, & le calcinez, selon qu’il est enseigné cy devant : puis ayez autant de soulphre vegetable, ou sel armoniac, qui vaut autant, les triturans ensemble en un petit mortier de verre avec son pilon par longue trituration. Puis le dissoudrez avec le menstruë majeur, selon qu’il vous est enseigné en son Chapitre. Estant dissout le mettez à circuler par l’espace de vingt jours en cendre chaude, mais legere, au bout desquels exhaler l’eau menstruale, à sçavoir en mettant en la bouche du vaisseau du coton, à celle fin que l’eau passe & non pas le metail, & comme il vous semblera que la matiere soit mise en huille ou bien en liqueur, vous le mettrez en une fiolle ou bien vaisseau rond, & luy donnez feu de cendres, par vingt jours au bout desquels laissez refroidir voter vaisseau, & recevez le poids de cette medecine : que s’il y a une once, mettez cent onces de Mercure lavé comme dessus est dict au Chapitre de la fermentation, & le mettant en cendre qu’il boüille legerement. Apres vous ferez la reduction, comme nous vous avons enseigné au superieur particulier en la cendrée ou copelle grande avec trois livres de plomb, & vous aurez or ou argent selon que sera le ferment, qui sera pareil à celuy de la minière.


Autre manière

Quand vous aurez reduit le corps ou bien ferment, en huille, & que vous aurez separé son menstruë, à savoir avec le coton comme nous vous avons enseigné au précédent Chapitre & particulier, sçachez le poids de l’huille qui vous est demeuree, s’il y a une once vous y mettrez six onces de moyenne substance, puis vous le ferez sublimer dedans un petit corps avec son chapeau, & ayant fermé le vaisseau avec coton, sublimez le, puis le laissez refroidir, estant froid ouvrez le vaisseau au fond duquel trouverez un partie, & l’autre partie sublimée, laquelle vous remettrez bas avec l’autre, puis les broyerez fort ensemble, & le sublimant derechef, & recommençant le susdit magistere sublimant & mettant tant de fois abas que le composé demeure fixe au fond & ne se sublime plus, le signe est d’en mettre sur une l’ame chaude comme devant est dict, à sçavoir si elle ne fume, ains fluë comme cire, elle est bien. Et alors mettrez une partie sur cent de Mercure ou bien sur tel autre metal imparfaict que vous voudrez, & aurez or ou argent meilleur que la minière, selon qu’aura été le ferment.


Encor en autre manière

PRenez de la moyenne substance tant qu’il vous plaira, quand elle sera separée de la souillure, selon que nous vous avons enseigné au Chapitre de X, & la sublimerez tant de fois qu’elle demeure blanche, transparente & crystaline de laquelle mettant sur une lame chaude, elle fluera comme cire. Alors vous la mettrez sur la quatriesme partie des deux huilles que nous vous avons enseigné au Chapitre des huilles, signifié par M, puis vous mettrez ou bien ferez l’incération selon que nous vous avons enseigné au chapitre de O, & par ce moyen vous aurez une medecine, de laquelle vous pourrez prendre une partie sur cent de Mercure & vous aurez un or ou un argent pur, selon vostre ferment. Et sçachez que la grandeur de ce magistere s’estend si fort & si loing & de tant de manieres, qu’il nous serait impossible de les vous enseigner plus avant. Ainsi ce que je vous ay dit, vous suffise : car c’est plus que jamais Philosophe n’a voulu seulement penser à dire.


Particulier, Que nous faisons avec R. ou S. estant reduits, comme nous avons dict, & les incerant avec P. reduit en huille, selon le Chapitre M.

JE vous ai enseigné mon fils, la grande Medecine, & aucuns Particuliers de nous experimentez. Prenez donc pour faire un particulier des metaux imparfaits, trois once de R. & le calcinez comme nous avons enseigné au Chapitre de H. dissolvez les avec le menstruë simple, putrifiez par huict jours, distillez par bain, & la matiere vous demeurera corrompuë, comme gros miel, sur lequel vous mettrez trois onces de sel animal sublimé avec son coton comme nous avons enseigné au Chapitre de L. Apres reversez tant de son eau, (à sçavoir de celle que vous aurés tirée de dessus la dite matiere par le bain) qu’elle surpasse de deux doigts, le bouchant avec son antenos, putrifiés derechef par 12. heures, puis ostés l’antenos, mettés le chapiteau, bouchés les jointures, distillés par cendres legeres : à la fin augmentés le feu tant qu’une partie se sublime en une poudre tres blanche : mais quand le vaisseau sera froid, vous l’osterés sagement & mettrés en un vaisseau de verre : puis sur la terre, laquelle vous sera demeurée au fond, vous tirerés & broyerés avec une once de sel animal sublimé comme dessus, puis mettez l’eau, laquelle vous avés tiré par le bain, sur ladite matiere triturée, que elle surnage de deux doigts, puis posés vostre vaisseau avec son antenos en putrefaction par 12. heures comme dessus, puis ostez l’antenos, mettez le chapeau & recipient, & faictes distiller par cendre legere augmentant le feu tant que la partie qui se peut sublimer se sublime, puis laissez refroidir le vaisseau, & recueillez ce que trouverez sublimé, & recommencerez tant de fois qu’il ne se sublime plus de poudre blanche, & que la terre demeure sans esprit au fond du vaisseau, laquelle vous esprouverez avec la lumiere chaude comme dessus est enseigné, & parlà cognoistrés si elle est morte & privée de son humidité, laquelle terre vous rebroyerez, puis calcinerés au feu de reverberation selon le chapitre de F. mais faut prendre garde de ne laisser cette terre audit feu de reverberation plus de 24. heures, c’est à dire la terre des métaux imparfait, autrement elle s’en iroit toute ou se vitrifieroit. Partant nous vous advertissons que le feu de reverberation ne soit point excessif : Or mon fils, vous avez la vraye & certaine calcination ou bien examination des terres des métaux imparfaits. Prenez cette poudre blanche qui est sublimée, & la mettez à part, & la triturés avec sa terre calcinée en un mortier de verre avec son pilon par longue trituration, puis la gardez en verre bien bouché, jusqu’à ce que vous ayez son eau rectifiée comme nous dirons. Prenés toutes les distillations faictes par cendres & les faictes distiller par le bain, par sept fois, & s’il demeuroit quelque terre au fond du vaisseau ou bien quelque liqueur, jettez la dehors, car c’est son air, lequel empesche la conjonction de l’eau avec sa terre gardée, & luy donnez la 8. partie de cette eau rectifiée, & bouchez avec l’antenos, mettez après en digestion, puis ostez l’antenos, & mettez en cendre legere avec son chapeau pour faire exhaler l’humidité qu’il y a, puis l’imbibez & faites en tout comme dessus, & recommencerez ce magistere, tant qu’il ait beu toute son eau, alors elle sera propre à sublimer, le vray signe est la lamine, la plus grande partie ira en fumée, c’est le vray signe de toutes les terres depuis qu’elles sont imbibées. Tirez cette terre sagement du vaisseau, & la triturez & sublimez selon que nous vous avons enseigné au chapitre L, & par ce moyen vous aurez de tous les metaux imparfaicts leur première matiere ou leur soulphre de nature, & par mesme moyen vous pourrez reduire à première matiere les deux autres metaux imparfaits T. & V. Il est bien vray qu’ils se doivent incerer avec l’huille de la lune simple, comme nous vous avons enseigné au Chapitre de O. Et à celle fin que ne faillés point en sa fixation, elle se fait en cette façon. Prenez une once de soulphre sublimé des metaux imparfaits susdits, c’est à dire, lequel que vous voudrez des deux, ou tous deux ensemble, laquelle triturerez avec une demi once de terre vegetable ou animale preparée comme dessus, ainsi que nous vous avons enseigné, & deux huictiesmes de la moyenne substance que nous vous avons enseignée ou enseignerons au Chapitre X, triturez tout ensemble, puis mettés dans un vaisseau que nous vous avons enseigné au Chap. de Z, & ainsi le sublimés tant de fois, recommençant tousjours tant que toute chose demeure fixe, au fond du vaisseau ; Après qu’il sera fixé, incérez-lé avec huille simple selon qu’avons enseigné au Chapitre O. Et par ce moyen vous aurés les Particuliers des metaux imparfaits avec ample declaration & peu de paroles, de laquelle médecine vous mettrez une partie sur 100. de R. ou de S. si la medecine est faicte d’iceux, c’est à dire leurs soulphres. Et par ce moyen seront faicts les soulphres de T & V qui iront sur lesdits metaux, comme aussi sur le Mercure si vous voulez, pour y avoir mis de la moyenne substance d’iceluy. Encore mon fils vous pourrés reduire par une mesme façon, P. & Q. ayant envie de vous en servir pour faire Particulier, excepté que la rectification de l’eau se doit faire par cendre, & toutes les terres qui resterons en la susdite rectification se doivent mettre sur leurs terres, & faire par apres toutes les opérations susdites que nous avons dit des imparfaits : il est bien vray, qu’ils n’ont besoin d’inceration, pour estre leur air. Par ce moyen vous avés ample doctrine de nostre magistere, combien qu’il se puisse faire en plusieurs autres sortes pour l’estenduë de S. & pour-ce, ne sortés point des moyen susdicts, dautant que les suivant de point en point, il vous est impossible de faillir.


La preparation & sublimation du Mercure vulgaire, qui est pere de tous metaux, & la maniere de tirer sa moyenne substance, plaine de si grande vertu, que langue ne pourroit exprimer
X

VOus ayant promis vous declarer & monstrer particulierement la maniere de preparer le Mercure vulgaire, afin qu’avec iceluy vous puissiez calciner votre menstruë, parce que sans iceluy il se sublimera peu de soulphre de nature, tiré des deux luminaires, comme nous avons dict, combien qu’avec luy seul depuis qu’il est reduit en premiere matiere, avec l’eau vegetable, ou avec le menstruë animal se peut faire la transmutation, c’est à dire, quand il est premierement reduit & fixé, & par apres avec huille du Soleil ou de la Lune, laquelle huille nous vous avons amplement enseigné au chapitre de M. la sienne inceration, laquelle en ce lieu nous appelons fermentation, nous l’avons enseignée au Chap. de O. Or mon fils considerez nostre grand magistere, comme ces règles & operations consistent, & verrez qu’il n’est nécessaire d’incruder les deux luminaires, c’est à dire, commencer là ou la nature a achevé, ainsi que faict le Laboureur, qui prépare sa terre, puis met la semence cuitte du Soleil en sa terre plaine d’humeur ; De mesme il faut retrogarder, & ouvrir la vertu vegetative de l’or, c’est à dire, que le Sage artiste calcine ces corps, les subtilie, discontinuë, apres dissoluë avec l’eau plaine d’humeurs, qui est la sienne reincrudation, dequoy il en naist une vraie putrefaction : apres s’ensuit toutes les operations dessusdites du magistere. Tellement qu’il faut que vous croyez pour certain & veritable, qu’il faut reincruder l’or & l’argent : mais le Mercure vulgaire est de contraire operation, par ce qu’il faut le decuire, & après le faut cribler, afin que vous puissiez avoir sa moyenne substance, appelé d’aucuns sa premiere matiere, puis luy donner l’un des deux luminaires reduit en huille, comme avons enseigné, & cela est appelé ferment, sans lequel il est possible de faire transmutation. Partant fuyés ces faux Alchymistes qui font un amalgame, & pensent le retenir en fusion, depuis que leur Mercure est precipité, mais ils se trompent : les autres veulent teindre la Lune, & la fixer, mais abus : le bon Mercure vient d’Espagne, mais n’en pouvant avoir, esprouve celui que tu trouveras, en le faisant enfuir par chaleur dans une cuieller d’argent, & s’il laisse la marque blanche ou jaune il sera bon, & non s’il laisse une autre couleur. Après prenez deux livre de Vitriol, & avec iceluy faites sublimer, puis versez dessus tant d’eau vegetable sans phlegme qu’elle surnage de 2 doigts sur ledict sublimé, puis vous ferez bouillir par deux heures au bain, & apres distiller par cendres, mettant le recipient à la retorteee, & en iceluy passera l’eau vegetable : puis couvrez toute votre retorte de cendre, augmentant le feu, alors passera votre Mercure vulgaire en ladite eau vegetable, puis par inclinaison vous separerez l’eau du Mercure. Et derechef vous sublimerez comme dessus avec de nouveaux materiaux, puis le ferez passer par la retorte. A la troisiesme fois vous l’essuyerez avec un drapeau net, & le ferés encor sublimer avec nouveaux materiaux, à sçavoir 2. parts de vitriol, & une de Mercure, & une de sel commun préparé, ainsi vous ferez par sept fois, adjoustant toujours nouvelles matiere audit Mercure, & jettez dehors les fesces, mais sçachez que ces 7. sublimations se doivent faire en l’aludel, & non autre vaisseau, pour ce que l’on ne pourrait séparer une poudre adusttive qui monte en l’aludel. Pour vous empescher de faillir je vous répéterai les 7. sublimations, qui est qu’il faut prendre un vaisseau de verre avec son antenos, son chapeau, avec un pipion pardessus, & faut que le dit vaisseau soit d’un demi bras de haut, & en icelui vous mettrez nostre Vitriol, après vous le triturerés ; puis vous mettrez le Mercure, & à la fin le sel commun preparé, le meslant tout doucement avec un petit baston de peur que le vaisseau ne se rompe : puis laissez en son fourneau de cendre, lui mettant son antenos, & luy donnant petit feu : mais ayez esgard que le vaisseau ne doit estre couvert que d’une tierce partie de cendre, & les deux autres tiers descouverts, & ainsi baillez le feu, tant que l’humidité sorte hors : puis bouchez le pipon de l’antenos avec un peu de coton, & continuez le feu tant qu’il se sublime. Apres laissez refroidir votre vaisseau, puis prenez le sublimé, tant celuy qui est à l’antenos, que celuy qui sera au vaisseau, & si le vaisseau n’est point rompu, vous le nettoyerez de ses fesces, y mettant un peu d’eau tiede, & l’y laissant par l’espace de 2 heures, & les fesces se deferont : derechef mettez nouveaux materiaux & faites ainsi que dessus, & reiterez par 7. fois avec nouvelles matieres, & separez tousjours votre sublimé, que ferez en en fin passer par un tamis : apres vous le mettrez dans un autre vaisseau semblable au premier, mais faut qu’il soit de trois pieces, à sçavoir qu’il ait son antenos, & son chappeau, parce que l’on fait diverse operations en un mesme vaisseau : vostre sublimé estant dans votre dit vaisseau, vous y mettrez tant de menstruë simple, qu’il surnage de trois bon doigts le bouchant avec l’antenos, & ledit menstruë peut estre vegetable ou animal comme bon semblera, puis vous le mettrez en cendre qu’il boüille legerement par 12. heures : puis ostez l’antenos, & mettez le chappeau, & distillez par le bain, tout le menstrue, alors ostez le chappeau remettez l’antenos avec son pipon[19], & le mettez en cendre, couvrant le vaisseau de cendre aussi haut que monte la matiere : puis luy donnez feu petit à petit, tant que l’humidité soit passée, bouchez le pipon avec coton, augmentez le feu tant que la matière sublime, & quand elle sera sublimée laissez refroidir, & ostez l’antenos, & ce qui sera sublimé audit antenos cueillez-le separément parce qu’il n’est de notre considération[20], mais est ceste partie adjustive qui n’entre en notre magistere : apres recueillez ce qui est sublimé en la moitié du vaisseau, lequel vous semblera un cristal & le prenez sagement, à cause des fesces de vostre vaisseau, puis remettrez votre sublimé dans le mesme vaisseau, & derechef mettez le mesme menstruë que vous avez tiré par le bain, bouché comme dessus avec l’antenos, faites bouillir en cendre par demi heure comme devant, ostez par apres, mettez le chappeau, faites distiller estant sec, remettez l’antenos ; faites sublimer en cendre, ostez les fesces, & la partie adustive qu’est à l’antenos, prenez le sublimé qui est à moitié du vaisseau, & le tout comme est dit, en la premiere opération, laquelle vous ferez par 7. fois tant qu’il ne face plus de fesces au fond du vaisseau[21] : ayant ce signe prenez votre substance & la broyez, puis la mettez en un vaisseau de verre, & pardessus versez si grande quantité de menstruë simple, animal ou bien vegetable, qu’il surnage de trois doigts, le bouchant avec son antenos, & mettant en cendre par l’espace de 2. jours qu’il boüille legerement, & ce qui sera dissout vous les prendrez sagement par inclination : & mettrez en un autre vaisseau, & ce qui sera demeuré au fond de vostre vaisseau essuyez le à une chaleur de cendre légère, comme celle du Soleil : puis versez de nouveau menstruë, bouchant avec l’antenos : mettez en cendre, versez par inclination sagement comme devant : & ceci recommancez tant de fois que la partie soluble se dissolve, & au fond du vaisseau vous demeurera une terre insoluble, qui est de nulle valeur, laquelle vous jetterez. Alors prenez ce qui est dissout, c’est à dire votre melination, & la faites distiller avec son menstruë par le bain : estant distillé mettez l’antenos en cendre legere, augmentant le feu tant qu’il sublime : ce qui se sublimera est appelé premiere matiere, qui est ceste moyenne substance[22] avec laquelle nous incalcinons nos menstruës, avec cetuy-là nous faisons une infinité de particuliers. Et est la pierre mineralle. Or mon fils avec infinis moyens vous pouvez pratiquer l’un & l’autre mercure, comme dit Raymond Lulle. Et si cetuy mineral n’est reduit en premiere matiere avec l’eau vegetable ou animalle, il est impossible de faire de lui quelque chose de bon pour la grande composition qui est en luy, comme vous le cognoistrez en le pratiquant comme dessus est enseigné. Or voulant fixer, c’est à dire achever de le decuire il faut avoir un vaisseau, comme celuy que je vous ay enseigné en la rubification du soulphre, & en iceluy le sublimerez, & ce qui sublimera le mettrez bas tant qu’il demeure fixé au fond en forme cristalline blanche & transparante, de laquelle en mettant sur une lame chaude il fluera comme cire, & penetrera la lame, & d’iceluy vous en travaillerez en vos particuliers, comme nous vous avons monstré cy dessus. D’avantage si vous inserez ceste premiere matière, ainsi decuitte avec l’une des trois huiles, lesquelles nous vous avons enseignées au chapitre de M. vous verrez de grands effects & tres-grandes transmutations.

Outre, cette premiere matiere ou moyenne substance, se peut fixer en cette maniere, ou achever de decuire, c’est à dire ne la voulant pas fixer en part elle, mais triturez-la comme avons dit cy-dessus, prenez-là & la mettez en un vaisseau, lui baillant la quatrième partie de la lune ou du soleil dissout par la physique dissolution, c’est à dire avec le menstruë majeur, puis la bouchez avec son antenos & mettez au bain par deux jours de mesme maniere que vous avez faict, quand avez voulu faire le soulphre à sçavoir au chapitre de L. Au bout des deux jours ostez-le & faictes aller son humidité par le baing par cendre legere, puis augmentez le feu, & faictes sublimer, puis mettant bas ce qui sera sublimé, & derechef sublimant avec la quatriesme partie de l’or susdict ou bien argent, dissous comme dessus le bouchant avec son antenos, mettant au bain, ostant l’humidité, puis augmentant le feu & sublimant comme dessus, & ainsi vous ferez tant de fois que vous ayez tiré la troisiesme partie du ferment ou métal susdit dissoult, & que tout demeure fixe au fond & fusible, duquel en mettant sur une lame chaude fondra comme cire, & teindra selon son ferment.

Quand vous aurez les signes susdits, il vous faudra dissoudre ladite médecine & la congeler par trois fois, comme avons dict en la composition de la grande médecine, & lors ferez la protection de mesme qu’avons dit au mesme lieu, en mettant d’icelle une partie sur 100. de metail imparfaict que ce soit ou bien du mercure vulgaire. Et par ce moyen nous avons enseigné le tout, & dit que c’est le menstruë simple, & le menstruë composée. Plus la vraye maniere de reincondir tous les metaux, & les reduire en leur premiere matière, & avec iceluy en faire la vraye transmutation. En ce dernier chapitre la maniere de decuire le mercure vulgaire, ou bien de le reduire en premiere matiere, ou moyenne substance : & outre envoyé tous les Alphabets de nos livres à savoir la violette, sommiere & grande lucidaire par personnes de créance.

Ayant la practique de tout, servez à Dieu, & en usez sobrement en vostre endroict, mais largement aux pauvres de Jesus Christ, remettant le tout sur le danger de vostre ame, si ne tenez secret ce que je vous ay plus que paternellement revelé. A Paris le 7 Juillet 1466.


FIN.


TABLES DES MATIÈRES
entenduës en ce livre par les lettres de l’Alphabet.


A

Signifie la misericorde infinie du vray Dieu. page 1.

B

La matiere Lunaire, c’est à dire le Vin, dont est tiré notre précieuse liqueur. page 2.

C

Le premier esprit (separé de son phlegme) qui brusle du tout le coton moüillé d’icelui. Ce qu’estant, il le faut encore distiller une fois, en prenant seulement les deux tiers, comme verrez en la practique. Raymond dit jusqu’à ce qu’il brusle le sucre au premier livre des Quintessences. page 4.

DD

L’aiguisement de notre esprit rectifié, selon que vous verrez en la pratique & préparation du rayon de miel, pour aiguiser ledit esprit. page 5.

E

La Circulation, qui s’appelle le Menstruë vegetable simple. page 9.

F

Nostre Mercure ou bien terre & sa preparation en général, comme verrez en la practique. page 10.

G

Le suc ou jus des deux Luminaires, desquels nous faisons vraye dissolution avec conservation de leur humidité radicale, qui est la vie d’iceux luminaires. Et si la dissolution n’est faicte avec le jus susdit, ce ne sera jamais dissolution physique ains vulgaire. Au regard de celle-cy nous vous commenterons les operations physiques ou bien naturelles, & est appelé Menstruë composé, Menstruë resolutif, Menstruë vegetable, Menstruë minéral, Menstruë animal, eau vive : & comme il sera circulé vous sentirez une odeur si grande, que langue humaine ne la sçauroit exprimer. Remond dit qu’il y a de deux sortes de Menstruës, Vegetable, Resolutif & Resoluble. Le resolutif est double, un céleste, & l’autre non. Le resoluble est une vapeur potentielle, qui est en tout corps metallique, conjoignant le souphre & argent vif qui ne peut estre vu sans le résolutif.  

Le resolutif est une quintessence tirée du vin, ou du tartre, de la nature duquel le resoluble produit son effect. Autrement c’est une eau ardente parfaitement rectifiée, par la vertu de laquelle tous corps sont dissous, putrifiez, purifiez ; les elemens divisez, & la terre est exaltée en un sel, par sa merveilleuse vertu attractive, & qui cherche une autre eau que celle-cy, il est fol & ignare, & ne parviendra jamais à aucun effect. pag. 13.

H

La Calcination des deux luminaires ; & de tous autre metaux imparfaicts. page 18.

I

La philosophique dissolution.page 21.

K

La vraye putrefaction.page 26.

L

Le soulfre vivifié & sublimé en général, tant des métaux parfaits qu’imparfaits : & après des individus, vegetables & animaux, qu’il faut bien lire & relire en son chapitre. page 27.

M

Inceration, qui est l’huille d’or, à sçavoir propre à incerer.  

N

La séparation des Elemens en general. 51.

O

Inceration qu’on appelle sur la fin fermentation. page 70.

P

L’or.

Q

L’argent.

R

Le cuyvre.

S

Le fer.

T

Le plomb.

V

L’Estaing.

X

Le mercure vulgaire, duquel se tire la moyenne substance, à laquelle faut bailler un des deux luminaires reduict en l’huille sans quoy il est impossible de faire transmutation.

FIN


Achevé d’imprimer le 13. Aoust 1628.
  1. Voyez le Chap. F. & p. 10.
  2. Aiguisement & son poids.
  3. C. aiguisé comme il est à estimer, & mesmes il se recognoist en la page 13.
  4. Nota le chapitre L.
  5. Voyez page 3.
  6. Voyez page 3.
  7. Nota cette conjonction & ces poids.
  8. Nota cette conjonction & ces poids.
  9. L. Pour faire le souphre du vin.
  10. Nota concoction.
  11. Pour luter le vaisseau.
  12. A sçavoir son eau.
  13. Huict jours.
  14. Dissolution ne se peut faire sans le souphre vegetable, & animal page 10.
  15. Livres de Lulle.
  16. Argent, plomb, & estain. Or, cuyvre & fer.
  17. A sçavoir qui convienne à l’huille
  18. Il faut au rouge deux parts de terre preparée
  19. Vaisseau qui a une chape aveugle, une autre à distiller & une troisiesme pour sublimer.
  20. Cristal moyenne substance.
  21. Nota à Quy a à la page precedente 12. heures.
  22. Nota. La pierre minerale.