Le Grand voyage du pays des Hurons/00/04

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Librairie Tross (p. v-vii).

AV ROY DES ROYS

ET TOVT PVISSANT
MONARQUE DV CIEL ET DE LA TERRE
Iesvs-Christ, Sauueur du monde.


C est à vous ô puissance et bonté infinie ! à qui ie m’adresse, et devant qui ie me prosterne la face contre terre, et les ioües baignées d’vn ruisseau de larmes qui affluent sans cesse de mes deux yeux par les ressentimens et amertumes de mon cœur vrayement navré et à iuste titre affligé, de voir tant de pauures âmes Infideles et Barbares touiours gisantes dans les espaisses tenebres de leur infidelité. Vous sçauez (ô mon Seigneur et mon Dieu), que nous auons porté nos vœux depuis tant d’années dans la Nouuelle France, et fait nostre possible pour retirer les âmes de cet esprit ténébreux ; mais le secours nécessaire de l’Ancienne nous a manqué. Seigneur, nos prieres et nos remonstrances ont de peu servy. Peut-estre, ô mon tres-doux Jesvs, que l’Ange tutelaire que vous luy auez donné, a empesché le secours que nous en espérions pour la nouuelle, coulant doucement dans le cœur et la pensée de ceux qui auoient quelque affection pour le bien du pays, que les tracas, les distractions et les diuers perils qui suyuent et sont annexez à la poursuitte d’vn si grand bien, estoient souuent cause (aux âmes foibles dans la vertu) d’en remporter des fruicts contraires à la vertu. Si cela est, faites, ô mon Dieu, s’il vous plaist, que l’Ange de la Nouuelle France remporte la victoire contre celuy de l’Ancienne ; car, bien que quelques vns en fassent mal leur profit, beaucoup en pourront tirer de l’aduantage, assisté de ce grand Ange tutelaire, et principalement de vous, ô mon Dieu, qui pouuez tout, et de qui nous esperons tout le bien qui en peut reüssir ; il y va de vostre gloire et de vostre seruice. Ayez donc pitié et compassion de ces pauures âmes, rachetées au prix de vostre sang tres-precieux, ô mon Seigneur et mon Dieu, afin que retirées des tenebres de l’infidelité, elles se conuertissent à vous, et qu’apres auoir vescu iusques à la mort, dans l’obseruance de vos diuins preceptes, elles puissent aller iouyr de vous dans l’eternité, auec les Anges bien-heureux en Paradis, où ie prie vostre diuine Majesté me faire aussi la grâce d’aller, apres auoir vescu icy bas par le moyen de vos grâces, dans la mesme grâce, en l’obseruance de mon Institut, et de vos diuins commandemens.