Le Grand voyage du pays des Hurons/00/05
’est vn sujet puissant, et vn object
rauissant, que l’œil et la presence
d’vn Prince qui n’a d’affection que
pour la vertu. Si ie prends la hardiesse
de m’adresser à vostre grandeur, pour
luy faire offre (comme ie fais en toute
humilité) de mon petit Voyage du pays
des Hurons. La faute, si i’en commets, gaigné et doucement charmé par vostre
vertu, en doit estre attribuée à l’esclat brillant
de vostre mesme vertu. A quel Autel
pouuois-je porter mes vœux plus meritoirement
qu’au vostre ? En qui pouuois-ie trouuer
plus d’appuy contre les enuieux et malveillans
de mon Histoire, qu’en vn Prince
généreux et victorieux comme vous, dont les
vertus sont tellement admirées entre les
Grands, qu’elles semblent donner loix aux
Princes les plus accomplis. Sous l’aisle de vostre
protection (si vous l’en daignez honorer),
MONSEIGNEVR, ce mien petit traité
peut, sans crainte des enuieux, fauorablement
parcourir tout l’Vniuers. Vostre naissance
et extraction de la très-ancienne,
auguste et royale maison de Lorraine, qui a
autre-fois passé les mers, subiugué les Infideles,
et possedé, comme Roy, vn si grand
nombre d’années, tous les lieux saincts de
la Palestine, vous donne du credit, et faict
voler vostre nom parmy toutes les Nations
de la terre : de sorte que l’on dict d’elle,
qu’elle a tousiours esté saincte, et n’a iamais
nourry de monstre dans son sein. C’est vne
remarque et vn honneur éternel, que ie prie
Dieu vous conseruer.
Acceptez donc, MONSEIGNEVR, les bonnes volontez que i’ay pour vostre Grandeur en ce petit present, en attendant que le Ciel me fasse naistre d’autres moyens plus propres, pour recognoistre les obligations que vous auez acquises sur nostre Religieuse Maison, et sur moy particulierement, qui seray toute ma vie,