Le Japon (Gautier)/Fabrication de la laque

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A. et C. Black (p. 53-55).

fabrication de la laque

C’est en Chine et au Japon que la fabrication de la laque atteint un degré de perfection incomparable. On peut difficilement se faire une idée du travail, de l’adresse, de la patience déployés par l’artisan japonais pour arriver à fabriquer une laque parfaite. Le vernis dont on se sert est d’abord extrêmement corrosif et demande à être employé avec les plus grandes précautions. C’est le produit résineux d’un arbrisseau appelé au Japon Ourousi no ki, en Chine l’arbre Tsi. On recueille cette résine liquide dans des gourdes disposées au-dessous d’entailles que l’on fait aux arbres à diverses hauteurs ; la précieuse liqueur découle pendant la nuit, mais en si faible quantité qu’un millier d’arbres en fournit à peine dix-huit à vingt livres.

Il n’existe pas moins de cent espèces de laque en dehors des espèces communes. On laque sur différentes étoffes dont les dessins se laissent voir à travers le vernis transparent, sur du tulle venu d’Europe, ce qui produit un aspect de peau de serpent ; on imite l’écorce du sapin, le bambou, la paille naturelle argentée ou dorée ; on teinte la nacre de reflets glauques ou pourpres ; on jette un semis de poussière d’or ou d’argent qui étincelle dans des fonds de toutes nuances : puis viennent les laques unies noires, vertes, brunes, écarlates, mordorées, toutes admirables de pureté et de finesse.

Lorsque l’objet qu’il faut laquer a reçu trois couches d’un enduit composé de chaux, de papier bouilli et de gomme, que l’on racle, quand elles sont sèches, au moyen d’une pierre plate et dure ou d’un polissoir de bambou, on mélange le vernis sur une palette de cuivre, par un frottement très lent et très égal, avec la matière colorante ; puis on en applique au moins cinq couches différentes que l’on laisse sécher et que l’on polit successivement avec la pierre ou le bambou. C’est seulement par ce long travail que la laque acquiert son excellence ; la décoration vient ensuite, et lorsqu’elle est bien sèche, par-dessus l’or, l’argent, la couleur des peintures, on pose encore plusieurs fois du vernis qui subit à son tour l’opération du polissage. Les figures en nacre de perles sont faites de lamelles de nacre très minces, taillées et façonnées selon la forme voulue et coloriées en-dessous. Elles sont, comme le reste, recouvertes du triple vernis transparent qui leur donne un brillant si magnifique. Pour les laques communes, on substitue le plus souvent à l’essence rare et coûteuse de l’Ourousi no ki, différentes huiles fabriquées avec les graines de plusieurs espèces d’euphorbiacées auxquelles on mêle de la craie, un peu d’essence de térébenthine et des matières colorantes.