Le Jardin des dieux/Aux flancs d’une cruche kabyle/Sophonisbe

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Le Jardin des dieuxEugène Fasquelle (p. 75-76).
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SOPHONISBE



Le cri mystérieux des hautes sentinelles,
L’entendrai-je remplir ton âpre isolement,
Ô farouche, ô lointaine, ô rouge citadelle
Qui surplombes le gouffre où le torrent fumant
Répercute sans fin sa rumeur éternelle ?…

Et sur tes sombres murs dont la pierre s’encrasse
De fientes d’hirondelle et de sang desséché,
La reverrai-je encore au bord de sa terrasse,
Ses deux poings au créneau, lunaire, se pencher
Vers l’aboiement des chiens et des hyènes voraces ?


Non, je la cherche en vain, silencieusement
Cette ombre au bandeau d’or, plaintive et solitaire,
Cependant que j’écoute encor si, par moments,
Ne jaillit pas, rompu par les croassements,
Le cri terrifié des femmes adultères.

Et pourtant, quelle horreur, quel mouvement divin,
Cirta, prit ta muraille ainsi qu’un front sublime
Lorsqu’évoquant la coupe et le terrible vin
J’ai, tout à coup, jeté dans la nuit du ravin
Le nom de Sophonisbe au silence, à l’abîme…