Le Jardin des dieux/Sous l’œil des hublots/La Danseuse aux bas rouges

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Le Jardin des dieuxEugène Fasquelle (p. 270-271).
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LA DANSEUSE AUX BAS ROUGES



Toi qui sur la table d’un bouge
Dansais devant les matelots,
Si nue avec tes longs bas rouges
Flambant ainsi que des brûlots,

Mais gardant toujours, sous le casque
De tes cheveux bleus trop huilés,
Dans ta lourde pâleur de masque
D’immenses yeux inconsolés,


Brune fille à la peau de cuivre
Sentant le musc et le tabac
Qui, devant tous ces hommes ivres,
Regardais, si triste, là-bas,

Sans voir, à travers les fumées,
Brûler ainsi que des tisons
Les ivresses envenimées
De tous ces traqueurs d’horizons,

Se peut-il qu’un jour je t’oublie
Toi, qui, dans ce bouge empesté,
Mêlas tant de mélancolie
Aux gestes de la volupté !