Le Jardin du Silence et la Ville du Roy/I/Mon Dieu, pour que l’été…

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VI


Mon Dieu, pour que l’été qui vient me soit encore
Parfumé de tendresse et chaud de liberté,
Rendez-moi pur comme vos mains qui m’ont porté
Du silence, un jardin et ce qui le décore.

Si mes désirs ont dépassé votre moisson,
Si j’ai cueilli trop tôt les saisons de ma vie,
Si j’ai livré mon cœur pour qu’il se sacrifie
Pardonnez-moi. Je suis un enfant sans raison.


Coureur de songe et de lumière et de musique.
J’ai l’âme d’une serre et j’ai pris tant de fleurs
Qu’il ne me reste plus qu’un mélange d’odeurs
Et quelques souvenirs de roses impudiques.

Comme un vaisseau qui veut atteindre tous les ports,
Je n’ai fait qu’aborder dans les yeux des rivages.
Mon Dieu, reconnaissez quand même mon visage !
Je n’aurais dû pencher les élans de mon corps

Que sur l’amour du ciel et sur la pénitence.
Pourquoi m’avez-vous fait si chèrement humain,
Puisque dans votre route il est tant de chemins
Et puisque ma faiblesse est un rayon qui danse ?

Je viens à vous, ce soir, car l’eau fraîche des puits
Est heureuse à la gorge avide et desséchée ;
Je viens à vous et ma douleur longtemps cachée
Prends confiance. Entendez-vous le faible bruit

Qu’elle fait ? Oui, je pleure et je sens ma tristesse
Plus lourde de savoir qu’au seuil de mon été
Vous allez m’accorder un peu de pureté
Pour qu’elle me console et que je la délaisse.