Le Jardin du Silence et la Ville du Roy/III/Ô portrait de Granet…

La bibliothèque libre.



IV


Ô portrait de Granet dans ce Musée tranquille
            Comme vous êtes beau !
Si la mort me permet de choisir un asile,
            Si l’éclat d’un pinceau

Me doit perpétuer, je voudrais cette place,
            Dans l’ombre, auprès de vous.
Mon cœur saura tenir dans ce petit espace ;
            Je n’aurai de jaloux


Que ceux dont les amours cherchèrent le silence.
            Dans mon cadre doré,
Mon visage sera celui de la Provence.
            Sur mon front je mettrai

L’éclat rouge des fruits que Septembre m’apporte.
            Mes yeux se lèveront
Vers un clair paysage empli de feuilles mortes,
            Des pins m’entoureront.

Je tiendrai dans mes mains, doucement alanguies,
            Le livre de Ronsard
Qui contient les Amours d’Hélène et de Marie
            Que je relis si tard.

Mais quel ami, Granet, si cher et si fidèle
            Peut m’immortaliser ?
Serai-je, comme vous, d’un Ingres le modèle ?
            Pourrai-je reposer,

Dans mon âme d’enfant et ma jeunesse d’homme,
            Sur un ciel provençal
Que je veux aussi bleu que votre ciel de Rome ?
            Musée provincial,


Musée dont la petite cour chargée de lierre
            Est la cour d’un couvent,
Musée dont le repos est couvert de prière,
            Musée près de Saint-Jean,

Musée dans ses atours, ses couleurs, son or pâle
            Et ses tendres espoirs,
Faites qu’un jour je sois, de l’une de vos salles,
            Celui que l’on vient voir.